Les vieux contes : L'Oracle d'Ephara - Magic the Gathering

Les vieux contes : L'Oracle d'Ephara

Les vieux contes : L'Oracle d'Ephara

Choisie par les dieux, Iris se trouve enfin à un carrefour existentiel : le destin ou la liberté, qui donc vaincra ?

  La storyline de Magic / Theros

Choisie par les dieux, Iris se trouve enfin à un carrefour existentiel : le destin ou la liberté, qui donc vaincra ?

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le , par Drark Onogard
659

Choisie par les dieux, Iris se trouve enfin à un carrefour existentiel : le destin ou la liberté, qui donc vaincra ? Vous trouverez l'article original ici.

Les vieux contes : L'Oracle d'Ephara



Iris, l'Oracle d'Ephara, se pencha en avant dans le fauteuil en bois et sonda la table d'appoint jusqu'à ce qu'elle touchât du bout des doigts le vase d'argile dans lequel boire. Elle souleva précautionneusement la coupe jusqu'à ses lèvres, une légère tache pourpre restant sur ses lèvres alors qu'elle tentait de replacer la coupe sur la table.

« Je ne veux pas courir et me cacher comme un faon, dit-elle. Si nous allons prévenir la guerre contre ceux qui ont le soutien des autres dieux, alors je dois être là pour interroger les captifs. Tu sais que mon don de prévision ne provient que du toucher. Je ne peux aider si je me cache au loin.
– Les agents de l'ennemi ont infiltré la ville, » dit Perisophia, l'actuel chef du conseil de philosophes au pouvoir, connu sous le nom des Douze. Les Douze étaient réunis en cercle au centre du grand hall du gouvernement. Iris pouvait entendre leurs voix résonnant sur les massifs piliers de marbre qui s'étiraient jusqu'au dôme loin au-dessus de leurs têtes.
« Si vous êtes capturée ou tuée, continua Perisophia, vous ne serez d'aucune aide pour Mélétis ou Ephara. Si nous devons éviter les conflits ouverts parmi l'humanité, nous devons aussi empêcher que les factions loyales à Purphoros ne les provoquent. Nous en avons discuté avec le Temple et avons convenu que vous seriez placée à la garnison de Soli, où vous serez en sécurité jusqu'à ce que nous vous appelions. La décision est sans appel.
– Comment irai-je là-bas ? » risqua Iris, résignée à obéir. D'une cage dorée à une autre. Bien qu'elle vécût au service de sa déesse et de sa polis, au moins elle connaissait les chemins de Mélétis. Apprendre la garnison de Soli serait un défi. Elle y serait encore plus captive.
« Vous serez escortée par un garde du corps, pendant tout le chemin, répondit Perisophia.
– Pendant tout le chemin, par un seul garde ? s'étouffa-t-elle. Vous espérez que j'y passe ?
– À deux, vous avez moins de chances d'être repérés sur le chemin, et c'est l'option la plus sûre. Si nous vous envoyons avec une patrouille de soldats, vous serez une cible. De plus, continua Perisophia, votre garde n'est pas un soldat ordinaire. Vous serez en bonne sécurité. »

Iris retomba dans son fauteuil, sentant le grain du bois avec ses mains, ses yeux laiteux, inutiles, fixant le néant, comme toujours.

« Faites-le entrer, » commanda Perisophia. Les énormes portes de bois sculpté à l'entrée du hall s'ouvrirent avec fracas. Iris entendit le grincement du vois sur les grands gonds de bronze et sentit une brise légère tandis que l'air de l'extérieur faisait irruption à l'intérieur. Un homme en armure piétina en direction d'Iris, les ornements métalliques de ses bottes et de sa jupe clinquant à chaque pas. Il s'agenouilla devant elle. Elle sentit son souffle sur sa main.







« Madame, commença-t-il avec la voix grave des hommes très grands, je suis Alexio, chevalier céleste de Mélétis. Mon devoir est de vous emmener en sécurité jusqu'à la garnison de Soli. »

Il prit la main d'Iris dans la sienne. Elle fit courir ses doigts et sa paume contre elle, puis jusqu'à son bras, sentant ses cheveux et ses muscles. Quand elle atteignit ses épaules elle sentit une cicatrice d'une blessure ancienne et profonde. Elle poursuivit la blessure jusqu'au-dessus de son épaule jusqu'à ce qu'elle sentît quelque chose frôler l'arrière de ses doigts. Elle tâtonna lentement jusqu'à ce qu'elle pût sentir sans douter la masse presque intangible, éthérée de ce qu'elle reconnut comme des ailes de lumière, un cadeau divin. Elle les caressa doucement. Il resta parfaitement stoïque, attendant qu'elle eût fini de l'examiner.

Ses doigts lâchèrent ses ailes et sondèrent son visage afin quelle pût comprendre ce à quoi il ressemblait – son nez aquilin, mâchoire carrée, lèvres charnues, cheveux courts et bouclés. Sa main resta à côté de son visage pendant un moment. C'est là que vint la vision.







Elle ne vit pas un événement particulier de l'avenir. C'était plus un ressenti, comme d'être dans le rêve d'Alexio et de sentir les mêmes émotions que lui. Il était amoureux d'elle. Pas maintenant, évidemment, puisqu'ils venaient de se rencontrer, mais quelque jour dans le futur. Et elle le sentait se retirer d'auprès d'elle, et sa tristesse, et la sensation de n'être rien.

La pensée la repoussa. Non pas parce qu'elle était repoussante, mais parce qu'elle savait comment cela finirait. Il était un soldat exalté de la polis et elle était une oracle aveugle d'Ephara. Jamais en mille ans ils ne pourraient être ensemble. Si son amour pour elle devait le tuer, alors elle devait l'empêcher. Elle retira sa main brusquement et prit une grande inspiration.

« Tout va-t-il bien, madame ? Demanda-t-il.
– Oui, répondit-elle. Nous partirons à l'aube. Le voyage prend au moins trois jours, et nous devons nous presser. » Par-dessus tout, elle voulait atteindre la garnison aussi vite que possible, avant que sa prophétie eût temps de se manifester.

Au moment où une très faible lumière s'alluma à l'horizon, Iris était montée sur un cheval du gouvernement, sa cape de voyage drapée serrée contre son échine et ses effets essentiels empaquetés dans les sacs de la selle. Alexio tenait les rênes. Perisphia se tenait dans la cour, et tendit sa main un instant.

« Puisse Ephara vous assurer un agréable voyage, Iris de la Vue, dit-elle gravement. Nous vous rappellerons dès qu'il sera sûr de revenir. »

Perisophia lâcha la main d'Iris tandis qu'Alexio éloignait le cheval, à travers la ville, au-delà des portes de pierre et sur la route sud. Ils évitèrent la grand'route, prenant plutôt un chemin plus petit, plus ancien à travers la forêt. A la fin du jour, ils seraient au pied des montagnes qu'ils devraient traverser afin d'atteindre la garnison.







Le jour se réchauffait en même temps qu'il s'illuminait et Alexio entama bientôt une conversation pour occuper le voyage.

« Si quoi que ce soit arrivait, Madame...
– S'il vous plaît, appelez-moi Iris.
– Dame Iris, continua-t-il, si nous étions pris en embuscade, en danger, ayez confiance en ce cheval et je vous protégerai. Je volerai pour vous rejoindre, au prix peut-être de ma vie.
– Bien sûr, reconnut-elle avec grâce.
– Quels sont vos espoirs quant à la paix, Madame... Iris ? demanda-t-il.
– J'ose dire que je la veux. Mais les dieux nous ont abandonnés, nous laissant seulement à nos bas instincts – et cela finit rarement bien.
– C'est malheureux, répondit-il.
– L'heur a peu de chose à voir avec cela. Ce sont les dieux qui jouent de nos cordes comme d'une harpe. Bien qu'ils n'aient pas répondu à mon appel depuis de nombreuses nuits, je sais qu'ils entendent encore. Je ne suis seulement pas sûr qu'ils en aient quelque chose à faire.
– Nombreux sont ceux qui croient que les soldats sont nés pour le combat, dit Alexio, mais ce n'est pas toujours vrai. Je donnerais n'importe quoi pour empêcher la guerre. Je préférerais converser avec vous au coin d'un feu, un verre à la main, plutôt que de mourir sur un champ de bataille pour des raisons divines.
– Votre entraînement ne vous apprend-il pas que vous êtes déjà mort ? demanda-t-elle froidement en s'efforçant de garder une distance émotionnelle. C'est ainsi qu'un soldat doit se lever chaque matin – avec la certitude que sa vie a été sacrifiée.
– Madame, répondit-il formellement, je vais explorer cette zone autour de nous pour m'assurer que nous ne sommes pas suivis. Continuez et je vous retrouverai sur le chemin. » Elle l'entendit ouvrir son manteau et étendre ses ailes, et soudain, avec un grand coup d'air, il était parti.

Elle chevaucha en silence, pensant à la vision de la veille. Oui, il avait commencé une conversation, était même charmant à sa manière, mais elle savait qu'elle devait le garder à distance, ou bien la vision de son amour se manifesterait trop tôt. Peut-être pouvait-elle empêcher ce destin. Si les dieux voulaient être silencieux, peut-être le destin le serait-il aussi. Si Alexio tombait amoureux d'elle... elle secoua la pensée hors de son esprit. Elle ne devait pas permettre que cela arrivât.

Elle donna de l'éperon pour que son cheval allât au trot, soulagée d'être libérée de la ville, de la magnitude oppressante du gouvernement et sa pierre imposante, ses coutumes formelles et lourdes responsabilités. Elle psalmodia rapidement une prière pour sa sécurité et encouragea son cheval au galop auquel il était impatient d'aller.

Le vent chaud de l'après-midi claquait dans son manteau et lui piquait le visage. En vérité, elle rit pour la première fois depuis des lustres, tenant les rênes lâches d'une main et agrippant le pommeau de la selle de l'autre. Le paysage de son esprit défilait. Elle pouvait entendre les arbres passer des deux côtés. Tout, glorieusement, échappait au contrôle. C'était la première fois qu'elle était seule, sans escorte ou maître depuis des lustres.

« Iris ! » entendit-elle Alexio crier de quelque part au-dessus. Avant même qu'elle eût le temps de ralentir son cheval, les puissants bras d'Alexio l'arrachèrent de sa selle et la portèrent dans les airs avant de la déposer rudement sur l'herbe. Elle entendit le cheval hennir violemment. Elle entendit l'épée d'Alexio tinter en étant tirée du fourreau et les cris de deux hommes alors qu'ils étaient tranchés par sa lame, l'un d'eux avançant pour le combat, fer contre fer, avant d'être réduit au silence. Le calme revint dans le monde, à l'exception de la respiration laborieuse du cheval, à quelque distance.

Iris tâta aux alentours pour retrouver son orientation. Alexio frappa au sol à côté d'elle.

« Êtes-vous blessée, Madame ?
– Non, seulement surprise, et désorientée.
– C'était une embuscade. Deux bandits de grand chemin, ou ce que nous sommes censés croire comme tels. Si on juge aux marques sur leurs armes, je supposerais qu'ils vénèrent Purphoros, continua-t-il en prenant la main d'Iris pour la remettre sur pied.
– Merci, Monsieur, sourit-elle.
– Malheureusement, ils ont usé d'un piège pour blesser votre cheval, qui semble avoir une jambe cassée. Si je n'étais pas revenu à temps, vous auriez pu avoir le crâne brisé. Pourquoi l'avez-vous fait galoper ainsi ? demanda-t-il avec grâce mais sérieux.
– Je suis désolée. Je ne sais à quoi je pensais. Je profitais seulement d'un moment de liberté.
– Attendez ici, pendant que je mets votre cheval au sol. »

Elle se maudit elle-même, en silence, d'avoir perdu le contrôle de ses émotions. Cela lui avait coûté son cheval, et avait failli lui coûter la vie. Si seulement elle pouvait toujours avoir un garde du corps comme Alexio, qui la gardait d'un œil d'aigle en toute confiance, à la place de ses habituels bureaucrates pleurnichards. Elle imagina la liberté qu'elle pourrait avoir, puis rejeta cette pensée. Cela n'arriverait jamais. L'air changea, et elle se rendit compte qu'elle ne pouvait plus entendre la respiration laborieuse de son cheval.

Elle entendit les pas d'Alexio s'approcher et il prit doucement sa main.

« C'est fait, Dame Iris. Maintenant nous devons continuer à pied. »

Il la guidait par la main sur le sentier de la forêt, où ils marchaient côte à côte, sa grande et forte main serrant tendrement la sienne.

« Nous devons rester alertes. Je sais que votre ouïe est très fine. Vous devez m'aider à sentir le danger. Maintenant que nous sommes à pied, nous sommes bien plus vulnérables.
– Je suis désolée, répéta-t-elle. Je me suis comportée comme une idiote.
– Ce n'est pas vrai, Iris, » répondit-il, serrant sa main avec tant d'affection qu'elle ne fut pas certaine que ce fût intentionnel. « Vous profitiez d'un bref instant de liberté que la plupart prennent pour acquis tout au long de leur vie. Non seulement je ne vous blâme pas, mais je vous respecte plus encore après cela. Votre vie n'est pas si différente de la mienne, toujours au service de Mélétis, jamais de nous-mêmes. »
Elle retira sa main de la sienne. « Je peux vous suivre au bruit. Vous n'avez pas besoin de me guider comme une enfant.
– Comme vous voudrez. »

Elle détecta une pointe de déception dans sa voix.

« Je vais essayer de trouver une autre monture demain. Je connais un berger qui vit sur ce flanc de montagne. Puisque le soleil rougit, nous n'allons pas tarder à établir le camp et repartir à l'aube. Si vous me permettez de vous porter, je peux nous faire voler un bon bout de temps. Mes ailes sont assez fortes.
– Ce ne sera pas nécessaire, rétorqua-t-elle. Je suis aveugle, pas incapable. »

Ils marchèrent en silence jusqu'à ce qu'Iris fatigue. Alexio la dirigea hors du chemin vers une clairière où ils pourraient dormir sans se faire remarquer. Il fit un petit feu caché et une tente de fortune pour elle. Ils partagèrent un peu de nourriture des sacs de selle et une lichée de vin avant qu'Iris se retire et qu'Alexio s'envole vers les cimes pour monter la garde.



« Ils ne sont passés par là qu'il y a quelques heures, dit le commandant en mettant son camarade mort sur le dos. C'est clairement le boulot du Gardeciel.
– Regardez, un cheval, dit l'un des rangers.
– Ah, répondit le commandant. Ce doit être le sien. Excellent. S'ils sont à pied nous devrions pouvoir les rattraper demain.

Deux des autres rangers se dirigèrent en aval du chemin avant de se retourner vers leur commandant.

« Deux pistes continuent dans cette direction, dit l'un d'eux. L'une est la femme, l'autre le Gardeciel. Il n'y a pas l'air d'y avoir quiconque d'autre avec eux.
– L'Oracle d'Ephara, seule avec un seul Gardeciel ? A quoi pouvaient-ils bien penser ? Les gars, on sera de retour chez nous avec notre captive et la tête d'un Gardeciel avant que la lune soit pleine.



Le temps que la pleine lumière du jour filtre à travers les feuillages, ils avaient atteint le pied de la montagne. Ils avaient déjà voyagé de nombreux kilomètres, car Iris, encore, refusait d'être portée dans les bras d'Alexio. Il la mena hors du chemin jusqu'à la base d'un arbre énorme, où il lui demanda de s'asseoir et manger pendant qu'il partait à la recherche d'une monture. Elle était reconnaissante de ce repos. Elle qui avait passé le plus clair de son temps dans la cage dorée du Temple d'Ephara, elle n'était pas habituée à tant de route.

S'appuyant contre le tronc couvert de mousse, sous un rayon de soleil et le ventre bien rempli, elle ne put s'empêcher de glisser dans le monde des rêves pendant un instant.

Elle se réveilla au bruit d'un cheval piaffant et au battement grave de grandes ailes. Elle pouvait aussi entendre les ailes plus petites d'Alexio souffler l'herbe en-dessous. Elle reconnut la cadence et la qualité particulières de la manière qu'il eut d'atterrir, mais elle ne reconnaissait pas l'autre paire d'ailes. Le rayon de soleil était passé, et à sa place une ombre froide s'étendit sur son corps. Elle pouvait sentir l'humidité de l'air.

« Je suis revenu avec une monture, dit-il triomphalement, un sourire dans la voix qu'elle entendit. Il est plein de bonne volonté, et amical avec le Gardeciel. »







Iris se leva de son siège de fortune et s'approcha du bruit de la respiration du pégase, main tendue. La créature poussa sa tête contre sa main et elle lui tapa l'encolure, se déplaçant jusqu'à pouvoir sentir les énormes plumes de ses ailes. Elle sourit en anticipant ce que cela serait de voler.

« Oh, merveilleux, Monsieur. Je suis sans voix.
– Nous devrions nous dépêcher à présent, répondit Alexio. Êtes-vous prête ? »

Iris acquiesça et il la prit par la taille pour la poser sur le dos de la grande monture. Cette fois, cela ne la gêna pas de sentir ses fortes mains sur son corps. Avec une monture ailée, ils étaient comme des égaux.

« Tenez-vous bien, mais sachez qu'il ne vous laissera pas tomber. » Alexio lâcha un encouragement guttural et le pégase battit des ailes avant de sauter du sol. Iris lâcha un couinement involontaire à ce mouvement soudain et entoura son cou de ses bras, se tenant pour sa vie.
« C'est fantastique, rit-elle. Je n'ai jamais senti cela auparavant.
– Cela me réchauffe le cœur de vous voir heureuse, répondit Alexio.
– Décrivez-moi ce que vous voyez, » demanda-t-elle.

Alexio décrivit les montagnes en face d'eux, la forêt en-dessous, la rivière qui serpentait des plateaux jusqu'à la cité loin derrière eux. Iris imaginait tout cela dans sa tête.

« Le ciel est sombre, ajouta Alexio qui volait à côté d'elle. J'espère que nous aurons dépassé les montagnes avant que la pluie ne tombe, mais je n'en suis pas certain. »

Comme si un dieu jaloux l'écoutait, le tonnerre gronda au loin. Iris offrit une prière aux dieux afin qu'ils gardent les cieux fermés jusqu'à ce qu'ils aient traversé les montagnes.

Bien trop tôt, la pluie commença à tomber. Crachin au départ, elle devint lentement une lente douche qui mouillait son visage.

« Tout va bien, Iris ? s'enquit Alexio.
– Oui, répondit-elle, continuons. »

Ils volèrent en silence, concentrés. La pluie se faisait de plus en plus lourde, trempant le manteau d'Iris et frappant son visage tandis qu'ils fonçaient dans la pluie. Elle se mit à avoir froid, son corps à s'engourdir d'agripper sa monture et de la peur de tomber.

« Peut-être devrions-nous nous arrêter pour trouver un abri, cria-t-elle dans la pluie.
– Si vous le pouvez, je conseillerais de poursuivre. Votre monture a l'endurance.
– Elle oui, mais moi non. S'il vous plaît, si nous pouvions trouver un lieu où nous reposer, je vous en serais reconnaissante, et mieux capable de continuer demain.
– Bien sûr. Je vais voir ce que je peux trouver. » Ils tournèrent vers la droite tandis que le tonnerre grondait de nouveau, bien plus proche qu'auparavant. Iris frissonna et s'accrocha aux poils mouillés de sa monture.

Ils passèrent quelques minutes à aller çà et là, faisant parfois demi-tour dans les vents querelleurs et la pluie.

« Là-bas, » dit Alexio après un assez long temps. Il avait l'air de parler au pégase.

Elle fut soulagée quand ils touchèrent doucement la terre solide et qu'Alexio les mena dans une grotte à flanc de montagne. La grotte était froide, mais sèche. Alexio fit une rapide reconnaissance dans la grotte, remarquant qu'elle n'avait que deux chambres, courbées autour d'un affleurement rocheux, avec des entrées de chaque côté.

Iris démonta et secoua son manteau en tremblant. Alexio défit rapidement les sacs de selle et commença à préparer un feu tandis qu'Iris divisait la nourriture entre eux. Le pégase se dirigea vers l'autre chambre, s'ébroua et s'allongea avec un hennissement.



« On les trouvera jamais dans ce bazar, se plaignit à son capitaine l'un des rangers.
– Connerie, » répondit le capitaine.

Il guida ses hommes sur le côté, sous l'abri relatif d'un chêne au vaste feuillage, et descendit de cheval. Ses hommes observaient tandis qu'il tirait un gobelet doré de son sac. Le capitaine le remplit de l'eau claire d'une flaque jusqu'à ce que la surface stabilisée devienne vitreuse. Se concentrant, il marmonna l'incantation, la répétant jusqu'à ce que l'eau dans le gobelet devienne argentée, comme la surface d'un miroir. Dans le miroir, il pouvait voir l'Oracle et le Gardeciel descendre vers la gorge de la montagne et glisser dans l'entrée d'une grotte.







Une goutte d'eau roula sur la capuche du capitaine et tomba dans le gobelet, rompant la surface de miroir et effaçant l'image. Le capitaine posa le gobelet au sol et se leva.

« Je sais où ils sont, annonça-t-il à sa patrouille. Mais on va devoir se dépêcher si on veut arriver sur eux avant l'aube. On va leur tendre une embuscade dans la grotte. Avec un peu de chance, on peut suborner une des araignées de la forêt haute pour nous aider. »

Il sauta sur son cheval et l'éperonna pour qu'il galope.



Après avoir été réchauffée par le repas et le feu, Iris trouva l'outre qu'elle avait enterrée au fond de ses affaires et en offrit à Alexio.

« Dame Iris, dit-il après une gorgée, je suis heureux que vous m'ayez demandé de nous arrêter. Vous voir briller à la lumière du feu, au chaud et au sec, fait un magnifique contraste avec le temps dehors. Apprécions une nuit de liberté en plus avant de devoir retourner à nos devoirs.
– Oui, acquiesça-t-elle. Une autre heure dans cette tempête et j'aurais trouvé la mort. Moi aussi, je préfère passer une nuit avec vous dans une grotte à flanc de montagne, plutôt que de me précipiter vers ma servitude continue. »

Alexio se rapprocha d'Iris et lui tendit l'outre. Elle but à grandes goulées et enroula sa couverture sur ses épaules.

« Serons-nous en sécurité ici ? » demanda-t-elle, calmement. Le feu crépitait, réchauffait son visage.
« Vous le serez avec moi. Vous serez toujours en sécurité à mes côtés... » continua-t-il.

Elle tendit la main et saisit la sienne, espérant une vision. Espérant un signe de ce qui pourrait arriver. Mais il n'y eut rien. Rien d'autre que ses propres pensées, désirs, et la poigne de sa main de guerrier qui la serrait en retour.

Elle se rapprocha de lui et leurs corps se touchèrent, côte à côte. Ses mains tremblaient.

« Tout va bien, Iris ? » demanda-t-il d'une voix douce, presque dans un murmure.

A ce moment, elle se rendit compte que sa vision de l'avenir d'Alexio était incomplète. Elle l'avait vu tomber amoureux d'elle, et être emporté, mais elle n'avait pas vu sa part dans la prophétie. Les dieux avaient-ils décrété cela, ou est-ce que ses propres actions pouvaient changer le futur ? Et s'ils pouvaient être ensemble, volant librement à travers le monde ? Peut-être que si elle l'aimait aussi, elle pourrait changer le destin d'Alexio – et lui, le sien.

Elle pencha la tête vers lui et entrouvrit les lèvres. Non, pensa-t-elle, ce n'est pas possible. Mais la poussée douloureuse en elle finit par sortir. Avant de pouvoir se contrôler, elle sentit leurs lèvres se toucher. Il l'embrassa dans ses bras puissants et l'allongea sur la couverture près du feu.

Aucun homme n'avait jamais mis ses mains sur elle ainsi auparavant. Elle laissa partir ses inquiétudes terrestres et vécut un temps dans un cocon de sécurité, de plaisir et de relâchement.

Enfin, elle s'endormit dans ses bras, enroulée dans une chaude couverture au côté d'un feu qui crépitait tranquillement, un sourire sur le visage et une douce chaleur dans son ventre. A ce moment, juste avant que le monde des rêves ne l'emporte, elle se sentit plus heureuse et plus libre que jamais, que ce qu'elle aurait pensé possible.



Elle se réveilla d'un rêve. Un rêve étrange. Pas le beau rêve qu'elle avait espéré. Une large main pressait sa bouche. Elle haleta et la main la pressa plus fort.

« Silence, murmura Alexio. Levez-vous et préparez-vous à partir à l'arrière de la grotte. »

Iris entendit deux choses : le pégase qui soufflait à côté d'elle, et le cliquètement discret du métal, comme une pièce lâchée sur une pierre devant l'entrée de la grotte. Elle emporta en silence la couverture et tâta les alentours à la recherche de ses bottes. Le feu devait n'être plus que charbon ; elle pouvait à peine sentir sa chaleur.

Alexio dégaina lentement son épée. Elle pouvait l'entendre traverser en long et en large la chambre. Il posa son manteau sur les épaules d'Iris tandis qu'elle poussait ses pieds dans ses bottes. Au-dessus de la pluie qui tombait toujours dehors, elle entendit avec certitude le bruit d'hommes qui murmuraient.

Iris pointa du doigt l'entrée de la grotte, indiquant qu'elle les entendait. Alexio la hissa sur le dos de sa monture.

« Sortons par derrière. Je mène la marche, » murmura-t-il.

A ce moment, une flèche siffla entre eux et se ficha dans le mur du fond de la grotte. Iris pouvait dire par la direction du bruit qu'elle était venue de l'entrée de la grotte.

Alexio se précipita vers l'entrée arrière, le pégase sur ses talons. Iris entendit au moins deux hommes entrer dans la grotte, dont les épées et les armures cliquetaient. Elle offrit une prière silencieuse à Ephara afin qu'elle les libère tous deux en vie de cette caverne.

« Par les dieux, » hurla soudain Alexio. Sa voix était étranglée. « Une toile d'araignée a été tissée sur l'entrée arrière. »







La monture d'Iris s'arrêta d'un coup et grogna, avançant et reculant avec nervosité. Elle pouvait entendre l'épée d'Alexio découper sauvagement la toile qu'il tentait de dégager. Quelque créature horrible crissa et siffla avant de battre en retraite.

« Vas-y, maintenant ! cria Alexio.
– Je ne te quitterai pas, » répondit Iris avec désespoir, à la pensée qui s'insinuait qu'elle était absolument impuissante.

Une autre flèche traversa la caverne, cette fois trouvant sa place. Iris frissonna en entendant la pointe s'enfoncer dans quelque chose de mou. Alexio grogna mais continua de lutter dans la toile de l'araignée.

« Prends ma main, cria-t-elle en la tendant dans les ténèbres sans rien toucher.
– J'ai nettoyé la toile. Ta monture sait où aller. » Sa voix vacilla, il prit une grande inspiration.
« Je t'en prie, » cria-t-elle. Le pégase s'avança, nerveux, à peine capable de se retenir.
« Vole, » hurla-t-il avec une tape du plat de son épée sur la croupe du pégase.

Le pégase fit un bond puissant au-delà de l'entrée de la grotte. Iris put sentir la température et la pression changer tandis qu'ils traversaient le seuil de la grotte. D'un battement massif de ses ailes, ils se trouvèrent portées dans le ciel pluvieux.

« Non ! criait-elle, je t'en prie, non.
– Je t'aime, » l'avait-elle entendu dire, sa voix évanouie dans le vent.

Les troupes en embuscade étaient sur Alexio. Elle entendit le choc des épées qui luttaient et sentit les doigts glacés de la mort passer sur elle. Elle savait qu'il ne sortirait jamais de cette grotte, son corps puissant et ses ailes célestes condamnés.

Elle cacha son visage dans la crinière du pégase et pleura, sachant au fond de son cœur qu'elle était celle qui l'avait tué. Quelle idiote elle avait été de croire qu'elle pourrait changer son destin. Où étaient donc les dieux ? Pour la première fois de sa vie, elle avait goûté l'amour. Pour la première fois de sa vie elle avait fait l'expérience d'assez de liberté pour même espérer l'amour, et Alexio mourait pour cet amour. Si elle revenait à son ancienne vie, vieillir et mourir dans la servitude, sa mort n'aurait servi à rien.

Elle détourna sa monture, non vers la garnison de Soli ni vers Mélétis, mais vers l'ouest, vers l'inconnu. L'Oracle d'Ephara volait aveuglément au travers de la pluie, vers la liberté, aveugle et seule, en vérité comme elle l'avait toujours été.

Alors c'était comment ?

     
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Il faut prendre le Meurtrisseur du taureau par les cornes. Surtout si on est une Veilleuse de la forge de Burrenton.

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Proposé par Dark Mogwaï le 19/06/2012

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