Qu'est-ce qui est petit, bleu, a un œil et un nom malencontreusement comique ?
Races du Multivers : les homoncules
Origine : de l'idéal alchimique au serviteur loyal
Homoncule vient du latin homunculus, au pluriel homunculi, ce qui est leur nom en anglais. Certes, on n'est pas plus avancés ; mais si je vous dis que c'est homo + le préfixe -culus, soit « petit homme » que cela signifie, on se rapproche de quelque chose de signifiant.
Pour trouver la première version de ce qu'est un homoncule, il faut se tourner vers la Bible et son interprétation picturale connue généralement comme représentant des « bébés moches ». Alors, c'est un peu plus complexe que cela : ces représentations de Jésus enfant sacrifient à une tradition scolastique qui considère que Jésus, à la fois Dieu et Homme, était parfait dès sa naissance ; or, l'enfant n'est pas tant à l'image de Dieu que ne l'est l'adulte, puisque Adam a été créé déjà adulte. Ainsi, comme lui, Jésus a dû avoir dès sa naissance des traits adultes, et sa croissance n'aura été, précisément, qu'une croissance : la taille a changé, pas les proportions. D'où une calvitie très précoce, des mains sèches, des traits durs, même dans les bras de sa mère.
Ce n'est cependant pas du côté de la théologie que nous devons chercher l'origine de l'homoncule magic'ien, mais plutôt vers l'alchimie. S'il fallait définir ce qu'était l'alchimie pour ses praticiens, il s'agissait d'une recherche scientifique fondée sur l'idée d'une correspondance des matières inférieures avec des éléments supérieurs, avec un fonds philosophique monothéiste. Bien que l'alchimie soit scientifiquement dépassée, il n'en reste pas moins qu'elle a été productrice de savoirs et non seulement de croyances, et procédait d'un désir avide de connaître le monde et d'agir sur lui, ce qui n'est pas si loin d'une perspective scientifique moderne.
On connaît les alchimistes pour leur recherche de la pierre philosophale, qui doit permettre de transmuer les métaux vils en métaux nobles, le plomb en or ; on pense aussi à l'élixir de longue vie, qui doit garantir l'immortalité : vous l'aurez remarqué, les deux ont été confondus dans Harry Potter. Ils étaient aussi en quête de la panacée, un remède universel, et de l'homoncule.
Un homoncule, décrit pour la première fois par Paralcese au XVIe siècle, est fidèle à son étymologie : il s'agirait d'un être humain miniature obtenu à partir de semence humaine, conservée quarante jours dans une fiole, puis alimentée de sang humain. Rien de magique et d'ésotérique dans cette idée : il ne s'agit que d'alimenter une forme humaine en devenir avec de la matière humaine. En un temps où la gestation était un phénomène encore mal connu, il est naturel que de telles idées aient vu le jour.
Cette idée est en effet en lien avec la théorie de la préformation, qui s'opposait à celle de l'épigenèse, qui défend que les organes se forment progressivement, sous l'influence de forces extérieures. Cependant, la théorie de la préformation n'est pas non plus sans fondement ; certes, un embryon n'est pas une version microscopique d'un adulte avec tous ses os et ses organes, mais cette théorie est réhabilitée par l'idée d'un code génétique interne.
Mais nous sommes bien loin de Magic, ici ! Retournons-y bien vite, en définissant ce que sont les homoncules dans le Multivers.
Il me semble que les homoncules ont pris la place des Bibules, minuscules créatures affiliées au mana bleu, aux airs vaguement humanoïdes, au corps rond et rose avec des oreilles de souris.
Ces créatures, désormais restreintes aux éditions supplémentaires, en particulier aux un-sets à cause de leur aspect comique, sont bien canon dans le Multivers. En effet, à l'époque où Téfeiri était encore un élève chahuteur de l'Académie tolariane, les étudiants invoquaient ces créatures apparemment indestructibles comme sujets de tests... et de blagues !
Les homoncules proposent donc une version un peu plus sérieuse des bibules, et qui permet plus de variations de forme.
Il y a quelques mystères que je n'ai su résoudre quant aux prototypes des homoncules ; en particulier, je n'ai pas pu trouver d'où vient leur unique œil, si caractéristique à Magic, mais que je n'ai trouvé nulle part ailleurs associé à leur nom.
Être homoncule, être serviteur
Comme l'homoncule de l'alchimie d'Iréhelle, l'homoncule du Multivers est une création artificielle, mais sentiente (contrairement, par exemple, aux golems). Il porte un nom composé uniquement de consonnes, comme Zndrsplt, Fblthp, Mklthd Son maître le crée pour des tâches ou dangereuses ou ennuyeuses, comme ranger des papiers. Sur Innistrad, c'est déjà une tâche dangereuse.
Les homoncules sont apparus sur Dominaria, mais en tant qu'illusions : l'homoncule furtif et l'homoncule indistinct n'ont acquis ce type qu'à son apparition avec l'avorton conjoint. Ce nouveau serviteur est d'une grande utilité, effacer les souvenirs dangereux pour la santé mentale de son maître.
Les homoncules d'Innistrad sont les plus nombreux et, je pense, les plus mal lotis – ce qui n'est pas surprenant, car quels sont les êtres qui n'y sont pas mal lotis ? Leurs créateurs sont des gens passés maîtres dans l'art de créer tout et n'importe quoi avec de la chair : ce sont des raccommodeurs comme Geralf, raccommodeur visionnaire. S'ils sont avant tout connus pour leurs skaabs implacables, ils créent donc aussi ces petits êtres inoffensifs, mais qui gagnent à l'être.
En effet, un apprenti du raccommodeur a pour rôle premier celui de collecteur de composantes, c'est-à-dire de morceaux de cadavres glanés çà et là pour greffer ces membres sur les corps difformes des skaabs. Toutefois, ils sont beaucoup représentés dans des bibliothèques, comme lecteurs frénétiques et comme scribes, pendant ce que l'on peut supposer être leur temps libre, puisqu'ils n'ont apparemment pas de mission, et cherchent à comprendre non sans une certaine naïveté le monde qui les entoure, dominés constamment par la peur de leur maître.
~Oglor, assistant dévoué porte dans son nom une référence au personnage-type qui inspire les homoncules d'Innistrad, à savoir le bossu au service du vampire ou du savant fou, en l'occurrence Igor de Frankenstein Junior.
Les homoncules d'Esper, éclat d'Alara, sont quant à eux des créatures-artefacts, comme toutes les créatures du plan : ce n'est pas le fait qu'ils soient des créations artificielles qui en fait des artefacts, car ce sont en vérité des constructions magiques.
Ils partagent avec ceux d'Innistrad une qualité : leur servitude complète à leur maître. Ainsi, quoique doué de libre arbitre, un homoncule de la cour est absolument incapable d'aller contre les ordres de son maître, à qui il peut servir de greffier, de scribe, de messager, mais pour qui il est principalement un bien positionnel, puisque la richesse des mages espérites se mesure au nombre de leurs fidèles.
Au vu de l'investissement en temps et en magie que constitue la création d'un seul suivant de filigrane, leurs maîtres évitent de sacrifier leur vie, dont la valeur n'est certes que matérielle. Cependant, tout conjurateur de marionnettes peut récupérer l'éthérium, métal de haute valeur, qui constitue sa création, pour recommencer.
On ne connaît qu'un ~homoncule sarcastique sur Fiora, dont le créateur et l'utilité sont inconnus ; mais comme Fblthp, l'égaré, il est isolé au milieu de la foule. Sur Ravnica, ils sont généralement affiliés à la guilde Simic, qui aime à faire des expériences génétiques sur des homoncules qui semblent moins conscients que ceux employés par Azorius, dont le rôle de courrier ne les empêche pas d'être complètement perdus.
Enfin, sur Kylem, les homoncules sont les hommes à tout faire de l'arène de l'Etendue de la Valeur, mais on les connaît principalement comme mages-arbitres auxquels n'échappe aucune faute. Dépourvus de bouche, ils communiquent grâce à un langage des signes connu de tous les adultes du plan.
~Zndrsplt, œil de sagesse est une exception parmi ses semblables, puisqu'elle combat dans l'arène plutôt que de se charger du bon fonctionnement des épreuves. Grâce à un lien télépathique avec ~Okaun, œil du chaos, elle transmet ses pensées par la bouche de son compagnon de lutte.
Les affinités des homoncules, nains monoculaires, avec les cyclopes, géants monoculaires, se trouve confirmée par une autre alliance, plus inattendue encore : Zndrsplt et Borborygmos, lors de l'invasion phyrexiane.
Apparence : les petits hommes bleus arrivent
On peut décrire assez simplement ce à quoi ressemblent la plupart des homoncules. Ce sont de petits êtres bleu-gris, presque tous bipèdes, dotés d'un œil si gros que, sur un certain nombre de spécimens, il constitue la totalité de la tête. Il y a cependant quelques distinctions à faire selon leurs plans d'origine :
- Innistrad : Les homoncules d'Innistrad portent une sorte de monocle qui pourrait servir à maintenir leur œil en place au bout de leur cou, et portent généralement une tunique complète.
- Kylem : Assez semblables à ceux d'Innistrad, les homoncules de Kylem paraissent encore plus humanoïdes, car ils se tiennent droits et dans des tenues qui définissent mieux leur silhouette. (Cristina Cordula off)
- Alara : Les homoncules d'Alara sont les moins typiques, car ils ressemblent à une sorte de marionnettes de vedalkens, si bien que les vedalkens ne sont pas à l'aise à côté d'eux. Certains supposent que la ressemblance de ces homoncules à deux yeux est une manière maladroite de rendre hommage à la sagesse des vedalkens... ou d'indiquer une origine morbide de ces créatures.
- Dominaria : Les tous premiers homoncules n'ont bien qu'un œil, mais une forme illusoire moins fixe, avec une peau généralement rosée.
- Ravnica & Fiora : La présence d'une bouche leur donne des airs bien plus affirmés de Bob Razowski, mais leurs corps varient entre une apparence humanoïde comme celle de Fblthp et une difformité caractéristique : la tête et le buste ne font qu'un.
En une petite vingtaine de spécimens, vous vous doutez que cette partie risque d'être maigre. Pourtant, un coup d'œil synthétique sur les cartes qui existent nous permet de dégager quelques traits principaux. Passons vite sur l'évidence : ils sont presque tous exclusivement bleus, et nous n'avons que deux qui soient blancs. Aussi, leur force/endurance est généralement très faible avec beaucoup de 1/1, et où l'endurance est plus élevée que la force. En même temps, ces gratte-papiers ne sauraient être des bodybuilders...
Le premier trait fort chronologiquement est que, petites créatures, les homoncules passent inaperçus et sont par conséquent difficiles à être bloqués. Ils passent entre les pattes des grosses bêtes, trop préoccupées à rechercher des géants à pourfendre : l'homoncule furtif, l'homoncule indistinct ou l'homoncule discret en témoignent.
Le premier par ordre d'importance est qu'ils font piocher une carte de temps à autre : l'oculus, l'avorton conjoint ou Fblthp lui-même agissent ainsi. Lui, en particulier, a tendance à se perdre dans la bibliothèque, mais d'autres préfèrent meuler comme le gardien des énigmes ou le portier.
Sur Innistrad, l'observateur au regard fixe et le lecteur vorace facilitent le lancer des rituels et des éphémères en produisant du mana pour eux ou en réduisant leur coût, ce qui convient à leur rôle d'assistants de raccommodeurs, alchimistes sur les bords.
Le reste dépend trop des factions pour être associé aux homoncules eux-mêmes : ceux d'Esper sont renforcés par les artefacts à l'image du suivant de filigrane, ceux de Simic ont des capacités activées pour augmenter leur F/E comme l'oculus à jabots etc.
Le taf est fait !
Les homoncules font partie de ces travailleurs de l'ombre qui, dans le Multivers, ont pas mal de communes pour bien peu d'heures de gloire ; pourtant, leur popularité, et en particulier celle de Fblthp, ne s'est jamais démentie. On ne peut sans doute rien espérer de plus pour eux que, précisément, une petite place à l'ombre : jamais de coups d'éclat, mais une présence toujours appréciable en cas de besoin. Les assistants parfaits !
