Au cours des cinq prochains épisodes, nous n'aurons pas affaire à la Grande Histoire, aux Planeswalkers surpuissants qui changent la nature même des choses et entreprennent une guerre acharnée sur le plan de Ravnica. Non. Nous parlerons des Ravnicans qui, tandis qu'un machiavélique dragon manigance on ne sait trop quoi dans l'ombre, ne reçoivent peut-être pas l'attention qu'ils méritent.
Pour cette fois-ci, je vais tenter de traduire intégralement le texte. C'est hasardeux, un peu trop littéral ; mais au moins a-t-elle le mérite d'exister. Il peut s'y glisser des fautes dues à la fatigue ou l'inattention, que vous pouvez me signaler sait-on jamais. J'en fais tout de même un résumé en fin d'article pour ceux qui n'auraient pas le courage de tout lire.
Oui, encore une fois. Bah il fallait bien faire les 10 guildes. Je vous préviens, c'est Rakdos, c'est violent. Sans déconner, il y a vraiment une mention Parents, please note this story contains content that may be unsuitable for younger readers.. A vos risques et périls, c'est pas les miens.
Les illusions du jeu d'enfant
Je la lorgne à travers les vitrines de son magasin d'effigies et je n'arrive pas à empêcher mon cœur de palpiter. Elle se penche sur son établi, peint des visages sur des crânes miniatures puis les appose sur des corps de poupées vêtues de tenues élaborées par elle-même. Le cuir noir est mieux coupé que le vêtement de la Diva du Fléau et les soins qu'elle prend lorsqu'elle orne les crânes de cornes attisent la flamme en moi.
Je dois lui parler cette fois. Olrich, ce fils de diable que j'ose parfois appeler mon ami, dit qu'il me découperait en morceaux si je rapportais une autre effigie à la place de son nom.
Je prends une profonde inspiration, puis traverse la rue en contournant avec précaution deux chiens de l'enfer jouant au tir à la corde avec le fémur d'un pauvre volontaire qui avait été pris dans les festivités la nuit dernière. La majeure partie du sang a déjà été récupérée et vous ne sauriez pas qu'une douzaine de personnes sont mortes ici dans le bain de sang qui en a résulté, mis à part la teinte rouge foncé qui persiste dans les crevasses entre les pavés.
Jours heureux.
« Païen ! » crie un vieil homme emmitouflé dans des robes blanches et bleues, debout sur le trottoir devant le magasin. Je vérifie par-dessus mon épaule pour m'assurer qu'il ne parle pas à quelqu'un d'autre.
« Excusez-moi ? » dis-je.
« Démon ! Voleur d'âmes ! Père de la fornication ! » entonne-t-il, puis m'envoie un tract pour le nouveau Centre de Récupération de l'Intégrité dans cette rue. «Repens-toi ! Embrasse les lois et l'ordre avant qu'il ne soit trop tard ! »
J'ai connu pire sobriquets, et bien que la plupart d'entre eux soient vrais, cela ne signifie pas que je prends plaisir à être harcelé par des prétentieux orateurs d'Azorius pendant que je m'occupe de mes affaires. Des souvenirs jaillissent de ma vie avant que je trouve Rakdos, avant que ma colère ne soit canalisée dans mes performances. À l'époque où les os brisés et la chair perforée constituaient le support privilégié de mon art.
Mais alors je la sens me regarder à travers la fenêtre de la devanture. J'oublie immédiatement de passer mes cornes au travers de ce type et entre dans le magasin.
Je fais semblant d'observer, observant les poupées attachées par le cou. Même ses effigies génériques sont meilleures que la plupart des autres. La magie qui règne en elles m'attire irrésistiblement, leurs yeux en bouton fixant l'endroit où serait mon âme si j'en avais une. Je desserre le nœud coulant autour du cou de la poupée et la retourne, inspectant les coutures tout en la regardant du coin de mes yeux. Je prends aussi un bâton de charbon de bois pour faire semblant, comme si j'avais hâte de dessiner le visage de mon ennemi dessus, puis de l'allumer.
Finies les effigies, Kodo ! Les mots d'Olrich me reviennent. Ce n'étaient pas ses mots exacts, bien sûr. Il y avait eu beaucoup plus de injures et de jurons, mais à quoi s'attend-il ? Que je la rejoingne et commencer à bavarder ?
« Puis-je vous aider ? » demande-t-elle, les yeux aussi sombres que minuit et la peinture rouge des festivités de la nuit dernière toujours présente sur la moitié de son visage.
« Je... Um. Uhhh... » Je lui fourre la poupée et le bâton de charbon dans les mains. « J'aimerais acheter ceci. »
Elle attrape la poupée et la colle à moi. « Euh... Tu es venu ici chaque semaine depuis un mois et demi maintenant. La dernière fois que tu étais ici, tu as acheté toute une panoplie de parchemins de brûlure, et j'ai dû créer un nouveau lot entier ! Pas même Lyzolda avait autant d'ennemis. Que veux-tu ? »
Présente-toi simplement. Engage une petite conversation. Tu es un démon, Kodo. T'as une paire de cornes merde !
« Nous », balbutie-je. « Toi et moi. Nous... » Nous nous sommes croisés lors de nombreuses fêtes, nous délectant de plaisirs hédonistes et de performances atroces. Elle était résistante pour un humain et ne sourcillait pas face aux performeurs de douleur – les mangeurs de verre, les marcheurs de feu, le bouffon qui jonglait avec des crânes enflammés... mais sa ténacité finit par craquer pour l'ogre qui tenta de tirer une charrette pleine de diablotins à l'aide de chaînes attachées à des hameçons aux paupières inférieures. Eh bien, il devait y avoir eu un trop grand nombre de diablotins sur le chariot cette nuit-là, et quand l'ogre a hurlé dans la salle des fêtes, sa main a glissé dans la mienne et ne l'a pas quitté du reste de la nuit. Nous avons bu, nous avons dansé, nous nous sommes embrassés, puis nous avons ri lorsque nous avons découvert que nous utilisions tous les deux le mot « illusion » comme code de sécurité. « Nous... » J'utilise quelques gestes obscènes de la main, essayant de faire allusion aux actes de dépravation que nous avons appréciés, mais elle me jette un coup d'œil, attendant que je dise quelque chose.
« Ah ! La bête à deux dos ! » s'exclame-t-elle
.
Je hoche la tête, mais remarque alors que quelqu'un d'autre est entré dans le magasin et a attiré son attention. La puanteur fumée et douce de la matière vide me submerge et les ombres se tordent et mutent comme si elles avaient oublié comment se comporter. Je me retourne pour voir une bête noire – une multitude intéressante de membres bleu-noir sortant du torse avec une épine dorsale noueuse bien visible à l'avant et à l'arrière. Il n'y a pas de tête pour parler, mais je peux dire que ça me regarde.
« Je n'en ai pas fini avec toi », me dit-elle avant de partir s'occuper de son client. Elle charge chacun de ses bras avec des sacs en jute siégeant sur le comptoir.
Je rassemble tout mon courage alors qu'elle est occupée. Je ne vais pas avoir une autre chance. La dernière personne sur Ravnica que vous voulez énerver est bien une mage d'effigies.
« Dis à ton maître que j'espère qu'il passe un Festival de Rage dépravé ! » dit-elle en secouant la bête à deux dos avec un sourire. Puis son visage devient rigide et elle est de retour devant moi.
« Salut », dis-je en tendant la main. « Je m'appelle Kodolaag. Nous nous sommes rencontrés à quelques soirées. »
Elle me regarde une fois puis croise les bras. « Ouais. Tu m'as l'air un peu familier. Masque en cuir rouge ? Les piercings symétriques avec les boules de masse en fer pendantes à une chaîne ? » Un grognement grandit dans sa gorge. « Tu réalises que c'est mon lieu de travail ? »
« Païen ! » revint la voix du vieil homme, hurlant à la bête-noire cette fois. « Fléau ! »
J'essaie de l'écarter et de rester concentré sur la raison pour laquelle je suis ici. « Je sais que c'est terriblement inapproprié, mais j'ai juste pensé que nous – »
« Tu pensais que nous avions une sorte de lien tacite qui s'étend dans nos vies personnelles ? »
Eh bien, quand tu le dis à voix haute, cela semble plutôt stupide. Je souris et essaye de sauver la face. « Dis, le Mockturne est à quelques rues d'ici ce soir... »
« Ouais ? »
« Je pensais que je pourrais peut-être t'inviter ? J'ai une performance. Une sorte de commentaire social poétique. »
« Difficile. C'est la première nuit du Festival de Rage, et je suis en retard pour créer des effigies. Ce n'est pas grave si ces foutaises d'Azorius effraient mes clients. »
« Pourquoi tu ne... tu sais. » Je pointe une effigie, puis émet de petits bruits d'explosion et remue mes doigts comme des braises.
« De nouvelles lois dans les cieux la semaine dernière. Les sorts d'effigie utilisés contre les membres du Sénat d'Azorius sont passibles d'une peine d'emprisonnement. Il est agaçant, mais je ne risquerai pas de perdre ma boutique. »
Peut-être qu'elle ne peut pas risquer de le renvoyer, mais je n'ai rien à perdre. Je sors une feuille de parchemin de brûlure de la poubelle avec un bâton de charbon de bois et me dirige vers la fenêtre. L'homme d'Azorius hurle contre deux ogres maintenant. Le Pic de Dérision et les quartiers environnants sont tombés sous le domaine de Rakdos depuis aussi longtemps que je me souvienne, il y a au moins quelques milliers d'années. Mais ces derniers temps, Azorius a remué les choses avec sa présence, achetant des propriétés bon marché, installant des centres de surveillance un peu partout, puis se plaignant de spectacles qui se déroulent chaque nuit sur des pelouses bien entretenues. Il est navrant de voir ma communauté être victime d'ordre et de justice.
Rapidement, je dessine une image de l'homme. Mes compétences en dessin sont rudimentaires, mais je peux sentir la magie qui saigne du parchemin, liant l'illustration à la personne avec des fils invisibles. L'image commence à danser sur la page, des mouvements reflétant ceux de l'homme. Je tape sur le verre et il se retourne. J'appuie le dessin vers la fenêtre. Il ne doit pas connaître le parchemin de brûlure, car il ne réagit pas au dessin. C'est une magie faible, principalement utilisée par les enfants pour tourmenter leurs frères et sœurs et parfois leurs parents lorsqu'ils n'ont pas réussi à s'en sortir. Juste une minute ou deux de douleur atroce et déchirante avant que les effets ne disparaissent complètement. Un jeu d'enfant.
L'homme regarde alors que je déchire le papier en deux dans le sens de la longueur, une déchirure séparant le dessin en deux. Il attrape sa tête à deux mains en criant à tue-tête. Au moment où la déchirure atteint son nombril, il est étourdi et délirant, et il se perd au loin.
« Là, »dis-je. « Problème résolu. »
Elle n'a pas l'air impressionnée. « Oui, et dans environ dix minutes, je vais avoir une demi-douzaine de courtiers d'Azorius frapper à ma porte. Je ne peux rien vendre si je suis enfermé à Udzec. »
J'attends toujours qu'elle me demande de partir pour pouvoir sortir par cette porte et mettre cette expérience misérable derrière moi, mais sa posture a changé. Finis les bras croisés, la mine renfrognée. Ne vous méprenez pas, elle est toujours énervée, mais j'ai l'impression qu'on est tous les deux dans le pétrin.
« Combien de poupées as-tu besoin de vendre ? » lui demande-je.
« Trente pour atteindre le seuil de rentabilité cette semaine. »
« Tu peux vendre cela aussi facilement au Mockturne ce soir. Le propriétaire du club est un bon ami à moi. Je suis sûr qu'il te laissera t'installer. Les arrestations vont perdre tout intérêt pour une simple violation de l'effigie dès que le carnage du Festival de Rage éclatera. »
« Vraiment ? » Elle lève un sourcil sceptique, puis tend la main. « Je suis Zita. Tu es sûr que ça ne gênera pas ton ami ? »
Zita. J'ai son nom, bâtard diabolique
Mon sourire s'élargit. « Olrich et moi, on est comme de la même famille. Pas moyen qu'il dise non. »
« Non », dit Olrich, en regardant à travers les rideaux de scène d'un rouge sanglant et dans la fosse bordée de pierres où la foule se rassemblera dans quelques heures. Zita se tient près de la grille d'une fournaise éteinte, vingt sacs en toile de jute remplis du meilleur de son travail reposant à ses pieds. « Je ne suis absolument pas sur le point de me faire attraper à cause la magie d'effigie. Azorius sera en force ce soir, attendant d'attraper ceux qui violent leur loi. »
« Tu n'as jamais eu peur d'eux auparavant. Ce que tu as fait sur Baan il y a quelques mois est déjà légendaire. »
« Les choses ne sont plus comme avant, Kodo. » Olrich, le petit diable frénétique, court à quatre pattes vers ce qui passe pour une cuisine dans cet établissement.
« Je vais faire appel à un service. Je vais te chercher un public à Rix Maadi ! » lui crie-je. Il arrête. Se tourne. Le plus grand rêve d'Olrich est de se produire dans notre hôtel, mais il est impossible de jouer un rôle sur scène si vos fans ne se comptent pas par milliers. Il se lance dans mes bras pour que nous plongions nos yeux dans ceux de l'autre. Maintenant j'ai son attention. « Cela fait quelques siècles que je n'ai plus joué là-bas, mais je connais encore une bonne part de la troupe. Je peux te placer au centre de la scène du Festival ! Imagine la chaleur étouffante. L'odeur de soufre frais dans tes poumons. S'il te plaît... »
« D'accord. Mais elle reste dans le coin le plus éloigné. Et tu ferais mieux de m'attirer un public devant Rakdos lui-même ! »
« Rakdos et moi, on est comme une famille... » dis-je, et dix secondes plus tard, j'annonce la bonne nouvelle à Zita.
La foule commence à faire son entrée peu de temps après son installation. Ce n'est pas l'endroit idéal, mais elle est suffisamment éloignée de l'entrée pour ne pas attirer l'attention des passeurs. Je n'impressionne toujours pas Zita, mais elle ne m'a pas encore pour autant en effigie. Bientôt, elle entendra ma poésie, qui l'influencera probablement dans un sens ou dans l'autre.
Olrich réchauffe le public avec ses singeries démoniaques et une imitation effrénée de Niv-Mizzet, qui consiste à cracher du feu aux pieds de ces pauvres bâtards assez stupides pour s'asseoir au premier rang. Il est bon ce soir. Les pensées de jouer à Rix Maadi sont probablement encore en train de nager dans sa tête. Beaucoup de petits artistes y aspirent. Je ne leur en veux pas. Dans Rix Maadi, les rires sont plus forts, les tours plus spectaculaires, le sang plus rouge, plus épais, plus sucré. Nuit après nuit, vous récoltez vos fruits en prenant part à toutes les affaires de la chair. Vous construisez une suite de groupies insatiables se régalant de votre habile débauche, jusqu'au jour où Rakdos remarquera que vous avez juste quelques fans de plus que lui.
Alors il en tue la moitié.
Et après cela, les tours sont apprivoisés, le rire est étouffé et le sang ralentit. Vous faites vos valises et quittez la Citerraine pour gagner votre vie dans les rues de Ravnica, en récitant de la poésie à des ivrognes.
Je monte sur la scène, glisse mes lunettes sur mon nez, puis baisse les yeux sur les notes froissées dans ma main. La batterie pulse, les peaux humaines minces dégagent des notes percussives aiguës qui résonnent dans toute la fosse. J'ai lu :
Fils. Filles. Maris. Mariées.
La vie se verse à l'écoulement.
Sans plaisir, pas de déchirement.
Moments volés, années volées.
Le temps a passé, mais le cœur est toujours asséché.
En dehors de la maison où l'amour une fois siégeait,
La mort établit son tapis d'entrée.
(Normalement ça sonne mieux...)
Une personne applaudit timidement. Je lève les yeux en espérant que c'est Zita, mais ce n'est pas le cas. Le public se perd dans une bière foisonnante et des conversations parallèles. Je peux les récupérer, mais je vais devoir faire quelque chose de plus risqué.
Je me racle la gorge odieusement pour attirer leur attention. « Alors, je parie que vous avez remarqué tous les engins de surveillance ici ces jours-ci, qui scintillent dans les airs, puis sont partis avec un pouf dès que vous les regardez droit. Vous ne pouvez pas prendre de décharge sans vous demander si un malheureux mage Azorius vous observe. Même si en toute justice, le numéro que la soupe d'Olrich fait sur tes intestins devrait être une offense passible d'amende ! »
« Il n'y a rien de mal avec ce que je cuisine. J'en mange tous les jours ! » Olrich crie depuis le couloir, mais c'est trop tard. J'ai eu quelques éclats de rire et la foule se réchauffe.
« C'est parce que tu as un estomac en fonte, mon ami, et que ton contrôle du sphincter est légendaire ! » Je montre le démon au premier rang, une cuillère à moitié trempée dans son bol à soupe. « Cependant, je crains que le code 3435-T d'Azorius soit sur le point d'être brisé... utilisation de matériel explosif dans un espace confiné. Et cet espace... est son pantalon. »
Je me délecte des hurlements bruyants et des sifflements. Un ogre se lève et saisit le candélabre en fer forgé suspendu au-dessus. Il oscille d'avant en arrière, effectuant des virages acrobatiques malgré son pagne qui refuse de faire son devoir et les éclats de ciment et la poudre qui tombent du plafond, tous les yeux s'émerveillent de ses manœuvres gracieuses. Au moins jusqu'à ce que l'un des pics de fer incrustés dans son épaule soit pris dans un des détails du candélabre.
La chair se déchire, l'ogre retombe dans son siège avec un cri de douleur. Il noie son embarras dans un flacon de bière. Le sang dans l'air persiste cependant, et si l'attention du public couvait avant, elle flamboie maintenant.
« Et l'écriture céleste est à son plus haut niveau. Il y a tellement de nouvelles runes de loi illuminées au-dessus de New Prahv que le ciel au-dessus de la halle brille plus fort que toutes les bougies du gâteau d'anniversaire de Rakdos. Il est si brillant que les sénateurs d'Azorius attrapent un coup de soleil sur le chemin du travail ! » Je lève la main et plisse les yeux comme si je regardais directement dans le soleil. « Oooh ! Ça brûle ! Mais c'est pas comme si une peau rouge flamboyante, ce n'était pas sexy, n'est-ce pas ? » Je prends une pose obscène, et les rires roulent délicieusement. Je reçois un sifflet aussi, et je ne peux pas dire que je suis déçu quand je lève les yeux et vois que ça vient de Zita.
« Comme vous le savez tous, Udzec a ouvert ses portes il n'y a pas si longtemps. Maximum. Sécurité. Prison. » Les huées viennent vite et fort. « Je sais, je sais. Combien d'entre vous connaissent quelqu'un à Udzec ? » Presque tout le public lève la main. « J'ai entendu dire que c'était déjà en surcapacité. Cinquante mille prisonniers dans ce monolithe. En fait, Ravnica n'a qu'une chose qui soit plus complète qu'Udzec, et c'est l'ego de Dovin Baan ! » Je redresse des revers imaginaires et me promène comme si j'avais un tisonnier incendiaire, montrant du doigt des personnes aléatoires dans la foule, et avec ma meilleure imitation nasale du chef de guilde d'Azorius, en disant: « Vous obtenez une cellule et vous obtenez une cellule et vous obtenez une cellule ! Prison pour tout le monde ! » La foule éclate. « Vous vous moquez de moi, citoyen? Personne ne rit en présence de Dovin Baan ! »
Ensuite, l'endroit entier devient silencieux comme une crypte. Je regarde par-dessus pour voir un courtier Azorius se profiler dans l'entrée. Je m'éclaircis à nouveau, puis inversai le cours, creusant dans le Gruul cette fois. Les rires sont forcés. La tension dans la salle est palpable. Je termine quand même ma représentation – vingt-trois minutes de pure torture. La foule commence à se dissiper à mi-chemin et même Zita semble vouloir partir. Dès que la dernière blague glisse de ma langue fourchue, je me retire en coulisses pour reprendre mes esprits. Azorius ne m'avait jamais fait si peur auparavant. Il y a cent ans, nous aurions collectivement rejeté ce soldat de la scène. Mais ces derniers mois, quelque chose a changé. Maintenant, je suis nerveux, craignant d'être arrêté pour avoir utilisé quelque chose d'aussi innocent que du parchemin pour le mildiou.
« J'ai vu des choses pires », dit Olrich, en se jetant sur mon épaule pour me consoler. Il a toujours été un grand menteur et je l'apprécie plus que jamais.
J'aide Zita à ramener ses sacs dans son magasin. On devrait être en sécurité maintenant avec le Festival de Rage en pleine puissance. Les maîtres des cérémonies dansent sur leurs chars de défilé, lançant des colliers de vertèbres dorés dans la foule. Les instrumentistes interprètent des mélodies extrêmement fortes qui peuvent à peine être considérées comme de la musique. La nausée est si abondante qu'elle coule dans les rues et que des sonnailles retentissent au loin – un tribut pour chaque âme réclamée par Rakdos cette année. J'ignore tout. Je ne suis pas d'humeur à célébrer.
« Est-ce juste moi, ou portons-nous plus d'effigies que nous ne sommes venus avec ? » demande-je à Zita.
« J'en ai vendu douze, mais quand ce courtier a été installé, tout le monde a demandé des remboursements. J'ai aussi commencé à en fabriquer un nouveau pendant ton passage sur le plateau. J'ai dû passer le temps. »
« Aie. » Et cela scelle notre histoire. Je ne la reverrai plus jamais. Au moins avec nos masques. Encore trois pâtés de maisons, et elle est hors de ma vie pour toujours.
« Euh, regarde ça », dit Zita en montrant du graffiti sur le côté d'un magasin de cuir : Dovin Bann suce des œufs de drakôn pourris. « Il a mal écrit « Baan ». Ce type est peut-être un revendeur de grimaces, mais si vous calomniez quelqu'un, vous pourriez aussi bien donner le nom. » La magie est toujours fraîche et Zita transforme le premier n en un passable a . « Mieux ? »
« Je suppose », dis-je, en frappant du gravier avec mes sabots. Nous continuons notre chemin, mais une parade de vice nous attrape. Des chars méticuleusement décorés manœuvrent dans la rue, portés par d'énormes démons qui ridiculisent ma largeur. Les bouffons se déplacent dans les rouages de douleur et les cages de torture en fer forgé à pointes, insouciants et inconscients de la promesse de la mort à un seul faux pas.
Je fais l'erreur de regarder trop longtemps, et l'un des bouffons m'enferme avec son regard rusé et je ressens le besoin d'être volontaire. Je monte sur le char et escalade les échelles déformées de la cage de torture qui bordent des illusions d'optique. Des pointes m'attendent si je tombe, un poison probablement terrible, parce que des cris plus forts amènent des acclamations plus fortes et que le Festival de Rage n'est pas le moment de faire preuve de retenue. Mais je ne suis pas leur volontaire ordinaire. J'ai vécu et respiré dans des cages de torture pendant des siècles. J'exécute un double retournement et rentre, attrapant une barre, puis la suivante, me soulevant d'une prise à l'autre alors que je me propulse plus haut. La structure de fer squelettique devient plus précaire à mesure que je monte. La soudure est plus légère, le métal est plus fragile, mais je me suis souvenu de tout cela et je me suis concentré sur la série. Pour la finale, un poirier à une main au-dessus du foyer en flammes, et je descends de retour dans le public, applaudi de toute part.
Dix secondes à sentir ma propre chair cuire m'a mis dans l'ambiance pour un grignotage de fête. J'appelle un vendeur de rue et commande une horreur fumée au miel que nous partageons, une viande tendre s'arrachant des os.
« Tu devrais avoir un tel cirque, » dit Zita en se penchant vers moi, léchant de ses doigts la sauce rouge épicée. La barrière qu'elle avait érigée entre nous est soudainement levée. Mieux que levée. Comme si elle n'avait jamais existé. « Tu étais formidable. »
« J'ai eu un cirque comme ça... une fois. »
Elle lève les yeux vers moi, prête à m'exposer ses sentiments, mais des pas défoncent le trottoir derrière nous. Nous nous retournons et voyons un soldat Azorius marcher notre chemin.
« Arrêtez-vous ! » commande-t-il. « Vous êtes en état d'arrestation pour une violation du code Azorius 3691-J... »
Je laisse tomber les sacs en toile de jute et mets mes mains derrière mon dos en attendant que la magie me piège les poignets. Stupide parchemin de brulûre. C'est à peine vraiment de la magie d'effigie !
«... Pour dégradation d'un bâtiment public, poursuit-il. De plus, le code Azorius 6342-P, calomnie d'un maître de guilde, » dit le courtier, liant Zita avec suffisamment de magie pour arrêter un géant.
« Elle n'a détruit aucun bâtiment ! » dis-je en me détendant les mains. « Et bien, il y avait ce graffiti, mais elle ne l'a pas mis là. Elle a juste corrigé une faute d'orthographe. »
Zita me lance un regard noir.
« Votre déclaration de témoin corroborant sa culpabilité a été enregistrée, citoyen », entonne l'intéressé.
Je grimace, « mais...! » Et comme ça, Zita est sortie de ma vie. Cette fois complètement.
Tout le monde sait qu'Udzec ne peut être violée de l'extérieur, mais Olrich prétend connaître quelqu'un qui travaille au sein de... ou du moins elle avait travaillé au sein de cet endroit. De prime abord, sa chute depuis la dignité d'Azorius avait été raide. Avec cette proximité des quais, son taudis est indiscernable des cabanes à poissons qui l'entourent. Un encens épais flottant dans les fentes de la voie d'évitement maintient le pire de la puanteur de la baie.
Prédis moi l'avenir d'une rivière , indique le panneau, une planche de bois usée par les intempéries qui pend plus bas sur un côté.
« Tu es sûr ? » me demande Olrich pour la douzième fois. « Parce qu'une fois que nous aurons dépassé ce seuil, nous ne pouvons plus revenir en arrière. »
« Je ne peux pas laisser Zita pourrir en prison ! Je sais que c'est ridicule, mais je nous sens comme des âmes sœurs. »
« Tu n'as pas d'âme, Kodo. » pointe Olrich. « Mais si elle compte à ce point pour toi, faisons-le. »
« Olrich ! » répond une femme, ouvrant sa porte une seconde avant que nous frappions. Elle est plissée de partout, pas comme une vieille femme, mais comme si elle s'était simplement jetée sur la peau la plus proche sans penser à sa taille. Elle s'accroupit et embrasse le diable, un câlin qui dure assez longtemps pour que je m'interroge sur le passé qu'ils partagent.
« Content de te voir, Lucinka. C'est— »
« Kodolaag », dit-elle en tendant la main et en secouant la mienne avec vigueur. « C'est merveilleux de te rencontrer enfin. En chair et en os. »
Elle nous accompagne à l'intérieur, deux chaises sont mises à la disposition des invités, une avec un rehausseur pour qu'Olrich soit à égalité avec nous. Une boîte enveloppée de papier aluminium se trouve au milieu de la table. «Tu lui as dit que nous allions venir ? » murmure-je à Olrich. Il secoue la tête.
« Comment vas-tu ? » demande Olrich. « On dirait que tu as amélioré un peu l'endroit. »
« Occupée. Le piratage Simic est à son plus haut niveau. Un bateau sur trois partant d'ici ne parvient pas à rentrer à terre. J'ai un peu égalisé les chances, informant les capitaines du meilleur moment pour la traversée. . Ne paie pas beaucoup, mais ma conscience est claire comme une boule de cristal ces jours-ci. » Elle sourit poliment. « Je vous demanderais comment vous allez, mais... » Elle se tape le front entre les sourcils, puis elle nous verse un verre de whisky Buttress South et laisse tomber un seul glaçon dans le mien avant que je puisse en demander un.
« Vous êtes une mage de précognition, » dis-je alors qu'elle prenait une gorgée, surtout pour ne pas avoir le temps de me battre. Un sourire ironique se dessine sur ses lèvres.
« Je suis désolée. C'est une horrible habitude. Je dois me rappeler que les gens aiment poser leurs questions avant que j'y réponde. Mais je suis bien meilleur que je l'ai été. Le Sénat ne nous a jamais encouragés à considérer les conséquences de notre clairvoyance : leur cœur est au bon endroit, mais leur passion pour la justice peut être... un peu trop ambitieuse, liée à la lettre de la loi au lieu de son esprit. Et pour répondre à vos prochaines questions, oui. Oui. Trente-sept ans. Je ne pouvais pas supporter de mettre en prison des gens qui n'avaient pas encore commis un crime. Et strictement platonique. Je sais que vous n'alliez pas demander cela à voix haute, mais c'est écrit sur votre visage. »
Mon esprit tourne.
« Je suis désolé. Je l'ai encore fait, n'est-ce pas ? Ah, bien. »
Olrich lui donne sa confiance et elle a l'air légitime. Je glisse donc l'essentiel de mes économies sur la table. Ce n'est pas beaucoup. Même les bons poètes gagnent à peine de l'argent et je suis loin d'être bon.
Lucinka soulève le couvercle de la boîte siégeant sur la table. « A l'intérieur, j'ai tout ce dont vous avez besoin pour accomplir ce que vous voulez faire. Ne parlez pas trop fort. Essayez de ne pas y penser. Plus vous êtes spontané, moins vous avez de chances d'attirer les soupçons des mages de la précognition. Visitez Udzec demain matin. Placez-vous derrière le minotaure avec une crinière bouclée. Le reste devrait devenir évident comme il se doit. Vous devez être tous les deux pour que cela réussisse. »
Olrich ouvre la bouche pour protester, mais Lucinka le toise.
« Oui, tous les deux . Chacun d'entre vous possède les compétences nécessaires pour libérer l'innocente. » Elle prend une dernière longue gorgée de whisky, met la bouteille dans la boîte, ferme le couvercle, puis me glisse la boîte. « De rien. Et ne l'ouvre pas avant d'être à proximité. »
Les runes tournoient à l'extérieur d'Udzec, un énorme pilier qui s'avance dans le ciel. Nous y arrivons tôt, en regardant les visiteurs se diriger vers l'entrée. J'ai la boîte serrée contre moi, résistant à l'envie de jeter un coup d'œil à l'intérieur. Enfin, nous la voyons, la minotaure avec une cascade de boucles rousses le long de son dos. Olrich et moi nous sommes rapidement arrêtés juste derrière elle.
Olrich et moi nous nous regardons, puis ouvrons la boîte et regardons le contenu : une demi-bouteille de whisky, une barboteuse pour enfant avec des feuilles d'automne sur la bavette et une couverture à langer assortie, et une amulette en fer forgé incrustée d'une grosse pierre d'ambre portant des tourbillons de noir qui bougent comme des ombres de néant. Magie de l'effusion de sang... Je l'ai vu assez de fois au cours de la dernière nuit du Festival de Rage. Le Maître de cérémonie escalad cinq étages dans une cage de torture et ouvre la pierre, déclenchant une vague de magie de diffusion du sang sur la foule, provoquant des émeutes et un chaos immenses. Toujours un plaisir pour la foule. Au moins pour ceux qui survivent.
« Nous ne pouvons pas nous faire prendre ici », dis-je à Olrich. « Nous nous retrouverons aussi dans une cellule. »
« Lucinka ne nous guiderait pas mal. Je lui fais confiance. Il doit y avoir quelque chose que nous sommes supposés faire avec. »
Je regarde derrière nous, prêt à partir et à me regrouper, mais au moins une centaine de personnes bloquent notre sortie. Je renverse mes sabots et vois les annulmages d'Azorius à l'avant de la ligne, inspectant tout le monde à la recherche de magie et de contrebande. L'un des mages, une silhouette svelte et bleu pâle, semble être passée au troisième quart de travail, fatiguée et négligée, plus inquiète d'étouffer ses bâillements qu'elle ne le fait avec des recherches approfondies. Un jeune elfe qui porte un bébé passe, et l'annulmage fait à peine attention au bébé. Certains fouillent. Elle est réprimandée par son partenaire, qui fouille l'enfant à nouveau, plus complètement cette fois. Je baisse les yeux sur la barboteuse, puis sur Olrich. « Je pense que tu es censé mettre ça. »
Ses yeux s'illuminent. « Pas question, pas comment. J'ai trois cents ans de plus que toi, pour l'amour de Rakdos ! »
« Je le sais. Mais tu l'as dit toi-même. Tu fais confiance à Lucinka. »
« C'est un médium complaisant, c'est ce qu'elle est », murmure-t-il, puis se fourre dans la barboteuse, un petit lambeau dans le dos laissant libre cours à sa queue dressée.
« Tu es aussi mignon que le jour où tu t'es manifesté, » dis-je.
« Personne ne va craquer pour ça. »
« Je pense que tu sous-estimes à quel point tes joues sont aptes à être pincées. » En fait, il a l'air adorable, et bien que cela puisse nous faire perdre un peu moins de contrôle, il ne suffira pas pour glisser quelque chose d'aussi puissant que de la magie d'effusion de sang.
« Tiens, avale ça, » je dis à Olrich, en lui montrant l'amulette. C'est lourd, mais le ventre d'Olrich est comme un coffre-fort. Je l'ai vu y cacher un sac de pièces de la taille d'un poing lorsqu'il soupçonnait ses ouvriers de voler dans la caisse. « Utilise cet estomac en fonte à bon escient. Tu n'as pas le temps de réfléchir. »
Le regard que me lance Olrich pourrait geler Rix Maadi, mais il obéit. La dernière chose dont nous avons besoin est une bonne distraction à l'ancienne. Le minotaure en face de nous porte une cape en laine, capuche drapée dans le dos. Endroit idéal pour cacher une bouteille de whisky. Soigneusement, je repose la bouteille à l'intérieur en espérant qu'elle soit suffisamment légère pour ne pas tirer sur le tissu.
Le minotaure se retourne, me regarde avec méchanceté, mais ensuite elle voit Olrich emmailloté dans mes bras et ses yeux s'illuminent. « Oh, quelle mignonne petite bête. Il a bien sûr vos yeux. Dommage que ce petit gars doive visiter un endroit comme celui-ci. Jamais, dans mille ans, je n'aurais pensé que je serais là non plus, mais le mari a été rattrapé par ses démons. Je vous le dis, si jamais vous faites affaire avec des courtiers Orzhov, obtenez vos reçus par écrit ! »
« Prochain dans la ligne ! » appellent les annulmages.
Le minotaure se retourne, fait un pas en avant et secoue cruellement sa crinière. « Jitka Wothis est ici pour voir Grimbly Wothis. »
Les mages la saluent et effectuent leur travail de détection et de neutralisation de la magie. Elle réussit à traverser cette partie, mais quand elle est fouillée, ils trouvent la bouteille.
« Comment cela est-il arrivé ? » crie-t-elle. « Ce n'est pas à moi ! » Tous les mages proches de notre ligne convergent sur elle, à l'exception de la Vedalken, qui bâille et nous fait signe d'avancer tandis que la minotaure tente d'attaquer tous ceux qui s'approchent d'elle avec ses cornes.
« Désolé, votre petit a dû voir ça », dit l'annulmage en me lançant un sortilège. « Vous ne croiriez pas le genre de choses que les gens essaient de se faufiler ici. » Elle chatouille Olrich sur le menton. Je lui jette un regard dur jusqu'à ce qu'il laisse échapper un gloussement adorable. « Alcools, armes enchantées, potions. Nommez-vous. Mais tout ce qui nous manquera sera attrapé par les mages de précognition. Quiconque ose ne serait-ce de penser à pénétrer dans cet endroit avec de la magie, et nous pouvons l'arrêter en vingt secondes ! »
Ses mains s'approchent d'Olrich et je fais de mon mieux pour ne pas penser au tu-sais-quoi caché-je-sais-où. Si le ventre d'Olrich est suffisamment dur pour contenir sa faction de diablotins, la magie aura peut-être du mal à y échapper.
Enfin, nous sommes salués. Un soupir s'échappe de mes lèvres, mais avant que nous puissions faire deux pas en avant, un autre mage nous fait signe. « Vous deux. Attendez une minute. »
Il se dirige vers nous, puis met un livre entre les mains d'Olrich. Un livre de coloriage: Briser le cycle des générations païennes. Une caricature géante de Rakdos est sur la couverture et est piétinée par un Vedalken impeccablement vêtu qui ressemble beaucoup à Baan. « Azorius est totalement déterminé à enseigner à la prochaine génération les voies de la justice, quel que soit le gouffre dans lequel ils sont nés. » Il distribue ensuite des livres à colorier à tous les enfants qui sont venus rendre visite à leur parent incarcéré, et je suis vraiment impressionné par le nombre de ceux-ci.
Olrich commence à déchirer le livre en deux, mais je le lui arrache. « Non. Tout se passe pour une raison. Les yeux ouverts. Esprit clair. »
« Bien. Mais je jure que si quelqu'un me pince les joues, je vais me mordre le visage. »
J'ai passé tellement de temps dans la vie dans l'instant qu'il me faut un certain temps pour reconnaître les sentiments dans mes entrailles. Culpabilité. Remords. Un sentiment d'inadéquation accablant. Zita s'assied à côté de moi, un mince voile de magie bleu pâle décourageant le contact physique.
« Comment vas-tu ? » lui demande-je. « Est-ce qu'ils te traitent bien ? »
Elle acquiesce. « Ce n'est pas si mal ici. La nourriture est bonne, et les gardes sont assez aimables. En plus, je me suis fait quelques amis. »
Je pousse un soupir de soulagement. « Je suis heureux d'entendre cela. On entend des histoires terribles... conditions de vie inhumaines, travaux forcés, brutalités. »
Zita sourit mais ses yeux restent distants. « Pas à Udzec, c'est sûr. Je vais purger mon temps en paix, en prenant chaque jour pour que l'avenir ne commence pas à se sentir comme une illusion. »
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Je deviens rigide. Illusion. Notre mot de code partagé. Tout n'est pas bien ici. Les gardes doivent obliger les prisonniers à parler avec émotion de leur internement. Je dois faire sortir Zita d'ici maintenant, mais si nous lâchons le pouvoir de la magie d'effusion de sang, tout cet endroit sera fermé en quelques secondes, avec nous toujours à l'intérieur.
« Je jure que je vais te sortir d'ici, Zita, » murmurai-je. « Je trouverai un moyen. »
Elle acquiesce lentement, puis baisse les yeux vers Olrich. « Qu'est-ce qui se passe avec les petits gâteaux ici ? »
Olrich ouvre la bouche pour la menacer, mais je lui passe le livre de coloriage devant lui. « Ici », dis-je. « Tiens-toi occupé, mon fils. » Il ouvre le livre, jette un coup d'œil à l'illustration suivante, puis le déchire en petits morceaux et les fourre dans sa bouche.
Zita jette un coup d'œil autour de lui, puis traverse la barrière magique. Elle serre les dents alors que des charges électriques traversent son corps. Elle touche le livre de coloriage et le soldat d'Azorius dessiné sur la page vient à la vie.
« Pas de contact ! » dit le garde debout proche de Zita.
Zita lève les mains au ciel. « Désolé, désolé. Je voulais juste tenir mon fils. Il me manque tellement. »
Le garde relève le front devant ce qui doit sembler une famille improbable, mais je suis sûr qu'il a vu un peu de tout dans un endroit comme celui-ci. Il s'installe et Zita me regarde fixement. Je regarde la page avec l'illustration imitant le garde qui se tient derrière elle. Parchemin de brûlure de fortune. Je fais un petit trou dans le mollet de l'effigie et le garde se penche pour masser une crampe à la jambe. J'attends toujours que les annulmages détectent la magie et convergent vers nous, mais la magie doit être trop faible pour pouvoir être enregistrée. Zita vient de nous donner un moyen de sortir d'ici.
Je donne un coup de coude à Olrich et lui demande de converser avec Zita pendant que je dessine avec soin chacun des gardes et des mages qui surveillent la salle des visites, plusieurs à une page, pendant que des dizaines de visiteurs conversent avec leurs proches. Je compte les illustrations deux fois, il suffit de vérifier que je les ai toutes. Ensuite, je déchire les pages et les passe à travers la barrière.
La magie électrique enflamme le papier et les gardes gémissent à l'unisson comme s'ils étaient brûlés vifs. Zita prend d'assaut la barrière magique, grimaçant au choc. Ses vêtements couvent et sont sur le point de prendre feu. Elle se dévêt de sa robe de prison et Olrich lui donne sa couverture emmaillotée. C'est trop petit pour l'enrouler autour d'elle, mais elle l'étudie pendant un moment, puis la déchire sous des angles précis et, avec quelques plis et plis, elle se fait une blouse courte mais passable.
J'utilise les deux dernières pages de parchemin sur les sentinelles qui surveillent dans les couloirs sinueux. Nous avons la spontanéité de notre côté, et si nous sommes rapides, nous serons bien partis avant que les mages de précognition n'échappent à notre fuite.
Des pas au coin de la rue, et je continue à souhaiter qu'Olrich n'ait pas mangé cette feuille de papier. Mais ensuite, Olrich se racle la gorge et dit: « Citoyens ! Voici ! C'est moi, votre très estimé chef de guilde, protecteur de la justice, fournisseur de protocoles ! » dans une imitation de Dovin Baan qui fait honte à mes tentatives. « Fermez les yeux et comptez les moyens par lesquels ma perspicacité et mon ingéniosité ont transformé avec tant de rapidité cette guilde en un phare éclatant de la justice telle qu'elle se présente aujourd'hui. »
Les pas s'arrêtent. « Oh, Maître Baan ? Je ne savais pas que vous étiez— »
« J'ai dit de fermer les yeux et commencer à compter ! » commande Olrich.
« Un », vient la voix la plus faible. « Vous avez complètement ébranlé les rangs, débarrassant le Sénat de ceux qui ont abusé du pouvoir en son nom. »
Nous passons tranquillement au coin de la rue, puis passons devant le soldat et nous nous retrouvons bientôt dans une ligne ordonnée avec le reste des personnes sortant de l'établissement. Nous allons vite. Nous allons le faire.
« C'est eux ! » dit une voix familière. « Le démon et son diable de fils ! Tracez un cercle de vérité autour de moi pour ne pas douter que je dis la vérité ! » Nous nous retournons et revoyons le minotaure, les narines brûlantes.
« Moi aussi ! » dit une femme vampire, évitant avec vigilance les rayons de lumière du matin filtrant à travers les fenêtres. « Je l'ai vu le faire. »
Avant que nous puissions le nier, Olrich et moi sommes liés par la magie. Zita nous regarde.
« Allez, » souffle-je. Elle hésite, puis se perd dans la foule de gens.
Dès que nous avons reçu nos uniformes, nous nous sommes mis au travail avec les autres délinquants et pré-délinquants non violents. Une autre cargaison de quartz blanc se déplace lentement au-dessus de la tête, un cercle de trois douzaines de mages déposant le bloc flottant sur le chantier d'Exner, la nouvelle prison censée éclipser Uzdec.
À présent, il ne s'agit que d'un cadre d'échafaudage en fer qui monte jusqu'aux nuages. C'est un projet ambitieux, mais avec une main-d'œuvre gratuite de 20 000 prisonniers, il monte rapidement et devrait être prêt à ouvrir ses portes au printemps prochain.
Le bloc de quartz frappe le sol avec un bruit sourd. J'y vais avec ma pioche, en coupant des morceaux. Je suis rapide et précis, maintenant. Les premiers jours, les soldats m'ont fouetté pour avoir brisé des pierres de manière irrégulière et pour avoir pris trop de temps. Ici, loin de la surveillance constante des annulmages, il est plus facile d'utiliser la magie sans se faire attraper, et il y a beaucoup de chamanes dans notre groupe qui peuvent guérir une peau brisée. J'ai écouté leurs histoires. Crimes mineurs, identité erronée et, dans la plupart des cas, pré-crimes basés sur les caprices de mages de précognition enfermés dans leurs tours de pierre blanche.
Olrich nous amène à l'heure du déjeuner, la main dans le dos. Il me présente un mince collier de vertèbres et de colonne de rongeur. « Je sais qu'il n'y a pas grand chose à célébrer... »
J'avais presque oublié que c'était le dernier jour du Festival de Rage. Il semble qu'il y a une vie entière que je suis entré dans la boutique de Zita, bien décidé à cesser d'être un monstre et à commencer à être un ami, mais cela ne fait même pas toute une semaine. J'espère qu'elle est en train de faire la fête dans les rues quelque part, le sang dans l'air, des émeutes dans les rues. C'est la saison de la décadence et de la dépravation.
Je lève les yeux vers la tour squelettique d'Exner. L'acier irrégulier pointe dans tous les sens, mais je suis sûr que je pourrai l'adapter en quelques secondes. Mon esprit est déjà en train de tourner et le temps dont je dispose pour orchestrer ce plan s'amincit. Les mages de précognition se connecteront à mes pensées en un rien de temps. « Olrich, » dis-je en le secouant par les épaules. « Tu te souviens de cette chose que tu as avalée ? Est-ce toujours là ? »
« Ouais, ça me donne des crampes sérieuses, mais je n'ai pas eu l'occasion de m'en débarrasser. »
« Tousser. »
« Mais- »
« Maintenant! Dépêche-toi ! »
Olrich expulse l'amulette. Pas à travers l'orifice que j'avais espéré, mais on ne choisit pas toujours. J'attrape l'amulette et fonce vers la tour inachevée. Les soldats sautent sur leurs pieds et me poursuivent avec des fouets, la magie se propageant du bout des lèvres et dans les airs. Cela me rattrape, mais j'ignore la douleur et je grimpe, en m'imaginant d'être à nouveau un artiste interprète ou exécutant, en retournant, en plongeant, en effectuant des plongées dangereuses et en gardant une longueur d'avance sur leur objectif.
J'arrive au sommet, prenant un moment pour profiter de la vue... des milliers et des milliers de prisonniers en dessous de moi et des centaines de gardes. Lorsque Lucinka me prévoyait de libérer des innocents, je pensais qu'elle parlait de Zita et non d'innombrables victimes d'injustice.
Je claque la pierre de l'amulette contre l'échafaudage de fer, mais rien ne se passe. Je lève les yeux et vois une douzaine d'archontes dominant la ligne d'horizon, émettant un flamboiement de lumière blanche. Leurs bêtes volantes sillonnent des nuages bas, prennent de la vitesse, se rapprochent. Les mages de précognition sont sur moi et sur le spectre que je compte créer, si seulement je pouvais libérer cette magie. Cela n'avait jamais semblé si difficile pour les Maîtres des cérémonies, mais ces amulettes n'avaient pas passé plusieurs jours dans le ventre d'un diable, se purifiant au fond de l'obscurité la plus pure. Mais si la pierre est plus forte, cela signifie peut-être que la magie l'est aussi. Je rassemble toutes mes forces, contractant des muscles qui ont résisté à la roche extraite, et claque à nouveau la pierre.
L'amulette craque et libère un essaim de vrilles noires, repousse la lumière et fait basculer le jour vers la nuit. L'amulette bat avec le rouge profond et riche du sang fraîchement répandu, puis la pierre se brise complètement, envoyant un panache de magie en fusion tirant haut dans le ciel assombri. Tout reste silencieux pendant un instant, puis une explosion me rend bestial. Je m'accroche à l'échafaudage alors que des braises d'effusion de sang pleuvent sur tout le chantier.
Quand la fumée se dissipe, les archontes continuent d'arriver, mais il est trop tard pour réprimer une émeute de cette envergure. La folie se propage. Les outils deviennent des armes. Le sang est épais dans l'air et l'esprit de la saison me remplit de la rage la plus parfaite. Et, avec un sourire enfantin sur mon visage, je me précipite dans la mêlée, désireux de prendre part à la plus grande fête du Festival de Rage jamais organisée.
Trois chaises, dont une avec un rehausseur, sont placées autour de la table de Lucinka et une boîte enveloppée de papier d'aluminium repose sur le dessus. Zita, Olrich et moi prenons nos sièges alors que Lucinka s'agite dans les plis de sa peau, comme si elle avait peur que nous ne puissions y jeter un coup d'œil.
« Quand est-ce que je peux— » commença à demander Zita, inexpérimentée lors de conversations avec un mage de précognition.
« —Revenir dans votre magasin ? Jamais, j'en ai peur. Vos vies telles que vous les connaissiez sont terminées. Azorius n'arrêtera de chasser que lorsque toutes les personnes qui se seront échappées sous le coup de l'émeute seront traduites en justice. Elles admettent 3 300, mais le nombre réel est beaucoup plus élevé . »
Zita fronce les sourcils. Je sais à quel point sa boutique comptait pour elle. « D'accord, alors où allons-nous – »
« —Vous d'ici ? Vous allez devoir commencer une nouvelle vie dans la Citerraine, » dit Lucinka. « Vous travaillez bien ensemble. Créez une nouvelle troupe. Entourez-vous de personnes de confiance. »
Les avantages d'Olrich. « La Citerraine. Une troupe ? Je peux nous voir maintenant... les blagues les plus vulgaires, les acrobaties les plus provocantes, les costumes les plus extravagants ! »
« Des costumes », dit Zita, une petite joie s'insinuant dans sa voix. « Je peux faire des costumes. »
Lucinka sourit en connaissance de cause. « Vous en aurez besoin, car le genre de travail que vous ferez en tant que troupe ira au-delà des divertissements frivoles. Bien que la plupart des personnes que vous avez libérées soient de bonnes personnes, il y en a quelques-unes dont nous devons nous soucier. Un en particulier. »
Je regarde la boîte sur la table. « Et ce qui est à l'intérieur ici nous aidera à le capturer ? »
« Ha, non. Ceci est un cadeau de mariage pour vous et... » Elle regarde dans les yeux écarquillés de Zita. « Oh, peu importe. Juste une autre question que vous ne pourrez pas me poser avant un moment. Je suis vraiment terribme. »
Zita me serre le genou sous la table. Je la regarde et souris. Demain, c'est peut-être une illusion, mais c'est une idée que je suis prêt à attendre.
Le 05/02/2019
Merci Drark !
Le 29/01/2019
Je ne crois pas que Domri puisse être le prisonnier dangereux. Je n'ai pas vue aucune information sur le fait qu'il puisse avoir été arrêté. Même si c'était le cas, il pourrait sûrement s'en sortir en transplanant et il ne serait pas un "agent de Bolas"
Je crois que l'évasion d'un Gruul ou un Rakdos dangereux n'aurait pas passé inaperçu.
Je miserais plus sur un personnage qu'on a pas vue depuis longtemps et qu'on ne s'attend pas a revoir vraiment.
Note : 8/10
1 réponse(s)
Le 29/01/2019
Domri est un Gruul dangereux. Il parvient tout de même à réunir les Clans sous une même bannière, et ce n'est pas rien. Gruul a une puissance de frappe non négligeable, surtout unifiée.
Même si tu marques un point pour le transplanage, le Soleil immortel est fait pour ça et est une preuve que ce genre de magie peut exister : un simili-soleil fonctionnant uniquement dans la prison n'est pas impossible, quoique peu probable. Je rappelle qu'on ne sait pas exactement où se situent dans le temps ces histoires, et Vraska a déjà rendu l'artefact à Bolas, qui peut l'avoir possiblement déjà placé. Possiblement, pas probablement.