Suivant la tendance amorcée par M10, à savoir une sortie d'édition de base tous les ans au lieu de tous les deux ans, et des cartes inédites au lieu de se limiter à des rééditions, M11 ressemble beaucoup à la précédente. Le symbole d'extension est quasiment le même, et on retrouve les bords noirs introduits par la Xème édition, qui semblent définitivement adoptés. Si les grandes lignes sont comparables, l'édition se démarque tout de même de son aînée par plusieurs aspects.
Le plus visible a sans doute été l'introduction de cartes rattachées à des storylines particulières dans l'édition. Là où M10 se cantonnait à un univers de fantasy très général, et ne mentionnait (presque) nul part des noms où des lieux de plans particuliers, M11 contient des références à Naya (Mantra d'Ajani), à la légion Boros de Ravnica (Condamnation), à Bénalia (Phalène au halo doré), aux événements de Spirale Temporelle qui ont frappé Dominaria (Cancrix cuirassé), à Sardie (Cerbère ardent), à Akoum sur Zendikar (Tunnelier gobelin), à Mirrodin (Berserker vulshok), à la divinité Gaia de Dominaria (Vengeance de Gaia) ainsi qu'aux forêts dominariannes de Llanowar (Elfes de Llanowar) et de la Yavimaya (Guivre de la Yavimaya) dans les noms et les textes d'ambiance. L'idée est peut-être d'ouvrir un peu l'horizon des joueurs ayant rejoint le jeu avec M10, et d'exciter leur curiosité pour s'intéresser à autre chose qu'aux éditions de base... (on peut cependant noter que les textes d'ambiances font également référence à de nombreux personnages et lieux qui n'ont pas (encore ?) été rencontrés dans les extensions)
De façon assez comparable, les arpenteurs de Lorwyn reviennent, et chacun a dans sa couleur deux cartes portant son nom (Le planeswalker blanc, Ajani Crinièredor, est accompagné du Mantra d'Ajani et du Frère de bande d'Ajani par exemple). Leurs effets sont très classiques pour les couleurs (points de vie en blanc, pioche et meule en bleu, défausse en noir, blast en rouge et grosses bêtes en vert) et entrent souvent en synergie avec les capacités du planeswalker associé, ce qui aide à montrer l'importance de ces personnages au cœur du jeu.
Parmi les nouvelles cartes, beaucoup sont fonctionnellement similaires à d'autres, comme en M10, mais certaines ont été nettement améliorées. Notons l'Experte de l'Æther, copie de Physalie demandant un mana coloré de plus, mais au type de créature plus facile à ajouter à un deck bleu, la Caresse selon Liliana qui est une Céphalalgie moins chère, et le Hibou de l'augure, un peu meilleur que le célèbre Hibou savant. Profitons-en pour remarquer la présence dans cette édition de base de l'action à mot-clé Regard qui n'était apparue pour le moment que dans les extensions Sombracier et Vision de l'avenir. D'après WotC, ce mot-clé n'est pas destiné à devenir evergreen mais apparaît simplement ponctuellement dans Magic 2011. Du coup, il est possible que d'autres mot-clés qu'on croyait oubliés (par exemple, le flashback ou le rappel) réapparaissent dans l'avenir au sein des éditions de base suivantes.
Les Lignes ley, enchantements de Ravnica pouvant être mis en jeu au début de la partie si on les a en main de départ, reviennent, mais seule la noire (Ligne ley du vide) est identique, les autres ont des effets différents.
Certaines cartes sont assez surprenantes, comme réverbérer, qui est très proche de Fork alors que celle-ci est sur la Reserved List (mais qui contrairement à l'original ne change pas la couleur du sort copié, ce qui a astucieusement permis au concepteurs d'outrepasser les limitations de la dite liste), la Shamane de la faune qui est une version créature de la Survie du plus apte, ou l'Obscure tutelle, version enchantement de l'Obscur confident. Notons aussi la curieuse Piqûre de frelon qui donne au vert des dégâts directs (ce qui ne s'était pas vu depuis les Abeilles de l'Ounyaro, elles-mêmes clin d'œil à la Piqûre de l'abeille de l'Ounyaro). Bien sûr, il y a aussi beaucoup de cartes qui sont vraiment nouvelles, et dans l'ensemble l'édition ne s'en sort pas trop mal, avec assez peu de boues injouables.
Parmi les rééditions, à part les arpenteurs, un bon nombre sont des cartes qui étaient nouvelles en M10, Ange pourfendeur en tête. On retrouve notamment les bilands de M10 (Sommet du Crânedragon, Catacombes noyées, Forteresse glaciaire, Mont enraciné et Bosquet de Solpétal), et non pas leurs équivalents dans des couleurs ennemies comme certains le supposaient. Notons aussi des cartes des blocs récents, la plus remarquable étant peut-être Jour de condamnation qui remplace la Dépuration planaire dans le rôle de la Colère de Dieu 2.0. Seules deux cartes présentes dans toutes les éditions de base jusqu'en M10 ont été réimprimées en M11 : la fameuse Croissance gigantesque, et l'Araignée géante.
Comme en M10, le blanc et le vert s'en tirent bien, au point que les tournois scellés ont vu beaucoup de decks de ces couleurs s'affrontant en match-miroir. Le noir et le bleu tirent assez honorablement leur épingle du jeu, le bleu étant un peu meilleur que l'an dernier (en partie grâce au regard). Par contre, le rouge est assez faible, en tous cas en limité (et malgré la présence de Foudre). Peut-être le résultat d'une volonté de diminuer l'hégémonie des decks Jund et Red Deck Wins sur le Standard ? Ce dernier archétype gagne cependant une ligne ley sur-mesure (Ligne ley de supplice) à rentrer contre ses ennemis Ange pourfendeur et autres Marcheur de feu kor.
Au niveau des règles, les changements sont heureusement beaucoup moins importants que ceux de M10 (qui, avec un peu de recul, ont l'air de tenir la route même si un an après, on entend toujours les mécontents râler), mais M11 a la bonne idée de corriger une maladresse au niveau de la gestion des blessures avec le Contact mortel. Là où M10 avait dû se contenter de créer une exception aux règles, M11 redéfinit le Contact mortel pour que chaque blessure soit considérée comme létale. Du coup, plus besoin d'une grosse rustine pour contourner "l'effet couloir" d'attribution des blessures, et accessoirement la combinaison Piétinement + Contact mortel devient très intéressante.
Côté version française, nos traducteurs nationaux nous prouvent une fois de plus qu'ils sont capables du meilleur comme du pire (mais que c'est dans le pire qu'ils sont les meilleurs). Autant la petite liberté prise sur le texte d'ambiance de la Légion pourrissante fera sourire n'importe quel amateur de gauloiserie et de potion magique, autant l'ignoble (et erronnée) traduction du nom de Serra Ascendant me fait encore pleurer des larmes de sang (pour l'info, si on traduit les termes dans le bon sens, on tombe sur Ascendant de Serra et non pas... la chose qui est marquée sur les cartes, voir Incarmal en devenir et Erayo, ascendante soratami pour références.) On n'échappe pas non plus cette fois-ci au cortège de petites bourdes dans les textes d'ambiances (Celui de la Phalène au halo doré nous apprend par exemple que les Bénalians ont décidé de changer l'orthographe de leur nom) ni (plus grave) à la faute dans le texte de règles sur le Chef de meute de Garruk (qui se compte lui-même en VF puisqu'on a oublié un "autre" dans son texte)
Ce millésime 2011 est donc une suite cohérente à M10, corrigeant ses erreurs et élargissant un peu son horizon, le tout avec un bon niveau moyen des cartes, et peut-être moins d'écart entre les spoilers mythiques monstrueux et les communes et uncos. L'ensemble est assez agréable, même si en limité les combinaisons de couleurs gagnantes sont assez évidentes et peuvent mener à une certaine répétitivité.
En plus des cartes déjà évoquées dans cet article, on peut retenir :
- Ange pourfendeur (oui bon, on l'a déjà évoquée dans l'article celle-là, mais elle est tellement broken que je la remets ici)
- le cycle des Titans mythiques (Titan solaire, Titan de givre, Titan des tombes, Titan de la fournaise et Titan primitif) qui combinent chacun une force/endurance de 6/6, une capacité statique typique de leur couleur et une capacité déclenchée par leur arrivée sur le champ de bataille et leur attaque pour un coût de mana abordable de 4CC. L'avenir nous dira ce qu'on peut en faire en construit, mais certains d'entre eux coûtent déjà les yeux de la tête.
- un cycle de seigneurs tribaux rares (Archétype de chevalier, Souveraine ondine, Vampire captivant, Chef de clan gobelin et Archidruide elfe) parmi lesquels on retiendra principalement les petits nouveaux : l'étonnant seigneur des chevaliers et le seigneur des vampires qui a priori remplace le Vampire nocturnus (et donc sonne le glas de tout espoir de compétitivité pour les decks vampires)
- le retour de fuite de mana, enfin un contresort au rapport qualité/prix correct
- boule de cristal et épée de la vengeance (référence évidente à Akroma, ange de la colère), deux first picks incontestables en limité
- la réédition/complétion du cycle des anti-couleurs ennemies (Epuration céleste, Gel immédiat, Mortemarque, Combustion, Voile de l'automne), et notamment la rouge, qui est visiblement là pour cramer de l'ange pourfendeur
- le maintien de foudre, lame du destin, pacifisme et des oiseaux de paradis, qui semblent s'établir comme de nouveaux piliers de l'édition de base
- la "messe rouge" pour : Rituel pyrétique
- l'absence de Cercle de l'oubli et de Chemin vers l'exil qui va compliquer la vie des mages blancs (qui devront se rabattre sur Condamnation, voire Excommunication)
- le (re)passage des effets de redirection du rouge au bleu (Déflexion qui était devenue Détournement revient sous la forme de Redirection) alors que les effets de copies de sorts (re)passent du bleu au rouge (Fourche qui était devenue Jumelance revient sous la forme de Réverbérer). Le texte d'ambiance de Réverbérer est d'ailleurs sûrement une référence à cet intriguant phénomène.
- le retour de Clé voltaique, qui annonce des interactions sympa avec les artefacts dont devrait être farci le prochain bloc (puisqu'il se passe sur Mirrodin), ainsi que d'autres artefacts puissants : Triskèle, Djaggernaut et autre Ange de platine
- les Squelette réassemblable qui remplacent les Squelettes serviles, mais avec un potentiel de combo bien plus élevé.
Enfin, cet article ne saurait être complet sans une mise en garde contre les chats. Je ne parle pas ici des sympatiques léonins comme Ajani Crinièredor ou des inoffensifs lions 2/2 comme le Lion à fourrure argentée, mais bien des chats domestiques (Felis silvestris catus), et en particulier des lolcats (Felis silvestris lolcatus interneti memus). Ces chats ne sont pas seulement des branleurs qui passent leurs journées à jouer au babyfoot en bouffant du kwiskas, ils cherchent également à dominer le monde en rependant des images mignonnes sur Internet et s'attaquent désormais à Magic, via la carte Rapetissement.
La preuve en image :
Merci à Thorgor et Lord Rhesus