Strixhaven : L’appel d’une voix silencieuse - Magic the Gathering

Strixhaven : L’appel d’une voix silencieuse

Strixhaven : L’appel d’une voix silencieuse

Killian Lu est l’un des meilleurs élèves de Plumargent, université faite des meilleurs élèves. Prouvera-t-il qu’il est l’un des plus puissants de leurs rangs ?

  La storyline de Magic / Strixhaven : l'Académie des Mages

Killian Lu est l’un des meilleurs élèves de Plumargent, université faite des meilleurs élèves. Prouvera-t-il qu’il est l’un des plus puissants de leurs rangs ?

  La storyline de Magic / Strixhaven : l'Académie des Mages



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le , par Drark Onogard
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Killian Lu est l'un des meilleurs élèves de Plumargent, université faite des meilleurs élèves. Prouvera-t-il qu'il est l'un des plus puissants de leurs rangs ? Vous trouverez l'article original ici.

L'appel d'une voix silencieuse



Vingt-trois élèves de Plumargent, université de l'Eloquence, restaient attentifs le long du bord extérieur de la Scène de Rose, tandis que six d'entre eux étaient assis sur leurs talons, pliés en deux par la douleur, luttant pour museler leurs cris de cœur brisé. Droits ou non, ils s'étaient tous positionnés en cercle et observaient tandis que l'un de ceux qu'on disait parmi les meilleurs – Killian Lu – préparait une malédiction censée mettre en pièces le Professeur Razineth.







Le cours de ce matin impliquait un duel inattendu concernant les Sept Attitudes Phonétiques : ton, rythme, argument, placement, résonance, acoustique et volume. Killian, comme ses camarades, avait supposé que Razineth, renommé professeur des cours d'Intention et de Sous-texte II, utilisait ce duel comme un simple exercice d'apprentissage. À leur grande surprise, cependant, Razineth était implacable et vicieux dans ses attaques. L'encremaître kor au visage cireux, son bras noir d'encre insaisissable, surpassait aisément leurs charmes de cœur protecteurs et déchirait dans leurs jeunes esprits comme un couteau chauffé à blanc dans le beurre.

Le volume avait été assigné à Killian. C'était en effet la plus complexe des attitudes à maîtriser, sans parler de la contrôler, et il savait que l'attaque à venir prendrait toute son énergie, à la fois pour la produire et pour la maintenir. Au vu de sa réputation stellaire, le fils du grand Doyen Embrose Lu, c'était, bien entendu, une affectation calculée, sans doute faite de mèche avec son père qui était, bien entendu, en train de le regarder à distance – toujours à la recherche d'une voie d'amélioration.

Kilian plia les genoux et planta ses talons dans le sol. Lentement et régulièrement, il commença à emplir ses poumons. Puis, comme répété dans une danse mystique, il balaya l'air de ses bras, invoquant des cordes d'encre épaisses qui tourbillonnaient autour de lui et formèrent trois énormes sphères bien au-dessus de la scène.

« Wow, dit sarcastiquement Razineth. Quelqu'un semble avoir pris au sérieux ses méditations estivales. » Sa voix était un sifflement, strident et serpentin, et ses mots étaient diffusés à travers son encrelin d'humeur changeante qui serpentait au-dessus de la scène.

Killian pensa à son propre encrelin, Doco, pendant un instant et se lamenta quant à son absence dans ce combat. Embrose pensait que la créature était une distraction et exhortait Killian à ne jamais se reposer sur les autres pour accomplir ses propres combats. Doco ne combattrait pas dans le duel ; il m'aiderait seulement ici et là. Killian sentit ses dents grincer dans la frustration.

Au début du cours, Razineth affirma qu'il s'entraverait pour équilibrer le duel, en n'utilisant que de consonnes sourdes dans la bataille, afin de montrer qu'un grand pouvoir peut reposer sur les choses les plus discrètes. Avec lui, le simple sifflement d'un s transformait sa magie d'encre en dagues aiguisées, et le bruit sec d'un p expulsait des coups de canon à en faire trembler la terre.

« Bien ? » dit le professeur, le visage sévère et peu impressionné par la démonstration de Killian. « Le pouvoir repose dans le souffle, gamin. Respire. »

Killian cessa ses mouvements à son ordre. Les énormes sphères d'encre qu'il avait invoquées étaient maintenant gelées dans le temps, suspendues dans l'air comme des rochers prêts à tomber.

« J'accéderais volontiers à votre demande, professeur, chuchota Killian, mais votre haleine de bouc vient d'empoisonner l'air ! »

À l'insu de Razineth, une ligne d'encre, plus fine que l'épaisseur d'une toile d'araignée, avait serpenté depuis le sol tel une grande vigne derrière lui, et à l'insulte aiguisée de Killian elle saisit le professeur, s'enroulant autour de son cou, de son bras restant et des deux jambes. Quatre tirs rapides entre les deux de Razineth abîma proprement les entraves d'encre, mais le temps qu'il prit à s'échapper, Killian avait déjà envoyé l'une des sphères de jais dévaler sur lui. Quelques instants avant qu'elle le touche, Killian lui cria : « Il me manque le temps d'applaudir vos efforts, quand notre duel vient de commencer ! »

À sa phrase, la sphère éclata, et là où ses parties atterrirent jaillirent immédiatement des trolls d'encre brandissant marteaux et âges. En réponse, un « Chuuuuut » interminable explosa de la bouche du professeur, invoquant un raz-de-marée d'encre qui se précipita depuis son bras d'encre sombre et le couvrit d'un orbe de noirceur protecteur. Avec fièvres, les trolls brisèrent le bouclier, mais quand ils le faisaient, ils étaient instantanément absorbés et le faisaient grossir.

Killian envoya rapidement un autre rocher d'encre au sol, criant plus fort encore qu'auparavant : « Chut ?! Ce doux son d'eau qui se rue sonnerait mieux si vous vous y noyiez ! » À sa malédiction, le rocher devint une colonne noire de la taille d'une tour et solide comme la pierre. L'obélisque d'obsidienne s'écrasa sur le bouclier de Razineth comme un marteau sur le métal chaud et informe, traçant des fissures sur chaque côté. Razineth répondit par une rafale emportée de t qui, en quittant sa bouche, se transformèrent en milliers de flèches noires qui décimèrent entièrement la colonne. La démonstration laissa Killian sans voix. Voyant une ouverture, Razineth dirigea vers lui ses flèches.

« Décrépite sangsue ! » fut l'imprécation que lâcha Killian, permettant sa survie pour temporiser en attendant une répartie spirituelle. « Python tordu ! » D'un seul coup chaque fragment de la colonne écroulée se transforma en corbeaux qui interceptèrent chaque flèche dirigée vers son cœur. Puis, à travers ses dents grinçantes, Killian invoqua tout le volume et tout le fiel qu'il pouvait et le cracha dans son dernier orbe.

« GÂCHIS DE MUSCLES ! GÂCHIS DE NERFS !
BÊTE IGNOBLE NÉE DANS LA BOUE !
PÉON MOISI, POURRI, DÉCATI !
VALET À VOMIR POUR DIRE TOUT ! »

Le ciel au-dessus d'eux noircit à mesure que la boule s'aplatissait pour former un disque tourbillonnait qui s'étendait sur ce qui semblait des kilomètres. Un point apparut soudain en son centre, le commencement d'un cyclone terrible, et en moins d'un clin d'oeil, il descendit, saisissant le professeur dans son torrent. La gorge de Killian lui brûlait et avait le goût du sang, mais il ne pouvait abandonner :

« SARCASTIQUE CARCASSE, RANCUNIERE NAUSEE,
REPUGNANT ET BAGOULARD GLOUSSEUR !
FLEAU AFFLIGEANT, MALHEUR SALISSANT,
CREVETTE SUFFOQUEE, CANCANEUR ! »

Le venin fortifia son assaut final pour gagner en ce jour, et à travers le maelström tourbillonnait Killian lorgnait la silhouette de Razineth luttant contre sa crise de puissance. Il gagnait ! Ses yeux s'élargirent, pleins d'espoir. Il observa les six visages des victimes précédentes du professeur, s'attendant à y voir une joyeuse revanche dans leurs yeux, mais il ne trouva que de la peine – de la pitié pour une autre âme infortunée qui allait les rejoindre dans la misère. Mais lui en serait la cause.

C'est alors que Killian la sentit – la douleur lancinante du coup qui mettrait fin à ce match violent. Tandis qu'il s'était distrait, un léger t avait jailli de la langue de Razineth. Il regarda sa poitrine, et là il vit la pointe de la flèche noire, qui dégouttait après l'avoir traversée. Il tomba à genoux, luttant pour la tirer avant que l'encre ne pénètre.

Il lança un regard à ses camarades une dernière fois et saisit le regard noir de Fannessa Fjyorne. Son attitude de discours avait été piétinée par la manade de chevaux sauvages d'encre invoquée par Razineth. Ils n'étaient pas amis et à peine des connaissances ; elle était nouvelle, et ils avaient à peine échangé ne serait-ce qu'un acquiescement de félicitations depuis le début de semestre. Toutefois, il y avait une gravité qu'elle possédait qui attirait les yeux de Kilian vers les siens. Elle lui donna un sourire empathique en solidarité. Kilian était reconnaissant pour cela.

Au moment suivant, l'encre du professeur eut une prise. Kilian fut d'un coup submergé de désespoir et de tristesse. La percussion familière des bottes à semelle solide de son père qui partait eut un écho douloureux dans son imagination ; il pouvait même sentir le poids de tant de volumes de poésie de combat que son père placerait sur ses bras. Une longue après-midi d'étude l'attendait en effet. Tandis que les larmes tombaient de ses yeux, il se plia en deux, et comme les six tombés auparavant, succomba à une défaite cruelle.

Cela lui prit la meilleure part de l'après-midi à Killian de s'en remettre. Il était sans cesse gangrené par des élans de dépression et de terribles hallucinations, jusqu'à ce que la malédiction du professeur aux tentacules d'encre soit pelée de son échine et sa cage thoracique. S'il avait été frappé par une deuxième flèche, Killian aurait sans doute arraché sa propre chair.

L'hallucination finale le ramena au Lycée Loquace, l'intense terrain d'entraînement caché à l'intérieur des nombreux couloirs du Biblioplexe. Le cours était obligatoire mais réservé aux meilleurs élèves de Plumargent. Killian, après suggestion de son père, avait passé le test pour entrer et, comme attendu, avait réussi haut la main. Le Lycée abritait une forêt enchantée, en constante croissance qui submergeait et suffoquait quiconque se trouvait piégé sous ses feuilles. Maudire la flore sans cesser était le seul moyen d'échapper à une mort certaine. C'était un défi auquel des centaines d'encremaîtres avaient fait face pendant des décennies, dont Embrose, et Kilian y avait survécu. Dans sa mémoire dominée par la malédiction, cependant, les plantes s'exclamaient horriblement, comme des soldats blessés priant pour leur vie tandis qu'il était contraint à les débroussailler sans pitié. Son cœur lui faisait mal à la vue de tant de destruction, et il se haïssait d'avoir détruit tant de belles choses.

Killian ouvrit les yeux et se trouva en train de fixer une infirmière pennemancière au doux visage avec de la lumière d'or coulant autour d'elle. Il était à l'infirmerie, se reposant dans un petit lit. La lumière du soleil se déversait depuis les fenêtres en douche, qui faisaient briller la pièce entière ainsi qu'avec l'aura dorée de l'infirmière – un éclat qui se réfractait dans les ailes blanches de hibou de la Doyenne Shaile. Elle se tenait à l'entrée de la pièce, observant l'infirmière extraire un autre brin d'encre de Razineth du torse nu de Killian.

« Poésie de combat, commença la Doyenne Shaile. Une magie si ancienne ne trouve son chemin que chez les Plumargents les plus assidus. Ton père serait... disons... moyennement satisfait ? »

Killian éclaircit à plusieurs reprises sa gorge, sentant encore la lourdeur du poids du duel.

« Des mages comme toi, fils du grand Embrose Lu, continua la doyenne avec un sourire presque cynique, peuvent s'aventurer dans les profondeurs inimaginables du potentiel – de lumière comme de ténèbres. Tu dois apprendre à embrasser la lumière de temps à autre. C'est mieux pour l'âme.
– Je crains que la magie blanche ne soit pas efficace au combat, rétorqua Killian, juste avant que l'infirmière retire un dernier brin de chagrin réveillé dans son cœur.
– Au contraire, répondit Shaile. Le combat est là où elle est la plus efficace. Elle peut gagner une guerre. »

Killian fixait les doux yeux de la doyenne, attendant plus. Les conseils qu'elle donnait n'étaient jamais prolixes ; c'était toujours son but de transmettre une sagesse durable au travers du sens critique. Elle et son père différaient en cela, ce qui nourrissait leur relation de rivalité. Dans la perspective du doyen de l'ombre, la sagesse n'était atteinte qu'à travers un renforcement en négatif. Comment auraient-ils pu s'accorder ?

« Comme un trou dans la tapisserie, continuait-elle, la lumière peut percer même le morceau de ténèbres le plus têtu. Mais essaie tant que tu veux, bien qu'elles puissent de temps en temps l'assombrir, jamais les ténèbres ne peuvent percer la lumière. »

Killian réfléchit à propos de ses mots pendant un instant, mais ses évaluations furent interrompues par une douleur dans sa main. Il gémit, grattant sa paume.

« Pas de repos pour les graves, je suppose, » dit Shaile avec un sourire, familière de ces réactions de la part d'autres élèves de Plumargent.

Killian sauta immédiatement sur ses pieds, saisit ses robes et marcha vers la porte. Avant de sortir, Shaile l'arrêta avec une main douce sur son épaule.

« Le cosmos est vaste, dit-elle avec une touche d'esprit maternel, et les Eloquents ne sont pas seuls à le façonner. Ne dépense pas toute ta magie dans un seul endroit. »

Killian se dirigea directement vers les docks – la route la plus rapide vers le Biblioplexe, et son père serait dans le coin. Le lieu de rendez-vous avait été écrit sur sa paume en patriscrit, ou encre parentale, que les professeurs Eloquents et les parents de ce type utilisaient pour rappeler à leurs enfants des rendez-vous proches ou des objets qu'ils oubliaient souvent. Sans parler du fait que cela démangeait incroyablement jusqu'à ce que ce qui y était écrit soit lu à voix haute.

« Sémantique, » dit Killian. Le patriscrit s'effaça.

Il arriva au Dock XVII juste à temps pour voir le navire des Sémantiques larguer les amarres. Immédiatement, il se mit à courir. Puis, frappant le bord du dock, il sauta sur un pied.

« Comme des marchepieds fermes et mornes,
L'eau sous mes pieds soutient mes pas. »


Killian prononça le sort bondissant dans les airs, et les eaux répondirent à temps – se ridant d'énergie blanche qui forma plusieurs endroits solides pour que chaque pas aérien atterrisse. Un, deux, trois. Avec un bon final, il atteignit le pont du navire.

Killian préférait l'isolement, mais à son grand désarroi, il ne prendrait pas les transports seul. Assis à l'autre bout du navire se trouvait un autre élève de Plumargent qui se retourna au bruit sourd de ses pieds et tira sa capuche.

« Donc, c'est ainsi que le grand Killian Lu n'est jamais en retard ou que sais-je, lança Fannessa avec un sourire. La magie de lumière est bonne à quelque chose, je suppose. »

C'était ce que son père aurait dit.

Killian soupira alors qu'il s'asseyait face à elle. Fannessa se redressa, ses deux longues nattes brunes dansant sur ses épaules, et l'estima avec ses yeux teintées de lavande qui se détachaient sur sa peau d'acajou. Il en conclut qu'elle était du genre qui peut sans effort passer de pétillante et animée à calculatrice et mystérieuse en un instant.

« Alors, ce Razineth, hein ? » commença-t-elle. Il prend vraiment ce cours au sérieux, n'est-ce pas ?
– C'est un cours sérieux, répondit Killian d'un ton égal.
– C'est vrai. Mais une flèche dans le cœur, c'est plutôt impitoyable.
– C'était un duel réussi.
– Réussi ?
– J'ai appris une nouvelle faiblesse. J'ai hésité. Ça n'arrivera plus. »

Fannessa se fendit d'un rictus, fascinée par sa réponse.

« La pitié, c'est pour les idiots, » déclara-t-elle. Il acquiesça par réflexe. Son père avait dit la même chose bien des fois. Autant qu'il essaie, cependant, c'était un mantra que Killian ne parvenait à vraiment suivre. « Quoiqu'il en soit, tu as été incroyable aujourd'hui. Tellement de puissance sombre, brute. Tu aurais pu tuer un moindre mage. » Elle sourit. « Est-ce que ça, ce serait pas beau.
– Je n'essayais pas de le tuer, lâcha-t-il en vitesse. Je ne veux pas tuer... J'essayais juste de gagner. »

Fannessa glissa jusqu'au bord de son siège et se pencha encore plus près, prenant compte de sa nouvelle énergie nerveuse. Elle le regarda tirer la peau de son cou, masser sa gorge.

« Tu t'es blessé ?
– Non, dit Killian avec fermeté. Je... Ça va aller. »
Ses sourcils se levèrent comme si une idée fantastique se formait. « Tu sais, il y a un élixir dont un piou-piou m'a parlé qui peut soigner une gorge sèche en quelques minutes. Je pourrais connaître une fille qui connais un gars à la Fin de l'Arc qui peut t'en préparer un sans problème.
– La Fin de l'Arc, c'est pour les flemmards et les procrastinateurs. Il y a des règles selon lesquelles un Lu doit se comporter.
– J'ai entendu ça, dit-elle en chantant presque avec un sourire sournois. Faudrait peut-être en briser une. Ou retourner à l'infirmerie. Le Doyen Lu n'aimerait pas du tout ça.
– Je ne peux pas.
– Certes. » Elle se rassit droit, sans faire d'effort pour masquer sa désapprobation. « Strixhaven est, après tout, un institut d'apprentissage. Rien d'autre. » Elle se leva. « Pas de repos pour les graves, je suppose. »

La dernière phrase eut Killian garde baissée. C'était celle que la Doyenne Shaile lui avait dite juste avant de quitter l'infirmerie.

Le navire butta soudain contre le Dock des Sémantiques. D'un gracieux saut en arrière, Fannessa glissa sur un autre navire qui passait là – qui allait dans la direction de la Fin de l'Arc.

« Tu devrais marcher au soleil une fois ou deux, Killian Lu, » dit-elle en agitant ses nattes derrière ses épaules. « Nous ne sommes pas faits pour grandir dans l'ombre. »



Killian s'assit un moment tandis que le navire de Fannessa disparaissait et réfléchit à ses mots, sachant exactement à qui l'ombre dont elle parlait était. Il sentit une chaleur nerveuse progresser sur sa peau et son esprit se renversa. Une autre secousse du navire, agacé d'avoir encore à débarquer, le sauva de ses pensées en spirale.

Il courut dans l'escalier de pierre qui montait jusqu'au Biblioplexe et se pressa au milieu de la foule. Passant sans effort à travers des cohues d'élèves engagés dans des conversations joviales et non-académiques, il traça sa route jusqu'à une haute arche de pierre où étaient inscrits les mots Salle de Sémantique.

« Killian Lu ! » l'atteignit soudain une voix masculine. Des ténèbres de l'arche apparut le corps balourd de Quintorius, étudiant de Forsapience.
« Salut, Quin, dit Killian.
– Tout Plumargent parle de toi et de ton duel aujourd'hui, répondit Quintorius avec des yeux brillants. Forsapience aussi. » Il toussa doucement. « Enfin, seulement moi. Le volume, c'est quelque chose de sérieux. A l'oreille, tu as l'air normal.
- Tu aimes vraiment ta recherche, » dit Killian, se rappelant à quelle fréquence il le voyait faire des va-et-vient au milieu des piles l'été dernier. Il vivait presque dans la bibliothèque.

Manœuvrant au milieu de l'immense tas de livres qu'il avait sur les bras, Quintorius retira un petit ouvrage avec sa trompe d'éléphant et l'offrit à Killian.

« Dobarius Egolt, le Pennemancier muet, lut à haute voix Killian. Un muet ?
– Il lançait tous ses sorts au moyen d'une ancienne forme de langue des signes quand le volume a emporté sa voix, s'exclama Quintorius. Il était incroyable. En fait, il a charmé une armée entière pour qu'ils baissent les bras et se serrent les mains en signe de réconciliation. Il avait compris que la mort et la destruction étaient des notes que n'importe quel instrument peut jouer. » Il tapa de sa trompe sur le livre. « La symphonie de la création est bien plus dramatique. » Il s'arrêta un instant, comme surpris par ses propres mots. « C'est très Plumargent ce que je viens de dire, » conclut-il avec un gloussement.

Killian sentit une autre piqûre dans sa paume.

« Je dois y aller, dit Killian en le dépassant. Mes méditations sont sur le point de commencer. »



La Salle de Sémantique était toujours plongée dans la lumière de la lune et trempée d'un brouillard épais. Une chandelle brillait au travers de la brume laiteuse, guidant Killian plus avant, et il suivit la lumière de pas rapides.

Embrose se tenait dans l'ombre d'une haute pile de livres, grand et menaçant, ses robes noires claquant dans le vent léger qui faisait tourner le brouillard. Sa peau était grise dans les rayons d'argent, mais le blanc de ses yeux perçait l'air flou comme des étoiles. Pas loin de lui se trouvait une table en bois, et sur elle, la chandelle qui avait mené Killian jusqu'ici. La flamme éclairait les pages d'un petit livre relié.

« Tu t'es laissé vulnérable, n'est-ce pas ? demanda Embrose d'une voix si grave qu'elle fit trembler le sol.
– Je pensais que j'avais attrapé toutes les flèches du professeur, père, répondit Killian en sachant déjà qu'aucune réponse qu'il donnerait ne lui ferait échapper à la conférence à venir.
– Tu pensais mal, n'est-ce pas ?
– Peut-être que si Doco avait été autorisé à combattre encore à mes côtés – il m'aide toujours dans les temps de trouble.
– Ce n'est pas une foutue partie de Tour-polo des mages, Killian. Te reposer sur ton encrelin te rend dépendant, faible et déconcentré. » Il s'avança, les yeux brillants. « Les Eloquents, les arbitres suprêmes du cosmos et notaires de tout contrat magique, sont résolus et inébranlables dans leur parole. Les Eloquents, le rôle prisé que tu comptes atteindre après avoir été ici, ne bénéficient pas...
– De la distraction. Je sais, » souffla Killian.

Il baissa les yeux vers le sol pour échapper à la désapprobation irradiant du visage de son père.

« Ton souffle était court aujourd'hui ; tes épaules étaient levées jusqu'à tes oreilles ; tu étais constamment cou tendu comme un daemogoth des Vasteterres. Tu vas te blesser, ou pire, en conjurant ainsi !
– Mes excuses, père, dit Killian en faisant tout son possible pour cacher sa voix enrouée. Je ne m'attendais pas à un duel aussi tôt. Encore moins avec un professeur.
– Tu devrais toujours t'attendre à l'inattendu, le coupa férocement Embrose.
– De la magie de lumière, voilà qui serait inattendu, dit Killian doucement. Peut-être que créer quelque chose pourrait être préférable à la détruire.
- Des jolis mots de pennemanciens et de lumimanciers ne te sauveront pas d'une mort certaine ! rugit Embrose. Les cœurs de l'Oriq ne se plient pas au combat ; les âmes de chasseurs de mage ne sont jamais amendées. Il faut les briser ! » Des traits d'encre jaillirent de lui comme la lave noire et le feu blanc d'un volcan. « Tu es en passe de devenir l'un des plus grands encremanciens de l'histoire. Comme tel, de nombreux ennemis essaieront de dérober ta grandeur. Ne leur donne jamais une opportunité !
– Compris, murmura Killian en direction du sol.
– Que dis-tu ? »
Killian se redressa vite et leva la tête. « J'ai dit, ‘Je comprends, père.' »

Dans le silence tangible qui suivit, Killian sentit les muscles de la mâchoire du doyen se tordre plusieurs fois – un grincement de dents furtif derrière une grimace de lèvres fines. Il sentit les yeux perçants de son père qui l'étudiaient. Espérant couper la tension, Killian se précipita vers la table où il s'assit face au livre, volontairement ouvert au chapitre intitulé « Mélopée & Requiem : Poésie de combat perdue ».

« Tes mots doivent être comme des dagues acérées, assez tranchantes pour arracher la chair de l'os. Eviscère la proie que tu t'es mis à chasser et fais-en ton festin. C'est la seule manière de vaincre tes ennemis. Comprends-tu ?
– Oui, Doyen Embrose. »

Embrose s'arrêta un instant avant de se tourner pour partir, tiraillé par la sévère formalité des mots de Killian.

« C'est pour ton bien, mon fils. Tu le comprendras un jour. »







Killian passa le reste de l'après-midi à réciter et mémoriser les poèmes de combat, ce qui ne contribua qu'à affaiblir encore sa voix, tant physiquement qu'émotionnellement. A sa requête, des coupes d'eau apparurent, qu'il but avec fièvre. Cela ne fit pas grand-chose voire rien pour qu'il retrouve sa voix mais fut très efficace pour activer sa petite vessie. Parler était à présent une corvée presque impossible, et la douleur se répandant dans sa gorge devenait insoutenable. La magie blanche pourrait m'aider, pensa-t-il. Mais être admis une seconde fois à l'infirmerie n'était autre chose que disgracieux, et il lui était interdit de l'étudier lui-même au-delà des invocations les plus basiques.

Il posa son front sur le table en fixant, impuissant, le sol. Là, entre ses bottes noires cirées, progressait le livre que Quintorius lui avait donné, bougeant de lui-même. Quand il s'arrêta enfin, une masse d'encre noire s'en déversa, puis se forma en une créature à tête branlante – Doco, l'encrelin de Killian.

La peau d'onyx de Doco mouvait avec le texte du livre qu'il avait habité. Il donna à Killian un grand sourire d'empathie, espérant lui remonter le moral avec autre chose que la poésie de combat à lire. Killian ne put sourire en retour. En fait, fixant le livre, il fut soudain rempli d'une grande inquiétude. Sa voix partait, et il était un Plumargent. Comment pourrait-il faire sans elle ?

Ses pensées inquiètes se dirigèrent vers Fannessa. Peut-être qu'il devrait répondre à son offre. Avait-il un autre choix ?

Résolu, il récupéra le livre et Doco, les glissa dans ses robes, et sortit de la pièce.



Dans l'ombre de la dernière pierre d'Arcaube, Killian observait à distance trois étudiants de Flestrefleur entrer à la Taverne de la Fin de l'Arc. De lourdes portes en bois s'ouvrirent d'elles-mêmes avec fracas pour eux, et la structure surmontée d'un dôme exhala de musique Prismari vive et entraînante. Avant de disparaître au-delà du seuil, la troisième Flestrefleur regarda derrière lui et le remarqua.

Sa peau verte, ses yeux d'or et ses cheveux de feuilles mortes la trahissaient immédiatement. C'était son amie Dina, elle aussi en deuxième année. Tous deux avaient traversé un certain supplice au semestre dernier dans le Marécage de Retenue, mais hélas, ils avaient échangé peu de mots depuis.

« Tu attends quelqu'un, Killy ? » demanda Dina, toujours loin.

Killian grimaça au surnom, qui avait l'air plus morbide que mignon. Killy. Il hésita à parler, sentant la démangeaison remonter sa gorge. Il préféra acquiescer.

« Tu penses qu'il peut être à l'intérieur ? Demanda-t-elle.

Killian regarda une nouvelle fois autour de lui. Ne voyant aucun signe de Fannessa, il décida d'approcher.

« J'adorerais rester, mais je ne peux pas hésiter, dit Dina en lui tenant la porte. J'ai un rendez-vous. Le troisième. Quelque chose de nouveau que j'essaie – me faire des amis. Vickus, il s'appelle. C'est un quatrième année, presque gentil.
– Presque ? » demanda Killian.
– Gentil avec moi, mais il peut-être assez brute de décoffrage. Je lui ai fait du thé, continua-t-elle en présentant une canette verte fermée par une vigne sur son épaule. Tu peux essayer si tu veux. Il est plutôt fort. Ne demande pas ce qu'il y a dedans. A moins que tu aimes le goût des dents de vigneron.
– C'est ce qu'il y a dedans ? demanda Killian.
– Vaut mieux ne pas demander. Allons-y. » Prenant elle-même sa main, ils entrèrent.

La Fin de l'Arc était un grand bâtiment circulaire avec un haut dôme pour plafond. Des fenêtres permettaient à la lumière de rayonner dans le périmètre alentour, illuminant les avenues jusqu'aux autres salles, mais la zone dans le cercle lui-même était peu lumineuse, à peine éclairée par des bougies volantes qui changeaient de couleur avec les notes de musique. Le bar principal était tout au centre, et au-dessus de lui flottait la scène où le groupe de Prismari jouait. Répandues autour d'eux se trouvaient des tables rondes et des tabourets occupés par des étudiants qui buvaient dans des coupes mousseuses et mangeaient des viandes épicées.

Cela ne prit qu'un instant à Killian pour remarquer Fannessa. Elle était assise toute seule au bout d'une longue table, comme une grande reine durant un banquet.

« Je vois celui que je cherche, Killy, le prévint Dina. Tu ne m'en voudras pas si je te laisse, non ?
– Non... » commença à répondre Killian, mais elle avait déjà commencé à s'éloigner de lui.

Killian remit ses yeux sur Fannessa et donna un léger sourire. Il vint rapidement à elle.

« Bien, bien, voyez donc qui a décidé de faire une apparition, s'exclama Fannessa, Killian Lu, le briseur de règles... et avec une petite amie, rien de moins ?
– Oh non ! Dina... n'est pas... elle... n'est pas, » bégayait Killian. La douleur dans sa gorge et le sourire entendu de Fannessa coupaient toute explication. Il prit un siège à côté d'elle, aucunement amusé.
– Alors... as-tu entendu ? recommença Fannessa. Razineth compte mener des duels contre nous chaque semaine.
– Vraiment ? demanda Killian d'une voix rauque.
– Ouais. Alors tu vas devoir faire tes preuves encore et encore et encore. »

Killian inspira profondément, frustré par cette perspective, sachant que sa magie devrait se faire plus violente.

« Je suppose que c'est ce que ça demande d'être un Eloquent, hein ? continua-t-elle. Un devoir à vie. Pas de liberté. En plus, tu es le fils unique du Doyen Embrose.
– J'aimerais bien te prendre un peu de cette boisson, si tu veux bien, » l'interrompit-il.
Fannessa sourit, amusée par son désespoir. « N'en dis pas plus, Killy. N'en dis pas plus. »

Killian lui jeta un regard tandis qu'elle se levait de table et se dirigeait vers le bar. De nouveau, elle avait dit quelque chose qu'il avait entendu en privé, mais un sourire agréable de sa part dissipa le pensée. Ce n'était peut-être qu'une coïncidence.

Echappant à son regard, il tira le livre de Quintorius de ses robes. Doco se matérialisa depuis les pages et en jaillit. L'encrelin lui fit un sourire et un clin d'oeil, heureux de voir Killian dans une humeur un peu meilleure. Puis, avec ses pattes d'encre, il tourna les pages jusqu'à une page du livre couverte d'images – dessins de mains et de doigts placés dans de nombreuses formes et positions différentes. Des mots traduisaient en dessous : bienveillant, vertueux, amour et bien d'autres. Killian fit le signe pour « lumière » sous la table et ferma les yeux. Crée quelque chose, pensa-t-il à part lui-même en se concentrant sur son intention. Cela ne prit que quelques instants avant qu'il ne voie la noirceur derrière ses paupières devenir oranger et sente la chaleur des bougies sur la table s'intensifier. Ça marchait.

« Je ne t'ai jamais vu là auparavant, Lu, » dit une mièvre voix masculine par-dessus son épaule.

Killian n'avait pas besoin de regarder derrière lui pour voir que c'était un Flestrefleur qui exultait à propos de lui. Ils avaient toujours l'odeur du Marécage. Cet élève, cependant, s'était parfumé avec quelque chose de floral pour masquer l'odeur ; il espérait peut-être impressionner quelqu'un. Killian se redressa, glissant le livre dans ses robes.

« Dina me dit que vous deux, vous êtes proches, dit le Flestrefleur avec un ton suspicieux. Elle me dit que vous passez du temps ensemble ?
– Passions, répondit Killian. Dans le Marécage. Je l'ai seulement aidée pour un projet. »

Il regarda en direction de Fannessa et la vit observer leur interaction, impatiente de voir ce qui en ressortirait.

« Un projet. » Le ton du Flestrefleur devenait menaçant, à mesure que sa nature brutale et jalouse se révélait. « Encore en cours ?
– Vickus ! » Killian entendit Dina le dire d'assez près.

Killian se leva et se tourna complètement. Le quatrième année était grand et avait de larges épaules. Des cheveux verts, comme des vignes, enserraient son visage pâle, et ses yeux d'émeraude étincelèrent dans ceux d'encre de Killian. Dans sa main il tenait un nuisible couvert de ronces qui avait commencé à se tortiller.

« Non, dit Killian dans une dernière tentative de l'apaiser. Ce n'est qu'une amie. »

Vickus eut un sourire en coin, révélant dans un éclat ses dents de vampire, et les veines de son costume commencèrent soudain à briller d'une lumière verte.

« Deux en un seul jour, Killy, » dit Fannessa en s'asseyant. Elle plaça ensuite une coupe d'un liquide violet pétillant sur la table et la glissa jusqu'à lui. Il le prit. « Y a un populaire ici.
– Ne faisons pas ça, dit Killian. Je t'en prie.
– Si, répondit Vickus. Faisons-le. »

Le nuisible lâcha un cri tandis que sa force vitale le quittait et entrait dans son hôte. De la magie verte jaillit du dos du quatrième année comme un arbre noueux, ses feuilles se pliant pour former un énorme buste éthéré du nuisible décédé.

Toujours prête à l'irruption de duels magiques, la Fin de l'Arc se transforma en une arène avec tables et chaises qui flottèrent vers des positions fixes autour de la circonférence de l'espace ; les étudiants y restaient assis, dont Dina et Fannessa. Le bar et la scène se levèrent aussi, laissant un passage ouvert pour que les malédictions se déchaînent entre les adversaires.

Killian savait que la rumeur de ce duel irait vite. Il serait préférable d'y être dit le vainqueur, surtout dans les oreilles des Plumargent et de son père. Alors, il vida le contenu de sa coupe, priant pour que cela lui apporte un soulagement, et instantanément, ce fut le cas.

La chaleur du liquide au goût de miel recouvrant sa gorge lui apporta en même temps une énergie ivre, renouvelée. Il retint sa respiration, de surprise, se sentant de nouveau lui. Non... mieux que lui – mieux que jamais, tandis que la boisson refluait en lui et nourrissait sa première attaque.

– Oh, maroufle mal dressé du Marécage, là on te voit vert d'envie, mais j'avais toujours cru que c'était à respirer ton haleine chaque jour. » Tandis que les mots quittaient sa bouche, des flots noirs de magie jaillissaient de son dos, se transformant en des pattes longues et squelettiques et le thorax d'une araignée. Les pattes le levaient bien au-dessus de Vickus, qui regardait vers lui avec dédain. Il entendit du délice et de la surprise de la part du public d'élèves au-dessus d'eux.

« Comme une fleur qui flétrit, flétris-toi, Flestrefleur, » maudit Killian. Puis, de son thorax énorme, il cracha d'épaisses cordes d'encre qui formèrent des barres de toile autour de son adversaire. Vickus esquiva chaque attaque habilement et lui lança des orbes de roncesort. Killian esquiva ses assauts et revint malédiction après malédiction d'encre de son cru.

Killian était choqué de la dureté de son propre pouvoir – le danger qu'il y avait. Chaque attaque avait l'air plus destructrice que la précédente, et chacune était délivrée sans l'ombre d'un remords. On n'attendit pas longtemps que toute la zone soit recouverte des épaisses toiles noires nées de son fléau.

A présent Vickus haletait, éreinté. L'énergie du nuisible était presque épuisée. Dans un dernier effort pour vaincre Killian, le jeune Flestrefleur invoqua du sol un groupe de racines d'arbres pour le balayer au sol. L'attaque le laissa exposé un instant, et voyant cette ouverture (comme Razineth avait fait en classe), Killian lâcha un t acéré de sa langue. La flèche d'encre noire traversa la taverne et se planta dans le cœur de Vickus. Ne perdant pas de temps, Killian enveloppa ensuite Vickus dans ses toiles, le laissant, comme une mouche, sans secours.

« Envieuse verrue infinitésimale, putride sac de mélancolie, murmurait Killian en se rapprochant de lui. Ta précieuse Dina a pitié de toi. Elle est un être que jamais tu n'auras, qu'importe le soin que tu mets à couvrir ton haleine ! »

Tandis qu'il parlait, chaque once d'encre répandue à travers la pièce, y compris la flèche d'encre, entra dans le corps de Vickus. Killian regardait les yeux de son adversaire passer de l'or au noir.

« Killy ! » cria Dina, effrayée.

Il leva les yeux vers elle, regardant directement un visage terrifié qui le suppliait de ne pas aller plus loin. Son regard passa ensuite à Fannessa, qui semblait demander le contraire, admirant le combat avec un délice démoniaque.

« Que ton père soit fier, Killian Lu ! » le félicita Fannessa, pour le pousser à donner le coup final.

Killian se retourna vers Vickus, dont les yeux noirs étaient maintenant écarquillés de terreur, son âme se brisant en mille morceaux. Sa victime avait commencé à descendre, et il se souvint à quel point il était horrible de se sentir défaire – de souffrir seul dans les ténèbres.

Je ne veux pas, pensa Killian, dont la conscience se rebellait. Je ne veux pas te blesser.

Killian ouvrit sa bouche pour rappeler les malédictions, mais à sa grande surprise, aucun son n'en sortit. Il essaya plus fort mais sentit la pitié s'accrocher dans sa gorge, comme si quelque chose en lui – quelque chose de sombre et malveillant, réveillé par la concoction que Fannessa lui avait apportée – rendait vains ses efforts. Il lança un second regard à Fannessa et la trouva lui jetant un regard noir, frustrée qu'il n'ait pas déjà donné le coup final. C'était en effet elle la cause.

Le temps pour sauver Vickus s'écourtait. Sans voix ni alternative, Killian sortit de nouveau l'histoire du Muet de ses robes et ouvrit ses pages. Doco, du même esprit et attendant son opportunité pour aider, bondit dans l'action, se transformant en deux mains d'encre qui signaient une phrase toute simple.

Tu – suffis.

De leur première interaction, Killian avait vu un homme intensément animé par la jalousie ainsi que par une profonde peur d'être méprisé. De voir Killian main dans la main avec Dina avait enflammé les deux émotions. Ce qui le sauverait, ce que Killian pouvait lui accorder, c'était la confiance. C'était ce qu'il pouvait créer et ce qui durerait.

Killian répéta rapidement la phrase de ses propres mains, concentrant son intention. En un instant, de la lumière blanche se précipita hors de lui, faisant rentrer les pattes d'araignée dans son corps. Puis, comme l'infirmière l'avait fait pour le sauver, il fit sortir les sorts d'encre entortillés. Mais, plus que cela, il les infusa de pure magie blanche, les enrichit de bonnes intentions, et les renvoya dans le cœur du Flestrefleur. Les yeux de Vickus commencèrent à briller comme deux soleils éclatants, et son corps rayonnait de lumière dorée de guérison. Sa peur avait été remplacée par la joie, Killian saisit même un sourire qui étirait les lèvres du jeune homme, avant qu'il laisse reposer sa tête. Ainsi, le duel était fini.

Des applaudissements déferlèrent d'au-dessus et la musique recommença d'être jouée tandis que la taverne se remettait dans son état précédent. Killian n'attendit pas qu'elle se réétablisse mais se précipita vers les toilettes.

A l'intérieur, il courut à l'évier, tourna le robinet et commença d'engloutir de grandes goulées d'eau. Il sentait sa gorge comme en feu, et chaque goulée n'avait l'air que d'augmenter la brûlure.

« Alors... qu'est-ce qu'il vient de se passer ? » demanda lentement Fannessa, d'une voix presque sinistre, en entrant dans la salle à sa suite. Elle ferma la porte derrière elle. « Tu aurais pu le finir.
– Pas... juste, » souffla Killian, remettant sa bouche ensuite sous le robinet.
« ‘Eviscère la proie que tu t'es mis à chasser et fais-en ton festin.' N'est-ce pas ce que ton père t'a dit de faire ? »

Killian lui adressa un regard féroce. C'était la troisième fois qu'elle citait des phrases dites à lui en privé. L'avait-elle suivi ?

« Oui, je t'ai suivi, admit-elle. Nous t'avons suivi pendant très, très longtemps. »

Killian commença à s'éloigner d'elle, confus et de plus en plus apeuré.

« Qu'est-ce – qui était – dans ce verre ? demanda-t-il.
– Rien de spécial – un peu de bière, des herbes, et un peu de magie de l'Oriq pour supprimer toute la culpabilité que tu portes.

Fannessa tendit ses deux mains et marcha lentement vers lui. Une étincelle lumineuse survint dans l'espace au-dessus de ses mains, qui devint une boule roulante de feu violet. La boule continua de s'agrandir et tourner, prenant enfin la forme d'un heaume noir luisant. Killian se raidit à sa vue, reconnaissant le masque de l'Oriq. Fannessa aussi fut engloutie dans les flammes violettes qui mirent en cendres ses robes de Plumargent, pour révéler dessous l'armure dentelée, grise, de l'Oriq. L'ennemi était venu vers lui, et quand il était le plus vulnérable.

« Un encremaître avec une conscience un Eloquent ne faut pas, » dit Fannessa avec un sourire. Le heaume quitta ses mains et flotta jusqu'à Killian. « Notre chef te trouve plein de promesses, continua-t-elle, mais la route vers ta vraie destinée est pleine de terreurs pour lesquelles nul à Strixhaven ne pourra jamais te préparer. Regarde qui tu es à présent – ta voix sacrifiée pour eux, pour Razineth, pour les attentes de ton père. Tous ces mots et ces bravades pour quoi ? » Elle tournait autour de lui en parlant. « Le pouvoir que tu as convoqué en combattant ce pathétique Flestrefleur, sans les interminables heures d'entraînement, sans peur, sans empathie, c'est ce dont tu auras besoin pour devenir ce que tu dois être.
– Et je dois être ? » demanda Killian, les yeux rivés sur le masque.
« Libre. »







Le masque s'abaissa dans les mains de Killian. Lentement, il le prit. Un moment de tension passa entre eux. Il sembla que la boisson qu'elle lui avait donnée avait fait beaucoup pour le rendre plus puissant – il était devenu anormalement sensible à ses suggestions. La pression qui grandissait dans sa tête lui donnait l'impression que son crâne allait exploser. Il voulait que tout cela finisse – les regrets, les déceptions, les attentes – et, dans le silence, il goûta l'idée de disparaître dans le feu violet de l'Oriq.

« Mets le masque, Killian Lu. » Elle se tenait désormais dans son dos. Un heaume noir se manifesta sur sa propre tête, étape finale de sa transformation. « Rejoins-nous. Ensemble, nous détruirons chaque obstacle sur notre chemin. »

A ce moment, Doco émergea, nageant toujours parmi les sorts du Muet. L'encrelin plana entre Killian et le heaume et regarda dans les yeux douloureux d'un ami désespérément à la recherche d'une réponse. Avec un acquiescement de compréhension, Doco prit la forme d'une volute et écrit un message simple dans l'air devant lui.

Nous ne détruisons pas. Nous créons.

Killian inspira profondément, sentant un poids tomber de ses épaules – une liberté soudaine qui lui venait du fait qu'il acceptait enfin de savoir qui il voulait vraiment être. Il secoua lentement la tête, déclinant l'offre de l'Oriq. Le masque s'évapora immédiatement des mains

« Petit broonie pathétique, » le maudit Fannessa. Le pataugement de sa magie d'encre se répandant au-dessus de lui entra était bue par ses oreilles tandis qu'elle commençait à incarner ses mots. Chaque blob produisait un sifflement douloureux en se formant en stalactites acérées au-dessus de lui. « Tu n'es pas digne de l'Oriq. Tu es un odieux idiot inique. Et tu mourras tel. »

Soudain, Killian entendit des cris et des lancers de sort résonner de l'extérieur. Un autre combat faisait rage de l'autre côté de la porte, mais celui-ci était plus gros que le premier.

« Tu ne pensais pas que je viendrais seule, n'est-ce pas ? » jubila Fannessa. Elle étendit sa main, tout son corps se mêlant à l'encre et brûlant du feu pourpre. « Nos chasseurs de mage vont tous les exterminer... y compris ta petite chérie. »

Doco prit de nouveau la forme de trois signes de la main, et sans se retourner, Killian les imita lui-même. Lumière – apporte – lumière. Alors la salle fut emplie d'une aveuglante magie blanche. Une sphère roulante de lumière dorée l'entoura, repoussant les lances pointues que Fannessa lançait dans sa direction. Tout ce que la lumière touchait semblait luire comme le soleil. Et comme le soleil, il s'éleva dans les airs.







Fannessa vomissait sur lui ses malédictions, mais aucune ne pouvait pénétrer la lumière. Killian répéta les mêmes gestes qu'il fit pour créer le bouclier, et la sphère de lumière grandit jusqu'à la soumettre, la piéger. Se rapprochant, regardant dans ses yeux fous, effrayés, Killian claqua sa langue contre son palais et lâcha un léger t. Une flèche, dorée et rayonnante, emplie d'intention vertueuse, fut conjurée. Elle glissa doucement dans l'air et se planta en elle.

Je dis la pitié dans ton cœur.

Elle lâcha un cri irréel avant que les feux qui rugissaient dans ses yeux se rétractent en calmes lacs d'or. Puis, soudain, la porte de la salle explosa. Comme une pierre catapultée, une créature en armure avec des membres d'arthropode repliée sur elle-même passa à toute vitesse à côté de Killian et à travers la pièce. Tandis qu'elle grimpait sur Fannessa, ses replis s'ouvrirent, et plusieurs pattes cliquetantes la soulevèrent. Se précipitant, il défonça le mur et s'échappa dans le ciel.

Killian et Doco se précipitèrent après eux, grimpant dans le trou massif laissé dans la structure. Ils s'arrêtèrent juste au-delà et observèrent les nuages brisés que l'ennemi avait laissés dans son sillage. Fannessa et le chasseur de mages étaient partis. Mais un combat faisait toujours rage tandis que deux autres chasseurs de mage étaient à l'attaque. Les dents à nu, les hideuses créatures fouettaient de leurs queues pareilles à des lances avec une incroyable précision, frappant les corps des élèves qui les approchaient. Toute attaque en direction des monstres était esquivée, comme s'ils s'attendaient à chaque coup qui arriverait. Les citoyens de Strixhaven perdaient vite la bataille.

Heureusement, Killian avait étudié ces créatures ; son père s'en était assuré. Les échines luisantes s'étendant depuis leurs crânes blindés étaient la clef de leur détection de magie et leur permettait d'esquiver aisément les attaques.

Doco surgit dans l'action, s'étendant pour former une vingtaine de blobs noirs qui tournaient autour de Killian en cercle. Chacun prit la forme d'un signe de la main tiré du livre tandis qu'ils passaient devant lui, et de plus en plus vite, il les copiait, jusqu'à ce que Doco soit un halo tournoyant d'encre noire et qu'il maîtrise le signe.

Je dis à présent la paix en vous pour que la lumière puisse repousser les ténèbres.

Juste à ce moment, l'intense lumière des échines des chasseurs de mage fut remplacée par une blancheur éclatante. Aveuglés, les chasseurs de mage balayaient en désordre les airs de leur queue, cherchant à se défendre d'ennemis invisibles. Les sorts de Killian coulaient comme de l'eau sur leurs dos et le long de leurs queues, où elle consumait leur bout, les immobilisant.

« Killian Lu ! Il les a eus ! » cria Vickus, maintenant en pleine forme, écrasant les bêtes avec des branches entrelacées de ronces. Il fixa ses yeux sur Killian, et les deux partagèrent un moment de respect de guerrier – une nouvelle camaraderie. « Attaquez avec tout ce que vous avez ! »

Les mages blessés suivirent l'ordre, formant un cercle énorme autour des bêtes tremblantes, lançant chaque sort de leur artillerie. Les cinquante élèves lancèrent un barrage de diverses magies de chaque université de Strixhaven droit dans les monstres, pénétrant leur armure, l'éclatant. L'attaque finale vint de Dina, qui invoqua une énorme boule de magie de béryl, qui pulsait, sur les horribles créatures, les déchirant en mille morceaux. La fin des monstres assurées, les yeux de tous les mages se tournèrent vers Killian comme leur sauveur, pour le remercier de ce qu'il avait fait. Ils avaient gagné, et c'était grâce à lui.



Killian s'installa contre un mur un court instant plus tard, complètement épuisé par la bataille. Il avait donné tout ce qu'il avait contre Fannessa et les chasseurs de mage, dont sa voix, dont il craignait toujours qu'elle ne reviendrait jamais.

« Même si nous ne sommes plus au bar, commença la voix de Dina depuis l'autre côté du mur, tu m'as bien l'air d'avoir besoin d'une boisson, Killy. »

Elle glissa au coin à sa façon typiquement nonchalante, comme s'il n'y avait jamais eu de combat. Son visage brillait à présent d'une lumière verte enchantée qui reflétait la fluorescence du liquide qu'elle versait dans un petit bol de bois. L'odeur émanant de la concoction suspecte était suffisante pour que l'estomac de Killian se retourne... ce qu'il fit presque. Mais il n'émit pas d'objection. Il pria silencieusement et se prépara au traitement qu'elle avait à offrir.

« Un des élèves que je parraine s'est mis dans la tête que mes thés étaient mortels, dit Dina en approchant un doigt du menton de Killian pour relever sa tête. Je ne suis pas d'accord. Mes mélanges sont pleins d'herbes faites pour soigner des affections comme celle de ta gorge. Celui-ci est un de mes favoris et n'a que quelques effets secondaires. Allons-y.
– Je ne ferais pas ça, » l'appela soudain Vickus. Sa voix était plus aiguë à présent, mêlée à un rictus. « Les herbes du marécage peuvent faire des choses aux organes humains... comme les fondre, parfois. Va plutôt voir une infirmière. » Dina le regarda par-dessus son épaule alors qu'il s'approchait d'eux. « Oh, et c'était un cadeau pour moi. Merci, Dina. Besoin d'aide ? »

Vickus offrit sa main à Killian, qui la prit.

« Les rumeurs sont vraies, commença-t-il quand Killian fut sur pieds. Vous les Plumargent, vous êtes un paquet de vicieux. Tu sais, avant que les chasseurs de mages attaquent, cette fille avec qui tu étais fit savoir à tout le monde que Strixhaven brûlerait et que tous nous mourrions dans les mains de l'Oriq. Elle a dit des choses vraiment maléfiques. Est-ce qu'elle est partie ? »

La piqûre trop familière de l'échec se fit sentir dans le cœur de Killian. Malgré son éveil et son acceptation de l'incroyable pouvoir qui vivait en lui, il avait laissé l'ennemi s'échapper. Son père avait peut-être raison. La magie de lumière n'avait pas suffi pour ramener l'ennemi à la justice.

« Bien, » dit Vickus.

Killian lui lança un regard, confus et pris de court.

« Tu l'as changée, rayonna Dina.

Vickus, tenant toujours la main de Killian, la plaça entre les deux siennes avec chaleur. « Si ce qu'elle a senti était à peu près ce que tu m'as fait sentir, continua Vickus, elle ne sera jamais la même. Et ce changement va se répandre d'elle aux autres de l'Oriq, modifiant leurs cœurs, les détournant de leurs terribles voies. Tu as créé un moyen pour les ramener à la lumière. Même le doyen d'ombre ne le nierait pas. »

Killian sourit, presque rouge de leurs louanges. Ayant entendu l'échange, Doco émergea et se percha sur l'épaule de Killian. L'encrelin bouillonnant donna à son compagnon un bon coup de coude de félicitations, l'encourageant à tenir à ce qu'ils avaient dit et à y croire. La lumière qu'il avait repoussée si longtemps avait fait plus que ce que sa magie noire avait jamais pu faire – elle avait créé un changement.

Des tonnerres d'applaudissement au loin attirèrent les yeux de Killian vers l'horizon. Là il vit, battant des mains dans la lumière du deuxième soleil, les visages souriants, épuisés par le combat, de ses pairs, ses camarades irréductibles, qui avaient été témoins du pouvoir de sa lumière. Analysant leur ligne, Killian reçut soudain le regard de son père. Embrose, bras croisés et visage sévère, se tenait au milieu de la foule, avec d'autres professeurs, qui eux aussi étaient arrivés juste à temps pour le voir accomplir cette journée. La Doyenne Shaile et Razineth se tenaient chacun d'un côté de lui, célébrant la victoire de Killian avec les autres.

Killian se raidit, gardant la tête haute, et retourna à son père son regard. Ce n'était pas une expression de défi mais un geste de paix – un espoir de compromis entre les deux idéaux opposés qui enfin se rencontraient en leur milieu/

Le cosmos est vaste, et les Eloquents ne sont pas seuls à le façonner. Les mots résonnèrent fort dans l'esprit de Killian, et avec toute son intention, il les dirigea dans le cœur de son père. Un éclat de lumière illumina les yeux d'Embrose. Killian pouvait voir que le message avait été reçu. Mais serait-il accepté ?

Un bref instant passa entre eux avant que Killian voie le plus petit des tiraillements relever l'un des coins de la bouche d'Embrose – c'était ce qu'on pouvait considérer comme le commencement d'un sourire, un signe de demi-approbation. L'action fit même lever la tête de son père très légèrement, envoyant une énergie chaleureuse dans la direction de son fils. Soudain, Killian sentit une piqûre aiguë dans sa paume. Il tourna sa main et vit inscrit en patriscrit, dans sa peau pâle :

« Je peux créer, » dit Killian à haute voix.

Tandis que l'encre s'effaçait, il respira l'air pur, maintenant plein de l'espoir d'une nouvelle destinée devant lui. Le temps était finalement venu pour lui de sortir de l'ombre et d'enfin marcher dans la lumière du soleil. Il était prêt.

Alors c'était comment ?

     
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