Mornebrune. Impasse. (Histoire secondaire) - Magic the Gathering

Mornebrune. Impasse. (Histoire secondaire)

Mornebrune. Impasse. (Histoire secondaire)

Le grand soleil a été englouti. Ne reste au plan de Shevara qu’une obscurité appelée à durer, en dehors de la Maison.

  La storyline de Magic / Mornebrune : la Maison de l'Horreur

Le grand soleil a été englouti. Ne reste au plan de Shevara qu’une obscurité appelée à durer, en dehors de la Maison.

  La storyline de Magic / Mornebrune : la Maison de l'Horreur



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le , par Drark Onogard
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Le grand soleil a été englouti. Ne reste au plan de Shevara qu'une obscurité appelée à durer, en dehors de la Maison.

Vous trouverez l'article original, de Mira Grant, ici. Si vous voulez une petite présentation du plan, rendez-vous sur le Guide du Planeswalker. Et n'hésitez pas à jeter un œil aux autres histoires, ici, ici et  !

Mornebrune. Impasse. (Histoire secondaire)



Le matin se levait ; le plus petit des deux soleils s'élevait seul dans le ciel occidental, faisant ce qu'il pouvait pour repousser l'obscurité omniprésente. Le grand soleil avait disparu depuis des mois, avalé par ce... cette chose horrible qui avait poussé depuis la ville. D'après ceux qui avaient réussi à fuir l'influence de la ville, ce n'était qu'une maison au départ, aussi simple et artificielle que toute autre. Elle avait eu des murs, des plafonds, des fenêtres, un toit. Peut-être avait-elle toujours ces éléments, toutes ces choses qui feraient dire à quiconque que c'est une maison. Mais si c'était le cas, la Maison ne les exposait plus.

Oh, la Maison avait des fenêtres, ces yeux de verre qui s'ouvraient et se fermaient le long de son corps, semblant observer les quelques abris étroits qui demeuraient du monde naturel. Et elle avait des murs, dans la mesure où un mur n'est rien d'autre que la distinction entre une chose et une autre. La peau est un mur, à bien y regarder.

Shevara se tenait debout dans l'un des hêtres antiques et rêveurs, comptant les fenêtres qui renvoyaient sur le paysage la pâle lumière du petit soleil. La Maison l'observait avec un calme, un silence menaçants. Personne ne l'avait jamais vue bouger. D'où la nécessité des tours de garde. Ils perdaient vue du grand édifice la nuit, quand même les feux de signal ne pouvaient permettre de la voir sous tous les angles, mais le jour, ils pouvaient reprendre leurs points d'observations et leurs tours, ils pouvaient garder les yeux ouverts, ils pouvaient compter les fenêtres inscrites dans la peau de la Maison, les utiliser pour essayer de deviner la direction dans laquelle elle essaierait de s'étendre.

Tout était arrivé si vite. Quand tout cela avait commencé, à peine quelques années auparavant, les elfes du Bois de Rotrue y voyaient une maladie de la ville, née dans la ville, avalant la ville pour ses crimes contre le monde nature. Assurément, l'horreur qui gonflait à leurs frontières s'arrêterait quand elle aurait fini d'engloutir ceux qui l'avaient construire. Assurément, elle ne s'approcherait pas plus des anciens arbres enchevêtrés.

Et pour un temps, elle s'était comportée exactement comme ils l'attendaient. Elle avait avalé la ville et puis s'était étendue vers l'extérieur, suivant les routes, les rails, les grandes voies vers des territoires fertiles. Les elfes des autres bois avaient envoyé un message : la Maison pénétrait leur territoire, couvrait les montagnes, engloutissait la mer. Ils avaient prévenu les elfes de Rotrue, encore et encore. « Vous n'êtes pas en sécurité. » La Maison arrivait.

Un à un, les avertissements avaient cessé, leurs messagers disparu du ciel, les messages envoyés ne revenaient pas. Les elfes de Rotrue étaient peut-être les derniers à vivre hors des murs de la Maison. C'était une pensée terrible, et Shevara vacilla, perdant presque le compte des fenêtres. Être les derniers elfes du monde entier... c'était une horreur impossible à entrevoir, une idée trop terrible à porter.

Mais elle le devait. Tous le devaient. S'ils étaient tout ce qui restait du monde naturel, alors ils tiendraient la tête haute et se souviendraient que la vie vainc toujours, finalement. La mort et la décomposition étaient naturelles, et d'elles, une nouvelle vie commençait. La Maison ne pouvait les vaincre tant qu'ils s'accrochaient au cycle.

Cela faisait un an que durait ce que Shevara ne pouvait nommer qu'un siège, que la Maison avait dressé une haute, terrible tour dans le ciel, une chose fusiforme, ponctuée de verre, plus grande qu'aucun arbre au monde, perçant les nuages. Une fenêtre de la tour s'était ouverte, béante, si grande qu'elle était visible même du sol, et puis elle s'était fermée, et le grand soleil n'était plus, laissant le petit soleil briller seul, ce qui n'avait jamais été prévu.

La Maison était une entité protéenne, en constant changement. Pour un temps, la lumière du grand soleil brillait à travers les murs de la tour, jusqu'à ce que peu à peu la tour l'ait tiré de plus en plus proche du sol, l'absorbant dans le corps de la Maison. Jusqu'à ce qu'enfin, un jour, il n'y ait plus de tour, ni la lumière du grand soleil, et l'obscurité éternelle fut tout ce qui restait au-dessus de leurs têtes.

Les derniers réfugiés de la ville étaient arrivés ce jour-là, blessés, essoufflés, clopinant pour trouver la sécurité des arbres avec les quelques possessions qu'ils avaient réussi à sauver serrées dans leurs bras. Les chefs du clan y étaient allés pour les rencontrer, et expliquer les termes du sanctuaire.

« Quel que soit ce fléau, la ville se l'est apportée à elle-même, » avait dit tonné le roi d'une voix creuse et pâle à cause de ces mois de terreur et de privation. Les plantations ne poussaient pas sans la lumière du grand soleil, et les proies de la forêt étaient de plus en plus faméliques et dures à attraper. Les ressources manquaient, et le roi ne mangeait qu'une fois que les plus vulnérables avaient été nourris. « Pas de machines. Aucune de vos créations brillantes. Elles sont interdites au milieu de nos arbres. »

Certains des réfugiés avaient protesté, comme toujours. Ils aimaient leur confort et la preuve de leur ingéniosité. Ils aimaient se sentir meilleurs que le monde qui les entourait. Eh bien, voici ce que leur amour avait apporté. Le roi avait tenu bon, comme toujours, et à la fin, rares sont ceux qui risquèrent de se faire avaler par la Maison plutôt que de laisser leurs jouets à l'orée de la forêt. Le reste avait abandonné ses machines interdites et rejoint les elfes dans la verdure déclinante, et grâce à eux, on apprit bien des choses sur la Maison, puisqu'ils étaient ceux qui avaient survécu le plus longtemps sur son terrain de chasse.

Elle avalait le monde autour d'elle comme un champignon recouvre un fruit pourri, se répandant d'abord sur la peau avant de dévorer le cœur, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de la forme originelle. Ses premières incursions étaient parfois architecturales et étranges ; une porte là où aucune n'aurait dû se trouver, un cadre de fenêtre emmêlé aux branches d'un arbre ; une plinthe sans mur. Mais ces éclats de la Maison commençaient à voir pousser des pièces autour d'eux, et ce qu'elle encerclait, elle le possédait.

D'autres signes étaient moins clairs, mais pas moins dangereux. Des papillons de nuit volant en plein jour, des ailes aux motifs dignes d'une dentelle ou de flocons de neige. Des enfants humains qui apparaissaient de nulle part, sans personne pour les superviser, jouant à se taper les mains ou à la corde à sauter, qui chantonnaient des menaces. Les enfants étaient le pire signe de tous, d'après les réfugiés ; si vous les voyiez, la Maison était presque sur vous, comme une vipère pêcheuse qui ne pouvait s'empêcher de faire miroiter son leurre pour une proie déjà bien empêtrée.

Shevara finit de compter : le nombre de fenêtres était le même que la nuit dernière, mais plus concentré vers le nord, et elle descendit au sol, sautant sans mal de branche en branche. La Rotrue était peut-être la dernière forêt libre du monde, mais elle était toujours belle. Les arbres avaient toujours empêché la majorité de la lumière d'atteindre le sol ; les plantes qui y poussaient avaient l'habitude de vivre dans les ténèbres, déployant fleurs et fruits quoiqu'entourées d'ombres. Et même si la chasse n'était pas bonne, elle suffisait. Les druides s'en assureraient. Et la forêt les nourrirait, comme elle les avait toujours nourris, et la Maison, sans rien à conquérir, deviendrait pour sûr un lointain souvenir.

Elle était encore à quelques branches du sol de la forêt quand elle se mit à entendre des battements de main en rythme inhabituels. Ses poils de la nuque se dressèrent, la chair sur ses bras fut prise de crampes. Elle frissonna, et commença à se diriger vers l'origine du son, avec plus de lenteur qu'auparavant. C'était une guerrière de la Rotrue. Elle avait une responsabilité envers son clan.

D'un regard descendant, elle vit un petit cercle d'enfants humains, cinq au total, habillés en vêtement d'été, trop légers pour le froid du moment, portant sur leurs visages des expressions de concentration tandis que chacun frappait les mains des deux enfants à côté, selon un dessin complexe.
Toc, toc, toc à la port' cachée,
Elle s'est enfin montrée.
Ell' prend ses victim', deux, trois, quatre,
Rien ne sert de se débattre.
Toc, toc, toc à la porte qu'a faim,
Ne déguerpis pas enfin.
Tu verras c'qu'elle a dans l'ventre,
Il suffit just' que tu y rentres.


Les enfants. Le sang de Shevara se glaça, la peur devenue une emprise physique. Si les enfants étaient là, alors la Maison était dans la forêt. Ils avaient manqué quelque chose. La garde, ou les patrouilles journalières à la frontière, avaient manqué quelque chose.

Shevara saisit la branche la plus proche, s'élançant plus haut dans l'arbre, puis elle commença à courir à travers les arbres, préférant la vitesse au silence. Brindilles brisées et feuilles froissées marquaient sa progression jusqu'au centre de la Rotrue, jusqu'à ce qu'elle s'effondre à la limite du cercle des anciens, tombant immédiatement en une révérence respectueuse, un genou contre la bonne, l'honnête terre, l'autre lui permettant de reposer son front. Elle se mettait en position de suppliante devant la forêt, dans le seul espoir que la forêt la protège.

« Shevara ? » La voix du roi, incertaine, empêchée. « Tu t'agenouilles devant moi, ma fille ? Qu'est-il arrivé ?
– La Maison. » Elle leva la tête. « La Maison est dans la forêt. J'ai vu les enfants qui jouent à taper des mains, dans une clairière proche de l'orée ouest. On a manqué quelque chose. La Maison est là.
– La Maison n'oserait jamais, la rassura-t-il en lui offrant sa main pour se relever. Nous sommes aimés par les arbres, et aucune des graines de la ville n'a été portée si loin.
– On a manqué quelque chose, insista-t-elle. La Maison est là.
– Paix, mon enfant, paix ! soupira-t-il. Nous attendrons que les autres éclaireurs reviennent pour voir combien d'entre eux ont vu la Maison.
– Mais sire...
– Nous attendrons. »
Il la tira avec lui dans le cercle, et elle s'assit, écrasée de savoir qu'elle avait accompli son devoir et été récompensée par l'indolence, alors qu'elle savait ce qu'elle avait vu. Les arbustes enchevêtrés autour d'elle semblaient soudain plein de formes qu'elle ne pouvait expliquer – un cadre de portes, les quatre angles d'une fenêtre. Frissonnant, elle s'entoura de ses bras et détourna le regard.

Un à un, les autres éclaireurs revinrent. Aucun n'avait vu quoi que ce soit de pareil à ce qu'elle avait rapporté. Tous étaient nerveux, tous tressaillaient et regardaient derrière eux en se rassemblant, se frottant les bras comme pour chasser le froid. Un jeune chasseur s'arrêta près de Shevara, et elle se pencha vers lui, lui demandant : « Es-tu sûr de n'avoir rien vu ? »

Il la regarda avec des yeux écarquillés de poulain effrayé et se précipita pour se tenir avec les autres.

Le roi revint vers elle, le regret couvrant son visage. « Shevara...
– Je sais ce que j'ai vu ! » Elle se leva au moment de dire ces mots, comme si la hauteur pouvait lui donner de l'autorité. « La Maison est là !
– La Maison ne sera jamais là, répéta-t-il. Nous avons des arbres forts pour nous protéger, et aucune souillure de la ville sous notre canopée. Calme-toi, de peur que tes cauchemars ne se réalisent. »

Elle ne pouvait être comprise ici. Shevara serra les poings et détourna son visage avant de pouvoir faire preuve d'irrespect envers son roi, ce qui serait une honte ultime pour elle.

Les éclaireurs de la journée étaient à leurs postes. Les éclaireurs de l'aube étaient tous revenus. Quand ils commencèrent à faire les rapports de la nuit elle s'éclipsa dans le fouillis des buissons. Elle savait ce qu'elle avait vu. Elle savait ce qui arrivait. Mais personne n'allait l'écouter.

Après avoir marché un temps, elle les vit, un autre cercle inopiné d'enfants humains, leurs visages tournés vers la terne lumière qui filtrait au travers des arbres, les yeux fermés et les mains frappant assez vite pour constituer un brouhaha.

Il y avait un' maison tout près,
Il n'y eut plus d'maison après.
Morn'brune étendait son étreinte,
Ell' suivait la peur et la crainte.
Ell' la mangea de bas en haut
Ell' mangea les murs et carreaux,
Ell' mangea l'toit – un' fois fini,
Ell' me mangea moi aussi.
Mais la Maison a toujours faim :
Bientôt tu seras dans son sein.


Au dernier mot, ils ouvrirent les yeux tous ensemble et l'un d'entre eux se tourna vers Shevara, silencieux parmi les arbres. Elle recula, puis se retourna et courut tandis que les battements reprenaient.

Elle revint au cercle des anciens pour le trouver calme et silencieux, les chasseurs et le roi assis, affalés, les yeux clos, des papillons de nuit dans les cheveux. Elle courut auprès du roi, éloignant avec fureur les papillons, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus, et le roi lui saisit les bras et dressa la tête.

« Shevara ? l'appela-t-il l'air confus. Qu'est-ce... ?
– La Maison est là, » dit-elle, étranglée par la résignation. Elle montra les chasseurs immobiles autour d'eux, les papillons de nuit endormis dans leurs cheveux. « C'est trop tard. Nous étions la dernière forêt dans le monde, et nous avons perdu. La Rotrue est tombée. »

Le roi se redressa, la retournant afin que le dos de Shevara soit contre le torse du roi, et il entoura sa taille de ses bras, la serra fort tandis que le filigrane délicat du bois couleur d'argent qui avait commencé à pousser autour d'eux se tisse en une tour au-dessus d'eux, l'espace entre les branches commençant déjà à se remplir de panneaux de verre, pendant que la Maison construisait sa verrière, qui contiendrait les derniers des elfes. La lumière du soleil à travers le verre créerait un été artificiel ; l'hiver ne viendrait jamais. Le cycle était rompu, le monde perdu, la Maison avait vaincu.

Les murs se renforcèrent. Le verre s'épaissit. Les elfes de la Rotrue rejoignirent les autres survivants, s'efforçant de survivre dans les murs de la Maison, et la Maison était le monde, et le monde était contenu dans ces halls, ces salles, comme dans une main cruelle, prête à se refermer.

Personne ne remarqua le jour où la Maison engloutit le petit soleil.

Personne n'était dehors pour le voir.

Alors c'était comment ?

     
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Le caleçon à pois est son drapeaaau
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—Les carnets de voyage de Gérard de l' Akilékon, Hymne de l'équipage (extrait)

Proposé par Dark Mogwaï le 19/06/2012

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