Kaito, loyal à son impératrice disparue, doit plonger dans les bas-fonds de Kamigawa, et se montrer loyal à l'impitoyable Satoru. Vous trouverez l'article original ici.
Un test de loyauté
La rue était bondée de kamis ce soir. Le Festival des Lanternes était le favori de nombreux esprits de Towashi amoureux de la nuit. Un autre jour, Kaito aurait pu apprécier le camouflage supplémentaire. Une partie de son boulot demandait la capacité de passer inaperçu dans les rues – et les hordes de kamis étaient une solution idéale. Mais il manquait de temps. S'il n'accomplissait pas bientôt son boulot, il perdrait une journée de paye à un autre Héliaste.
Cela n'avait pas pris longtemps à Kaito de trouver sa cible. Les parieurs étaient notoirement mauvais lorsqu'il s'agissait de garder des secrets, et celui-ci avait une histoire de dettes et d'amitié gâchée. Mais si Kaito bougeait trop tôt, il risquerait de l'effrayer. Et pendant une nuit pareille, avec de grandes foules et une abondance de feux d'artifice, il y avait des milliers d'endroits où un étranger pouvait se cacher.
Un groupe d'enfants, cierges magiques au poing, coururent devant Kaito, hurlant de plaisir. Il recula face à ce bruit.
Cela ne faisait qu'un an depuis que l'impératrice avait disparu. Douze mois depuis que Kaito avait chassé le mystérieux étranger du temple de Kyodai.
Le reste de Kamigawa se comportait certes comme d'habitude, mais quand Kaito vit les lanternes rouge vif du festival qui flottaient dans le ciel, les brochettes de riz trempé de sirop hérissant chaque rue, et le Kami des Réjouissances exultantes flamber sur les toits dans toute sa gloire étincelante, il ne sentit pas une once de joie. Tout ce à quoi il pouvait penser, c'était à son ami.
Kaito garderait la célébration pour le jour où l'impératrice reviendrait.
Il marchait sous la canopée de parasols-néons qui gardaient abrités les vendeurs de rue, où un trio de kamis électriques se chamaillaient à proximité d'un des réchauffeurs extérieurs qui chancelaient. Le plus petit des trois esprit sauta, et les orbes de métal qui flottaient autour de son corps au style industriel fulguraient d'irritation. Kaito mit sa main devant ses yeux pour les protéger de la forte lumière, clignant des yeux plusieurs fois avant que le kami ne déferle à travers la rue pour trouver une autre source d'énergie. Quand sa vision fut revenue, il était presque certain d'avoir totalement perdu la piste de sa cible.
Et c'eût probablement été le cas, n'eût été le manteau criard qu'il portait.
Les bords brillaient, jaune fluorescent, et le reste de son vêtement portait un motif de carpes koï laquées, holographiques. C'était un choix audacieux pour quelqu'un qui détenait l'argent de Saturo Umezawa.
Mais il y avait quelque chose à propos des festivals qui jouaient un mauvais tour aux gens, en les poussant à baisser leur garde.
Silencieusement, Kaito s'approcha de cet homme habillé en jaune, surveillant alentour alors qu'il se perchait sur l'une des fines chaises en bois, à l'extérieur d'un étal de curry. Il se pencha sur la table, disant quelques mots précipités, déliés à la femme dont le front était couvert de farine, des gouttes de curry étalées sur son tablier.
Les Héliastes hyozians ne voulaient pas de témoins. Kaito devait être prudent.
Il glissa entre les clients qui approchaient, se déplaçant comme s'il n'était rien qu'un souffle de fumée dans l'ombre. Il marcha derrière sa cible sans s'arrêter, et en un mouvement fluide de sa main, Kaito plongea sa main dans le manteau de cet homme pour en retirer son porte-monnaie.
Il ne sentit rien. Kaito s'en était assuré.
Suivant la foule mouvante jusqu'à la limite du marché, Kaito s'éloigna des étals. Quand il fut sûr qu'il n'avait pas été suivi, Kaito s'arrêta au coin de la rue, ouvrit le porte-monnaie, et compta les billets translucides qui s'y trouvaient.
La plupart des gens de Kamigawa préféraient utiliser les puces de crédit à leur poignet, mais quiconque avec un penchant pour les paris ne serait pas assez bizarre pour utiliser de la technologie qui se portât. Ceux qui fréquentaient les repaires de cartes de Towashi avaient un dicton : ne risque que ce que tu veux bien perdre. Pour éviter la tentation de tout risquer, les parieurs préféraient l'argent physique plutôt que les puces de crédit.
Heureusement pour Kaito, il avait acquis quelques aptitudes au cours des années – voler à la tire en faisait partie.
Il feuilleta les notes, comptant une deuxième fois pour être certain avant de retirer une tablette miniature de sa poche. Un jour, il espéra qu'il serait capable de s'offrir des technologies main-libre comme les lentilles de rétine qu'il avait vu d'autre Héliastes porter, mais pour l'instant, l'oreillette démodée ferait l'affaire.
Le dispositif scanna ses yeux, et un hologramme flou se matérialisa. Kaito bougea un doigt, déroulant les détails de chaque référencement actif, jusqu'à ce qu'une image pixelisée du visage du parieur apparût. Sous l'image se trouvaient son nom, combien il devait à Satoru, et quelques infos quant à l'endroit où il pourrait se cacher.
Kaito tapa un message codé dans le dispositif et cliqua sur « Envoyer ». Le référencement de la cible passa du bleu au rouge avant de disparaître. Dans l'espace qu'il laissa apparut le mot « Accompli ».
À travers Kamigawa, les Héliastes hyozans recevraient la même alerte.
Ils sauraient que Kaito avait accompli un autre boulot et qu'il était sur la route vers le repaire de Satoru dans les Tréfonds pour récupérer la récompense.
Kaito replaça la dispositif dans sa poche, le bruit des tambours du festival et des feux d'artifice retentissant derrière lui. Il était vrai qu'il n'était pas prêt de célébrer quoi que ce soit – mais cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas faim. Kauto tira quelques sous supplémentaires du porte-monnaie du parieur, et acheta la plus grosse brochette de boulettes qu'il pût trouver. Comme il cheminait jusqu'à la station de train, du shoyu dégoulinant sur sa main, Kaito décida que bien que de travailler pour Satoru n'avait pas été sa première option, d'être un Héliaste avait ses avantages.
Les Tréfonds se situaient à l'ombre des gratte-ciels qui se profilaient et de cerisiers vifs qui peinaient à cacher la puanteur des égouts ouverts en-dessous. Kaito avait fait de ces boulots pour les Héliastes hyozans depuis près d'un an. Il s'était habitué en grandissant aux pires parties du bas-ventre de Towashi. Il s'était même habitué à ces gens – et ils étaient bien pires que tout ce qui pouvait sortir des égouts.
Kaito leva son poignet en direction de la porte lambrissée, et une lumière rouge scanna la carte d'accès portable. La sécurité était médiocre comparé à celle du Palais Impérial, mais personne avec un minimum de bon sens tenterait jamais de s'introduire dans le territoire des Héliastes. Un système de sécurité était presqu'une formalité.
La porte coulissa, et Kaito suivit un escalier métallique qui descendait jusqu'à un vaste hall où des tables de jeu recouvraient la pièce et un néon recouvrait le mur de derrière. Les Héliastes étaient perchés sur des chaises et debout dans les embrasures, la majorité des visages cachés par des masques décorés avec recherche, des crocs et des cornes aiguisées. Quelques uns des sous-fifres n'en avaient qu'un ou deux, mais les plus expérimentés avaient des tatouages qui s'étendaient de leurs poignets jusqu'à leurs épaules.
Pour la plupart des Héliastes, leur tatouage de loyauté était le premier. S'ils trahissaient Satoru, la marque d'initiation rongerait leur chair, menant finalement à une mort lente et douloureuse. Kaito n'était pas le plus jeune parmi les sous-fifres, mais d'être à la limite de seize ans faisait qu'il était assez jeune pour éviter l'initiation.
Il essaya de ne pas penser au temps que cela durerait.
Ce n'était pas que Kaito voulût être déloyal. Satoru lui avait donné un boulot, après tout, sans parler d'un logis et du couvert. Mais s'il n'y avait pas eu les Hyozians, Kaito aurait toujours arpenté Towashi, survivant grâce aux quelques pièces qu'il parvenait à récolter dans les gouttières – et peut-être quelques autres récoltées dans les poches d'étrangers imprudents.
Mais Kaito n'avait pas rejoint les Héliastes hyozans pour l'argent. Le réseau étendu du gang lui donnait accès à chaque bout d'information criminelle qui existait. Si quiconque savait quelque chose à propos d'un homme avec un bras métallique, ce seraient les espions de Satoru.
Si cela voulait dire trouver celui qui avait attaqué l'impératrice, Kaito souffrirait un tatouage de loyauté et de rester dans les Tréfonds aussi longtemps que nécessaire. C'était un maigre prix à payer pour ramener son amie chez elle.
Une silhouette de forte carrure portant une armure sculptée aux allures d'insecte se tenait dans le chemin de Kaito, les sourcils aussi épais que des chenilles. Il souffla, d'un souffle acide et les yeux injectés de sang. « Tu as volé mon contrat. »
Kaito lorgna le katana de cet individu, ses tranchants brillant d'un rouge impitoyable. La plupart des armes de Héliastes étaient trempées de poisons et d'enchantements illégaux. Tout ce que Kaito avait, c'était un petit couteau qui était plus à même de couper des fruits que de faire couler du sang, mais la dernière fois qu'il avait été à l'armurerie, le couteau était tout ce qu'il pouvait se permettre d'acheter. Kaito n'avait jamais été du genre à fuir les confrontations, mais il ne pouvait nier que le combat ne serait pas égal. Alors, il répliqua avec ses mots et espéra que cela ne lui coûterait pas un nez cassé.
« Si un nom est référencé, c'est équitable, mordit avec flegme Kaito. Ce n'est pas de ma faute si tu as été trop lent pour l'atteindre en premier. »
Le Héliaste siffla entre ses dents de traviole. « Le parieur n'a été marqué comme cible que ce matin. Comment es-tu parvenu à le trouver si vite ?
- C'est un festival, remarqua Kaito. Les gens vont où il y a à manger.
- Je dirais que tu as été chanceux, mais tu n'as même pas de sang sur tes mains, répondit le Héliaste en plissant les yeux. Si tu essaies de gagner du temps – essaies de le garder pour toi, pour pouvoir recevoir une récompense... »
À cette éventualité, quelques autres Héliastes le regardèrent depuis la table de jeu proche. L'un d'entre eux était une femme musclée aux gants de métal qui remontaient jusqu'à ses coudes, chaque doigt aussi pointu qu'une aiguille. Kaito avait déjà vu son travail – un coup de sa main laisserait un poison particulier qui faisait fleurir des fleurs vénéneuses depuis les blessures de quelqu'un.
« Je connais le code, répondit Kaito qui s'assurait que les autres pussent aussi l'entendre. Et je n'ai pas besoin de mentir pour obtenir ma paye – ou malmener une cible juste pour me rendre intéressant. » Il haussa les épaules. « Le référencement disait qu'il devait de l'argent, alors j'ai pris l'argent.
- Tu es couillu pour un sous-fifre, et tu n'as pas assez de tripes pour être un Héliaste. » L'autre inclina sa tête en signe d'accusation. « La pitié, c'est pour les Impériaux.
- Ce n'était pas de la pitié, rétorqua Kaito. Je ne vois juste pas la nécessité de perdre son temps à faire saigner quelqu'un quand il y a plein d'autres boulots que je pourrais accomplir. On n'est pas payé à l'heure.
- Non, » entra la femme aux doigts métalliques, une ébauche de tatouage apparaissant le long de sa clavicule. « Mais c'est sûr que c'est marrant de les faire supplier. »
Les autres rirent en réponse, et le bruit transperça le cœur de Kaito comme une dague glacée. Il savait que s'il n'était pas prudent, il pourrait un jour trouver le même genre de dague dans son dos.
Une grande femme aux cheveux noirs de jais apparut, et le rire cessa. Kaito sentit un frisson lui parcourir les os, le remplir d'une sensation de vide. Des mèches de fumée noire entouraient le femme comme des serpents fantomatiques. Contrairement à ceux qui usent de la magie des kamis à travers un respect mutuel, cette femme avait une approche divergente du lien. Elle avait autorisé Azamaki, le Kami de la Traîtrise Incarnée, à la posséder, et plus d'une fois. Elle croyait que de faire cela lui donnait des hallucinations prophétiques et des visions de ce qui arriverait.
Tout ce que Kaito pouvait voir était le gris livide de sa peau, et comment le noir de ses yeux contrastait avec le blanc, comme si le kami n'avait pas seulement emprunté une part d'elle-même – il avait consumé son âme.
« Satoru veut te parler, » dit-elle d'une voix vide, dirigeant d'une main l'une des salles d'arrière-boutique.
Kaito la suivit sans un mot, heureux de laisser les autres derrière lui, mais il sentait ses nerfs se secouer à travers sa peau. Il était rare que Satoru invoquât quiconque. Quand il le faisait, ceux qui entraient dans son office sortaient souvent avec un doigt en moins, ou quelques dents manquantes – s'ils sortaient vivants, bien sûr.
Kaito sentait le poids du porte-monnaie de l'étranger. Satoru savait-il qu'il avait pris une partie de l'argent pour s'acheter des brochettes de boulettes ? Kaito avait compté l'argent encore et encore. Il y avait bien assez pour couvrir la dette de la cible. Ce que Kaito avait pris était en plus – cela ne pouvait pas être considéré comme de voler Satoru.
À moins que ?
La femme poussa la porte, et Kaito entra maladroitement, les yeux élargis quand il vit Satoru assis derrière son bureau, des tatouages étincelant tout le long des mains aux oreilles. Ses cheveux noirs étaient attachés en chignon serré et une expression sévère couvrait tout son visage. Une armure métallique entourait stratégiquement sa poitrine et ses bras, mais il y avait des panneaux le long de ses épaules et de son estomac qui, comme des fenêtres, montraient ses marques colorées. Une masque de gaz pendait à son cou, vert de néon avec des volutes peintes en bleu, ce qui lui donnait l'air de mâchoires monstrueuses.
Satoru ne fit pas signe à Kaito de s'asseoir. Il ne dit pas un mot. Il le regardait simplement de telle manière que les genoux de Kaito tremblaient.
« Je peux tout expliquer, se précipita Kaito. Je savais que je vous apporterais un profit en plus de la dette, et j'ai pisté ce gars depuis l'après-midi, alors quand j'ai senti le shoyu... »
Satoru leva une main pour l'interrompre, et Kaito ferma sa bouche précipitamment.
Tandis que le chef des Héliastes hyozans ne parlait toujours pas, Kaito tira le porte-monnaie de sa poche et le posa avec soin sur la table entre eux deux.
Les yeux de Satoru se baissèrent avant de se reporter à la canaliseuse proche. Elle prit le porte-monnaie et s'éloigna pour en compter le contenu. Après un instant, elle acquiesça simplement.
Satoru appuya ses coudes sur la table et joignit ses mains, pour se pencher en avant. « Je suis impressionné par ton talent pour pister tes cibles. C'est la troisième fois cette semaine que tu as pris un nom de la liste le jour même où il est apparu. »
Kaito avala sa salive, serrant les poings comme pour protéger ses doigts.
« Cependant, continua Satoru, alors que ton efficacité mérite des éloges, je ne suis pas certain que tu aies saisi ce que cela signifiait que d'envoyer un message. »
La gorge de Kaito lui brûlait. Il avait besoin de ce boulot ; il avait besoin d'être quelque part où il pouvait aider l'impératrice. Il ne pouvait pas se permettre de laisser Satoru douter de lui.
« Il y a des Héliastes qui peuvent envoyer un message, mais ils ne s'occupent d'aucun des noms de la liste comme je fais. » Kaito savait qu'il était téméraire, mais c'était tout ce qu'il pouvait faire pour masquer sa voix qui s'affaiblissait. « Je suis le meilleur sous-fifre que vous ayez.
- Mais tu n'as pas de tatouage de loyauté. » Satoru dirigea son attention vers le bras nu de Kaito, et puis vers le grand écran contre le mur. Les écrans de surveillance du hall apparurent en rectangles. Il les avait observés tout ce temps. « Il semble que je ne suis pas le seul qui se demande si tu as les tripes pour ce boulot.
- Je suis ici parce que je le veux.
- Oui, dit Satoru avant une pause. Tu as vécu à Eiganjo avant de venir à nous. J'ai vu les samouraïs impériaux quitter le Palais pour une autre vie, et de temps à autre, l'un d'entre eux apparaît ici. Mais ils partent parce qu'ils voient un système brisé. » Ses yeux s'assombrirent. « Tu ne me donnes pas vraiment l'impression que tu soies vraiment quelqu'un qui s'occupe des systèmes. »
Les souvenirs de son enfance firent brûler les joues de Kaito. Il se sentait coupable – pas d'avoir quitter le palais, mais d'avoir abandonné Eiko. Non pas qu'elle aurait pu le suivre au-delà du mur. Son cœur appartenait au palais et tout ce qu'il représentait.
Le cœur de Kaito n'appartenait pas vraiment à quoi que ce soit. Du moins, pas à quoi que ce soit qui pût être facilement expliqué.
Kaito se raidit. « J'ai fui parce que je savais que ce que je voulais était ce que je ne trouverais pas à Eiganjo.
- Et que veux-tu donc ? »
Kaito haussa les épaules. « De l'argent. Une meilleure épée. » Trouver ce qui était arrivé à l'impératrice et la ramener chez elle.
À ces mots, Satoru gloussa, les sourcils toujours froncés. « J'ai un boulot pour toi, lâcha-t-il finalement. Un boulot qui n'est pas sur la liste.
- Un boulot ? » Kaito cligna des yeux avec soulagement. Peut-être qu'il ne perdrait pas ses doigts après tout.
Satoru s'enfonça dans son siège. « Il y a un lunaréen à Otawara – un prodige Futuriste, comme ils l'appellent – qui a un prototype pour connecter la technologie et les kamis. Sa recherche se vendrait pour un bon prix sur le marché noir. Et ce n'est qu'une question de temps avant que les rivaux des Hyozans en entendent parler et aient la même idée. » Il pencha la tête, étudiant avec précaution Kaito, avant de baisser son menton. « Je veux que tu me rapportes les schémas. »
Il serait bien payé – comme toujours avec le marché noir – mais ce serait aussi un moyen de prouver sa loyauté envers Satoru. Sans avoir à envoyer de message.
Kaito acquiesça faiblement. « C'est comme si c'était fait.
- Je t'enverrai les détails, dit Satoru avec un signe de main. Tu peux disposer. »
Kaito quitta la pièce, ignorant la manière dont la canaliseuse l'avait regardé avec un regard noir, assassin, et une fois qu'il fut sorti dans la rue sous les ombres d'un lotissement, il sortit sa tablette juste à temps pour voir le message privé apparaître sur son écran holographiqe.
Il n'y avait qu'une photo, et un nom.
Tameshi.
Otawar n'était pas du tout comme la surface. Ils étaient si nombreux, les bâtiments qui étaient couverts de métal et de verre, réfléchissant le Plan comme s'il braquait un projecteur sur chaque mouvement soudain. Il y avait des drones de surveillance partout, et d'énormes robots en forme d'origamis qui rôdaient aux frontières de la cité flottante.
Après que l'impératrice eut disparu, les Impériaux jetèrent la faute de l'attaque sur les Futuristes. Kaito se demandait si les défenses levées par les Futuristes étaient une réponse aux accusations ou si leurs systèmes de sécurité étaient moins une question de protection que de contenir quoi que ce fût qui se trouvât dans leurs labos.
Ce n'était pas un secret que les Futuristes aimaient repousser les limites de la technologie. Mais peut-être qu'ils étaient au-delà de la ligne – peut-être qu'ils l'avaient déjà entièrement sautée.
Kaito mentirait s'il disait qu'il disait que cette pensée ne piquait pas son intérêt.
Quand Kaito parvint finalement à trouver des informations sur la localisation de Tamesji, il découvrit que le lunaréen n'était plus du tout sur Otawara. Il avait déplacé sa recherche dans la circonscription de Boseiju – la forêt remplie de kamis, foyer de l'Ordre de Jukai.
Pister une cible et pénétrer dans des laboratoires, c'était une chose, mais mettre en colère les kamis ? Ceux de Boseiju étaient là pour fuir le reste de Towashi. Ils toléraient à peine l'Ordre de Jukai. C'était en partie pour cela qu'Eiganjo entraînait tant de diplomates kamis, pour tenter de conserver la paix entre les royaumes des mortels et des esprits.
La forêt ne serait pas un territoire accueillant. Pas sans un médiateur. Alors, il contacta la seule personne qui pût l'aider et plaida sa cause.
Kaito passa sous l'arcade à la périphérie de Boseiju. Des piliers de pierre sculptés en forme d'anciens kamis étaient perchés à travers le jardin de mousse, leurs gueules grandes ouvertes avec assez d'espace pour laisser une offrande. Certains contenaient des fruits, tandis que d'autres étaient occupées par des animaux en origamis couverts de messages pour que les esprits entrent cependant dans le royaume des mortels. Sous le temple se tenait un grand portail de fusion, les couleurs autour scintillant avec des teintes métalliques.
La plupart des gens savaient qu'il ne fallait pas trop s'approcher. Personne ne savait exactement ce qui arriverait si un mortel tentait de s'avancer dans le vide. Mais les kamis de temps à autre traversaient le portail, et tandis que les Impériaux les avaient construits pour que le carrefour reste sûr, l'Ordre de Jukai avait construit les temples pour être sûr que les kamis se sentissent bienvenus. Ils croyaient que les esprits étaient une partie sacrée de la nature qu'on devait révérée.
Kaito n'avait compris pourquoi on traitait les kamis comme s'ils fussent des dieux. Il n'y avait rien de moins... éthéré que de voir un kami léthargique faisant un bain de soleil dans la boue.
Le bruit des pas résonnait à proximité, et Kaito tourna sa tête pour trouver sa sœur debout à quelques mètres de là.
Ses épaules se relâchèrent. « Eiko. Tu es venue. »
Elle avait coupé ses cheveux depuis la dernière fois qu'il l'avait vue. Ils étaient coupés courts, une coupe sévère qui la vieillissait. La manière dont ses lèvres étaient pincées et ses paupières plissées, elle avait l'air étrangement vulpine. Comme une version humaine de Svelte-patte, pensa Keito, grimaçant un peu à la ressemblance.
Eiko croisa les bras. « N'aie pas l'air si heureux. Si je t'aide, il y a des règles. »
Kaito leva haut les mains en signe d'innocence. « Je ne m'attendais pas à autre chose.
- Tout d'abord, je ne suis pas là pour voler quoi que ce soit. Je suis là pour protéger les kamis de Tameshi, qui que ce soit. Parce que s'il fait ce que tu dis qu'il fait – connecter la technologie et les kamis – alors il va contre la loi impériale et menace l'équilibre des deux royaumes. Et au cas où tu jugerais toujours aussi mal que je m'en souviens, absolument aucune arme. Les kamis se sentiraient menacés, sinon.
- Beau discours, se moqua Kaito. Mais si j'avais besoin d'un partenaire de combat, j'aurais demandé à quelqu'un des Tréfonds. Tu es là parce que j'ai besoin qu'un Impérial me guide dans la forêt comme diplomate.
- Tu sais que je ne suis pas officiellement diplomate auprès des kamis, n'est-ce pas ? remarqua Eiko. Je n'ai pas pleinement fini mon entraînement.
- L'Ordre de Jukai n'a pas besoin de le savoir. Et avec un peu de chance, on ne les verra même pas. Tu es juste là pour être sûre que les kamis ne nous attaquent pas à l'orée de la forêt.
- Non, lui opposa Eiko. Je suis là pour arrêter ton ami.
- C'est une cible, pas un ami. »
Il y eut un moment de silence, et puis Eiko reprit la parole, la voix adoucie. « Pourquoi fais-tu cela, Kaito ? Si de rejoindre les Héliastes hyozans est le moyen que tu as trouvé pour revenir dans les grâces de Svelte-patte qui ne t'a pas cru, alors...
- Ce n'est pas ça, » la coupa Kaito.
Le visage d'Eiko se ferma. « Alors pourquoi travailles-tu pour des criminels ?
- Je le fais pour l'impératrice, répondit Kaito fermement. J'ai déjà entendu quelques bribes d'une organisation secrète qui n'est ni alignée aux Futuristes, ni aux Héliastes. Le palais ne m'écouterait pas si je parlais d'un homme au bras métallique, mais je sais que je l'ai vu – et il se montre dans Kamigawa, les Héliastes sauront qui il est. » Il secoua la tête. « Satoru questionne déjà ma loyauté. Si je ne trouve pas ce qu'il veut, je serai de nouveau là où je me trouvais en quittant le palais, sans direction, et sans personne qui veuille m'aider. »
Sur ce, Eiko ne répondit rien.
La mâchoire de Kaito se serra. « Tout ce dont j'ai besoin, c'est de la recherche de Tameshi. Une fois que j'aurai ramené les schémas à Satoru et sécurisé ma place parmi les Héliastes, tu pourras dire aux Impériaux ce que tu dois leur dire. »
Eiko resta un temps dans ses pensées, sa tension visible surtout dans ses épaules. « Bien, » dit-elle enfin.
Kaito se retint de paraître trop reconnaissant au cas où elle changeât d'avis. D'un signe du menton, il montra les arbres. « Nous devrions y aller tant qu'il fait encore jour. Je préférerais n'avoir pas à courir en direction du Kami des Tombes vides au milieu de la nuit. » Il sourit comme si c'était une offre de paix. « Surtout comme ton plan est d'y aller sans armes.
- Oh, je l'ai rencontrée. Elle est plutôt polie, contra Eiko en rapprochant les bracelets de métal autour de ses avant-bras. Si j'étais toi, je serais plutôt inquiet à propos du Kami des Clairières oubliées. Elle est renommée pour être territoriale. »
Kaito eut le bon sens de ne pas rire, même si les yeux d'Eiko étincelaient d'humour, et il suivit sa sœur dans la forêt.
Eiko se tenait face au Kodama de l'arbre de l'ouest. Il la dominait de presque neuf mètres, ses membres étendus couverts d'écorce et sa bouche étirée par des fils de sève dorée. Une douzaine de fleurs luminescentes encerclaient la tête du kami, et des cascades de branches plus petites s'écoulaient sur ses épaules comme une couronne de cheveux.
Kaito tapotait ses doigts contre ses bras, regardant l'introduction à une certaine distance. Il ne savait pas exactement ce que disait sa sœur, ou à quel point la venue de voyageurs si proche de l'orée de la Forêt Jukai lui était désagréable, mais après un temps, Eiko fit une révérence très profonde et revint aux côtés de Kaito.
« Elle dit que nous pouvons passer sans problème, tant que nous n'allons pas au-delà de la rivière, » expliqua-t-elle avec précaution. Elle lança un regard par-dessus son épaule et baissa la voix. « Je n'ai pas mentionné Tameshi. J'ai pensé que ce serait plus compliqué s'ils savaient qu'il y a une menace dans la forêt. »
Kaito lâcha un rictus. « Mentir aux kamis ? Est-ce que Svelte-patte approuverait ? »
Eiko lui lança un regard noir. « Ne me fais pas le regretter. »
Ils marchèrent pendant près d'une heure. Les yeux de Kaito cherchaient parmi les arbres lointains des signes des nouveaux terrains de recherche de Tameshi – de la terre aplatie, des traces fraîches, du métal où il ne devrait pas y en avoir. Mais si Tameshi était proche, il avait fait un travail incroyable pour couvrir sa présence.
Kaito sentait la rigidité d'Eiko à côté de lui et tourna son visage vers lui. Son menton était tendu en avant, et sa bouche était pressée, ligne impénétrable. C'était le même regard que celui qu'elle avait enfant quand elle s'inquiétait d'être grondée – en général à cause des bêtises de Kaito.
Elle n'aimait pas mentir aux kamis. Mais Kaito se demandait si la possibilité de décevoir Svelte-patte était aussi un poids sur ses épaules. Il ne pouvait pas la blâmer si c'était le cas ; il se souvenait de ce qu'il avait ressenti lui aussi. La seule différence était qu'Eiko voulait que son mentor fût fier, quand Kaito... il voulait que Svelte-patte fût fière de la personne qu'il était déjà, pas du samouraï qu'elle espérait qu'il devînt.
Le sol frémit sans crier gare, et Kaito sauta en arrière, dague en main avant même que ses yeux analysassent la menace.
Ce n'était pas une attaque – seulement un kami de pierre très lent qui s'enfonçait plus encore dans le sol pour trouver de l'ombre.
Kaito se calma, mais le regard plus sévère d'Eiko fit brûler ses joues.
« Je croyais que nous avions dit pas d'arme, » siffla-t-elle.
Kaito haussa des épaules avec flegme en réponse. « J'appelle difficilement cela une arme. C'est plutôt un outil de survie. Selon ta perspective, tu peux même l'appeler un petit ustensile de cuisine.
- Ma perspective est que tu as tiré une lame la première fois que tu as vu un kami bouger ! » s'exclama-t-elle laconiquement. Elle pinça le dessus de son nez. « C'est exactement ce que je craignais. »
Kaito glissa la dague dans sa ceinture, ne s'efforçant plus de la cacher dans ses habits. « Ce n'est rien. Personne n'est blessé.
- Tu ne comprends vraiment pas que c'est sérieux ? Si tu menaces les kamis, tu ne nous mets pas seulement tous les deux en danger – tu mets en danger tout ce à quoi j'ai travaillé, aussi.
- Tu n'avais qu'à pas venir.
- Si, je le devais.
- Non, rétorqua-t-il en se rapprochant d'un pas. Tu aurais pu parler aux Impériaux de Tameshi. Ils auraient envoyé des samouraïs juste ici, l'auraient arrêté, et se seraient assuré que sa recherche serait détruite. Tu connaissais les risques, et tu as quand même choisi de venir. Et je t'en suis reconnaissant, mais tu peux juste...
- Je ne suis pas venue pour t'aider, » avoua brusquement Eiko.
Kaito se paralysa.
Elle serra les poings. « Je... je ne veux pas te blesser. Mais ce n'est pas seulement pour arrêter la recherche de Tameshi. C'est pour prouver ce qu'est que sa recherche. »
Kaito fronça les sourcils. « De quoi tu parles ?
- J'ai vu quelque chose cette nuit aussi, Kaito. La nuit où l'impératrice a disparu. »
Kaito sentait toute la forêt devenir un raz-de-marée. Il bloqua ses genoux, les yeux rivés sur sa sœur, et attendit qu'elle expliquât.
Eiko mâchait le bord de sa lèvre, essayant de trouver les bons mots. « Quand les alarmes ont sonné, j'ai... j'ai essayé de te trouver. J'étais à mi-chemin des jardins étudiants quand je t'ai vu courir vers le temple de Kyodai. Et c'est là que j'ai vu quelque chose sur le toit. »
Le cœur de Kaito battait la chamade. « Tu l'as vu ? Celui que j'ai chassé ? »
Elle secoua la tête. « Ce n'était pas un homme – c'était une lumière. Elle brillait comme une étoile, et puis ça a explosé. Tous les autres étaient tellement occupés à regarder vers le mur, mais moi je te cherchais. Et la lumière – elle s'est transformée en animal et s'est évanouie. Quand j'ai découvert que l'empereur avait disparu, j'ai su qu'il y avait un lien. Que peut-être les Futuristes avaient trouvé un moyen de transformer les kamis en armes.
Kaito passa une main dans ses cheveux, frustré. « Je te l'ai dit mille fois – ce qui s'est passé n'a rien à voir avec les Futuristes. Il y avait un homme dans le temple cette nuit. Un homme qui était précisément dans la pièce où l'impératrice a été vue pour la dernière fois. Lui est responsable de la disparition de l'impératrice. Pas un animal brillant.
- Tu as dit que la recherche de Tameshi impliquait de fusionner kamis et technologie, dit Eiko en plissant les yeux. Et si c'était ce que j'ai vu sur le toit ? »
Kaito la regardait, son visage marquant progressivement sa compréhension. « Svelte-patte ne ta pas crue. »
Eiko cligna des yeux.
« Elle n'a pas pris au sérieux ce que tu as vu, de la même manière qu'elle ne m'a pas cru. » Kaito reconnut l'amertume dans ses yeux. « C'est pourquoi tu es venue – pour lui prouver que tu avais raison.
- Tu rends ça enfantin.
- Oui, c'est enfantin, renâcla-t-il. Et si elle ne te prend pas au sérieux ? Elle ne m'a pas cru non plus. Mais au moins tu as l'approbation de Svelte-patte depuis que nous sommes enfants.
- Kaito... »
Kaito évita son regard. « Tu as toujours été la meilleure entre nous deux. Je n'ai jamais pensé que Svelte-patte verrait autre chose. Mais je suis resté dans le temple cette nuit pour supplier le conseil de m'écouter, et aucun ne l'a fait. » Il avala tant que possible le nœud dans sa gorge. « Peut-être qu'ils ne voulaient pas t'écouter non plus, mais la différence entre toi et moi c'est qu'un jour, ils t'écouteront.
- Je crois vraiment ce que tu as vu, tu sais, dit-elle calmement.
- Tu crois que c'était un Futuriste. Et ce n'est pas ce que j'ai vu. »
Eiko acquiesça. « Peut-être que la recherche de Tameshi prouvera que l'un de nous deux a raison. » Elle hésita. « Tu peux revenir à la maison, tu sais. Ce n'est pas trop tard pour continuer ton entraînement.
- Ce n'est pas ma vie. Plus maintenant. Mais toi ? » Le visage de Kaito s'éclaira d'un franc sourire. « C'est fait pour toi. »
Eiko prit sa main, la serra, et revint sur le chemin. Parfois les mots non-prononcés entre eux étaient les plus forts de tous.
Au-delà de la prochaine roche se trouvait un escalier de pierre qui s'enroulait autour d'une colline. Tombant en cascades depuis la crête se trouvait une petite chute d'eau, dégouttant sur la mousse et le bassin qui se trouvait en-dessous. La terre étagée créait des niveaux inégaux en aval de la rivière, faisant résonner la clairière du bruit de l'eau qui déferlait tout le long du cœur de la forêt.
Kaito savait que le meilleur endroit pour se cacher dans Towashi était parmi les foules les plus grandes. Peut-être que dans la Forêt de Jukai, c'était au plus près des cascades les plus bruyantes.
Eiko tendit une main pour que Kaito s'arrêtât. « Nous ne pouvons pas aller plus loin. Je l'ai promis au Kodama de l'arbre de l'ouest. »
Kaito pointa du doigt la brume au-delà des arbres. « Si Tameshi est là, il sera proche de la rivière, l) où elle est bruyante et peut cacher ses traces. » Il lança un regard à sa sœur. « La seule promesse que j'ai faite, c'était à l'impératrice – et je ne partirai pas d'ici sans la recherche. »
Ignorant les objections d'Eiko, Kaito s'avança prudemment à travers les pierres protubérantes dans le courant, faisant attention à son équilibre. Quand il atteignit la rive boueuse, il peina à reprendre son équilibre avant de saisir une poignée de végétation grasse et de se hisser sur la colline rocheuse. Il se tourna pour voir si sa sœur l'avait suivi à travers la rivière – mais elle était partie.
Il n'avait pas le droit d'être blessé. Il avait brisé la plupart de ses règles, et ils avaient tous deux tant à perdre si quelque chose tournait mal.
Mais l'amertume de l'abandon lui pinça le cœur. Peut-être que c'était ce qu'Eiko avait senti quand il avait quitté Eiganjo.
Il se demanda si cela les mettait à égalité.
Sa sœur partie, ce ne serait qu'une question de temps avant qu'elle rapporte cela aux Impériaux. Les sentiments n'importaient pas – Kaito devait trouver Tameshi avant que quiconque vînt le chercher.
Accroupi pour éviter une branche basse, Kaito trouva un chemin entre les collines qui menait à une clairière. Il pressa un doigt contre son poignet, et son drone en grue métallique vint à la vie, se fragmentant en morceaux acérés avant de voltiger dans les airs. Kaito toucha sa tempe et envoya le drone dans le ciel, louchant à l'image distordue qui frémissait à cause de la caméra. Il avait été attrapé dans plus d'une échauffourée pendant son temps avec les Héliastes, et son drone en avait payé le prix.
Il n'y avait pas de raison d'utiliser une technologie endommagée pour traquer quiconque dans les foules serrées de Towashi, mais Kaito ne cherchait qu'une personne dans la forêt. Peu importe à quel point le rendu était brouillé, c'était mieux que rien.
La grue se précipitait à travers ces zones boisées, et Kaito le suivait de près, toujours à côté de la rivière. Quand il remarqua du métal sur sa caméra, il se sut proche.
L'eau courant dans chaque direction masquait complètement le bruit, mais le laboratoire de fabrication était presque impossible à manquer. Déposée contre un arbre abattu se trouvait une collection de machines étranges, toutes connectées par des câbles et de la lumière voilée. La majorité de la recherche était faite de débris métalliques, dont une grande boîte d'acier perchée tout au bout.
Kaito fit un pas en avant. La boîte fut ébranlée en réponse.
Pas une boîte – une cage. Et il y avait quelque chose de piégé à l'intérieur.
Kaito entendit des brindilles craquer au-dessus des chutes d'eaux, mais au moment où il s'était tourné, il était trop tard. Tameshi avait l'avantage – et il l'utilisa pour donner un coup de poing dans la mâchoire de Kaito.
Kaito s'effondra, les doigts précipités sur sa dague, et il menaça le lunaréen de sa lame. Tameshi avait une peau pâle et violacée, les cheveux attachés dans une queue de cheval haute. Sa carrure élancée et son visage doux trahissaient sa jeunesse. Il ne pouvait avoir qu'un an ou deux de plus que Kaito.
Tameshi leva un sourcil, ses robes bleues voltigeant tandis qu'il planait dans les airs, et il rit. « Je ne m'étais pas rendu compte que les moines de Jukai étaient si... primitifs. » Il pencha sa tête. « J'ai vu de meilleurs couteaux pour écailler des poissons.
- Je n'appartiens pas à l'ordre, rétorqua Kaito qui étudiait le langage corporel de Tameshi pour y trouver une faiblesse.
- Ce qui explique les vêtements des Tréfonds. Un Héliaste, je suppose ? » Il s'arrêta, calcula. « Je savais bien qu'on aurait vent de ma recherche. Je suis seulement surpris que les Impériaux ne soient pas les premiers à venir ici.
- Qu'est-ce que je peux dire ? C'est mon genre, de me faire sous-estimer par les autres. »
Tameshi acquiesça à la mauvaise excuse de Kaito pour sa pauvre arme. « Tu seras le bienvenu quand tu reviendras mieux préparé. Je détesterais que tu passes les cinq prochaines minutes dans l'embarras. »
Un sourire fendit le visage de Kaito. « Si c'était facile contre toi, ce ne serait pas drôle. »
Tameshi haussa les épaules. « Comme tu voudras. » Il dégaina une petite tige de sa ceinture et la serra contre un écran de sa poitrine. En un instant, la tige s'étendit, reprenant sa forme comme un origami, jusqu'à se transformer en un bâton de métal avec un bout pointu. Tameshi le fit tourner plusieurs fois dans ses mains.
« D'accord, pour l'instant tu te pavanes, » murmura Kaito, trouvant une pointe dans sa voix. Il sentit qu'il en aurait besoin.
Tameshi chargea, balayant son bâton contre les jambes de Kaito. Celui-ci sauta, se stabilisa, et fit tourner sa dague dans son poing. Tameshi donna un nouveau coup avec son bâton, et Kaito roula hors de portée, fendant les airs. Il ne pouvait atteindre Tameshi – pas tant que le bâton bloquerait chacun de ses coups. Il pouvait à peine atteindre ses robes.
Mais Kaito s'était entraîné avec les meilleurs professeurs de Kamigawa. De tout ce qu'il avait appris, le plus important était que si l'adversaire était plus fort, alors il devait être plus rapide.
Au prochain coup de Tameshi, Kaito n'hésita pas. Il frappa avec l'estoc de sa lame contre la pointe du bâton avec juste assez de force pour la maintenir en place, puis saisit la tige avec sa main libre et lança sa jambe en hauteur, frappant la tête de Tameshi.
Le coup fit dévier Tameshi sur le côté, mais le lunaréen glissa pour se remettre en place, planant dans les airs et tenant toujours fermement son arme. Kaito refusait de lâcher prise, et planta ses talons dans le sol pour garder le bâton.
Tameshi riposta, tombant vite sur le sol. Il lança son coude vers le menton de Kaito, mais celui-ci ne flancha pas. Il usa de son poids pour tourner autour de Tameshi, gardant le bâton en face de la poitrine du lunaréen, jusqu'à ce qu'il parvînt à tirer la tige contre la gorge de son adversaire.
Tameshi était plus grand, plus fort, mais Kaito n'avait jamais été du genre à abandonner un combat. Et Kaito ne pouvait perdre celui-ci – pas quand il avait besoin des Héliastes pour l'aider à trouver l'homme du toit. Tout ce que Kaito faisait était un effort pour ramener l'impératrice chez elle. Elle était la meilleure amie de Kaito – et elle méritait de prendre tous les risques, quelles que soient les chances.
Kaito tirait avec force, et Tameshi était étranglé contre le bâton de métal, poussant de toutes ses forces. Kaito l'entendait haleter, mais tout ce qu'il avait dans son champ de vision était un rouge désespéré, inflexible.
La voix d'Eiko le tira de sa frénésie. « Kaito, qu'est-ce que tu fais ? Laisse-le partir ! »
Il tourna son regard vers sa sœur, tenant toujours avec fermeté le bâton. « Je pensais que tu étais partie !
- Je devais laisser une offrande au kami. Parce que contrairement à ce que tu penses, faire montre de respect et suivre les règles peut vraiment faire la différence. » Elle s'approcha encore de quelques pas, les mots acérés d'autorité. « Arrête avant de le tuer. As-tu oublié qu'il a encore l'information dont nous avons besoin ? »
Kaito grinça des dents. « C'est lui qui a commencé !
- Je m'en fous, siffla Eiko. Ce n'est pas comme ça que nous faisons de la diplomatie. »
Kaito souffla avant de relâcher Tameshi en le poussant. Il enroula ses deux points autour du bâton.
Tameshi se plia en deux, toussant avec violence. Quand l'air revint dans ses poumons, il regarda Eiko. « Alors, tenta-t-il de dire en se raclant la gorge, ils ont finalement envoyé les Impériaux. »
Eiko croisa les bras en réponse.
Kaito chercha dans le ciel avant d'appuyer sur sa tempe pour rappeler son drone. Il ne prit que quelques secondes à apparaître, et quand il tendit son bras, la grue se plia comme du papier et se rattacha confortablement sur son poignet.
Les yeux de Tameshi s'élargirent de surprise. « Où est-ce que tu as eu ça ?
- C'était un cadeau, répondit simplement Kaito. De quelqu'un que j'ai rencontré il y a longtemps.
- Tu connais Katsumasa ? » Les bras de Tameshi en tombèrent. Le feu dans ses yeux s'éteignit, remplacé par une reconnaissance étrange.
« Comment connais-tu ce nom ? » demanda Kaito. Cela faisait des années depuis qu'il avait rencontré ce lunaréen dans les jardins impériaux, mais il pouvait toujours se le représenter. Plus que cela, il se souvenait toujours des choses dont Katsumasa parlait – à propos du futur, de la technologie – et de comment Kaito sentait qu'il y avait tant de choses qu'il voulait savoir.
« C'était mon mentor. Le drone que tu as – c'est la conception sur laquelle nous avons travaillée tous les deux. » Une étincelle de fierté remplit les yeux de Tameshi. « C'est ce sur quoi j'ai fondé ma recherche. »
Eiko le regarda avec colère, les yeux embrasés. « Tes expériences avec les kamis et la technologie – c'est une violation des fondements mêmes de Kamigawa. »
Tameshi fronça les sourcils. « J'essaie de protéger les kamis.
- C'est pourquoi tu en tiens un en cage ? » Eiko marcha vers le tas d'équipement. Il n'y avait pas de serrure sur la caisse, mais elle tira la porte avec tant de force que Kaito se demanda si une serrure l'aurait arrêtée de toute façon.
Elle recula, attendant qu'un kami apparût, quand le visage argenté d'un tanuki de métal sortit sa tête, regarda les nouveaux-venus et lâcha quelques bips et un sifflement.
Kaito cligna des yeux. « Qu'est-ce que c'est que ça ? »
Le robot sauta sur le sol, se s membres cliquant comme si un millier de pièces métalliques revenaient en place, et tourna sa tête vers Kaito. Ses yeux en écran l'analysèrent, et pendant un instant Kaito était sûr que c'était une forme de curiosité de la part du robot.
« Je vous l'ai dit, souffla Tameshi qui se raidissait. Ma recherche a pour but d'aider les kamis – et tout Kamigawa. Nous savons que nos deux royaumes se fusionnent et qu'un jour ils ne feront plus qu'un. Mais nous savons encore si peu sur ce qu'il y a au-delà des portails, ou comment les nôtres seront affectés quand la fusion sera achevée. Si nous devons comprendre vraiment les kamis, nous avons besoin d'un moyen sûr de les étudier. Un moyen de préserver les kamis qui existent sur Kamigawa. La technologie ne doit pas être juste pour nous seulement – elle peut l'être pour les kamis, aussi. » Sa voix était pleine de passion, peut-être avec une pointe de folie.
Mais Kaito ne pouvait trouver quoi que ce fût de maléfique dans ses motifs. Il se tourna vers Eiko – pour voir ce qu'elle pensait – quand il se rendit compte qu'elle n'avait toujours pas bougé.
Ses yeux restaient rivés au tanuki de métal, bouche bée comme si elle était prise dans une transe. « Ce robot est presque identique à l'animal que j'ai vu. » Elle se tourna vers Kaito. « Celui qui est apparu dans le flash lumineux. »
Kaito fronça les sourcils, se tournant vers Tameshi. « Ma sœur pense que cette création, la tienne, est la raison pour laquelle l'Impératrice de Kamigawa a disparu. Tu veux te défendre ?
- C'est impossible de m'accuser de cela. Cette création n'existait même pas il y a quelques mois. » Les épaules de Tameshi tombèrent. « Mais je connais la créature dont tu parles. Je l'ai cherchée, moi aussi.
- Pourquoi ? tenta Kaito. Et quel est le rapport avec l'impératrice ?
- La lumière que tu as vue était la naissance d'un kami. Un kami très rare, le seul de sa race. C'est l'incarnation même de la relation entre l'impératrice et Kyodai et le royaume des esprits, expliqua Tameshi. Je l'ai recherchée sur tout Kamigawa pendant quelque temps, cherchant des moyens de la protéger. » Il se déplaça vers le tanuki de métal. « C'est pourquoi j'ai construit ce prototype. »
Eiko croisa les bras. « Il y a des milliers de kamis tout autour de nous, et aucun n'a jamais eu besoin d'un robot pour le protéger.
- Un kami qui incarne une connexion avec le royaume des esprits pourrait avoir un effet radical sur les portails de fusion, dit Tameshi que Kaito écoutait sans manquer le ton d'avertissement dans sa voix. Il y a des variables que nous n'avons pas prévues. Alors oui, je veux le protéger, mais je veux aussi étudier sa relation avec les deux royaumes. » Il haussa les épaules. « De créer une connexion entre les kamis et les machines lui donnerait l'armure dont il a besoin. Pense à cela comme à un habit de protection mécanique. Cela nous permettrait de repérer le kami, et être certain qu'il reste en sécurité. Et que nous restons en sécurité, aussi.
- Cette même recherche permettrait de le manipuler, remarqua Eiko. Si le kami peut vraiment affecter les portails de fusion, tu donnerais simplement ce pouvoir à quiconque tient les manettes. »
L'estomac de Kaito était lourd. Si Satoru savait la vérité, il ne vendrait jamais les schémas sur le marché noir. Il garderait le kami pour lui seul. Et si l'esprit avait vraiment un pouvoir illimité sur les portails de fusion ?
Cela ferait que les Héliastes hyozans seraient la cellule la plus puissante de la ville. Peut-être de tout Kamigawa.
Nul ne devrait avoir tant de pouvoir.
Avant que quiconque pût dire un autre mot, un bruit résonna depuis l'extérieur du canyon. Un bruit que Kaito connaissait trop bien. Un hurlement, un chant et un murmure, comme trois voix tissées les unes sur les autres.
La voix de Kyodai.
« Ce n'est pas possible, » murmura Kaito. Il bougea lentement dans l'herbe, observant des yeux la distance pour y trouver le grand kami.
Kyodai ne quittait jamais le temple. Si elle était là, dans la Forêt de Jukai...
Cela voulait-il dire que l'impératrice...
Que l'impératrice était revenue ?
Kaito n'attendit pas. L'espoir dans son cœur était trop puissant. Trop désespéré. Ignorant les cris d'avertissement d'Eiko et de Tameshi, il courut vers l'origine du bruit.
Il luttait contre les branches et les ronces, balayant du pied les tas de poussière et courant jusqu'à ce que sa poitrine lui brûlât. Il y avait tant de choses qu'il voulait lui dire de nouveau.
Mais surtout il voulait voir son visage et savoir qu'elle allait bien.
Kaito s'arrêta au pied d'un énorme camphrier, les branches nouées en spirales et les feuilles rayonnant d'un vert d'émeraude.
Mais Kyodai n'était pas là, et l'impératrice non plus.
Il vit à la place le kami à forme de tanuki, avec des yeux de blanc brillant et une fourrure translucide.
Et le kami le vit.