Personne ne peut nier que Magic l'Assemblée est un jeu de cartes. On peut en dire beaucoup de choses. C'est le premier JCC, et un des plus gros au monde. C'est un jeu pratiqué par des joueurs amateurs comme professionnels, par des Timmy, des Jenny et des Spike dans le monde entier.
Les échecs sont un jeu, un des plus gros au monde. C'est un jeu pratiqué par des joueurs amateurs comme professionnels, pour se détendre, réfléchir ou gagner, dans le monde entier.
Pourtant, Magic a une grosse différence avec les échecs, Magic n'est pas uniquement un jeu, et ce depuis longtemps maintenant. C'est devenu le cœur d'un ensemble de pratiques et de règles qui occupent sa communauté de nombreuses manières. Magic c'est un jeu, Magic c'est une histoire, à la fois réelle et fictive, et milles histoires de plus à chaque partie, Magic c'est une communauté, dix communautés. Magic est un jeu au cœur duquel flamboie les créations de toutes sortes. Des articles comme celui-ci, des Funcards comme on en trouve sur le site, des vidéos, des fanarts, des altérations, des histoires, des mondes et des personnages, des objets, décoratifs et/ou utilitaires. Au cours de cette série d'articles, je m'approcherais de toutes ces créations et ces manières de créer, parfois seul, parfois aidé d'une personne connaissant bien mieux que moi tel ou tel domaine.
Aide de Sigarda par Howard Lyon
Dans cet article, cependant, je resterais relativement proche du jeu en lui-même. Dans cet article, je vais vous parler de l'acte de création pratiquée par l'intégralité des joueurs de Magic dans le monde (ou presque). Dans cet article, je vais vous parler de la création de deck.
Créer un deck peut être aussi simple que de regarder quelles cartes on a dans une couleur et ajouter une poignée de terrains, et aussi complexe que de regarder les statistiques de victoires d'une liste de tournoi et copier telle quelle la liste qui gagne le plus. On peut remarquer que ces deux extrêmes ne laissent place qu'à très peu de création de la part des joueurs, mais qu'ils sont quand même des expressions de leur part.
Cependant, très peu de joueurs correspondent à ces deux extrêmes. Si on s'approche de ce joueur qui fait avec ce qu'il a, on voit très vite des échanges, ou un choix de couleurs ou de nombre de terrains. Notre netdecker n'aura pas UNE version de la liste qu'il récupère, il devra faire son choix, ou faire ses propres ajustements, rien que dans le top 8 du dernier Pro Tour on a eu pas moins de 5 versions du même deck. Sauf s'il joue dans une meta parfaite, il devra également s'adapter à son environnement.
Sur le papier, la création d'un deck est simple. Constituer une liste des sorts qui fonctionnent ensemble, ajouter des terrains, éventuellement faire une liste des sorts contrant les decks adverses s'il y a besoin d'une réserve. 75 cartes, pof c'est fait.
Dans la réalité pour le joueur moyen, c'est tout à fait différent. Déjà, il faut choisir un format (en général, même les joueurs qui ne mettent jamais les pieds dans un tournoi ont des decks valide en Vintage (ou en Un-Vintage)). Disons que nous choisissons le format le plus joué, le Standard. A la date d'écriture de cet article, le Standard contient environ 1900 cartes, et il est à son plus gros. Au minimum, un Standard aura autour de 1100 cartes. Cela fait environ 200-300 cartes par couleur, plus un petit rab' pour les terrains et l'incolore. Il va donc falloir faire des choix, et par là, créer un paquet de cartes, qui, à défaut d'être unique, vous correspond. Ou pas, mais dans ce cas il est peu probable que vous le gardiez longtemps. La création d'un deck aboutit rarement à la perfection, surtout quand les objectifs et la meta change. Il est facile de repérer les decks qui nous plaisent vraiment, c'est ceux sur lesquels nous revenons tout le temps pour les changer ne serait-ce qu'un poil.
Illusion of Choice par John Severin Brassell
Acte et motivation
Commençons par le pourquoi ? Pourquoi créer un deck ? Les raisons sont aussi uniques que les decks. Des decks peuvent être construit pour jouer contre un ami/petit/grand frère/soeur, pour s'intégrer à un tournoi, pour s'adapter à un groupe, pour le plaisir de la chose, pour gagner contre une ou plusieurs personnes, pour se donner un challenge intellectuel,...
Chaque but amène à une création de deck différente, et le plus souvent à un processus de construction différent. Quelques exemples :
Timmy/Tammy : Il/Elle commence à trop bien connaître ses autres decks, et a envie de changer un peu ses soirées EDH. Il/Elle fait le tour de sa collection et retrouve cette Invocation Cérébrocenseur Avemain qu'il/elle avait ouvert. En se baladant un peu sur internet, il/elle trouve Kanji, gardien des Aérains. Il/Elle trouve un moyen de s'en procurer un, et retourne dans sa collection chercher tout ce qui a « Oiseau » dans la ligne de type. Très rapidement il/elle a un paquet de 100 cartes qui fondront bec, plumes, serres et guano sur les parties d'EDH de sa prochaine soirée. Le deck a plusieurs problèmes, et ils deviennent visible dans les parties. Tammy/Timmy fouillera un peu et trouvera de quoi les corriger. Des problèmes moins importants émergeront, et des nouveaux decks arriveront autour, et le deck continuera de gagner et perdre des oiseaux au fur et à mesure du temps. Finalement, quand Timmy/Tammy s'ennuiera de ses oiseaux, il/elle retournera dans sa collection, et on aura bientôt un nouveau deck.
Kanji, gardien des Aérains par Mark Romanoski
Johnny/Jenny: Il/Elle a remarqué que Timmy/Tammy n'utilisait plus trop son deck oiseau ces derniers temps. Après une discussion, Johnny/Jenny achète ou échange ce deck qui n'intéresse plus Tammy/Timmy. Si jouer un deck oiseau n'intéresse pas Jenny/Johnny plus que ça, mais Kanji a un mot intéressant sur lui : « marqueurs Plume ». Justement, c'est quelque chose qu'il/elle voulait tester, faire un deck marqueur n'utilisant pas les marqueurs +1/+1 ou -1/-1, et un minimum de charge. Il/Elle commence à essayer différentes combinaisons de son côté, notamment avec les différentes cartes permettant de Proliférer, mais proliférer Kanji n'est pas très utile quand on a pas d'oiseau, et ça limite son expressions pour les marqueurs : une recherche n'a révélé que 6 oiseaux, Kanji compris, interagissant avec des marqueurs originaux. Après quelques essais en testant un autre type de cartes, les changements de types de créature, ce n'est pas concluant, malgré la récente Adaptation ésotérique qui a tapé dans l'œil de Johnny/Jenny. Finalement, tant pour l'attrait de couleurs supplémentaires que par efficacité dans le thème, c'est Atraxa, voix des praetors qui dirigera ce deck. C'est moins original que ce que préfère Johnny/Jenny, mais le deck progresse à grands pas avec de nouvelles possibilités dans ces couleurs, et une liste fonctionnelle et jouable en sors bientôt. La construction aura été mouvementée et difficile, mais Jenny/Johnny a désormais un nouveau deck Commander ! Peut-être même qu'il/elle jouera avec un jour !
Magical Hacker par Doug Chaffee
Spike : Entre la rotation et l'addition d'Ixalan au Standard, la metagame est grande ouverte, et même les pros ne sont pas sûr de quoi jouer, comme le montre le pro tour le plus récent. C'est l'occasion de percer ! Si Spike n'envisage pas encore d'embrasser la vie de Pro, il/elle a bien envie de se mesurer à des adversaires désorientés au prochain PPTQ, mais ce n'est pas pour autant qu'il/elle doit jouer un deck sous-optimal. Il/elle rassemble un petit groupe d'amis, son équipe, et passe le prochain week-end à tester différents build en proxys ou sur un logiciel. En tant qu'adversaires, ils utilisent les listes qui paraissent efficaces qui apparaissent sur Internet de temps en temps. Une ou deux de ces listes attirent son œil ou celui d'un(e) de ses coéquipiers. A la fin du week-end, l'équipe a choisi ses decks, et ses membres iront jouer avec d'autres decks dans la boutique locale la semaine, histoire d'essayer de jauger ce qu'il y aura en face, et d'ajuster les decks en conséquence. Des événements arrivent ici ou là, et de nouvelles listes sont postés, et l'équipe continue de les surveiller.
Étude attentive par Scott M. Fischer
Ces trois exemples explorent des méthodes de construction et de tests différentes, mais ne font qu'effleurer la surface des façons différentes que les joueurs peuvent avoir de construire un deck, et des motivations les y amenant.
Construire un deck : le schéma classique
Je ne prétend pas détenir la vérité absolue sur la construction de deck, ni d'ailleurs être particulièrement compétent dans la matière. Même si j'étais le meilleur deckbuilder au monde, il me faudrait bien plus qu'un cours article de quelques milliers de mots pour vous transmettre cette sagesse fictive, il y a littéralement eu des livres entiers écris sur le sujet. Ce que je peux faire cependant, c'est vous donner un schéma très général de la construction de deck, agrémenté de quelques outils, méthodes ou personnes compétentes. Les quelques paragraphes qui suivront supposeront que vous avez accès à toutes les cartes, et que la construction est un exercice théorique. Vous pouvez pondérer chaque phrase par « Et regarder les cartes que vous possédez déjà, pouvez échanger ou autrement obtenir par des méthodes qui vous semble raisonnables »
Auto-assembleur par Noah Bradley
La première étape dans le développement d'un deck est l'idée. Elle peut venir seule, être recherchée ou être imposée. Créer un deck se fait en général en suivant un axe, un objectif. On peut partir de sa condition de victoire ou de sa stratégie, mais pour avoir un deck plus ou moins fonctionnel il faudra une idée de départ. Pour avoir cette idée de départ, chacun à sa technique, qu'elle soit spontanée en voyant une carte, ou en regardant des cartes aux hasard, ou en suivant une restriction d'un Deck Building Contest, en regardant quels decks ont eu des bons résultats, en essayant de se rappeler ce que jouait ce type à la boutique l'autre soir qui paraissait fun, ou en lançant 2d20 pour un numéro d'extension et 1d100+4d20 pour le numéro de collection, avec un modificateur en fonction des phases de la lune et du jour de l'année vénusienne. Il est probable que vous déterminiez dès maintenant le format dans lequel vous voulez que le deck soit jouable, ou le type de deck que vous voulez créer (un deck compétitif, compétitif mais tier 2,5, pour le fun, un deck Vorthos, ou n'importe quelle nuance ou combinaison).
Muni de votre idée, vous allez pouvoir commencer la construction. Fonctions de vos opinions sur le sujet du netdecking, vous allez également pouvoir regarder entre pas du tout et prendre une liste qui vous plaît sans la changer si d'autres ont déjà expérimenté dans ce domaine, ce qui est probable. Il y a BEAUCOUP de joueurs de Magic. En sortant de là, vous aurez soit une liste de carte qui peut être un canevas autour duquel vous allez construire, soit une liste déjà bien complète qu'il faudra modifier. Il est possible qu'aucune des cartes que vous n'ayez à cette étape ne se retrouve dans la version complétée du deck.
Pour avancer dans la création du deck, il va vous falloir choisir vos cartes, et trouver vos options. Si il est relativement facile de faire le tour des choix dans un format tel que le Standard, les formats plus ouverts disposent de milliers ou dizaines de milliers de cartes. Le Modern, le second format officiel, juste derrière le Standard, dispose actuellement de 11084 cartes ! Pour trouver les cartes qui peuvent vous intéresser, de nombreux outils de recherches sont disponibles, de l'outil de recherche de la Secte à celui du Gatherer en passant par de nombreux intermédiaires. En règle générale pour utiliser ces outils au mieux, le plus simple c'est de d'abord connaître une carte à effet similaire, et copier une partie unique de son texte de règle qui correspond au genre d'effet qu'on cherche. Il y a aussi la méthode de demander à d'autres joueurs, qui a l'avantage d'être moins exhaustif mais aussi plus ouvert que la méthode informatique.
Si vous aimez les nombres, de nombreux outils sont à votre disposition, de choses comme deckstats.net, TappedOut et une ribambelle d'autre dont je ne ferais pas la liste complète. En plus d'avoir des chiffres, ces sites offrent aussi d'autres outils, comme du goldfishing un peu plus développé (ou même contre un autre deck!) pour tapped out ou des calculateurs à probabilité hypergéométrique pour deckstats.
Vous avez également à votre dispositions certains des plus grands deckbuilders de Magic, ou des chiffres bruts. Frank Karsten est connu entre autres pour ses analyses mathématiques des différents aspects de Magic, vous avez aussi accès à des deckbuilders de tout le spectre de motivations, de gens créant des decks originaux et nouveaux à des personnes raffinant un archétype connu à la recherche de la moindre amélioration.
Nombre de sources colorées nécessaires pour avoir accès à 1, 2 ou 3 manas de cette couleur au tour indiqué dans 90% des cas par Frank Karsten
Normalement, vous avez déjà une première liste. Cette liste va devoir être mise sous l'épreuve du feu. C'est l'étape des tests. Il existe plusieurs méthodes de test, la plus basique, et souvent la moins informative, est le Goldfish, ie, jouer sans adversaire. Le problème c'est que l'interaction avec l'adversaire est souvent la partie la plus importante d'un match, sauf pour des decks très spécifiques. Les meilleurs tests sont contre d'autres joueurs, avec les decks que vous pensez rencontrer.
On rentre maintenant dans un cycle de reconstruction et d'adaptation perpétuelle. L'environnement, le format ou même vous changerez au fur et à mesure des innovations et des sorties d'extensions. Un deck peut mourir, mais le plus souvent il pourra être modifié. Certains decks de Standard ont évolué et ont changé les 60 cartes du decks à de multiples reprises, faisant le tour de toutes les couleurs au passage, au cours des ans, mais sont quand même un seul deck en évolution (bon, d'accord, reconstruction) continue.
Partager/trouver les créations
Bon, sur ce point et sur ce sujet, je ne serais PAS exhaustif... Il existe plus de site qui permettent de rentrer ses decks que je ne puis me souvenir. Il y a ici, la SMF, où vous êtes invités à poster vos decks si vous avez envie de nous les partagers, mais aussi des sites spécialisés. J'ai mentionné précédemment Tappedout et deckstats plus tôt mais on a aussi des sites comme MtgGoldfish, MagicVille, Magiccorporation pour des français, et bien d'autres que j'oublie... Partager un deck permet d'afficher son talent de deckbuilder et/ou de chercher les avis et améliorations qui pourraient être apportées par d'autres joueurs qui ne sont pas locaux. Un deck peut accrocher l'oeil d'une autre personne, et servir d'idée et de base à quelqu'un d'autre, perpétuant le cycle de création. Différents sites auront différentes communautés et différents types de retours.
Cependant, ce n'est pas le meilleur moyen de partager un deck, pour partager un deck, le mieux, c'est de le jouer. Vous offrirez cette expérience à vos adversaires, ils peuvent, ou non, l'apprécier, en fonction des types de decks et des joueurs, mais jouer contre votre deck leur permettra de tester leurs decks à eux
Découverte partagée par Ryan Pancoast
Magic est un jeu de deckbuilding, et il y a des raisons pour que le draft soit une des façons de jouer les plus appréciés des joueurs. Quelque soit la méthode ou la raison de sa construction, un deck est l'expression de ce qu'un joueur aime dans Magic, et il n'existe pas de création plus commune que celle de cet arsenal de sorts et de terrains. Si beaucoup se sont étendus sur les meilleurs moyens de construire les meilleurs/plus fun/plus bizarres mais fonctionnels/autre decks possibles, je pense qu'il faut parfois reculer un peu et prendre le temps de réfléchir non sur la manière, mais sur l'art.
Comme je le répète assez souvent, je ne suis qu'un amateur dans beaucoup de domaines, et le deckbuilding en est un, si vous voulez proposez de plus éclairés conseils, je vous invite à le faire dans les louanges.