Détective John
Détective John
Discussion ouverte par maitredragon Le 20/01/2023
Discussion ouverte par maitredragon Le 20/01/2023
maitredragon
Il alluma son troisième, peut être quatrième cigare et tira fort dessus, obtenant le même gout âcre désagréable en bouche. Il repensa à sa dispute matinale avec sa femme. Quel était le problème déjà ? Il regarda le cadavre incapable de s'en souvenir. Si près de la retraite... Quelle poisse ! La retraite allait devoir reculer de quelques jours voire quelques mois. Est-ce un mal après tout ? Serait-il heureux de se disputer plus régulièrement avec elle. Il soupira, il était fatigué et cette nouvelle situation n'arrangeait rien. En regardant le corps, il pensa à toute l'avalanche de merdes qui allait découler de tout ça. La plus immédiate était ce va-t'en guerre d'Artaud, quand ses hommes lui apprendraient la nouvelle, cet immense connard s'empresserait de prévenir le Duc. La situation dégénérerait alors très vite. Même si l'idée était plaisante, arriver à contenir les troupes n'était pas vraiment de son ressort. Il fallait la jouer fine et Foulques n'était pas du tout un maitre en la matière. Aelys aurait peut-être plus de succès auprès de ses anciens camarades. Il fallait qu'elle rapplique. Il se tourna et regarda les membres de sa brigade les plus proches de lui. Ces derniers vu l'humeur massacrante de leur chef se faisaient les plus petits possibles espérant ainsi ne pas être appelé. Son regard s'arrêta sur Luis.
- Luis !
- Oui chef ? répondit-il par réflexe en sursautant.
- Va me chercher Aelys !
- C'est que... Chef... Elle est de... repos aujourd'hui...
Il regarda son subalterne froidement.
- Dépêche-toi !
Il déglutit, acquiesça et partit à toute vitesse vers la maison de l'adjointe. Foulques le regarda déguerpir en grommelant. Il venait de finir son cinquième, peut être sixième cigare ?
Aelys fut tirée de son sommeil brutalement, quelqu'un utilisait le loquet de sa porte sans discontinuer.
- C'est bon ça va j'arrive ! Dit-elle énervée sans arriver à trouver de quoi s'habiller.
Elle enfila une chemise laissée près du lit et alla ouvrir. Elle fut étonnée de découvrir Luis sur le pas de sa porte, ce dernier bien qu'habitué au manque de pudeur extrême d'Aelys, ne savait plus où se mettre devant sa tenue. Elle continua à boutonner sa chemise sans la moindre gêne.
- Luis ?
- La plupart des gens ouvrent leurs portes en étant habillés convenablement. Et la plupart n'ont pas un système d'annonce si archaïque !
- Je n'ai pas confiance dans ces trucs magiques et j'aurais pu ouvrir nue. Qu'est-ce que tu me veux ?
- Le chef exige ta présence.
- Je suis de repos aujourd'hui.
- Je te laisse le lui dire !
Elle soupira agacée et finit par aller s'habiller, laissant Luis devant la porte ouverte ne sachant pas s'il pouvait rentrer ou non. Elle réapparut quelques minutes plus tard, cette fois habillée mais en civil. Elle prit un morceau de pain et ferma la porte avec ses clés.
- Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu utilises encore des systèmes aussi désuets dit-il en voyant les clés.
- La ferme Luis !
Les membres de la brigade soupirèrent de soulagement lorsqu'Aelys arriva sur les lieux. Elle était la seule à tenir tête au chef, même s'il finissait toujours par avoir le dernier mot. Au moins ils ne risquaient plus d'être les centres de son attention. A la surprise générale il ne lui hurla pas dessus mais continua à tirer hargneusement sur son énième cigare.
- Tu aurais pu mettre ton uniforme !
- Je suis en repos putain !
- La ferme !
Elle se tourna vers le corps eut un mouvement de surprise. Luis l'avait prévenu mais c'était tout de même quelque chose.
- C'est vraiment lui ?
- En chair et en os à défaut de sang...
- Le duc est au courant ?
- Pas encore...
- Artaud va sauter sur l'occasion...
- C'est pour ça que tu es là.
- Pardon ?
- Je te charge de l'enquête.
- Il n'attendra pas mes conclusions.
- Je sais. Il faut qu'on trouve un moyen et... Eh merde !
La carriole du chef militaire venait d'arriver sur les lieux. Artaud en sortit suivit de trois soudards, il s'approcha d'eux plus déterminé que jamais.
- Foulques, Aelys dit-il en les saluant.
Aelys le salua comme on le lui avait appris à l'école militaire, Foulques émis un grognement en guise de salut. Le militaire regarda le corps.
Bien je pense que la situation ici est très claire.
- Pas de conclusions hâtives ! rétorqua Foulques l'enquête n'a même pas commencé.
- Et tu vas lui confier l'enquête ? Demanda t'il moqueur en désignant son ancienne subordonnée. Je vois d'ici la tête du duc quand il va l'apprendre.
- J'ai purgé ma peine ! Lui répondit-elle.
- Silence ! Lui siffla t'il.
- Elle n'est plus sous tes ordres ! Si tu n'as rien d'autres à faire, courre retrouver ton maître comme le gentil toutou que tu es.
Une veine pulsa sur sa tempe, Foulques avait fait mouche comme toujours.
- Tu aurais dû partir à la retraite plus tôt !
- Comment va Irène au fait ? Toujours avec son musicien ? Les gosses ne te manquent pas trop ?
Artaud vira au rouge, dans sa colère il frappa violemment Foulques qui trébucha en arrière. Aelys dégaina son épée de même que les trois militaires qui accompagnaient leur chef. Les membres de la brigade s'armèrent eux aussi. Foulques cracha du sang sur le sol et se releva péniblement.
Une agression sur un membre de la brigade est puni d'un an d'emprisonnement dit-il triomphalement.
- Pfff tu n'en as pas l'autorité ! dit Artaud sûr de lui.
- Effectivement c'est à la cour martiale de trancher mais, comme tes hommes nous ont tous menacé avec leurs armes, vous êtes tous en état d'arrestation. Donc tu vois bien qu'il n'y a personne actuellement du corps militaire pour vous emmener et donc dans ce cas, l'autorité reviens au civil le plus haut gradé, c'est-à-dire moi.
Artaud perdit son sourire satisfait.
- Espèce de...
- Ce langage ne va pas arranger vos affaires... Allez emmenez-les ! Ordonna t'il a ses hommes. Et si vous résistez je donne l'ordre de vous abattre a vue ajouta-t-il en dégainant son pistolet.
Artaud n'en revenait pas de s'être fait avoir aussi bêtement ! Alors qu'on l'emmenait au poste, il hurla que Foulques allait regretter amèrement ses actes, que c'était la fin de sa carrière parmi les nombreuses autres insultes et menaces de son langage fleuri.
- Il a raison tu sais, tu vas le payer chèrement lui dit Aelys.
- Peuh ! Je le paye déjà dit-il en massant sa joue douloureuse. Et un merci sa t'écorcherais la gueule ?! Je viens de te faire gagner un temps précieux !
- Merci chef.
- Grmbl ! Maintenant trouves moi qui a fait ça ! Et fait en sorte d'innocenter les vampires qu'on ne reparte pas en guerre contre eux !
- Je doute que ce soit eux de toute façon.
- Moi aussi. Mais je ne te demande pas des suppositions !
Il souffla d'exaspération. Néanmoins son humeur qui aurait dû être bien plus massacrante que ça, trahissait son inquiétude sur les événements à venir.
On va emmener tout ça au Dr Lejky pour analyse. Est-ce que tu veux encore y jeter un coup d'oeil avant ?
Elle regarda longuement la scène de crime, imprimant chaque détail dans sa tête.
- Non c'est bon finit-elle par répondre. Elle pourra nous donner plus d'informations d'ici la fin de la journée. Tu comptes les laisser au gnouf combien de temps ?
- Jusqu'à ce qu'un ponte m'ordonne de les libérer. Les trois sous-fifres sont ceux qui ont trouvé le corps enfin... Ce qu'il en reste...
Normal c'est sur leur chemin de ronde pensa Aelys.
Avec un peu de chance et vu la précipitation d'Artaud, aucun autre militaire n'est au courant pour l'instant.
- Le duc n'en saura rien au moins pendant ce temps.
- Espérons... Essaie de ne pas en dire trop à la fiancée.
- Je dois l'interroger.
- Je sais, évite juste que le duc apprenne la mort de son fils par sa noblesse rivale.
- Compris.
- Une dernière chose...
Il sortit un vieux tromblon de son manteau et tira en l'air. Une épaisse fumée verte luminescente s'éleva très haut dans le ciel.
- C'est quoi ça ?
- J'appelle un mort. A situation critique, mesures désespérées dit-il énigmatiquement avant d'aller chaperonner le rapatriement du corps.
Après avoir amené la dépouille au médecin de ville dans la plus grande discrétion afin d'éviter toute fuite, ils retournèrent au poste. Aelys interrogea ses anciens camarades qui avaient découvert le corps, mais ne put en tirer rien de probant. Elle retourna voir son chef.
- Alors ? Demanda Foulques
- Ils ont trouvé le corps ce matin vers 5h.
- C'est tout ?!
- C'est tout ce qu'ils ont voulu me dire.
Tsss siffla Foulques agacé par ce manque de coopération pourtant parfaitement prévisible. Quelqu'un toqua à la porte. Foulques hurla qu'ils étaient occupés sans prendre la peine de voir qui c'était. Malgré tout, la personne entra dans le bureau. Aelys connaissait tout le monde en ville pourtant, elle n'avait jamais vu cet homme. Il avait à peu près sa taille, portait un long manteau sombre empêchant de se faire une idée claire sur sa corpulence. Néanmoins il ne semblait pas bien costaud. Son regard était perçant, son visage acéré malgré ses joues creuses et ses cheveux sombres étaient en batailles. Le plus étonnant depuis son entrée était le manque de réaction de son chef. Elle se tourna vers Foulques, ce dernier ne semblait pas croire ce qu'il voyait. Voyant qu'il ne réagissait pas elle prit les devants :
- Vous voulez quoi ? On vous a dit qu'ont étaient occupé.
- Je l'ai appelé dit soudainement Foulques.
L'étranger salua le chef en l'appelant par son prénom et personne n'osait l'appeler par son prénom, pas même Aelys.
Je pensais que tu étais mort.
- Et tu m'as appelé malgré tout. Tu dois être dans une situation bien difficile.
- Excusez-moi mais euh... Qui êtes-vous ? Demanda Aelys légèrement agacée.
- Aelys je te présente John, c'est un enquêteur privé. Aelys est mon adjointe. John va t'aider en tant que consultant sur notre affaire.
Pardon ? Dirent-ils tous deux en même temps.
- Je travaille seul, tu le sais bien.
Piquée au vif par cette remarque elle renchérit :
- Et moi je ne travaille pas avec des amateurs !
- LA FERME ! Je ne vous demande pas votre avis ! Toi tu vas pouvoir en apprendre plus en quelque jour avec lui qu'en plusieurs années ici, alors arrête de me faire suer avec tes protestations ! Maintenant va me taper le rapport de ce matin sans omettre le moindre détail !
Aelys regarda son chef avec une désapprobation totale mais finit par céder et sortit en trombe du bureau.
- Elle me rappelle quelqu'un dans sa jeunesse.
- Grmbl ! Tu as une dette envers moi John.
- Je ne l'ai pas remboursé celle-là ? dit-il songeur.
- Je manque de temps.
- Ça ne peut pas être si terrible ? Raconte.
- L'unique héritier de la famille Bertot de Vaulfeunil a été retrouvé mort, tôt ce matin. Inutile de te rappeler l'importance de cette famille. Le corps a été retrouvé dans les bois maquillé en rite de sang. Aucun vampire digne de ce nom ne ferait ça en pleine forêt. Il restait même du sang sur place.
- Tsss amateurs.
- Tu te souviens d'Artaud ?
- Malheureusement oui.
- Il dirige le corps militaire maintenant et c'est le prétexte qu'il attendait pour rompre la trêve. Ce sont ses hommes qui ont retrouvé le corps.
- Tu veux que j'identifie celui qui l'a tué avant que les militaires n'aient maquillé le corps.
- Je veux que VOUS identifiez.
- Oui à ce propos... Elle ne fera que me ralentir Foulques.
- Elle pourrait te surprendre. De toute façon tu crois que je vais te laisser résoudre l'enquête sans supervision ? Ça fait des années John... Où étais-tu ? Tous ceux qui t'ont connu te pense mort aujourd'hui.
- C'est une longue histoire dit-il songeur.
- Je n'ai malheureusement pas le temps de l'entendre.
- Artaud a déjà prévenu le duc ?
- Non j'ai réussi à le piéger dit-il en montrant sa joue rouge.
- Tu utilises encore cette combine ? Tu es incorrigible Foulques.
Ils rirent en souvenir du bon vieux.
Ça ne tiendra même pas une semaine...
- C'est pour ça que je t'ai appelé. Aelys a dû terminer son rapport maintenant, va la voir, lis-le et ensuite aller voir le médecin de ville pour l'autopsie.
- Je ne suis pas sûr que la vielle Millie puisse nous apprendre quoi que ce soit...
- Millie est morte John... On l'a retrouvé chez elle il y a plusieurs mois, elle est morte dans son sommeil dit-il tristement.
- C'est une belle mort.
- Le Dr Lejky nous aide bien, je pense que son avis ne serait pas de trop dans notre cas.
- Entendu.
Il allait sortir du bureau quand Foulques l'appela :
- Eh John ! Je suis content de te revoir.
Il lui sourit puis referma la porte avant de rejoindre le bureau de l'adjointe. Aelys avait terminé son rapport malgré le comble de devoir bosser sur sa journée de repos, elle avait accepté cette idée vu l'urgence de la situation. Ce qu'elle n'avait toujours pas accepté en revanche, c'était la présence forcée de cet inconnu dans son enquête. Lorsqu'il entra dans son bureau elle le reçu glacialement.
- Vous voulez quoi ?!
- Foulques m'a demandé de lire votre rapport, avant de vous suivre chez le médecin.
La demande venait de son chef et elle n'y pouvait rien. Elle jeta son rapport sur son bureau.
Très aimable à vous dit-il avec un grand sourire, sans la moindre pointe de sarcasme ou d'ironie.
Le rapport était très détaillé et permettait de se faire une idée précise de la scène de crime. C'était du bon boulot, elle avait dû passer plusieurs heures d'observation sur place pour le réaliser se dit-il. Tout en continuant à lire il lui demanda :
- Alors qui voudrait rompre la trêve à votre avis ?
- Pardon ? Demanda t'elle sèchement.
- Le corps, c'était une mise en scène. Foulques l'a dit lui-même, vous n'êtes pas d'accord ?
- Et on peut savoir sur quoi vous vous basez pour conclure ça ?
- Ce genre de rituel se fait dans des lieux dédiés, là où il n'y a aucun risque que le sang ne soit vicié.
- C'est assez maigre pour en tirer une conclusion. Mais admettons se résigna Aelys qui elle aussi était d'accord avec son chef.
- Alors ?
- C'est quoi ? Un test ? Une interro surprise ?
- Je veux juste savoir ce que vous en pensez, c'est tout dit-il nonchalamment en continuant de lire.
- Le rite a peut-être eu lieu ailleurs et ils ont laissé les restes aux bêtes de la forêt répondit-elle sans même croire à ce qu'elle venait de dire, juste par pure esprit de contradiction.
- Allons vous pouvez faire mieux que ça.
- Vos conclusions ne sont pas plus fondées !
- Décevant. Les vampires ont des moyens bien plus efficace de faire disparaitre leur victime et il y avait du sang sur la scène de crime, d'après vos notes. Ici dit-il en indiquant la phrase concernée.
- Vous parlez comme si vous aviez déjà la réponse, à quoi bon me demander ?
- Foulques a dit de vous apprendre. Et je n'ai pas encore trouvé mais, je sais que ce ne sont pas les vampires les responsables.
- Qui alors ?
- Qui voudrait rompre la trêve en faisant porter le chapeau aux vampires et connaitraient suffisamment leurs pratiques, pour créer une scène de crime similaires à un rite de sang ?
- Pleins de personnes je suppose.
- Qui a trouvé le corps ?
- Les militaires... Attendez une minute vous ne pensez tout de même pas...
- Finit la coupa-t-il dans ses réflexions en lui rendant son rapport.
Elle reprit ses écrits d'un geste rageux et partit en trombe dans le bureau du chef. S'en suivit la dispute la plus mémorable du poste. Les murs vibrèrent, personne dans tout le bâtiment ne put perdre une miette des violents assauts verbaux qu'échangeait le chef et son adjointe. La présence de John, l'implication des militaires dans l'affaire, son jour de repos etc. Mais Aelys savait que tous deux avaient raison, c'était surtout cette complicité entre eux et son manque d'objectivité par rapport à ses anciens camarades qui la rendait furieuse. C'est ce qui provoqua sa défaite face à Foulques, qui finit par la moucher une fois de plus. Elle ressortit du bureau à nouveau en trombe. Elle aperçut John qui lui sourit. Elle réprima son envie de le frapper violemment, inspira un grand coup, serra les poings puis relâcha tout. Après ça elle prit ses affaires dans son bureau, avant de sortir du poste sans dire mots. John l'a suivi jusque chez le médecin, le crépuscule n'était pas encore tombé. Elles se saluèrent comme deux anciennes camarades, Aelys présenta John avec un ton transpirant le dépit. Le Dr Lejky était une femme du même âge qu'elle, mais bien plus féminine que cette dernière. Elle leurs demanda de la suivre au sous-sol pour plus de confidentialité. Le corps recomposait gisait sur une table. Elle commença son topo :
- Le corps était en piteux état, certains morceaux sont manquants. D'autres à moitié mâchés. Pas une trace de sang. Les coupures sont nettes, réalisées avec une arme blanche. Mais ce n'est pas ça qui l'a tué, j'ai trouvé des traces de vomis sur ses vêtements et des tâches assez caractéristiques sur le corps. Il était déjà mort avant qu'on le découpe ainsi, il a été empoisonné à l'arsenic. J'ai pu dater approximativement la mort, cette nuit entre 4h et 5h.
- Voyez-vous ça dis John en attrapant une larve sur un des morceaux.
- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Aelys.
- Cette région abrite une espèce de mouches nécrophages vraiment incroyable. Elle pond ses larves avec une ponctualité impressionnante ! J'ai fait de nombreux tests, j'ai même tenté de fausser ça en enfermant les corps dans des lieux clos, pourtant elle y arrive à chaque fois ! Ça m'impressionnera toujours dit-il gaiement.
Il releva la tête et vit les visages d'incompréhension du Docteur et d'Aelys.
- Quoi ? Demanda t'il en mettant la larve dans sa poche.
- Je veux bien en savoir plus sur ces fameux tests répondit Aelys suspicieuse. D'où provenez les corps ?
- Nous n'avons pas le temps pour ça, merci encore docteur pour votre analyse.
John la salua et se précipita hors du bâtiment, Aelys sur ses talons le harcelant de questions. Il répondit de manière évasive, une partie du chemin en carriole jusqu'au château des Venderskburgh. Aelys finit par lâcher l'affaire, ce fut alors à lui de poser ses questions :
- Vous et le docteur Lejky semblait vous connaître depuis longtemps.
- On a fait nos classes ensemble. Pourquoi ?! Vous la suspectez elle aussi dit-elle d'un ton méprisant.
- Je suspecte tout le monde, même vous.
- Pardon ?!
- Pourquoi être parti de l'armée ?
- Ça ne v... Vous êtes sérieux ?! Pour quelqu'un qui avoue jouer avec des macchabées, je vous trouve franchement culotté !
- Ça vous coûte de savoir que vos anciens camarades sont impliqués dans cette affaire. Ça me laisse penser que vous n'avez pas quitté l'armée de votre plein gré. Foulques aime réparer les injustices et n'a jamais eu besoin d'adjoint.
- Mon chef va bientôt partir à la retraite dit-elle glaciale.
- Et ce ne sont pas les candidats qui manquent à la brigade, pourquoi choisir un rebut de l'armée ?
Aelys lui décocha un formidable direct en pleine poire. Après que sa tête est percutée le dossier derrière lui, John se courba de douleur les mains sur son nez en sang, essayant désespérément d'arrêter le flux.
Vous avez failli me casser le nez dit-il outré.
- Ça peut encore se faire dit-elle rouge de colère. Vous êtes comme mon chef, vous ne savez pas quand lâcher l'affaire ! Mais contrairement à lui, je ne suis pas sous vos ordres !
Le reste du trajet se fit dans le silence, jusqu'à ce qu'ils arrivent devant le château, en fin de soirée. Devant le portail elle hésita à utiliser ces satanée dispositifs magiques, pesta un bon coup avant de l'activer.
Aelys Lignillane, brigade civile, j'ai quelques questions à poser à Léonore Venderskburgh.
L'enregistrement terminé, ils attendirent l'ouverture du portail. Voyant que John ne semblait pas serein, elle lui demanda :
Quoi ?!
- Je préfèrerai éviter de croiser la duchesse.
- Pourquoi ?
- C'est une longue histoire.
- Vous ne pouviez pas me le dire plus tôt ?!
- Vous ne vous êtes pas montrée très coopérative...
- Bordel John ! Dit-elle en serrant les dents
Le portail s'ouvrit.
Vous ferez avec lui ordonna t'elle en le tirant par le bras.
Le maître de maison les attendait au bout du pont, il les fit rentrer, prit leurs manteaux et les invita à patienter sur des fauteuils luxueux, dans l'immense entrée. Le château n'avait pas bougé se dit Aelys en s'asseyant. John était toujours agité.
Vous allez vous calmer oui ?!
- J'aimerai bien vous y voir vous !
- Pas un mot à propos de ce matin !
- Ça va être pratique...
Le maitre de maison revint les chercher pour les conduire à la salle de réception. Là, le duc et sa femme les attendait encore à table. Ils ne prirent même pas la peine de se lever ou de les saluer lorsqu'ils entrèrent. En revanche la duchesse fit tomber son verre au sol en voyant John. Le cristal éclata en mille morceaux dans un tintement retentissant.
- Allons ma chère faites un peu attention, ces verres valent un an de leurs salaires dit-il en rigolant sans même se rendre compte à quel point sa remarque était méprisante.
La duchesse finit par retrouver une contenance et évita le regard de John. Le duc reprit :
Bien que nous vaut votre visite a une heure si tardive ?
- Je... Nous souhaiterions nous entretenir avec votre fille, s'il vous plaît.
- Et peut-on savoir pourquoi ?
- Non répondit Aelys sèchement qui n'avait absolument pas envie de se prêter à ce petit jeu.
- Ma fille est indisposée actuellement, je crains qu'elle ne puisse vous rencontrer.
- J'insiste, c'est assez important.
Visiblement énervé par le manque d'étiquette d'Aelys, le duc acquiesça et demanda à son maitre de maison d'aller chercher sa fille. Après quelque minute de silence gênant, Léonore fit son entrée dans la pièce. Aelys fut surprise, elle l'avait déjà vu à plusieurs reprises, elle était le stéréotype de la jeune fille riche pourrie gâtée, extravagante et excentrique. Or là, elle semblait éteinte, triste et ailleurs. Elle les salua nonchalamment. Voyant que les parents restaient Aelys réattaqua.
Nous aimerions nous entretenir seul à seul avec elle.
- Ne forcez pas trop votre chance. Ce qui concerne notre fille, nous concerne aussi rétorqua le duc.
- Soit capitula Aelys.
Seul le duc parla durant tout l'entretien, répondant à la place de sa fille qui se contentait d'acquiescer mollement de la tête, en évitant de les regarder. La duchesse quant à elle concentrait toute son attention sur Aelys pour ne pas regarder John. Les seules choses qu'ils apprirent, c'est qu'une grande fête avait été organisé la veille au cours de laquelle, le fiancé était présent. A la fin de la fête, personne ne s'était aperçu de son départ, mais c'était chose assez courante dans le milieu. Elle réussit à obtenir la liste des invités, puis, lorsqu'Aelys n'eut plus de questions, ils furent gentiment invités à repartir. Le maitre de maison les guida jusqu'à la sortie, leur redonnant les manteaux. Aelys avait l'impression qu'on lui avait caché quelque chose. Léonore n'était pas dans son état normal. Elle voulait en débriefer avec son acolyte, mais au moment de partir la duchesse les rattrapa et demanda à parler seul à seul avec lui. Aelys allait répliquer mais John lui demanda de l'attendre dehors, sans lui laisser la moindre chance de négocier, comme l'aurait fait Foulques. Prise au dépourvue, elle s'exécuta sans même y réfléchir. Ce n'est qu'une fois dehors qu'elle se maudit de lui avoir obéit, comme s'il s'agissait de son chef. Après une quinzaine de minutes, il finit par sortir lui aussi.
- Alors ?
- Alors quoi ? lui demanda-t-il perplexe.
- Qu'est-ce qu'elle vous a dit ? C'était quoi ça ?
- Rien qui ne concerne l'enquête.
- Vous vous foutez de moi ?!
- Non.
- Incroyable dit-elle dépitée devant son indifférence.
- Et maintenant ?
- Ils cachent quelque chose c'est certain. On n'a pas le choix, il va falloir interroger tous ceux qui étaient présents hier soir. Ça inclut les parents du défunt bordel !
Elle souffla de mécontentement devant l'ampleur de la tâche. Ils n'auraient jamais assez de temps.
- Vous avez remarqué ? Ils n'ont pas demandé une seule fois si leur futur gendre allait bien, malgré nos questions sur lui.
- Ils savent déjà qu'il est mort.
- Je connais quelqu'un qui aurait pu nous faire gagner du temps.
- Qui ?
- Hola ! Vous croyez que je vais vous balancer mon meilleur indic, alors que je ne sais même pas si vous êtes innocente.
- Il vous faut quoi bon sang ?!
- Pourquoi on vous a viré de l'armée ?
Aelys était furieuse, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas régler ça encore une fois par un coup de poing, bien dommage d'ailleurs. S'il disait vrai pour l'indic, ça valait clairement le coup.
- En tant que militaire on n'était souvent amené à travailler pour la sécurité de ce genre de soirée. Que ce soit au château des Bertot de Vaulfeunil, celui-ci ou d'autres. Un soir notre macchabée s'est permit de me faire des avances... Un peu trop insistantes.
- Qu'avez-vous fait ?
- Je lui ai brisé la main.
- Ça ne m'étonne guère dit-il en massant son nez.
Ignorant sa remarque elle poursuivie :
- Quelques jours après ça, j'étais viré de l'armée et attaqué au civil pour agression. Le chef a négocié une remise de peine contre ce travail. J'ai payé ma dette il y a deux ans de ça.
- Vous avez un sacré mobile... Et la doctoresse elle s'est fait virée pour quoi ?
Elle le regarda surprise. Comment avait-il deviné ?
- Elle a refusé de soigner la main que j'avais brisé.
- Un bon mobile également...
- Nous sommes vraiment tous des coupables à vos yeux ?!
- Évidemment répondit-il sans la moindre hésitation.
- Rentrons ordonna t'elle lasse, renonçant à connaître l'identité de l'indic, il ne voudrait pas la lui donner de toute façon.
Quel homme agaçant ! Pesta-t-elle intérieurement. Aelys, silencieuse, grimpa dans la carriole. John prit les rênes et commença à conduire. La carriole filait rapidement alors qu'Aelys réfléchissait à tout ça. Elle commençait à organiser les prochains interrogatoires dans sa tête, en fonction de la liste qu'elle avait sous les yeux. Elle ne se rappela pas le moment où elle s'assoupie.
Soudain la carriole arrêta sa course folle dans un dérapage assourdissant. Elle se réveilla en sursaut, depuis quand étaient-ils sortis de la forêt ? Les soleils commençaient à se lever, ils avaient roulé toute la nuit ? Où étaient-ils ? Certainement pas à Nerton ! Et ce château... Il avait arrêté la carriole devant une forteresse en ruine, bien cachée dans les falaises. Elle avait déjà lu des légendes sur ce lieu, mais jamais elle n'aurait pensé le voir en vrai un jour.
- Vous connaissez ce lieu ? Lui demanda-t-il en voyant sa réaction.
- C'est le château des annexés dit-elle avec craintes.
- Correct, impressionnant.
- Qu'est-ce qu'ont fait là ?!
- Nous allons voir mon indic.
- Foutaises ! Personnes n'habite plus ici depuis des siècles ! On vient de perdre une journée pour rien !
- Et à nouveau décevante lui dit-il doucement avant de s'avancer dans l'allée en l'ignorant.
Ils passèrent plusieurs arches gothiques, envahies par le lierre et la mousse, décorées d'étranges fleurs rouges. Lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée, la porte était entrouverte.
Elle nous attend dit-il souriant.
Aelys qui n'aimait déjà pas beaucoup tout ça, était de moins en moins rassurée. Ils pénétrèrent dans les ruines. A sa grande surprise l'intérieur n'était pas du tout délabré, le château semblait intact chauffé, décoré et transpirait une richesse et une opulence qui aurait fait pâlir toute la noblesse de Nerton.
- Qui vit ici ? Demanda Aelys sur le qui-vive.
- Moi susurra une voix insidieuse a son oreille.
Aelys se retourna vivement, dégainant son épée courte en direction de la jeune femme sortie de nulle part à côté d'eux. Elle était absolument magnifique, assurément la plus belle femme qu'Aelys n'ai jamais vu. A ceci près que sa peau blanchâtre trahissait sa nature non humaine. Une vampire ! Elle portait une robe longue, épousant à la perfection ses formes magnifiques. Toute sa tenue mettait sa beauté en exergue et l'hypersexualisait tellement, on en aurait presque oublié le danger mortel qu'elle représentait. Aelys était partagé entre son sentiment d'admiration sans borne devant pareille beauté et son envie irrépressible de fuir. John lui fit une révérence majestueuse.
- Victoria dit-il cérémonieusement.
- John murmura-t-elle avec une triste empathie. Elle caressa sa joue, j'avais entendu dire que tu étais mort pour de bon.
- Tu es toujours aussi radieuse.
- Charmeur dit-elle rieuse.
- Charmé.
Elle se tourna vers Aelys.
- Tu as hérité de la protégée de Foulques à ce que je vois.
Comment pouvait-elle savoir ça ?!
- Il m'a confié une enquête un peu sensible pour ton peuple.
- Je sais. Léonore Venderskburgh a empoisonné son fiancé. La pauvre l'a vu dans son propre lit avec une autre. C'était bien la seule qui croyait en l'authenticité de leur couple...
Aelys allait intervenir mais fut stoppé dans son élan par John, d'un geste du bras. Victoria poursuivie :
Mais la jeune fille n'est pas aussi douée que sa mère pour les poisons. Elle a raté le dosage. Je suppose que tu as revu Aurore.
- Malheureusement...
- Bref, le bougre n'est pas mort sur le coup et a quitté les lieux. En rentrant chez moi, j'ai croisé trois militaires en train de maquiller le corps en pleine forêt, c'était risible.
- Il s'est écoulé combien de temps entre le moment où il a quitté le château et le moment où tu as vu les militaires ?
- Il a quitté le château discrètement et pas en bonne santé vers minuit. J'ai vu les militaires entre 4 et 5h. C'est tout ce que je sais, on peut y aller maintenant lui demanda-t-elle en caressant doucement son nez du bout des doigts.
- Comme toujours ton efficacité est à la hauteur de ta beauté.
- A toi de montrer si tu es toujours aussi efficace que d'antan.
Toute cette tension sexuelle entre eux écoeurait Aelys pour qui, avoir la moindre interaction avec un vampire était inconcevable. On l'avait entrainé dans l'optique d'une guerre contre eux. La trêve avait beau perdurer depuis longtemps, elle n'avait aucune confiance envers les suceurs de sang. Même si ces informations étaient vraies, elle n'y accordait aucun crédit. Du temps perdu c'étaient tout ! Et maintenant John s'apprêtait à en perdre encore plus ! Quel irresponsable ! Déjà qu'elle avait du mal à le voir comme un allié, maintenant elle luttait pour ne pas le voir comme un ennemi.
Tu n'as rien mangé depuis hier, les cuisines sont par là si tu souhaites te restaurer lui indiqua chaleureusement Victoria.
Maudits vampires ! Cette attention la coupa dans ses pensées, elle n'eut pas le temps de sortir de sa torpeur pour répliquer. La vampire posa sa main sur l'épaule de John et tous deux disparurent dans un nuage de fumée noire. C'était tout bonnement inadmissible ! Il était hors de question pour Aelys de perdre encore plus de temps ou même d'accepter l'hospitalité de cette... Bref, puisqu'il était en si charmante compagnie, John ne lui en voudrait pas qu'elle le laisse là. Étant décidée et faisant fi de son ventre qui criait famine, Aelys quitta les lieux. Elle reprit la carriole et chemina un temps à l'aveugle, avant de reconnaître les environs. Elle put ainsi se rediriger vers Nerton. Elle devrait rouler toute la nuit, ce qui la fit en vouloir encore plus à John.
La fatigue et la faim diminuait de moitié ses forces, cheminer avec la carriole lui demandait des efforts de concentration dans cet état.
A moins d'une heure de Nerton, elle fit face à un barrage militaire, tenu par les trois hommes qui avaient trouvé et potentiellement maquillé le corps. Elle les connaissait bien, ils avaient fait leurs classes ensemble, Tristan, Urbain et Gautier. Elle arrêta la carriole à leur niveau, ne comprenant pas comment ils avaient pu sortir de prison aussi vite. Ça ne sentait pas bon... Aelys resta sur ses gardes, descendit de la carriole en se disant qu'elle serait plus libre de ses mouvements et alla saluer ses anciens camarades, prête à dégainer à tout moment.
- Vous êtes finalement sortis de prison.
Tristan s'avança vers elle arme au poing en disant :
- Je suis désolé Aelys.
- Sans préliminaire hein ? Comme au bon vieux temps dit-elle sarcastique.
Il décocha son carreau alors qu'elle tentait de s'enfuir dans les bois. Le carreau la traversa au-dessus du sein droit, la faisant tomber au sol en hurlant de douleur. Nom d'un chien qu'est que ça faisait mal ! Toutefois si elle n'avait pas bougé l'instant d'avant, elle serait morte. Consciente que c'était ce qui allait lui arriver si elle restait trop longtemps au sol, elle se releva quasiment immédiatement à la surprise de son adversaire. Il lâcha son arbalète pour dégainer son épée. Elle coupa les entraves du cheval et lui fit une entaille sur la croupe, tout en l'affolant, pour qu'il détale sur ses ennemis. Le cheval furieux partit comme une bombe, obligeant Tristan à se reculer vivement, instant d'inattention dont Aelys profita pour lui assener un puissant coup dans les jambes. Il tomba à genoux, elle frappa immédiatement une de ses tempes avec son pommeau. Le bougre tomba au sol comme une pierre. Un de moins souffla t'elle la douleur irradiant tout son corps. Un deuxième carreau d'arbalète lui faucha la jambe droite. Balayée par la violence du tir, elle tomba lourdement au sol désarmée. Aelys hurla de douleur alors que sa jambe presque arrachée, était encore raccrochée à son corps par un petit bout de chair. Elle chercha malgré tout et désespérément à dégainer sa deuxième arme, mais ses agresseurs étaient déjà sur elle pour l'achever. Elle vit Victoria sans vraiment y croire, comment pouvait-elle être là ? La vampire fit un mouvement de main, le sang de Gautier et Urbain fut extirpé d'une traite de leurs corps, se concentrant en un épais nuage rougeâtre derrière eux. La mort fut instantanée. Alors que la vampire récupérait le sang ainsi collecté, les corps de ses deux anciens camarades tombèrent lourdement au sol. Aelys comprit malgré son état que Victoria n'était pas une vampire lambda comme elle l'avait cru jusqu'à maintenant, mais une annexée ! Cette vérité la traumatisa bien plus que l'agression dont elle venait d'être victime, elle voulut reculer, tremblante de peur, mais son corps refusa de bouger. John s'accroupit à ses côtés et tenta de l'apaiser. Ce fut vain. Victoria fit un autre mouvement de main et les plaies d'Aelys cessèrent de saigner, sa jambe se recollant un peu à son corps. C'est la dernière chose qu'elle vit avant de s'évanouir.
Lorsqu'elle reprit conscience une vive douleur la foudroya dans tout le corps. Elle gémit, alertant Moïra Lejky de son réveil. Elle se trouvait chez son amie, allongé sur une table pour les patients au sous-sol. Les souvenirs récents lui revinrent, elle voulut se relever rapidement mais son corps douloureux la rappela à l'ordre. Elle apprit de son amie qu'elle était là depuis une semaine, John l'avait déposé dans un piteux état, mais Moïra avait réussi à sauvegarder sa jambe grâce au soin d'urgence qu'il lui avait prodigué. Aelys ricana intérieurement, lui n'avait assurément rien fait comme d'habitude. C'était elle ! Une annexée encore en vie ! Et John savait ! En pensant à lui, elle se demanda où en était l'enquête. Avant qu'elle ne pût prononcer un mot, John pénétra dans la chambre. Elle était furieuse contre lui. Elle congédia le Dr Lejky. Il commença :
- Je vous fais un bref résumé. Foulques s'est fait congédier par le duc, Artaud a pris le contrôle du poste en plus de l'armée. Tout ça allait dégénérer très vite mais, Tristan a tout avoué en conseil militaire, le maquillage de la scène de crime et la tentative d'assassinat sur votre personne, le tout fomenté par Artaud lui-même. Il est aux arrêts.
Tout ça en une semaine... ça sonnait faux pensa t'elle
- Avec mes contacts et l'aide de Victoria, ça a été assez rapide dit-il en voyant son air incrédule. A ce propos...
- Vous le saviez !
- Évidemment.
- Comment pouvez-vous...
- Vous ne savez rien ! Vos connaissances s'arrêtent à une page sombre d'un grimoire oublié ! Ça et toute la doctrine de merde insufflé par l'armée ! La coupa-t-il sèchement.
- Mon chef est au courant ?
Il hésita.
- Non. Peu de gens savent encore pour les annexés. C'est une facette oubliée de l'histoire, seuls une poignée d'historiens très difficile d'accès en ont encore connaissance. Mais bon j'imagine qu'être la fille d'un bibliothécaire de la capitale vous a donné accès à ce genre de connaissances.
Elle ne répondit pas, se demandant comment il pouvait savoir ça.
Heureusement qu'il est mort avant de vous voir intégrer l'armée.
- Espèce de... elle se leva pour le cogner, mais sa jambe droite ne la portait pas du tout. Elle vacilla, manqua de tomber, retrouva rapidement son équilibre sur la gauche. Elle prit son épée courte à côté du lit, la rage occultant la douleur. Elle boitilla jusqu'à lui.
- Vous devriez vous couvrir lui dit John indisposé par sa nudité.
Il semblait être le seul que ça dérange, Aelys ne fut même pas préoccupé de cacher quoi que ce soit. Elle mit la pointe de son épée sur sa gorge et dit rageusement :
- Ne parlez plus jamais de mon père !
- A votre guise. Vous, ne parlez jamais à personne de Victoria dit-il en posant le canon d'un petit pistolet sur son ventre.
- C'est une annexée bon sang !
- Elle vous a sauvé la vie, empêché que vous soyez unijambiste et à même aidé à résoudre une grosse partie de l'affaire. Il vous faut quoi nom de lui ?!
- Une grosse partie ? Elle a dit que Léonore avait empoisonné son fiancé mais on n'a rien pour le prouver !
- Léonore n'est pas notre coupable.
- Qui alors ?!
- Le Dr Lejky.
Aelys recula légèrement, surprise par cette annonce.
- Mais qu'est que vous racontez ?! Le Dr Lejky est mon amie.
- Savez-vous ce que c'est demanda-t-il en sortant la larve de sa poche ?
- Une larve nécrophage très ponctuelle, vous l'avez dit la dernière fois que nous étions ici dit-elle sans vraiment voir le rapport.
- Cette larve se trouvait sur les restes du corps. Et vu sa taille, je peux vous assurer que le fils du Duc est mort entre 2 et 3h.
- Et après ? Enfin ce n'est pas une erreur de diagnostic qui fait d'elle une tueuse, votre raisonnement n'a aucun sens défendit Aelys.
- Pour un médecin de campagne je n'aurais même pas relevé cette erreur. Mais pour une ancienne médecin militaire, qui a obligatoirement eu une formation en thanatologie... Ce n'est pas une erreur, c'est un mensonge. De plus il est peu probable qu'elle ait réellement trouvé du poison sur le corps vu son état de décomposition avancée et l'absence de sang. Elle savait déjà qu'il avait été empoisonné.
- Et les tâches sur le corps ?
- Elles étaient fausses, seul une intoxication chronique à l'arsenic provoque ça, pas une intoxication aigüe.
Aelys était à court d'arguments pour défendre son amie.
- Il a raison dit soudain MoÏra tremblante à l'entrée, les menaçant d'un pistolet.
Aelys en eut le souffle coupé. John voulut pointer son pistolet sur elle mais elle tira en voyant son geste l'atteignant en pleine tête. Aelys n'en croyais pas ses yeux encore sous le choc alors que le corps sans vie de John tombait au sol. Moïra tremblait et pleurait de plus en plus, elle non plus ne semblait pas en revenir de ce qu'elle venait de faire. Après un moment Aelys finit par réussir à articuler :
- Pourquoi ?
- Il allait me... Je suis désolé... Je ne veux pas aller en prison... Il méritait de mourir... Il... Il a détruit nos vies !
- Je sais... Je sais répéta compatissante Aelys lâchant son épée au sol.
Moïra lui sourit abaissant son pistolet, les larmes coulant le long de ses joues. Elle fut soudainement assommée par un homme qui s'était glissé derrière elle. Elle tomba au sol alors que l'inconnu s'avançait dans la pièce. Aelys reprit son épée aussi rapidement qu'elle le put et la pointa vers lui, ne sachant pas dans toute cette pagaille si c'était un allié ou un ennemi. Lui non plus elle ne l'avait jamais vu en ville. Il portait des habits sombres venant d'ailleurs assurément. Il avait une aura sinistre.
- Baissez votre arme Mme Lignillane, je ne suis pas là pour vous. Et s'il vous plaît vous pourriez vous couvrir ?
- Vous êtes là pour qui alors ?! demanda t'elle méfiante sans baisser son arme, ignorant sa remarque. Et comment connaissait-il son nom ?!
- Pour lui dit-il en désignant John au sol.
- Il est mort.
- Oh ! John s'il te plaît peux-tu arrêter ta comédie maintenant ! Lui dit-il agacé.
John se releva sans la moindre blessure à la figure sous les yeux confus d'Aelys, qui ne comprenait plus rien.
Allez suis-moi gentiment, tu dois répondre de tes actes devant notre Gouroue.
- Je ne préfère pas non.
- Tu n'as pas d'issu John, tu ne peux plus fuir maintenant.
- J'ai ça.
John sortit de sous son manteau une sorte de pistolet extrêmement étrange. Aelys n'avait jamais vu ce genre de matériaux ou cette forme si particulière. La seule chose qui lui fit conclure que c'était un pistolet, c'est la façon dont il tenait l'objet et le pas de recul que fit l'inconnu en le voyant.
- Mais c'est le...
John ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Il tira. L'objet projeta des rides d'éclairs rouge/violette aléatoirement dans toute la pièce. Ça ne semblait pas maitrisé, John dirigea tant bien que mal le flux principal vers son adversaire qui fut littéralement atomisé. Sa machine infernale se coupa laissant la pièce fumante et pas en très bon état.
- Je vous laisse le soin de clore l'enquête lui dit-il avant de se diriger rapidement vers la sortie.
- Où allez-vous ? Réussit à demander Aelys qui se relevait péniblement n'ayant pas encore assimilé tout ce qu'il venait de se passer.
- Il va revenir, je quitte la ville. Ça a été un plaisir de travailler avec vous.
Il partit malgré les protestations d'Aelys qui dans son état, ne pouvait pas le rattraper.
Réponse(s)
maitredragon - Chevalier - Le 23/01/2023
Agent 258
Objet : Échec de récupération
Votre éminence,
Il y a trois jours dans la matinée, nous avons pu détecter la présence de Jonas sur son plan d'origine. J'ai aussitôt transplané vers sa position. Deux personnes extérieures étaient présentes. J'ai assommé la première, la deuxième ne présentait aucun risque. Après sommation Jonas a refusé de coopérer et a utilisé le prototype X-698 pour me renvoyer ici. Jonas en plus de la désertion, la non-coopération, l'utilisation non autorisé de matériel expérimental, rajoute le vol du prototypes X-698 et son utilisation non sécurisée dans les charges qui pèsent sur ses épaules.
Par ailleurs bien qu'encore instable, il semble que le prototype soit opérationnel.
Aucun indice sur la localisation actuelle de la cible. Je suis au regret de vous faire part de mon échec et vous présente mes sincères excuses pour mon incompétence. J'assume l'entière responsabilité de cet échec et je suis prêt à en subir les conséquences.
Gloire à lui.
maitredragon - Chevalier - Le 20/03/2023
- Tu sembles préoccupée dit-il soudain.
- Désolé. Je... j'ai été voir Moïra ce matin.
- Comment va-t-elle ?
- Comme une personne qui vas passer les vingt prochaines années de sa vie enfermée.
- Au moins tu lui as évité de perdre sa tête.
- C'est tellement injuste, je n'arrête pas de...
- Tu as fait ton job ! La coupa t'il sèchement. Je sais que c'est ton ami, mais sa petite vengeance personnelle a eu de lourdes conséquences. Tu es chef maintenant. Agit comme tel !
- Chef... Je n'arrive même pas à me tenir debout !
- Comment va ta jambe ?
- Ça fait un mois et je ne vois aucune amélioration. Je suis incapable de marcher sans cette foutue canne.
Elle jeta sa canne au sol énervée. Elle retint ses larmes alors que Foulques se levait pour récupérer et ramener l'objet auprès d'elle. Après un long moment de silence elle reprit :
Je suis désolé, je suis fatiguée.
- Beaucoup de travail en ce moment hein ?
- Ce n'est même pas ça...
- Je connais ce regard. Tu veux partir à sa recherche.
Comment avait-il... Il ricana en voyant sa tête.
- Tu crois être la première à vivre cette situation ? Je me rappelle la première fois que je l'ai rencontré. On butait tous sur une affaire depuis des mois, mon chef en perdait ses cheveux. John est arrivé, il était de passage en ville. On a refusé son aide bien évidemment, hors de question d'impliquer un civil dans une affaire même avec sa réputation. Quelque jours après, il est revenu au poste avec les noms des coupables et toutes les preuves nécessaires pour les inculper.
- Juste comme ça...
- Juste comme ça. Deux jours plus tard, il repartait. J'ai tout quitté pour le suivre dans ses enquêtes une année entière.
Aelys était choquée. Jamais elle n'aurait pensé son chef capable de ça. Son air ahuri le fit doucement sourire. Il prit une bouffée de son cigare.
- Pourquoi être revenu ?
- Toute ma vie est ici et John a un train de vie... particulier. Tu t'en rendras compte.
Voyant qu'elle allait objecter, il prit les devants.
Ne tournons pas autour du pot tu veux ?! Ta décision est déjà prise. Ce n'est pas une visite de courtoisie, tu crois que je suis dupe ? Mais quoi que tu dises, je ne reprendrai pas mon poste à la brigade. Tout ça s'est terminé.
- Honnêtement chef, je ne pensais pas à ça. La retraite te va mieux que ce que j'imaginais.
- Peuh !
- Je voulais ton avis pour sélectionner le meilleur remplaçant.
- Tu es chef maintenant, tu n'as plus besoin de mon avis et tu sais parfaitement qui serait le mieux placé à la brigade pour te succéder.
Elle acquiesça pensive. Ils discutèrent des affaires en cours et notamment du conflit actuel entre les deux plus grandes familles nobles de Nerton. L'absence de sanctions lourdes envers Léonore avait mis le feu aux poudres. La vie de retraité de Foulques avec sa femme, Maurine, qui se passait très bien, contre toute attente. Le nouvel Artaud, pas vraiment mieux que l'ancien sans être pire pour autant. Lorsque le deuxième soleil entama sa descente Aelys décida qu'il était temps de rentrer. Elle se releva péniblement, prit sa canne, une pensée traversa alors son esprit, elle se retourna vers Foulques :
- Le mois dernier c'était la première fois que tu revoyais John depuis ton retour à Nerton ?
Il hésita.
- Non.
- C'était quand la dernière fois ?
Il ne voulait pas répondre. Aelys devina pourquoi.
C'était à l'enterrement de mon père n'est-ce pas ? Foulques acquiesça. Je ne me souviens pas de lui, ils étaient proches ?
- Ils en avaient l'air.
- Quelqu'un a fouillé sa tombe.
Il la regarda surprit. Il ne le savait pas.
N'importe qui serait passé à côté, un vrai travail d'orfèvre. Je n'ai malheureusement aucun indice sur qui a pu faire ça ou ce qu'il cherchait. En revanche je suis sûr que ça a à voir avec John.
- Le corps a été profané ? demanda Foulques gravement.
- Non tout était intact.
- Ça a dû t'énerver beaucoup.
- Tu n'as pas idée ! Elle hésita un moment. Je voulais savoir aussi... Est-ce que tu as déjà vu John se...
Elle stoppa ses dires, persuadée que sa question était un non-sens absolu. Son chef la regardait curieusement.
Non rien, excuse-moi. Bref j'y vais cette fois, prends soin de toi et profite bien de ta retraite.
Elle commença à se diriger lentement vers la sortie lorsque Foulques l'appela. Elle se retourna vers lui.
- Sois prudente quand même lui dit-il d'un ton paternel.
Elle lui sourit puis reprit sa progression lente. Le lendemain elle nomma son successeur, fit ses affaires et quitta Nerton en carriole sur les douze coups de midi. Son unique piste pour retrouver John était Victoria, une annexée dont la seule pensée suffisait à la faire frémir. Mais elle n'avait pas d'autres options, elle remonta donc le chemin qu'elle avait parcouru depuis son château. L'itinéraire était gravé dans son esprit. Elle fut saisie d'un haut le coeur à l'endroit même où elle avait failli mourir. Sa jambe ne lui fit jamais aussi mal qu'à cet endroit. Etais-ce réellement une bonne idée ? Aelys bien que déterminée, doutait de plus en plus à mesure qu'elle avançait. Lorsque la nuit tomba elle s'arrêta sur le bord du chemin. Le diner ainsi que la nuit se déroulèrent sans encombre. N'ayant pas excessivement bien dormie, elle reprit sa route à l'aube.
Malgré quelques moments d'incertitudes sur l'itinéraire à suivre, Aelys arriva devant les ruines à la nuit tombée. Perte de l'avantage tactique face à une créature nocturne se dit-elle avant de se rabrouer, dans tous les cas, il n'y avait aucun avantage face à une annexée. Elle descendit et avança doucement dans l'allée à l'abandon, face au château en ruine encastré dans les montagnes. L'étrange lierre aux fleurs rouges grimpait toujours le long des murs. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? C'était du suicide ! Elle rallia la porte, elle était fermée cette fois, aucun dispositif magique à l'horizon, non sans lui déplaire. Elle tendit la main prête à taper à la porte, celle-ci s'ouvrit d'un coup, on la saisit par le poignée, l'entrainant à l'intérieur sans ménagement. Après un roulé-boulé au sol, elle se remit le plus rapidement possible, dégaina prête à défendre chèrement sa vie. Victoria était restait accolée à la porte d'entrée, l'air soucieuse, elle semblait écouter ce qu'il se passait à l'extérieur.
- Ça ne va pas ?!
- Tu as été suivie.
- Quoi ?! Qui ?!
- C'est bien ça le problème, je ne sais pas qui c'est. Par contre il est entouré d'une aura clairement maléfique, peut-être même protectrice.
- C'est le type qui recherche John !
- Tu sais pourquoi ?
- Il a dit que... John devait être jugé par une gouroue bégaya-t-elle. Mais John l'a désintégré !
Victoria tourna sa tête vers elle, elle semblait sonder Aelys de fond en comble. Elle finit par soupirer et dit pensive le regard dans le vide :
- Dans quoi t'es-tu encore fourré...
Victoria était toujours aussi magnifique mais cette fois, maquillée et habillée comme elle l'était, il était impossible de deviner sa vraie nature. Elle ressemblait à une belle noble ultra riche. La vampire reporta toute son attention sur Aelys.
Il ne pourra pas pénétrer ici, nous sommes en sécurité. Je suis surprise de te voir. Que fais-tu là ?
- Je veux retrouver John dit-elle en se relevant laborieusement épée toujours en main.
- Pourquoi ?
- Ça ne te regarde pas ! Tu sais où il est parti ?!
- Peut-être... Ça doit vraiment t'importer beaucoup pour venir jusqu'à moi dit-elle amusée.
Aelys se sentait comme une souris entre les pattes d'un chat, elle resserra sa prise sur son épée.
Avec un mois d'avance tu ne le rattraperas jamais par tes propres moyens, qui sont réduit en plus dit-elle en pointant sa jambe.
- Je me débrouillerai rétorqua-t-elle agacée.
- Pfff tu es amusante dit-elle gaiement. Suis-moi, je vais t'aider.
Aelys n'avait pas envie de coopérer mais c'était sa seule chance. Elle rengaina son épée, reprit sa canne et s'exécuta en silence. Elles se dirigèrent vers un des couloirs principaux du château, Victoria marchait très vite, il était impossible pour Aelys de la suivre. Voyant sa lenteur elle leva les yeux au ciel et se dirigea vers elle.
Je vais te porter, tu es trop lente.
- Certainement pas ! S'exclama t'elle en faisant un vif pas de recul.
- Je n'ai vraiment pas le temps pour ça dit-elle en continuant à s'approcher.
Victoria émit une sorte de flash avec ces yeux, la minute d'après Aelys était dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. Toujours consciente elle vit la vampire approcher doucement et la prendre dans ses bras aussi délicatement qu'un bébé. Elle avait la peau froide mais sentait tellement bon. Aelys se débattait intérieurement comme une furie mais pas le moindre mouvement ne vint perturber les actions de Victoria. Cette dernière se mit à léviter rapidement à travers les couloirs qui défilaient à une vitesse folle. Elles traversèrent différentes pièces du château avant d'arriver dans une grotte ou elles furent rejointes par des centaines de chauve-souris. L'expérience était indescriptible, Aelys ressentait absolument tout sans pouvoir bouger un seul orteil. Une fois dans le magnifique ciel nocturne parsemé d'étoiles, a une centaine de mètre du sol, Victoria accéléra et se mit à se téléporter comme elle l'avait fait avec John. Elle le fit répétitivement durant une dizaine de minute. C'était absolument incroyable mais Aelys ne se sentait vraiment pas bien, les paysages défilaient beaucoup trop vite.
Victoria amorça très doucement une décélération vers la terre. Elle la déposa délicatement sur l'herbe, elle était à nouveau libre de ses mouvements. Elle vomit absolument tout ce qu'elle avait ou n'avait pas dans le ventre. La vampire maintenait ses cheveux en arrière pour éviter qu'ils soient souillés. Après plusieurs minutes, Aelys était un peu remise mais hors de question de revivre ça ! Elle fulminait prête à exploser, tout ce qu'elle venait de vivre contre son gré était la faute de cette suceuse de sang ! Elle avait eu tort d'accepter son aide ! Lorsqu'elle se releva, un petit bivouac entièrement prêt à l'emploi avait été installé par Victoria. Cette attention coupa l'herbe sous les pieds d'Aelys. Un dispositif avait également été mis au sol développant au-dessus de lui un genre de portail magique. Celui-ci aboutissait directement dans une pièces murées, probablement le château des annexés. En regardant autour, Aelys vit qu'elles avaient atterri à la lisière d'une gigantesque forêt. Un chemin de terre sembler la border, difficile à dire dans l'obscurité.
- Tu vas te reposer ici cette nuit. Je suis désolé pour tout ça mais j'ai une soirée auquel je dois absolument assister. Avec les récents conflits entre nobles, je ne peux pas me permettre de rater ça. Oh là là je suis déjà en retard ! Et puis de toute façon nous ne pouvons pas survoler cette forêt sans l'accord de son gardien.
- Son gardien ? demanda Aelys par réflexe.
- Oui, c'est un ami ne t'inquiète pas. Il faut vraiment que je me sauve. Désolé. A demain.
Elle lui sourit et partit par le portail qui s'évanouit tout de suite après son passage. Aelys était seule en terres inconnues, mais avec un bivouac des plus confortable, il fallait l'admettre. Victoria était étonnamment prévenante pour une vampire. Mais ça restait une vampire se dit-elle toujours remontée après elle. Réticente au début, Aelys finit par se mettre à l'aise, un repas était prêt, maintenu au chaud par des pierres magiques rouges incandescentes. Trop de magie pour elle, qui soupira de désapprobation. Le repas était néanmoins délicieux. Une fois repue elle se blottit dans les étoffes.
Un bruit de charrette s'approchant, la réveilla. Elle se releva à grand-peine, saisit son épée à l'affut de ce qui arriverait dans l'obscurité. Une lanterne approcha dessinant trois silhouettes bourrus. La dernière fois qu'elle s'était retrouvée face à trois hommes, ça s'était mal terminé. Elle se mit en position de combat, assurant ses appuis au maximum avec sa jambe, renforçant sa position prête à frapper. L'un d'eux s'avança doucement et lui parla en svalariens, elle qui n'avait pas pratiqué cette langue depuis la fin de sa scolarité. Elle essaya de comprendre ce qu'il disait mais en vain, elle bredouilla une phrase pour lui dire de parler plus doucement. Il désigna les pierres incandescentes et dit chaleur dans sa langue. Il ne lui était pas du tout venu à l'esprit que ces hommes puissent avoir des intentions pacifiques. Pourtant ces trois bougres semblaient juste vouloir se reposer et s'installer là pour la nuit. Ils n'étaient même pas armés. Elle les questionna encore un moment avant d'accepter leur compagnie. De ce qu'elle avait pu comprendre il s'agissait de bucherons svalariens, ils s'étaient un peu éloignés de leurs terres pour venir récupérer du bois en sécurité. Aelys comprit qu'elles se trouvait en terres du nord malgré le climat plutôt doux. Si comme elle le pensait, John se dirigeait vers la capitale impériale, Victoria venait de leur faire gagner au moins deux semaines de routes. Mais revenons à nos bûcherons.
Ils installèrent leurs camps autour des pierres qu'ils trouvèrent bien pratiques sans comprendre comment elles fonctionnaient. Aelys donna une fausse explication comme quoi elle les avait trouvés non loin de là, dans un svalarien coupé à la hache afin de les dissuader de trop s'interroger dessus. Elle savait les peuples du nord très superstitieux et particulièrement véhément vis-à-vis des sorcières. Celui qui lui avait parlé en premier s'appelait Lars, un solide gaillard de quasiment deux mètre, châtain, aux cheveux et à la barbe hirsute. Le visage dur mais apaisant, un peu comme Foulques. Ses deux acolytes Mikael et Johan ne déméritait pas non plus en termes de gabarit. Le premier était chauve avec une solide barbe brune. Le deuxième brun également avec une énorme moustache et des cheveux rasés à la militaire. Un visage plutôt carré, assez mignon. Ils lui proposèrent de partager leurs ripailles mais, ayant déjà mangé, Aelys refusa aussi poliment qu'elle put. Elle ne put en revanche, refuser un verre de l'alcool traditionnel du Nord ça aurait été une offense. Elle avait entendu beaucoup de choses sur cet alcool. La première gorgée lui désintégra tout l'oesophage, déclenchant une quinte de toux sous les éclats de rire de ces trois convives.
La soirée devint plus enjouée et ils continuèrent à rire et boire un moment. Ils étaient tous trois pressés de finir leur travail pour rentrer chez eux, retrouver leurs familles. Aelys ne comprit pas combien d'enfants ils avaient chacun, elle interceptait des prénoms par ci par là. Elle baragouina qu'elle n'avait ni enfant, ni mari. Ils lui proposèrent de l'emmener avec eux pour découvrir leur patelin. Du peu qu'elle comprit c'était une merveille. Cette proposition caché à peine leur volonté de la caser avec un type de chez eux. Pour changer de sujet, elle essaya de leur expliquer qu'elle recherchait quelqu'un mais la barrière de la langue et l'alcool n'aidant pas du tout, elle échoua. Malgré ces difficultés de compréhension, elle passa étonnamment, une très bonne soirée en leur compagnie. Aelys ne se souvint même pas à quel moment elle s'endormit.
Elle fut tirée de son sommeil de plomb par les rayons du premier soleil. L'aube pointait à peine son nez, il était encore tôt. Elle se releva lentement en maugréant alors qu'une vive douleur lui perforait le crâne. Les trois bucherons s'étaient déjà attelés à leur travail à la lisière du bois. Depuis quand était-il levé ? Il semblait en forme. Je suis pitoyable se dit-elle en se levant. Johan vint la saluer, les joues rouges, Aelys était en chemisette en toute décontraction. Il lui tendit une fiole et fit un geste en désignant sa tête. Foutus svalariens se dit-elle en souriant. Elle prit la fiole en le remerciant et le regarda faire demi-tour. Jolie petit cul. Elle but son contenu en espérant que ça fasse très vite effet. Ils avaient préparé de quoi petit déjeuner et lui avait laissé une part. De véritables amours, même si elle n'avait pas faim. Elle se rappela soudain que Victoria pouvait arriver d'une minute à l'autre en activant le portail. La situation se compliquerait radicalement. Elle réalisa brusquement qu'il n'y avait plus aucun bruit autour d'elle. La forêt s'était tu.
Les trois bucherons avaient cessé de travailler et guettaient l'intérieur des bois intrigués par le silence soudain. Ils semblaient craindre la même chose tous les trois. Un bruit de pas lourd retentit d'un coup suivit d'un deuxième et ainsi de suite. Quelque chose s'avançait rapidement vers eux, quelque chose de grand... Lars, Johan et Mikael reculèrent alors qu'une sorte d'arbre zombie émergeait des bois. Il les regarda, émit un hurlement d'outre-tombe à vous glacer le sang. Aelys faillit tomber à la renverse, elle alla trouver son épée aussi vite qu'elle le put, alors que ces trois compagnons chargeaient la bête. Lars fut éjecté violemment contre un arbre après avoir planté sa hache dans le bras de l'abomination. Mikael et Johan avaient attaqué les jambes, le premier fut écrasé sous le pied du monstre alors que le deuxième, attrapé, tentait désespérément de se dégager en frappant frénétiquement les doigts en bois qui le retenaient. Le zombie-arbre croqua la tête du pauvre homme hurlant, dans un bruit effroyable, puis balança son corps qui rebondit sur les troncs comme un pantin désarticulé. Aelys était choquée. La créature ramassa le corps écrasé de Mikael et refit la même opération. Il chercha alors le corps de Lars qui rampait désespéramment vers elle, la suppliant de l'aider. Cette vision la sortit de sa torpeur et elle boitilla aussi vite qu'elle pouvait sans sa canne dans sa direction. Le monstre se saisit de lui et dévora sa tête malgré les protestations d'Aelys. Après avoir balarder le corps, il reporta son attention sur elle. Il émit un nouveau hurlement de l'enfer, Aelys lui hurla haineusement dessus. Elle aurait dû fuir mais ça n'aurait servi à rien. Quitte à mourir, autant estropier cette enfoiré ! Il s'avança pour la saisir, elle se mit en position pour trancher le plus efficacement possible. Lorsque sa main fut à portée elle frappa !
Un type s'interposa à la vitesse de l'éclair entre eux, bloquant la lame d'Aelys avec une épée extrêmement longue et la main du monstre avec sa main droite. La poussière retomba. L'homme masqué qui a mieux y regarder semblait-être une femme était entièrement recouvert par un long manteau beige à capuche large. Pas un centimètre de sa peau n'était à découvert.
- Victoria ? Demanda Aelys surprise.
- Un instant lui répondit-elle.
Elle se mit à faire des grognements rythmés en direction de l'abomination. Celui-ci lui répondit.
- Tu parles avec cette chose ?
- Il s'appelle RrrhhgllbRrglL et c'est le gardien dont je t'ai parlé. Qu'est ce qui t'as pris de l'attaquer ?
- PARDON ?! dit-elle furieuse pour qui s'en était trop. C'est lui qui nous a attaqué !!! Il a tué trois innocents et s'apprêter à me faire la même chose ! Hurla t'elle en larmes.
Victoria parla encore avec la créature et regarda derrière elle.
- Ce n'étaient pas des innocents. RrrhhgllbRrglL les traquent depuis des semaines.
- Non ! Non non non ! C'étaient des pères de famille très gentils et prévenant ! De bonnes personnes ! Et ce monstre les a tué sans la moindre pitié !!!
- Calme toi, ils avaient tué plusieurs de ses amis.
- Ses amis ?! Parce qu'il y en a d'autres comme lui dans ces bois ?!
- Non je parle de ces arbres dit-elle en désignant les bûches dans la charrette.
Aelys en resta bouche bée, elle se mit à ricaner nerveusement.
- C'ETAIT DES BUCHERONS ! C'est leur métier de couper des arbres ! dit-elle en regardant la créature haineusement alors que du sang coulait encore de sa bouche.
La créature lui rendit son regard furieux.
- Cette forêt est sous sa protection. Tu ne t'es pas demandé pourquoi ces gens étaient aussi loin de chez eux ?
- Je ne sais même pas où je suis !
- Je suis désolé, j'aurais dû prendre le temps de t'expliquer.
- M'expliquer quoi ?! Aelys, attention ! Les bucherons se font pulvériser ici, parce qu'ils osent couper des arbres !
- Je vois bien que tu es contrariée mais essaie de te calmer s'il te plaît.
- Me calmer ?! ME CALMER ?! Cette chose a broyé la tête de trois personnes, il s'apprêtait à me faire subir le même sort et toi tu me dis tranquillement que c'est un ami ! En même temps ça ne devrait pas m'étonner ! C'est normal que vous vous serriez les coudes entre monstres !
Aelys vit un changement d'attitude malgré les vêtements qui recouvraient Victoria de la tête au pied, elle fit un pas de recul.
- RrrhhgllbRrglL a connu une renaissance dans ces bois, chaque arbre qui y pousse est un membre de sa famille. Alors oui il pulvérise et pulvérisera le moindre « bucheron » qui s'amuse à découper les siens pour en faire du bois de chauffage. Tout ça parce que ce peuple refuse par pure superstition d'utiliser des dispositifs magiques pour se chauffer !
Victoria mit un violent coup d'épée, brisant la lame d'Aelys qui tomba en arrière.
Qui sont les monstres maintenant ?!
Victoria fit disparaître son épée et retourna voir la bête. Aelys se releva lentement, regarda son arme inutilisable et la jeta de dépit. Elle essuya ses larmes d'un revers du bras. La vampire et le zombie se firent un câlin, ils semblaient heureux de se revoir. Ils discutèrent dans leur dialecte un moment ignorant complétement Aelys qui retourna lentement au bivouac. Elle se rhabilla, retrouva sa canne avant de voir l'abomination récupérer la charrette avec tout le bois. Victoria remballa toute l'installation en une fraction de seconde sans lui prêter la moindre attention.
- Qu'est-ce que tu fais ? Osa-t-elle lui demander.
- Ça ne regarde que les monstres.
- Je dois encore t'attendre ?
- Tu fais bien ce que tu veux lui répondit-elle sèchement avant de s'éloigner dans les bois avec son acolyte.
Très bien ! Parfait ! Aelys pouvait continuer seule, elle n'avait pas besoin d'eux ! Elle décida avant de partir d'enterrer les trois malheureux. Ça lui prit un temps fou, mais elle ne pouvait les laisser là comme ça. Une fois sa besogne achevée, elle prit le chemin par lequel les trois bucherons étaient arrivés. Elle retrouva leur cheval de trait un peu plus loin. Elle put le monter, ce qui facilita grandement ses déplacements. Toutefois plus ils avançaient et plus la forêt semblait se rapprocher d'eux prête à les engloutir. Après une bonne heure, elle voulut faire demi-tour mais ne put retrouver le chemin qu'elle avait emprunté. Sans s'en rendre compte elle s'était complétement enfoncée dans les bois. Ils s'étaient perdus. Pas de panique se dit-elle en scrutant les alentours. Un faible cheminement semblait se dessiner entre les arbres, elle l'emprunta et parcourut lentement les bois pendant un long moment, incapable de dire s'ils avançaient tout droit ou tournaient en rond. Cette forêt avait quelque chose d'inquiétant et d'apaisant à la fois, Aelys ne savait comment le décrire. Une certitude demeurait pourtant, il fallait absolument qu'ils sortent d'ici avant la nuit. Elle n'avait plus que son épée courte pour se défendre dans ces bois et de nuit, avec sa patte folle, ils faisaient un casse-croûte idéal. Plusieurs heures plus tard, elle vit un rayon percer le crépuscule des bois. Lorsqu'elle l'atteint soulagée, elle put sortir de cette maudite foret.
Une plaine se profilait à l'horizon alors que le dernier soleil avait commencé à disparaitre. La plaine était en réalité une zone déforestée, comme pouvait en témoigner de nombreuses souches pourrissantes, laissé là à l'abandon. C'était un triste spectacle de désolation. Elle vit au loin ce qu'elle devina être le village des trois bucherons, tous les arbres coupés s'accordaient autour des bâtisses en bord de mers. Elle dirigea le cheval jusqu'à l'entrée de la ville. L'air marin vint agréablement chatouiller ses narines. Découvrir une ville peuplée par les atypiques svalariens était très excitant pour elle. Même les bâtiments dans leurs conceptions et agencements n'avaient rien à voir avec ce qu'elle avait connu. Toutefois Aelys ne resta pas longtemps dans la contemplation. Elle cherchait comment expliquer dans leur langue, la mort de Lars, Johan et Mikael, on lui poserait des questions par rapport au cheval et puis, elle leur devait bien ça. Plus elle s'approchait et plus quelque chose clochait. Aucune lumière ni aucun bruit ne s'échappait de la ville. On n'était pas en pleine nuit, ce n'était pas normal.
Une fois dans la rue principale, elle comprit avec horreur ce qui était arrivé. Les villageois étaient tous morts. Tous les corps étaient exsangues. Oh non pensa Aelys, imaginant immédiatement un scénario de vengeance orchestré par Victoria et la chose. Certain avaient lutté, tranché net par une épée. Aucune trace d'écrabouillement ou de décapitation brutale. C'était l'oeuvre d'un ou plusieurs vampires assurément et c'était récent. Les portes des bâtisses avaient étaient toutes pulvérisées parfois une partie des murs également. Hommes, femmes et enfants, tous y étaient passés sans exception. Aelys parcourut les rues écoeurée dans l'espoir de trouver des survivants. Cette espoir s'amenuisa un peu plus à chaque pas. Dans une ruelle adjacente, elle vit ces craintes se confirmer. Victoria, visage à découvert, adossé à un mur, tremblante comme une feuille. Aelys descendit de cheval, arme au poing, elle s'avança lentement vers la suceuse de sang. Elle semblait complétement déboussolée, les larmes coulant le long de ses joues blanches. C'était donc bien elle la responsable de tout ce massacre, se dit Aelys rageuse en serrant les poings sur le manche de son épée courte et sa canne. La vampire la regarda approcher sans bouger.
L'héroïne qui s'avance pour tuer le monstre.
- Qu'as-tu fait ?!
- Ce n'est pas évident ? Dit-elle tristement.
Aelys en colère lui trancha une partie de la tête, de la tempe gauche à la joue droite. Victoria émit un grincement de douleur.
- Il va falloir faire mieux que ça si tu veux me tuer lui dit-elle sans opposer la moindre résistance alors que la coupure guérissait à vue d'oeil.
Elle releva le menton et pointa son cou.
Là ! Un coup sec !
Aelys arma son bras. Pourquoi ne se défendait-elle pas ? Même dans son état elle pouvait venir à bout d'elle sans le moindre effort. Aelys le savait alors pourquoi ?
Qu'attends-tu ? Frappe !
- Tu as eu une crise de sang dit soudain Aelys abaissant sa lame, comprenant enfin pourquoi la vampire agissait comme ça. Elle était en pleine descente.
Une des notes de son père décrivait un élément assez rare, contenue dans le sang de certaines personnes agissant comme une drogue pour les annexés. Cela déclenchait des crises frénétiques, incontrôlables et meurtrières chez eux.
- Tu es étonnante Lignillane dit-elle surprise. Mais après ? Ça ne change rien non ? Frappe ! On t'a formé pour ça !
- Pourquoi es-tu venu ici ? Pourquoi prendre un tel risque ?!
- Je voulais améliorer la situation. C'est réussi dit-elle avec un sourire amer. Au moins RrrhhgllbRrglL aura le temps suffisant pour faire repousser sa foret maintenant.
Aelys regarda les corps éparpillés un peu partout. Elle repensa à la plaine aux troncs pourrissants.
Tu n'auras pas une autre occasion comme celle-là de sitôt lui dit Victoria toujours en attente.
- Ne comptes pas sur moi ! lui répondit-elle en rengainant son épée courte. Tu ne t'en sortiras pas si facilement ! Vit avec ce que tu as fait !
- Tu crois que c'est la première fois que ça m'arrive ?Dit-elle avec un triste sourire. Ça faisait des siècles... ! Elle se revit gamine, soulame en main sur le champ de bataille. Des larmes coulèrent à nouveau le long de ses joues.
Aelys ne savait pas quoi faire, d'un côté la tuer ici et maintenant épargnerai probablement beaucoup de vies dans le futur. D'un autre côté on était très loin de l'image du vampire prédateur traquant sans pitié les humains, comme le véhiculait l'école militaire. A dire vrai elle se rapprochait plus d'une personne souffrant de stress post-traumatique comme on en voyait dans l'armée. Ça la déconcerta beaucoup et ce n'était pas de la comédie, Aelys le savait. Elle éprouva pour la première fois de la compassion pour Victoria. Mais les morts qui jonchaient le sol, rappelaient en permanence le danger qu'elle représentait. Malgré ça, elle ne put se résoudre à la laisser là. C'était plus fort qu'elle, elle se maudit d'être ainsi ! Avant finalement de lui tendre une main réticente pour l'aider à se relever.
- Que ce soit clair ! Je fais ça uniquement parce que j'ai besoin de ton aide pour retrouver John !
Victoria sourit, les yeux encore embrumés sachant pertinemment que c'était un mensonge. Elle essuya ses larmes, prit sa main, se releva en vacillant un peu.
Elles se dirigèrent vers l'entrée de la ville une fois Victoria un peu remise. Aelys s'arrêta en plein milieu de la rue principale. Il était hors de question pour elle, de laisser tous ces pauvres gens comme ça. Victoria le comprit. Sa vitesse et sa force suffiraient pour leurs offrir une sépulture décente. Toutefois il était inconcevable pour Aelys qu'elle ait recours à la nécromancie ou tout autre forme de magie sur les corps. Une fois d'accord sur ce point, la vampire s'attela à sa pénitence.
Lorsque tout le monde fut proprement enterré, elle laissa une inscription sur un panneau de bois à l'entrée de la ville. De ce qu'Aelys comprit, c'était un avertissement pour les prochains habitants, par rapport à la coupe des arbres. Son svalarien était parfait, elle ne manquait pas de ressources. Il y avait toutefois peu de chance que ça règle réellement le problème. Alors qu'elle relisait son message, Aelys en profita pour menotter son poignet au sien.
- Qu'est que tu fais ?! demanda la vampire surprise
- Je n'ai pas encore décidé de ton sort quand nous auront retrouvé John. En attendant, je ne te lâche pas !
- Ce n'est pas ça qui va me retenir tu sais dit-elle en levant leurs poignets.
- Tu n'iras nulle part sans moi comme ça !
Quelle naïveté se dit Victoria. Elle la regarda intensément un moment, Aelys avait quelque chose de pure, comme John avant... Elle lui sourit.
La vampire voulait prévenir RrrhhgllbRrglL des derniers évènements. Aelys peu encline à revoir le monstre, ni à perdre plus de temps, était contre. Victoria se téléporta. Elles arrivèrent au milieu de la plaine aux troncs pourrissants à côté de la bête. Aelys étouffa un très gros haut-le-coeur après quoi, elle regarda la vampire furieuse.
- Nulle part sans toi hein ?
Abasourdie par un tel culot, elle ne répondit même pas. Elle commença à entrevoir les inconvénients de son initiative. RrrhhgllbRrglL était couvert de lignes vertes luminescentes sur tout le corps. Il semblait en transe. Une bûche était posée sur chaque souche visible à proximité. Des sillons reliées les souches entre elles avec comme point central le zombie. Voyant le temps défiler et la vampire inactive, elle s'avança, s'apprêtant à parler mais Victoria lui fit signe de ne rien dire, comme si quelque chose de grandiose allait arriver. RrrhhgllbRrglL devenait de plus en plus luminescent, on aurait cru qu'il allait exploser. Il planta soudainement son bras dans le sol, faisant courir les lignes vertes de son corps à travers les sillons. La plaine s'illumina, les tracés formant un gigantesque dessin ésotérique sur toute la surface. Chaque tronc fut touché par cette étrange magie, les bûches fondirent alors en un amas moisie se mêlant à la pourriture des souches. Sur chacune d'elle, une jeune pousse émergea lentement. C'était magnifique et très déroutant pour Aelys de voir une créature capable de tant d'atrocités, faire quelque chose d'aussi beau. Elle contempla ce merveilleux spectacle jusqu'à son évanescence alors que Victoria conversait avec la chose. Elle lui dit soudain :
- RrrhhgllbRrglL a fait traverser la forêt à John, il y a une semaine à peu près. Il m'a aussi donné ça pour ta jambe dit-elle en lui tendant une sorte de cataplasme végétal.
- Il connait John aussi ? demanda Aelys en regardant le monstre et le cataplasme dubitative.
- C'est John qui a déchiffré son langage, il me l'a appris dit-elle souriante.
Cela semblait être un souvenir réconfortant même si, Aelys se posait pleins de questions, curieuse de savoir comment il avait bien pu faire ça.
- Il lui a dit où il allait ?
- Oui mais ça ne va pas te plaire...
Edité 2 fois, dernière édition par maitredragon Le 21/03/2023
maitredragon - Chevalier - Le 23/03/2023
Agent 258
Objet : Recherche du fugitif
Votre éminence,
Je suis actuellement en filature d'une personne ayant un lien avec Jonas. Cette dernière est aidée par une vampire particulièrement puissante, rendant ma mission plus compliquée que prévu. Ces deux personnes sont à la recherche du fugitif. Si un affrontement doit avoir lieu, j'aimerai demander l'assistance de renforts. Ce n'est toutefois pas nécessaire pour le moment.
Je suis présentement à Zerimar, la cité pirate d'Arthalia.
La traque se poursuit, la cible sera appréhendée.
Gloire à lui.
maitredragon - Chevalier - Le 06/04/2023
Un gobelin venait de planter la main de son adversaire, deux tables plus loin, une histoire de triche aux cartes. Les deux équipages commencèrent à se mettre dessus, ajoutant encore plus de désordre dans la taverne. Le gérant continuait tranquillement de nettoyer son comptoir, comme si tout ça était normal. Les serveurs en déroutes, essayaient de maintenir le service comme ils le pouvaient. L'orchestre venait de perdre son sonneur. Un orque d'une taille impressionnante fut projeté vers elles. Aelys eut juste le temps de sursauter, Victoria attrapa le bougre par le cou avec son bras, avant qu'il ne renverse leur table. Elle rabattit violemment la tête de la créature sur le sol, avant de la projeter inanimée sur son rival. Elle tourna sa tête vers eux et tous ceux qui étaient autour et émit un feulement surnaturelle et haineux, découvrant ses dents de suceuse de sang. Cela dissuada tout le monde d'approcher d'elles. Elle se remit à boire tranquillement comme si de rien n'était et vit le visage choquée d'Aelys.
- Quoi ? Demanda t'elle innocemment.
- Tu es terrifiante.
- Je suis un monstre tu te rappelles ?
- Je ne voulais p... Je suis désolée de t'avoir dit ça.
- Si tu tiens tant à t'excuser, tu pourrais m'enlever ça dit-elle en tirant sur les fers.
- N'abuses pas !
- Ça nous éviterait des situations gênantes comme avant-hier dit elle les yeux perçants.
Aelys repensa au moment où elles s'étaient changées au château, menottaient l'une à l'autre. N'ayant pas voulu la libérer, chacune se changeait afin de respecter l'intimité de l'autre même si c'était le cadet des soucis d'Aelys. Toutefois sa curiosité mal venu l'emporta, Aelys avait jeté un coup d'oeil sur le magnifique corps nu de sa prisonnière, dos à elle. La vampire avait des cicatrices expérimentales sur le corps. Dans un moment de non-réflexion, elle avait longé l'une d'elles avec son doigt. Son coeur fit un battement fort à ce souvenir embarrassant alors que Victoria la dévisageait, elle rougit et regarda ailleurs. La vampire n'avait rien dit alors qu'Aelys s'était confondue en excuse, elles n'en avaient pas reparlé depuis.
- Qu'est-ce qu'on attend exactement ? demanda t'elle pressée de changer de sujet.
- On attend que Minsk vérifie auprès de ses quatre confrères, si on fait partie d'un de leurs équipages directs ou affiliés. Une fois qu'il saura que non, il enverra probablement ses hommes pour nous tuer. Ça expliquerait pourquoi on nous a suivi jusqu'ici.
- Tu dis ça comme si c'était une bonne chose dit Aelys déconcertée.
- Ça fera moins de monde face à nous, pour l'atteindre.
- Diviser ses forces... mmmh je vois. Mais comment comptes-tu... Aelys arrêta ses réflexions comprenant où la vampire voulait en venir. Non !
- Aelys...
- Non !
- Aelys on n'a pas le choix, c'est juste une téléportation. Une toute petite.
- De toute façon ce n'est pas comme si j'avais le choix ! Dit-elle d'un ton acide.
- Tu croyais vraiment qu'on était venu de nuit, dans un troquet pareil pour boire un coup ? Demanda t'elle moqueuse.
- J'espérais que tu avais un plan.
- J'ai un plan.
- Un autre plan !
Zerimar est régie par cinq capitaines pirates légendaires. Ces capitaines étant les dirigeants officiels de la ville et les seuls à opérer dans les couloirs impériaux. Leurs équipages sont reconnus et respectés par tous. Chaque membre garantit un semblant d'ordre dans la cité. Le plus ancien des capitaines est Minsk CORNEDOR. Si comme Victoria le pensait, John était venu ici, il s'était forcément adressé à lui, c'était un vieil ami du détective. La vampire avait permis de réduire son avance à quelque jour à peine. Avec un peu de chance, il se trouvait en ce moment même, encore dans la cité pirate. En arrivant en ville, après s'être renseignées, Victoria et Aelys c'était dirigées vers le quartier général de Minsk. Elles avaient demandé audience, en précisant bien que ça concernait John et s'étaient fait refouler.
- Les hommes de Minsk arrive, ça va être le moment dit soudain Victoria en se levant.
Aelys se releva, elle s'appuya de manière non assurée sur sa jambe. Le cataplasme avait permis de ne plus utiliser sa canne, mais sa jambe restait douloureuse.
Ça ira ? Lui demanda Victoria en regardant sa jambe.
- Je peux me battre.
- Ça ne va pas être pratique avec ça dit-elle en levant leurs poignets attachés.
Aelys fronça les sourcils.
Ok, on fera avec. Il va falloir que tu me tiennes fermement par contre. En voyant son visage interrogateur elle ajouta : Tu ne veux pas savoir.
Aelys n'avait pas le temps d'y réfléchir, elle enserra Victoria le coeur battant. Sa délicieuse odeur emplissant tout son être. Elle referma son bras libre sur son dos et prit conscience que sa main, était non loin de la zone qu'elle avait parcouru l'avant-veille, avec son doigt. Elle chassa rapidement cette pensée de son esprit, ce n'était pas le moment. Avant que Victoria n'engage son plan, elle se redressa.
- Tu ne tues personne hein ?
- Aelys...
- Ce n'est pas négociable.
- Tu es une emmerdeuse Lignillane !
Elle sourit tout en reposant sa tête contre son buste froid, entendant le souffle exaspéré de sa prisonnière. Victoria se téléporta, Aelys sentit soudainement la gravité exercer sa force alors qu'elles lévitaient dans le ciel nocturne au-dessus du quartier général de Minsk. L'envie de vomir arriva assez vite alors que la vampire faisait une descente rapide vers les bureaux du pirate, puis une seconde téléportation pour y pénétrer sans être repérées. Elles arrivèrent au centre de la pièce. Une gigantesque salle, où Minsk trônait fièrement au fond, sur une chaise royale hors de prix, derrière un bureau tout aussi somptueux. L'ensemble du mobilier et décorations étaient pompeux mais pas raccord les uns avec les autres, probablement volés à différents royaumes. Les pirates et leurs goûts pour la démesure désapprouva Aelys, alors qu'elle luttait pour ne pas vomir sur le tapis ultra moche à leurs pieds. La démesure était à son paroxysme derrière le flibustier, où au lieu d'un mur, une baie vitrée géante, permettait de dominer entièrement la cité. Minsk était l'archétype du vieux loup de mer à la retraite. Un vieille homme costaud, cheveux et barbe grisonnantes mi-longue. Plusieurs cicatrices, de nombreux bijoux m'as-tu vu, un manteau typique de corsaire très colorés. Il ne manquait que le cache oeil et la panoplie aurait été parfaite.
- Je vous attendais dit-il avec un rictus alors que trois ombres sortaient de leur cachette.
Des assassins vampires de la lame rouge, à voir leurs visages rasés et tatoués. Un assassin de cette guilde était déjà très compliqué à gérer, mais trois... Victoria ramena Aelys doucement contre elle. La vampire avait un air grave. Elle l'enserra avec son bras libre et lui susurra doucement à l'oreille.
- Je suis désolé, je vais devoir les tuer.
- Dérouille-les ! dit fermement Aelys ayant bien compris qu'elle ne serait d'aucune aide dans ce combat.
- Serre moi fort, ferme les yeux.
Aelys s'exécuta. Elle fut ballotée extrêmement rapidement dans tous les sens pendant de longues minutes. Tout ce qui résonnait a ces oreilles était les bruits de lames qui s'entrechoquent, des coups de feu, des meubles détruits et des cris de douleurs. Des lames vinrent entailler sa chair par moment, mais elle ne ressentit aucune blessure grave. Lorsqu'elle fut à nouveau immobile, elle ouvrit les yeux. Elle était posée sur le bureau du pirate, plusieurs coupures sur les jambes et les bras. Victoria essoufflée, guérissait de ses multiples blessures, alors qu'elle tenait le cou de Minsk sous sa lame. Ce dernier blessait au bras n'osait plus bouger, ses pistolets encore fumant reposaient sur le bureau. La pièce était sens dessus dessous. Les trois assassins gisaient raides morts, tranchés en plusieurs morceaux. Ce n'était pas beau à voir, même pour des vampires. Aelys ne put tenir plus longtemps et vomit d'un coup, son jet atteignant le torse et le visage de Minsk. Voyant qu'il allait rechigner, Victoria appuya sa lame contre son cou pour lui enjoindre de la fermer.
- Ça va ? demanda-t-elle un sourire en coin.
- Tu avais dit une téléportation ! Râla laborieusement Aelys.
- On n'a pas vraiment le temps de voir ça maintenant.
La porte à l'opposé subissait les assauts d'une partie de l'équipage, désireux de rentrer venir secourir leur capitaine. Heureusement Victoria avait placé suffisamment de choses devant cette porte pour bloquer son ouverture, du moins, pour quelque minute. Minsk se mit à ricaner malgré la lame sous son cou et le vomi qui dégoulinait de sa barbe.
- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? Demanda Aelys.
- Je reconnais que vous avez des couilles les donzelles. Mais jamais vous ne quitterez cette ville en vie après ça. En plus d'une cité pirate entière, vous aurez les lames rouges après vos jolies petites fesses !
- Silence ! Ordonna Victoria les yeux luminescent. John est venu te voir ?
- Oui madame dit docilement Minsk.
- Qu'est-ce que tu fais ?! demanda Aelys.
- Je nous fais gagner du temps, un problème avec ça ?!
Aelys préféra ne rien dire. Victoria poursuivit son interrogatoire sous hypnose. Minsk révéla que John était venu le voir il y a cinq jours. Il cherchait à savoir si une prime avait circulé sur sa tête, peu avant sa disparition et si on avait retrouvé son corps. Mais Minsk n'était au courant de rien malgré ses contacts solides, dû à une ancienne vie de chasseur de prime. John avait demandé également s'il pouvait lui faire traverser le détroit et l'amener au plus proche de la capitale. Minsk avait refusé, il ne faisait plus ça depuis longtemps. Le seul départ dans les jours à venir était le bâtiment de Jeanne l'ombre, une des cinq capitaines. Mais John ne pouvait embarquer sur son navire, c'est un équipage composé exclusivement de femmes. Selon Minsk, John avait quitté la cité à pied peu de temps après. Le pirate avait cru qu'elles en voulaient à sa vie.
La porte d'entrée allait bientôt céder. Victoria posa sa main sur la tempe du vieux, il sembla souffrir un moment avant de finalement s'évanouir. Avant qu'Aelys ne puisse dire quoi que ce soit, Victoria les téléporta dans un petit renfoncement, au fin fond d'une ruelle non loin du quartier général. L'avantage de cette cité et ses grandes tours de bâtisses accumulés les unes sur les autres, c'est qu'elle ne manquait pas de lieu comme celui-là, même si chaque rues et ruelles, étaient de véritables coupe-gorges. Malgré l'étroitesse du lieu, elles restèrent planquées là un petit moment le temps que l'équipage de Minsk se calme. Aelys n'avait plus rien à vomir mais l'envie ne manquait pas. Lorsqu'elle se sentit un peu mieux, elle fusilla Victoria du regard.
- Quoi ? Tu ne croyais pas qu'on allait sortir par la grande porte quand même ?
- Qu'as-tu fais à Minsk ?!
- Détends toi, il va très bien. Il ne se souviendra plus de notre entrevue, c'est tout.
- Je n'aime pas du tout ce genre de méthode !
- Oh c'est vrai que tu obtenais de meilleures résultats avant que j'intervienne !
- Tu ne m'en as même pas laissé le temps !
- Nous n'en avions pas ! Écoute on a les informations qu'on voulait, non ?
- Sur quoi enquête John ?! Qu'as voulu dire Minsk qu...
Victoria boucha sa bouche, regarda à droite, à gauche, se pinça les lèvres en regardant le ciel.
- Pas ici dit-elle sérieuse. Les questions tu dois les poser à lui, pas à moi. Je ne sais quasiment rien déclara t'elle en enlevant sa main.
- Vous formez un drôle de couple quand même. La communicatio...
- Nous ne sommes pas en couple la coupa Victoria. Enfin pas dans le sens où tu l'entends.
- Quoi ? Mais vous... Enfin...
- Oui on couche ensemble et après ! Dit-elle énervée.
Visiblement Aelys avait touché une corde sensible. Elle n'insista pas d'avantage même si beaucoup de questions restaient sans réponses. John ayant quitté la cité à pied, le rattraper à l'aveugle serait compliqué. De plus Aelys refusait catégoriquement toute proposition de vol ou de téléportation. Si Minsk avait dit vrai, elles pouvaient embarquer sur le navire de l'Ombre et attendre John avant qu'il n'entre dans la capitale impériale. Ce qui était aberrant pour Victoria qui savait pertinemment que la traversée serait très dangereuse. Pourtant c'est le plan qui convenait le mieux pour Aelys. Elles en débâtèrent un moment, sans arriver à un compromis. Aelys était fatiguée, elle proposa d'aller dormir au château et de se rendre au quartier général en question demain matin. Là, elles verraient si les évènements avec Minsk, les avaient blacklisté ou non. Auquel cas elles appliqueraient le plan de Victoria.
Cette nuit-là, Aelys eut beaucoup de mal à s'endormir, beaucoup trop de choses en tête. Les mots de Minsk lui revenaient, John semblait selon ses dires, enquêter sur sa propre mort. C'était aberrant ! Comme l'avoir vu se relever sans une égratignure, après un tir en pleine tête. Victoria refusait de lui en dire plus, mais elle savait quelque chose. La vampire dormait paisiblement. Si on avait dit à Aelys quelque jours plutôt qu'elle partagerait son lit avec une annexée... La vie est vraiment surprenante parfois. Elle ne savait toujours pas ce qu'elle allait faire d'elle, une fois qu'elles auraient retrouvé John. La livrer aux svalariens, vers une mort certaine, lui semblait de plus en plus inconcevable. Dans tous les cas elle n'était pas dupe, Victoria s'en irait dès qu'elle le voudrait. Cette pensée l'attristait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Dans cette éventualité, partirait-elle à sa poursuite ? Et dans quel but ? Elle ne put répondre à ses questions et s'endormit pleine de doutes.
Elle se réveilla en sursaut quand sa main bougea, sans la moindre résistance. Victoria n'était plus dans le lit, ni menotté à elle. Elle bondit hors du lit et sortit en trombe sans prendre le temps de s'habiller. Faisant fi de sa jambe douloureuse, elle parcourra une partie du château. Aucune trace de la vampire nulle part, la garce ! Aelys retrouva la pièce où était le dispositif de portail. Elle avait vu la vampire faire et reproduisit les même gestes au millimètre près, pour activer le portail, malgré son aversion pour la magie. Lorsqu'il s'ouvrit elle plongea.
Elle atterrit sur Victoria, qui ne s'attendait pas du tout à la voir débarquer ainsi. Je te tiens pensa triomphalement Aelys alors qu'elles trébuchaient sur le sol. Elle attrapa rapidement le bras de sa prisonnière qui la repoussa sans ménagement d'un coup de pied. Elle atterrit durement quelque mètre plus loin. Le sol était humide, Aelys commença à ressentir le froid mordant de ce nouvel environnement. Elles étaient dans une large grotte souterraine, éclairée faiblement par des torches magiques. Un lac se trouvait à côté d'elles expliquant l'humidité et la froideur du lieu. Le fond était tapissé de pièces d'or et autres trésors fabuleux. A la lueur des torches on aurait dit un lac doré. Un gigantesque bateau flottait à la surface, comment avait-il pu arriver là ? Attendez une minute ! Je connais ce navire se dit soudainement Aelys. Elle regarda avec incompréhension, Victoria qui essuyait ses larmes. Visiblement Aelys avait interrompu un moment de recueillement en voyant les bouquets de fleurs posés au sol, face au navire.
- Tu n'as rien à faire ici lui dit-elle tristement. Je vais revenir au château, laisse-moi seule pour l'instant s'il te plaît dit-elle en replaçant le portail au sol.
- C'est le navire de Jonas le gris ?! Bégaya Aelys qui n'en revenait pas d'avoir sous les yeux l'un des trésors les plus recherchés au monde.
- Aelys...
Victoria stoppa sa phrase et changea d'attitude d'un coup. Elle regarda un coin sombre et éloigné de la grotte et fit apparaître en un éclair de feux pourpre son épée dans sa main.
Je vous laisse trois secondes pour partir d'ici ! Dit-elle haineusement.
L'homme qui traquait John sortit de derrière les rochers. Il ouvrit la bouche. Victoria rabattait déjà sa lame sur lui. Aelys ne l'avait jamais vu aussi en colère. L'intrus para dans un réflexe surhumain, sauvant sa vie mais fut projeté violemment contre les parois de la grotte. Lorsque la poussières retomba, il avait disparu. Victoria se tourna vers elle, les yeux encore brûlant de haine. Aelys recula. Une explication farfelue lui trottait en tête depuis qu'elle avait vu le navire. C'était impossible ! Son dos toucha la paroi glacée, ne pouvant reculer davantage, alors qu'elle était déjà à portée de la lame de la vampire. Elle n'avait même pas envisagé de sortir son épée. Malgré la peur que lui inspirait Victoria s'approchant d'elle, elle ne put retenir cette supposition plus longtemps.
- Es-tu... Vicky la rouge ?
Victoria arrêta de s'approcher, toute sa fureur s'évanouit en même temps que son épée à l'évocation de ce nom.
- Il y a un millénaire qu'on ne m'a pas appelé ainsi dit-elle des larmes coulant à nouveau le long de ses joues.
- Jonas le gris... et John... Elle n'arrivait pas à le dire à voix haute, tremblante à cette révélation abracadabrante et aussi en partie à cause du froid.
- Tu vas attraper froid comme ça. Tu n'as vraiment aucune pudeur Lignillane dit Victoria qui était visiblement la seule gênée par l'apparence d'Aelys en chemisette de nuit trempée. Retourne au château s'il te plaît je répondrai à tes questions là-bas.
Aelys ne se fit pas prier. De retour au château, elle se précipita dans la chambre pour s'habiller et se réchauffer. Toutefois ses habits de pirate ne réchauffaient pas grand-chose. Elle s'emmitoufla dans les étoffes en grelottant, espérant se réchauffer rapidement, pendant qu'elle essayait de mettre de l'ordre dans ses pensées. Peut-être devait-elle fuir, Victoria avait maintenant une bonne raison de la tuer. Elle hésita. Ce temps de réflexion et de réchauffement, lui parut avoir duré à peine quelque secondes, lorsque Victoria pénétra dans la chambre. En réalité, Aelys y était depuis près d'une heure. Elles se regardèrent gênées, aucune des deux ne sachant par où commencer. La vampire vint s'assoir doucement à côté d'elle, ré-attacha son bras au sien sans qu'elle ne lui ait rien demandé.
Je suis désolé d'être parti ainsi. Je voulais faire ça seule.
- Quel âge as-tu ?
- Honnêtement j'ai arrêté de compter dit-elle avec un sourire mélancolique. Je dirais que je ne dois pas être loin des deux mille ans, à quelque centaines d'années près.
- Je croyais que les annexés avait une longévité très courte ?
- Ils l'ont. Techniquement nous vivions même moins longtemps que vous autres humains. Voyant sa confusion elle enchaina. Si je suis encore en vie aujourd'hui c'est grâce à John. Il m'a mise entre les mains de personnes qui ont... Elle fit une grimace et resserra ses bras sur son corps. Cela semblait vraiment être un mauvais souvenir. Bref je suis aussi immortel qu'un vampire maintenant.
- Et John, c'est un immortel lui aussi ?
- John triche. Il possède un artefact très ancien qui réinitialise son corps comme il était une heure auparavant, chaque fois qu'il meurt.
Aelys réfléchit quelque seconde.
- Mais... pour être immortel il doit...
- Oui, pour être immortel, John se suicide à peu près toutes les heures.
- J'ai passé plusieurs jours avec lui sans le voir faire quoi que ce soit.
- En ce moment il ne peut pas mourir, sous peine d'être repéré par l'homme qui le traque. Mais en temps normal, il porte un dispositif sur lui, qui fait le travail.
- Pourquoi il a demandé à Minsk si on avait retrouvé son corps dans ce cas ?
- Il y a une quinzaine d'années, John a pris la décision de ne plus utiliser son artefact. Il s'est fait tuer très peu de temps après alors qu'il rentrait à la capitale. Je ne sais pas par quel miracle il a réussi à tromper la mort, mais il est revenu pour élucider son meurtre.
Un silence pesant s'installa dans la chambre. Aelys triait dans sa tête ses multiples questions. Elle n'en revenait toujours pas. Petite elle raffolait des histoires de pirates célèbres de son père. Celle de Jonas le gris était une des plus anciennes. L'un des rare pirate à avoir tenu en échec pendant des années la flotte impériale. Un des créateurs et piliers de la cité pirate. Jonas sortait du lot par son intelligence et sa stratégie, qui lui permit de remporter un grand nombre de victoires et ainsi d'amasser un trésor faramineux. Certaines batailles sont encore revues au sein de l'armée impériale. Son bras de fer avec l'impératrice c'était toutefois soldés par une victoire de cette dernière et la disparition de son navire l'Intrépide, son équipage et son trésor inestimable, en faisant l'une des épaves les plus recherchées au monde. Sa légende perdure encore aujourd'hui alors qu'elle s'est déroulée il y un millénaire de ça. Le bras droit de Jonas, Vicky la rouge était l'une des meilleures épéiste de son temps. Et elle était assise juste à côté d'elle ! Petite, elle était mordue des histoires de femmes fortes comme celle de Vicky La rouge. Aelys eut un sourire, tout ça semblait être une époque bien lointaine.
- Pourquoi la piraterie ?
- Il y a une phase pirate dans la vie de chaque immortel, je suppose dit-elle en plaisantant.
- J'ai toujours cru que l'Intrépide avait chuté au fond du détroit.
- On a plus ou moins gagné la bataille du détroit.
- Ce n'est pas ce que disent les livres d'histoires.
- L'impératrice a pu réécrire les faits à sa guise, pour éviter de perdre la face.
- Que s'est-il passé ?
Victoria ouvrit la bouche mais ne put prononcer un mot. Elle essuya ses larmes, souffla un bon coup en reprenant une contenance.
- L'impératrice avait mobilisé toute sa flotte, pour se débarrasser définitivement de nous, dans une attaque surprise. John avait prévu le coup. La bataille faisait rage et lors d'un abordage je me suis retrouvé en difficulté. Pour me tirer de là, j'ai aspiré le sang de mes adversaires et...
Sa voix se brisa sur ses mots imprononçables.
- Tu as eu une crise de sang... comprit Aelys en serrant la main de Victoria en larmes.
Elle acquiesça de la tête, les larmes coulant à flots. Elle reprit encore sanglotante.
Quand j'ai repris conscience, John et moi étions les seuls encore en vie au-dessus du détroit. J'ai tué tous les membres de notre équipage... J'ai tué tout le monde... dit-elle en s'effondrant complétement.
Aelys lui offrit son épaule, sur laquelle elle put décharger toute sa tristesse. Hormis John, elle devait-être probablement la seule personne au courant de cette histoire. Elle caressa les cheveux de la vampire tout en la réconfortant pendant un long moment. Lorsqu'elle alla un peu mieux, Victoria se releva en s'excusant un peu gênée.
Par la suite elles discutèrent des nombreux mythes et légendes circulant sur cette équipage. Les exploits réels et ceux un peu trop romancés. Le reste de la nuit et toute la journée qui suivit, Aelys redevint cette petite fille friande d'histoires qu'elle avait été jadis. Victoria se prêta au jeu, ravie de revivre avec plaisir, ce qui semblait être un des meilleurs moment de sa vie. Partager le bon comme le mauvais avec quelqu'un, lui était vraiment agréable. Oubliant complètement ce qu'elles devaient faire a Zerimar, elles passèrent la journée au château, oscillant entre plusieurs pièces dont les cuisines, sans arrêter leurs discussions. Elles furent rattrapées par la fatigue et cette fois, la nuit fut plus reposante.
A son réveil, Victoria était à ses côtés. Elle se saluèrent en souriant, la journée de la veille avait vraiment été agréable. Toutefois toutes les deux avaient conscience ce matin-là, de devoir quitter cette parenthèse de bien être pour retourner à Zerimar, au quartier général de l'Ombre. Les préparations se firent dans le silence avec une certaine complicité. Une fois prête à y aller, Victoria lui demanda de la suivre un instant. Aelys accepta sans crainte et la suivit curieuse dans les tréfonds du château. Elles entrèrent dans une sorte d'armurerie où de nombreuses armes et objets légendaires reposés un peu partout. Aelys en reconnut certains, consciente de leurs valeurs. Victoria se saisit d'un sabre posée sur un autel et le lui tendit.
- Tiens c'est pour toi. C'était mon sabre d'abordage sur l'Intrépide.
Le sabre était anormalement long.
- Tu n'utilisais pas ta soulame ?
- Personne hormis John ne savait que j'étais une annexée.
- Je... Je ne peux pas accepter c'est beauco...
- Je t'en prie la coupa t'elle gentiment.
Aelys hésita un moment, prit le sabre dans sa main. Il était très léger pour sa taille, parfaitement entretenu. Une vrai merveille.
- Merci.
Victoria lui sourit puis se dirigea vers la sortie. Elle fut stoppée dans son élan par les fers la reliant à Aelys. Cette dernière n'avait pas bougé. Elle semblait perdue dans ses pensées en regardant la lame. Finalement elle mit le sabre dans son étui, le posa au sol et enleva les menottes qui les reliaient. Victoria la regarda avec interrogation.
Je te fais confiance.
Ces mots n'étaient pas anodins, la vampire en avait conscience. Son regard... Victoria ne sut quoi répondre, elle avait du mal à contenir sa joie et ses larmes. Elle était heureuse et acquiesça simplement avec sa tête. Parfois les mots sont inutiles.
Elles avancèrent prudemment dans les rues de la cité pirate, Victoria était entièrement couverte. La ville avec ses drôle de bâtisses, avait beau offrir une atmosphère crépusculaire dans les rues, le soleil restait dangereux pour elle. Le quartier de Jeanne l'Ombre était en effervescence, ils embarquaient tout le matériel pour leur traversée. Le départ était imminent. La maîtresse d'équipage coordonnait tout ça avec une grande efficacité. C'était une femme au regard de glace, pas bien grande, ni costaude, mais imposant naturellement le respect. De longs cheveux bruns bouclés tombaient de son tricorne. Elle portait une longue veste en cuir sombre. Elles allèrent la voir craignant qu'il soit trop tard pour embarquer. Cette dernière contre toute attente, n'était pas réticente à l'idée de les prendre à bord à la dernière minute. Plus de main d'oeuvre n'était pas de refus selon elle. Au moins leur épopée chez Minsk n'avait pas eu trop de conséquence, une chance ! En revanche il fallait qu'elle prouve qu'elles étaient des femmes là, maintenant. Victoria comprenant ce qu'il fallait faire pour ça, voulut repartir. Elle se tourna vers Aelys qui avait ouvert sa chemise et baissé son pantalon dévoilant toute son intimité sans la moindre gêne. La maitresse d'équipage elle-même n'en demandait pas tant. La vampire se frappa le front. Une membre d'équipage qui passait par là, hypnotisé par ce spectacle déroutant, oublia de regarder ou elle mettait les pieds et se vautra lamentablement avec ce qu'elle portait. Aelys étant validé, elle se rhabilla et glissa deux mots à l'oreille de la maitresse d'équipage, au sujet de Victoria qui ne pouvait et ne voulait pas se découvrir en plein soleil. Une fois leurs messes basses terminées, elle revint tout sourire pour lui dire qu'elles étaient acceptées à bord.
- Tu étais vraiment obligé de lui dire ça ? Lui reprocha Victoria qui n'avait pas perdu une miette de leur échange.
- Problème résolu non ?
Qui est culotée maintenant pensa la vampire. Elles furent conduites au port pour monter à bord du fameux navire. C'était un bâtiment magnifique, avec une longue coque en bois riche, luisant au soleil. Les voiles latérales étaient recourbées alors que les voiles centrales commençaient à être déployées. La proue était une merveille sculpturale de forme draconique, embellie par plusieurs canons rotatifs. La poupe bénéficiait d'un gigantesque propulseur magique au-dessus duquel s'accordaient les somptueux quartiers des officiers.
La maitresse d'équipage les laissa sur le pont, entre les mains d'une dénommée Yona. Elle fut chargée de leur expliquer leur rôle au sein du navire. Elle avait quelque jour d'ancienneté de plus et leur expliqua tout en détail. C'était une femme fort sympathique, les cheveux mi-longs blonds et lisses, les yeux marrons, le regard perçant, les joues creuse et le visage acéré. Les membres d'équipages vaquaient à leurs occupations, l'excitation était palpable. La camaraderie ambiante rappela l'armée a Aelys, non sans déplaisir. Peu de temps avant le discours de départ de la capitaine, Yona les conduisit à l'espace de cargaison pour faire une dernière vérification d'usage. Plus personne ne s'affairait là. Elle s'adressa alors à elle avec une voix masculine familière.
- On peut savoir ce que vous foutez là ?!
Aelys et Victoria en restèrent bouche bée avant de dirent en coeur :
- John ?!
maitredragon - Chevalier - Le 09/04/2023
Agent 258
Objet : Poursuite de la filature
Votre éminence,
Ma filature a été compromise malgré une furtivité totale, par la vampire évoqué dans mon précédent rapport. Je ne sais absolument pas comment elle a réussi à faire ça. Le dialogue fut impossible et l'affrontement inévitable, j'ai préféré battre en retraite. J'ai subi des blessures mineures lors de cette accrochage. Rien qui ne m'empêche de poursuivre ma mission.
J'ai pu retrouver leur trace un jour plus tard. Elles ont embarqué sur un bateau pirate volant à destination de la capitale impériale d'Arthalia. Je pense que Jonas se dirige vers cette zone, c'est pourquoi j'ai également embarqué sur ce navire. Toutefois j'ai dû le faire clandestinement, l'équipage étant réservé aux femmes. Le navire s'appelle le Voltigeur.
La traque se poursuit.
Gloire à lui.
maitredragon - Chevalier - Le 23/05/2023
- Ça c'est pour avoir profaner la tombe de mon père ! C'est bien vous n'est-ce pas ?! Dit-elle haineusement.
- Frapper d'abord, questionner après... C'est stupide même pour vous dit-il à terre en massant sa mâchoire.
- Espèce de...
Victoria la stoppa alors qu'elle avait armé un autre coup.
Lâche-moi !
- Aelys calme toi s'il te plaît.
- Je sais que c'est lui !
- C'est bien moi, oui.
- Tu ne m'aides pas beaucoup là, John...
- Pourquoi ?! Demanda Aelys, toujours en colère.
- C'est pour ça que vous avez fait tout ce chemin ? Et toi Victoria, tu l'as suivi imprudemment dans cette folie ? Et si tu avais eu une crise ? Vous ne vous rendez même pas compte du risque que vous lui avez fait prendre ! dit-il à Aelys énervé en se relevant.
Il vit leurs visages gênés.
Oh non...
- Elle sait pour les crises de sang lui dit Victoria penaude.
- Combien de personne ?
- Un village svalarien... 256 personnes dit Aelys honteuse.
- Est-ce que ça va ? Demanda-t-il à Victoria en posant ses mains sur ses épaules. Il enleva la partie qui couvrait son visage.
Elle acquiesça de la tête, les yeux humides. La voir ainsi déchirait le coeur d'Aelys. John reporta son attention sur elle, visiblement très énervé. Aelys se sentait coupable pour la vampire, mais pas suffisamment pour oublier la profanation. Elle était fermement décidée à obtenir toutes les réponses qu'elle était venue chercher. Le navire se mit en mouvement d'un coup déséquilibrant tout le monde. Victoria rattrapa le détective, Aelys se rattrapa aux caisses en bois alentours. Le temps de s'habituer au mouvement du navire, des pas retentirent à l'étage du dessus. Jeanne l'Ombre en personne descendit avec la maitresse d'équipage et leur fit face. C'était une femme d'une stature imposante, pas commode et peu avenante. Les cheveux roux, la peau tachetée, un chapeau et des vêtements de pirate assez sobre, paré pour le combat. Elle avait à la ceinture un sabre au pommeau rutilant. Assurément une belle pièce.
- Merci de les avoir occupé le temps qu'on décolle Yuna. Tu peux disposer maintenant.
Le salaud ! Aelys le regarda furieusement alors que John repartait sur le pont.
Alors comme ça c'est vous qui avez foutu le souk chez Minsk et massacré trois assassins vampire de la lame rouge ?
- J'ai massacré les vampires affirma Victoria pour ne pas impliquer Aelys.
Aelys acquiesça timidement, pas sûr de savoir où ça allait les mener. Même si elle avait tenté de la dédouaner, il était hors de question que Victoria plonge seule. L'Ombre éclata soudain de rire, un rire bourrin.
- Vous deux on peut dire que vous n'avez pas froid aux yeux ! J'aime ça ! Il était temps de lui secouer les puces à ce vieux crouton hein ! Rassurez-vous je n'ai pas pour but de toucher vos primes.
Eh merde pensa Aelys, nos têtes sont mises à prix. Victoria était imperturbable, le savait-elle déjà ?
Ça va être relativement calme jusqu'aux eaux impériales. Tu vas entrainer les membres de l'équipage sur les temps libres dit-elle à la vampire, histoire qu'elles ne perdent pas la main. Qui sait tu leur apprendras peut-être deux ou trois trucs utiles. Maintenant au travail !
- Oui capitaine ! dirent-elles en coeur avant de remonter vers le pont.
Victoria demeurait silencieuse et couvrit son visage. Lorsqu'elles arrivèrent sur le pont, Aelys contempla le magnifique panorama aérien qui s'étendait à perte de vue. Les nuages constituaient une véritable mer blanche, percée par endroit laissant voir la terre en contrebas et les multiples couleurs qui la composait. Il devait être à quoi, 6000 pieds du sol. Elle fut tirée de sa contemplation par Victoria qui l'incita à se mettre au boulot. Leurs fonctions sur ce bâtiment consistaient à réaliser des tâches ingrates, principalement pour l'entretien du navire, lavage régulier du pont, opérations de cordages, s'assurer que les parties métalliques et en bois du Voltigeur résistaient bien à l'humidité. Vérification et entretien des voiles et de la coque en étant harnaché. Victoria était particulièrement efficace pour celles-là. Il fallait aussi gérer les risques aviaires, parfois même des attaques. La cuisinière venait récupérer certaine d'entre elles pour l'élaboration des repas. Le propulseur était le boulot des mécaniciennes, hors de question que les matelotes comme elles, touchent à leur bijou. La direction du navire était assurée par la capitaine, la timonière et sa seconde qui était aussi la maitresse d'équipage. Ainsi la chaine de commandement restait proche de ses membres selon elles. Les artilleuses chouchoutaient leurs canons et harpons, elles demandaient parfois un coup de main. Le reste du temps c'était boissons, chansons et cartes dans une ambiance solidaire et bon enfant. Chacune vaquait à ses occupations. Aelys était étonnamment dans son élément, même si toutes les personnes qui l'entouraient, étaient des hors-la-loi. Certaines fuyaient quelque chose, un mariage arrangé, des dettes, des maîtres esclave etc. D'autres étaient des criminelles recherchées pour vol, meurtre ou autre roublardises. La vengeance en motivait quelques-unes contre les forces impériales ou toutes formes d'autorités. Enfin il y en avait qui était là pour l'aventure, la fortune ou simplement par vocation. Toutes avaient des profils atypiques, chacune pouvait remplir un grimoire entier avec leurs vies. Des hors-la-loi...
Aelys aurait voulu trouver un moment pour prendre à part le détective, mais il y avait trop à dire et beaucoup de monde grouillait partout, risquant de mettre à jour sa couverture. Pas qu'elle se souciait vraiment de lui, mais plus de la perte d'information que cela représenterait s'il était découvert. Comment avait-il pu passer les vérifications sans se faire griller d'ailleurs ? Patience le moment opportun viendra tôt ou tard se dit-elle. Victoria était comme un poisson dans l'eau. Tout ça la renvoyait à l'une des époques les plus heureuses de sa vie. Même si elle était couverte de la tête aux pieds, Aelys voyait à quel point elle était heureuse et c'était agréable à regarder. John ou plutôt Yuna s'en sortait lui aussi à la perfection, faisant totalement illusion. Insoupçonnable pensa Aelys. Ils auraient pu utiliser le dispositif pour rester au château, le temps de la traversée se dit-elle. Mais leur absence aurait fini par être suspecte ou pire si jamais quelqu'un tombait sur le dispositif ou que le navire s'écrasait, John devrait reprendre son périple depuis le début. Pas que ce soit un réel soucis pour elle...
La maitresse d'équipage les rassembla lorsque le deuxième soleil quitta son zénith et présenta Victoria comme leur entraineuse par ordre du capitaine. Elles rigolèrent toutes autour d'Aelys, pensant que c'était une blague. Mais elles arrêtèrent très vite en voyant le visage de la seconde. Elle la laissa face à la trentaine de matelotes qui ne voyaient absolument pas en quoi cette dernière arrivée était légitime ou compétente pour leur apprendre quoi que ce soit, chacune persuadées de leurs propres forces. De plus elles avaient mieux à faire de leurs temps libre. Victoria proposa des duels au premier sang pour commencer, histoire de se faire une idée du niveau de chacune. Aelys ne put se retenir et lui opposa qu'elle trichait, puisqu'elle n'avait plus de sang dans son corps. Elle la vit sourire à travers son vêtement, ainsi que le regard en biais désapprobateur de John. La vampire argua que la moindre coupure a son vêtement, exposerait sa peau au soleil. Elle ajouta avec un ton de défi, qu'aucune d'entre elles n'en seraient capable de toute manière. Excellente réponse pensa Aelys. Cette remarque acheva de motiver tout le monde, ravies d'avoir l'opportunité de coller une raclée a cette prétentieuse, tout vampire qu'elle soit. Victoria n'avait même pas pris d'armes. Les filles s'étendirent tout autour d'elle, délimitant une zone de combat assez grande sur le pont. La plus intimidante et grande gueule des matelotes, Rachel, s'avança et attaqua dans la foulée, essayant de profiter de l'effet de surprise tout en faisant plusieurs feintes. Victoria esquiva tous ses coups avec une extrême rapidité, avant de la repousser brutalement de la paume de sa main. Cette dernière fut projetée par-dessus bord. Dans la seconde qui suivit, la vampire se téléporta, la saisit et se téléporta à nouveau sur le pont, laissant la pirate retomber lourdement sur le sol. Aelys la regarda choquée, John sourit, se rappelant manifestement un bon souvenir. Les chances de victoire de l'assistance prirent d'un coup, une énorme douche froide. Rachel se releva encore paniquée et rejoint la foule en gardant un oeil apeurée sur la vampire. Victoria fit un geste pour que la suivante s'avance. Elle ne rigolait pas et avait tenu à ce que ça se sache. Qui intimidait qui maintenant ? Les plus téméraires y allèrent mais ne réussirent pas à l'atteindre. Personne ne réussit à lui porter le moindre coup, comme elle l'avait prédit. Elle démolit sans pitié chaque adversaire, en prenant toutefois soin de ne pas les blesser trop sévèrement. La correction fut mémorable pour tout le monde. Vint le tour de John. Aelys rigolait intérieurement. John sortit soudainement de sa manche un pistolet et tira en visant la tête de la vampire. Elle esquiva in extremis alors que le détective en profitait pour lui lancer une dague dessus. La lame effleura le tissu qui couvrait son visage, sans s'enfoncer suffisamment pour le trancher. Elle se remit de sa double esquive juste à temps pour bloquer le coup de sabre du détective, qui en avait profité pour s'approcher. C'était très fourbe, mais de loin, sur tous les assauts, c'était celui qui avait failli réussir, dû concéder Aelys à contre coeur. Victoria lui décocha un formidable coup de poing dans le plexus, le projetant a plusieurs mètres d'elle. Il resta au sol le temps de se remettre, il agonisait en souriant. D'autres allèrent voir comment il/elle allait, alors que la vampire faisait signe à Aelys. C'était son tour. Elle s'avança l'épée au poing, sa jambe était toujours douloureuse, elle serait limitée dans ses mouvements. Tout ça n'avait aucune importance, pourtant, elle tenait absolument à faire mieux que John. Mais hors de question de manquer de fair play, même si Victoria était bien plus forte et rapide qu'elle. Merde ! Comment faire réfléchissait-elle à toute vitesse. Victoria fondit sur elle tel un éclair, Aelys perdu dans ses réflexions, tenta d'esquiver, mais c'était beaucoup trop tard. Le coup la propulsa contre la rambarde en bois derrière elle. Bordel ! Elle n'y allait pas de main morte !
- Tu réfléchit beaucoup trop. Lui dit la vampire, il te suffit d'apprécier.
Apprécier... Se répéta-t-elle alors que son tour avait pris fin. C'était minable se dit Aelys peu ravie de sa prestation médiocre. Une fois terminée, Victoria avait acquis le respect de tous l'équipage.
Lorsque la nuit arriva, elles déployèrent les ballons de lévitation. Aucun navire digne de ce nom se risquerait à naviguer de nuit. Le propulseur fut coupé, arrêtant enfin le bruit infernal de la machinerie. Le repas était disponible, c'était frugal. Aelys avait mal partout et la fatigue ne tarda pas à faire son effet. La nuit était douce, elle s'apprêtait à se coucher sur le pont avec les autres, mais n'ayant pas vu Victoria et John depuis un moment, elle partit à leur recherche malgré sa fatigue. La nuit serait propice pour avoir enfin cette discussion tant attendue avec le détective. La motivation était toutefois absente. Elle les trouva en cale en plein tête à tête. Par réflexe sans vraiment savoir pourquoi, elle les observa cachée. Ridicule, Victoria avait probablement déjà détecté sa présence. Cette dernière caressa tendrement la joue du détective qui ne semblait pas satisfait, avant de l'embrasser amoureusement. Aelys eut l'impression qu'on plongeait une lame glacée en plein dans son coeur. Pourquoi ça lui faisait si mal ? Elle savait bien qu'ils étaient intimes. Elle préféra remonter triste mais aussi en colère, sans comprendre pourquoi elle ressentait tout ça. Elle ne put s'endormir le coeur battant. La vampire s'installa près d'elle plus tard dans la nuit. Aelys ne dormait toujours pas. Elle lui en voulait tellement. Ça n'avait aucun sens. Les images repassaient dans sa tête. La fatigue de la journée finit par la rattraper mais la nuit fut courte.
La matinée n'atténua pas ses tourments. Elle parla très peu et exécuta machinalement ce qu'on lui demandait sans vraiment en avoir conscience. Elle évitait également la moindre proximité avec Victoria. Mais pourquoi réagissait-elle comme ça ?! Pourquoi ressentait-elle autant de peine. Elle avait mal, pourquoi ?! Parce qu'ils s'étaient embrassés ridicule ! Pensait-elle avoir créer un lien particulier avec Victoria ? Quelle erreur ! Quelque jours ne pouvaient rivaliser avec une relation de plus d'un millénaire. C'était stupide ! Et puis c'était une annexée se mentit-elle à elle-même.
Soudain elle prit conscience qu'on l'appelait. Elle releva la tête incapable de dire ce qu'elle avait fait depuis son réveil. Plusieurs matelotes la dévisageaient, attendant qu'elle s'avance pour faire face à Victoria qui l'avait appelé pour le duel. Oh non ! Depuis quand... Qu'est-ce que... Aelys n'avait rien vu venir. Elle s'avança, tira son épée, « apprécier » les mots de la vampire lui revinrent avant de disparaître sous l'image de son baiser nocturne avec le détective. La colère remonta d'un coup en elle. Elle prit l'initiative et attaqua avec une extrême rapidité. Sa lame s'enfonça dans la boiserie alors que Victoria avait esquivé sur le côté. Cette dernière voulut profiter du fait que le sabre était bloqué dans le bois pour l'atteindre. Mais Aelys feintait, son sabre n'était absolument pas coincé. Attendant le tout dernier moment, elle frappa haineusement au ventre. Victoria surprise par cette ruse, surtout venant d'elle, voulut esquiver, réduisant le coup à une simple et fine coupure. Le soleil vint brûler sa peau immédiatement, elle couvrit l'ouverture avec son bras et vit Aelys les larmes aux yeux, rabattre rageusement sa lame sur elle. Elle frappait pour tuer. Dans un réflexe éclair elle fit apparaître sa soulame pour parer le coup. La frappe était puissante, Victoria se téléporta derrière elle pour la déséquilibrer et frapper. Aelys perdit l'équilibre, cependant elle stoppa sa chute en forçant sur sa mauvaise jambe, para le coup en un retournement fulgurant avec son sabre et empoigna soulame dans le même mouvement. Impossible pensa Victoria surprise. Mais en force contre force Aelys avait beau tout donner, Victoria la balarda très violemment contre le premier obstacle. Elle perdit connaissance.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Yuna, enfin John était à son chevet.
- Bon retour parmi nous lui dit-il sans le moindre sourire.
Elle se releva péniblement le corps en compote. Sa jambe lui faisait un mal de chien. Une partie de l'équipage s'était installé pour dormir dans la cale. La machinerie était à l'arrêt, déjà la nuit pensa Aelys. Le bruit de la pluie frappant sur le pont et la coque résonnait dans toute la pièce. Elle regarda aux alentours mais ne vit Victoria nulle part a son grand désarroi.
Elle est partie annonça soudain John.
Le coeur d'Aelys fit un bon. Voyant son visage déconfit il souffla puis corrigea :
Elle est sur le pont. Vous avez intérêt à prendre soin d'elle ! Dit-il menaçant.
Aelys voulut le frapper mais la force lui manquait. Elle boitilla vers le pont, John était la dernière compagnie qu'elle souhaitait. Elle remonta vers le pont, chaque marche plus douloureuse que la précédente. Arrivée là, la pluie tombait abondamment. Le ciel était couvert mais la nuit très belle. Il n'y avait pas de vent pour balloter le navire. Lui en voulait-elle pour ce qu'il s'était passé ? Elle aurait de bonnes raisons... Elle s'avança sous les gouttes, ses vêtements collant peu à peu à son corps. Elle ne vit Victoria nulle part et continua à s'avancer vers la proue. Elle la vit soudain, assise au bout de la tête draconique sculptée, les pieds dans le vide, le visage vers le ciel, les yeux fermés laissant les larmes de pluie couler le long de son visage. Elle fredonnait. Qu'est-ce qu'elle était belle ! Victoria était assise sur une partie de la tête, il y avait de la place pour une autre personne à ses côtés. Ça avait le mérite d'être clair. Le bois vernis et mouillé, ultra glissant en plus de sa jambe douloureuse, formaient un combo parfait pour une chute mortelle. La sauverait-elle dans ce cas, vu ce qu'elle avait fait ? Elle réfléchissait trop... apprécier... Elle avança avec précaution sur la sculpture, préservant au maximum son équilibre. Une fois au bout elle s'assit doucement à côté d'elle. Elle l'avait fait ! Et maintenant... Victoria arrêta de fredonner et tourna sa tête vers elle, elle prit sa main dans la sienne. Le coeur d'Aelys allait exploser alors qu'elle eut le courage de soutenir son regard. Les mots étaient inutiles, la pluie inexistante. Victoria avança doucement son visage vers elle et ferma les yeux. Aelys s'approcha et vint à la rencontre de ses lèvres sans la moindre hésitation. C'était doux et enivrant. Elles s'embrassèrent langoureusement pendant un temps qui leur sembla infini. Aelys reprit son souffle, des larmes de joie se perdant dans la pluie, elle posa son front contre le sien et prit ses joues froides entre ses mains.
- Je suis désolé pour cet après-midi dit Aelys déconcerté par tant d'émotions. Elle ne voulait que son pardon.
- C'est ma faute. J'aurais dû t'en parler avant.
- Me parler de quoi ?
- Le baiser que tu as surpris, était un baiser d'adieu.
Aelys recula sa tête surprise, Victoria enchaina :
Il est clair pour moi que tu es la personne dont je suis amoureuse aujourd'hui. Je n'étais pas sûr que ce soit réciproque, jusqu'à ce que tu puisses toucher ma soulame. Et aussi que tu essaies de me tuer.
Aelys ne savait plus où se mettre.
Je sais à l'avenir que je n'ai pas intérêt à t'être infidèle dit-elle souriante en désignant la cicatrice de la brûlure solaire sur son ventre.
Aelys toucha la cicatrice avec ses doigts, à l'endroit où elle avait frappé. Elle était fine. Quelle conne elle avait été ! Les larmes abondèrent encore plus.
Eh ! Dit Victoria en relevant son menton avec sa main. Ce n'est rien.
Elle l'embrassa à nouveau, faisant disparaître toute sa culpabilité, sa tristesse, tout disparu.
Je voudrais te montrer quelque chose lui dit-elle soudain, mystérieusement.
Voyant qu'elle voulait l'emmener dans le vide, Aelys opposa une faible résistance ayant peur d'une téléportation. Victoria la regarda paisiblement et dit :
Pas de téléportation promis.
Aelys sourit et l'enserra chaleureusement. Elles volèrent un moment sur la mer de nuages. C'était agréable malgré la pluie. Après un temps, Victoria s'arrêta en plein ciel. Elle semblait attendre quelque chose, une étendue blanche se dessinait à perte de vue devant elles, mais Aelys ne voyait rien. Elle regarda la vampire ne comprenant pas ce qu'elles faisaient là.
Patience, elle arrive lui dit-elle rassurante.
Qui « elle » ? Les nuages commencèrent à s'écarter, laissant apparaître à la grande surprise d'Aelys une immense baleine volante. Elle était magnifique, sa peau était striée de nombreux motifs propre à son espèce. Ses couleurs se dessinaient à travers le ciel étoilé, se mariant parfaitement avec. Elle sortit d'un nuage pour replonger dans un autre, son chant magnifique résonnant partout. C'était un spectacle rare et d'une incroyable beauté. Aelys regarda Victoria avec beaucoup de reconnaissance. Elles s'embrassèrent, heureuse d'assister à ça, ensemble. Elles la contemplèrent s'éloignant doucement au loin. Aelys n'avait pas les mots. Elle sentit soudain les bras de Victoria plus ferme autour d'elle. Quelque chose n'allait pas, mais elle n'eut pas le temps de lui demander ce qu'il y avait. La vampire les entraina rapidement à travers les nuages en contrebas. Là elle choisit un endroit à couvert et regarda méchamment au-dessus d'elles. Un navire les survolait. Aelys reconnut un baleinier :
- Des braconniers ?
Victoria acquiesça doucement.
- Certains peuples croient encore que leurs peaux ont des vertus miraculeuses dit-elle arrivant à peine à contenir sa colère.
Elle fit apparaitre sa soulame dans sa main. La dernière fois qu'Aelys l'avait vu ainsi, c'était dans la grotte fasse au traqueur de John. Les baleines volantes étaient des animaux devenus rares à la suite d'une chasse intensive. C'était une espèce protégée, il était interdit de les tuer. En même temps chasser des êtres aussi beaux pour des raisons aussi chimériques, c'était une aberration pour Aelys. Victoria allait massacrer ce navire, elle qui semblait avoir un lien particulier avec ces bêtes. Même si c'était mérité, ce n'est pas ce qu'Aelys souhaitait. Elle enserra fermement la vampire entre ces bras et essaya de la calmer en lui parlant doucement à l'oreille. Un flash soudain la renvoya à un autre moment, un autre endroit avec des silhouettes inconnues autour d'elles. Elle avait mal mais ressentait un tel soulagement. Elle dit à l'oreille de Victoria qu'elle était contente qu'elle soit de retour avant qu'un voile noir ne l'emporte. Elle revint à la réalité en un sursaut le coeur battant. C'était comme se réveiller brusquement d'un cauchemar. Les larmes coulèrent le long de ses joues alors qu'elle essayait de reprendre son souffle, encore paniquée. Elle ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer, ni ce qu'elle avait vu. Victoria était très inquiète pour elle, essayant de comprendre ce qu'il venait d'arriver. Aelys lui dit soudain encore sous le coup de l'émotion :
- Partons ! S'il te plaît.
- On retourne sur le navire ? Demanda t'elle gravement en voyant son état inquiétant.
- Non ! Partons ! Loin de tout ça ! S'il te plaît. Rentrons dans ton château, je t'en supplie.
Elle était en état de choc, Victoria ne savait pas pourquoi, mais elle n'objecta pas à sa demande. Elle la rapprocha d'elle, la serrant fort contre son corps. Elle se rapprocha du propulseur du baleinier et y mit un violent coup d'épée. Le navire sombra doucement dans les nuages. Le crash ne serait malheureusement pas mortel ainsi, mais ces pourceaux n'auront pas un navire en état de marche de sitôt. Elle regarda Aelys.
- Ça te va ?
Elle acquiesça silencieusement le coeur encore battant. Son état était vraiment inquiétant. La vampire retourna au navire de l'Ombre, il fallait prévenir John et installer le portail dans un endroit discret. Une fois fait, elles saluèrent le détective, ravi de savoir Victoria à l'abri et quittèrent le navire.
Aelys regardait le plafond de la chambre, repassant chaque image dans sa tête. Le doigt de Victoria parcourant délicatement son corps nue, la fit frissonner. Elle ne dormait pas et la regardait, souriante mais inquiète.
Tu ne veux pas me dire ce qu'il y a ? Je n'ai visiblement pas réussi à te le faire oublier dit-elle minaude.
- Oh si tu me l'as fait oublier ! Plusieurs fois répondit-elle avec un sourire complice.
- Tu t'es jeté sur moi arrivée ici. Tu avais l'air si désespérée.
- Je suis désolé, ça ne devait pas être très...
- C'était parfait la coupa la vampire. J'aimerai juste que tu me dises ce qui te préoccupe. Qu'est-ce qu'il s'est passé là-bas ?
Aelys hésita, son coeur battant fortement. Elle regarda Victoria nue sous les étoffes, une déesse.
- J'ai eu une vision.
Elle fit une pause pas sûr de vouloir continuer.
J'ai ressenti un soulagement énorme à la suite d'un grand désespoir. J'étais heureuse mais... Je mourrais. C'a m'a fait très peur dit-elle en se collant à la vampire.
Elle l'embrassa tendrement et la serra fort contre elle.
- Tu avais déjà eu des visions comme celle-là avant ?
- Non.
- Tu avais déjà fait l'amour comme ça avant ?
Elle sourit un peu gênée et la tapa doucement comme un faux reproche avant de l'embrasser tendrement.
- Non dit-elle souriante.
- J'ai peut-être un moyen de te faire oublier tout ça.
- Lequel ?
- Je devais assister à une soirée dans deux jours. On pourrait y aller ensemble, si ça te dit... On peut aussi rester au calme ici, si tu préfères.
- Ça ne va pas poser problème si des nobles de Nerton sont présents et me reconnaissent ?
- Oh je peux t'assurer qu'ils ne te reconnaîtront pas dit-elle confiante.
Participer à ce genre de soirée en tant qu'agent de sécurité avait toujours été un calvaire pour Aelys. Mais y participer en tant que noble... La soirée ne la motivait pas plus que ça, mais elle était quand même intriguée de voir comment Victoria s'en sortirait avec ça. Et puis changer d'air ne leur ferait pas de mal. Elle accepta. Le jeune couple sut bien occuper son temps et les deux jours passèrent rapidement. Victoria s'occupa de la préparer le jour j, elle lui avait fait des vêtements sur mesure en un temps record. Une fois habillée, coiffée, maquillée, bijoutée etc. Aelys dû reconnaître qu'elle avait dit vrai. Elle ne se reconnaissait même pas elle-même. Elle commença toutefois à douter du bienfait de sa décision. Mais ses doutes s'envolèrent sous les baisers et la confiance de sa mentor.
Une fois prêtes, elles traversèrent le portail et arrivèrent non loin d'un gigantesque manoir. A la grille Victoria présenta une invitation aux gardes, ils les laissèrent pénétrer l'enceinte. Les nobles de Nerton étaient effectivement présents, chacun à un bout opposé de la pièce, les tensions visiblement toujours vives. Elle suivit Victoria, peu coutumière de ce nouveau rôle, qui la présenta comme sa nouvelle compagne. Au moins les nobles étaient plus ouverts sur ce sujet... Elle n'était pas à l'aise face à toutes cette débauche. Tout était si excessif et loin de la réalité dans laquelle elle avait grandi. Mais quitte à être là, autant en profiter, en plus le buffet était délicieux et l'alcool savoureux. Victoria était encore une fois comme un poisson dans l'eau, la noblesse incarnée, passant d'une conversation à l'autre, partageant l'euphorie et le dialecte de ces gens abjectes, Aelys sous le bras. Elle était très douée et tirée parti de chaque personne pour arracher la moindre nouvelle intéressante. Ivre ou non, elle obtenait de ses cibles tout ce qu'elle voulait. C'était amusant pour Aelys de la voir ainsi. L'objectif de base était rempli, la préparation, l'excitation, cette soirée et l'alcool avait occulté les souvenirs de sa vision. Et personne ne douta qu'elle fût des leurs, même ceux de Nerton. Au cours de la nuit certains se livrèrent à de multiples orgies, la décadence à son paroxysme désapprouva Aelys, peu surprise et passablement ivre. Elles étaient spectatrices comme beaucoup d'autres.
Alors que l'aube allait arriver dans l'heure suivante, certains nobles trinquèrent à leurs réussites prochaines. Ces nobles, courtisans de la cour impériale, étaient au fait d'un piège visant à se débarrasser du vaisseau d'un des piliers pirate. Victoria réussit à en tirer tout ce qu'il savait. Jeanne l'Ombre avait décollé pour attaquer un convoi impérial, toutes les matelotes le savaient. La capitaine avait une taupe au sein de l'empire qui l'avait rencardé sur quels navires étaient des leurres et lequel contenait le butin recherché. Ce qu'elle ne savait pas en revanche, c'est que son informateur avait été débusqué et les renseignements faussés. A l'aube qui approchait à grand pas, le voltigeur fondrait sur un navire bourré d'explosifs. Aelys dessoûla d'un coup, elle regarda Victoria. Elles étaient d'accord sur la suite des évènements. Il fallait les prévenir et les sortir de là. La vampire trouva un subterfuge habile pour qu'elles s'en aillent rapidement. Elles retournèrent se préparer à toute hâte au château. Une fois prête et avant de traverser le portail, Victoria se tourna vers Aelys.
- Tu sais qu'il faudra combattre des forces impériales ?
- Oui dit rapidement Aelys encore un peu vaseuse ne voyant pas où elle voulait en venir.
- Tu es résolue si la situation l'exige à tuer un soldat ?
- Je ferai tout pour l'éviter ! Dit-elle fermement.
- Aelys...
- Fais-moi confiance.
Elle lui sourit et l'embrassa avant de traverser. Elles arrivèrent dans la cale et remontèrent rapidement sur le pont. Les artilleuses s'affairaient frénétiquement aux canons et harpons. La maitresse d'équipage galvanisait ses troupes alors qu'elles étaient sur le point d'aborder le navire. Il était trop tard ! Victoria se téléporta et repoussa sans ménagement la capitaine pour lui prendre la barre. Pas le temps d'expliquer. Elle fit une manoeuvre d'évitement alors que les matelotes ne comprenaient pas ce qui se passaient. Aelys n'eut pas le temps de trouver John. Le navire leurre explosa endommageant gravement le flanc du voltigeur. Ils avaient perdu la voile latérale rendant les prochaines manoeuvres compliquées. Deux navires impériaux fondaient déjà sur eux les arrosant de leurs canons. Les artilleuses encore ébranlées par l'explosion inattendue, ne purent répliquer à temps et moururent dans la destruction de leurs canons. Une fois à portée, les deux navires abordèrent de chaque côté, déversant sur le pont des flots de soldats en armure impériale, des runes les protégeant de toutes magies. Le combat s'engagea et les morts s'accumulèrent. Victoria rejoint Aelys sur le pont et tua sans pitié le moindre impérial qui en attentait à leurs vies. Les coups de feu fusaient, les tirs de canons sifflaient, détruisant tout sur leur passage, les lames ennemies étaient nombreuses et bien affutées. Aelys en plein combat vit soudain John dans la cohue, au prise avec plusieurs soldats. Elle mit un violent coup de pommeau a son adversaire et se rua pour aider le détective, couverte par la vampire. Elle frappa aux jambes un soldat tentant de s'interposer. Le soldat face au détective transperça son ventre et arma un nouveau coup pour l'achever. Aelys ne réfléchit pas et enfonça sa lame profondément dans une faille de son armure. Elle resta un temps prostrée devant ce qu'elle venait de faire, alors que le bougre tombait raide mort au sol. Victoria la secoua pour la ramener à la réalité tout en les défendant. Aelys regarda autour d'elle, c'était un carnage. Elle finit par empoigner le détective et l'entraina vers la cale, alors que Victoria était toujours au prise avec les soldats sur le pont, assurant leur retraite. John pesait un âne mort et demeurait inconscient ! Les canons transperçaient la coque, percée de toute part. Ici aussi on se battait. L'adrénaline lui permit de passer outre sa jambe douloureuse, mais elle paierait chèrement chacun de ses mouvements. Elle s'éloigna des combats. Soudain le détective se redressa sans la moindre blessure.
- Mais qu'est-ce que vous faites là ?! Vociféra John.
- On est venu vous sauver ! De rien ! Répondit Aelys énervée.
- Vous allez empirer la situation !
- Je ne vois pas comment la situation pourrait être pire !
- Bonjour dit soudain l'homme en noir surgissant face à eux.
- Oh non s'exclama Aelys.
John dégaina le prototype.
- Allons John, tu ne m'auras pas deux fois de la même façon.
- Ce n'est pas toi que je vise dit-il.
- Non non ! Le télép... voulut s'interposer Aelys consciente de ce qu'il allait faire.
John appuya sur la détente. Les rides d'éclairs fusèrent perçant la coque de toutes part. Elles étaient beaucoup plus puissantes que la dernière fois pensa Aelys, voyant le bois se faire découper comme du beurre. John dirigea le flux tant bien que mal afin de découper le morceau du navire qui les séparait du traqueur. Ce dernier les avait presque atteint lorsque la partie avant du navire où il se trouvait, s'écroula. Alors qu'ils regardaient l'ensemble chuter devant eux, Aelys souffla d'agacement.
- Quoi ?
- Nous n'avons plus de porte de sortie maintenant. Sans parler du nombre de personnes que vous venez de tuer !
- Vous devriez me remercier.
- Pardon ?!
- Vous ne pigez toujours pas hein ! Tous ces gens ont vu Victoria utiliser sa soulame. Leurs morts protègent son existence.
- Personne ne sait ce qu'est une annexée aujourd'hui !
- Vous, vous le saviez. D'autres exceptions peuvent exister. C'est un risque que vous ne pouvez pas vous permettre.
- Ça ne vous concerne plus maintenant dit-elle méchamment.
Une violente secousse les projeta d'un coup à terre. Un des deux navires assaillants avait été coupé en deux par les rides d'éclairs, l'ensemble s'écrasant sur le voltigeur de plein fouet. Aelys et John virent impuissant le plafond s'écrouler sur eux. Ils perdirent connaissances, ensevelis sous les décombres. Le navire déjà bien endommagé, céda alors complétement. Tout le monde chuta soudainement dans le vide.
Edité 1 fois, dernière édition par maitredragon Le 26/05/2023
maitredragon - Chevalier - Le 26/05/2023
Agent 258
Objet : Deuxième échec de récupération
Votre éminence,
Je suis au regret de vous faire part d'un nouvel échec, à ma plus grande honte. En effet Jonas se trouvait depuis le début, à bord du navire sur lequel j'avais embarqué clandestinement. Ce dernier s'était travesti pour passer inaperçu. Il a réussi à tromper ainsi, ma vigilance cinq jours d'affilés.
Pour ma défense, ma marge de manoeuvre était extrêmement réduite, toutefois ça n'excuse en rien mon incompétence.
Après deux jours de traversée, la vampire et son acolyte ont quitté le navire de nuit. Les raisons m'ont semblé extérieure à notre affaire, aussi j'ai poursuivi sur le bateau. Ces dernières sont revenues trois jours plus tard. Quelque minute après leurs arrivées, le navire a été attaqué, j'ai pu ainsi repérer Jonas et faire tomber son subterfuge, malheureusement bien trop tardivement.
Jonas a recouru immédiatement au prototype X-698, pour se débarrasser de moi. Bien qu'encore instable, notre homme a dû procéder à des modifications sur l'engin. En effet le prototype a été capable de découper deux navires, extrêmement facilement. J'allais le capturer, quand la partie du bateau où je me trouvais c'est effondré, me forçant à transplaner ailleurs. Avant ça, j'ai pu voir le navire où se trouvait la cible, se déliter dans le vide.
Jonas n'a pas été repéré depuis, je suppose qu'il est toujours en vie. Je pense qu'il se dirige vers la capitale impériale, aussi je vais poursuivre mes recherches dans cette direction.
J'assume l'entière responsabilité de ce nouvelle échec et je suis prêt à en subir les conséquences.
Gloire à lui.
maitredragon - Chevalier - Le 20/10/2023
- Tu comptes rentrer à Nerton n'est-ce pas ?
Il souffla sa fumée doucement et resta perdu dans ses pensées un moment. Il finit par acquiescer silencieusement de la tête.
Tu sais ce que tu vas faire ?
- Je vais épouser Maurine. Le reste... Ça n'a pas d'importance. Je suis désolé... Tu vois, cette affaire... enfin tu comprends ?
- Tu t'inquiètes pour moi Foulques ? Je savais que c'était temporaire. J'aurais juste préféré que ça se termine sur une note plus positive.
- Ouais... Moi aussi.
- Tu ne veux pas attendre les remerciements de notre très cher conseiller.
Un sourire faillit balayer son air grave.
- Alexandre est bien gentil mais je ne veux pas de remerciements pour ça. Je veux juste rentrer chez moi.
-Tu comptes réintégrer la brigade ?
- Je ne sais pas John. Je...
Sa voix se perdit dans un silence profond. John posa sur leur table une espèce de vieux tromblon avec deux cartouches et les poussa vers lui.
- Si jamais tu as besoin, n'hésite pas.
- Je ne suis pas encore parti.
John le regarda avec un sourire en coin.
- Pas à moi Foulques.
- Tssss rouspéta Foulques découvert. Il prit le tromblon. Et toi tu sais ce que tu vas faire ?
- Je vais quitter la capitale un moment, ça c'est sûr.
- J'aimerai te présenter quelqu'un avant.
- Ton fameux bibliothécaire. Ça va aller, mes connaissances sont suffisamment étendues.
- Tu serais surpris.
John était peu convaincu, mais Foulques savait pertinemment qu'il en fallait beaucoup pour le surprendre. Cette dernière remarque n'avait rien d'anodin et piqua la curiosité du détective.
J'avais prévu de le saluer avant de partir. Tu peux rester ici si tu veux dit-il en se relevant.
- Tu n'as même pas entamé ta bière.
- Je n'en avais pas l'intention. Merci pour tout John, cette année fut vraiment... Je n'ai pas les mots. A la revoyure.
- Waouh ! Foulques à son émotion maximum, c'est terrifiant ! Railla John en se relevant lui aussi. Je vais t'accompagner.
Ils se regardèrent d'un air entendu mû par un respect mutuel et quittèrent la taverne. La bibliothèque impériale se trouvait dans l'aile Est du palais. Un lieu extrêmement bien gardé. John avait déjà parcouru tous les livres qu'elle contenait, certains même étaient écrits de sa main sous un faux nom. Il n'y avait aucune perspective de connaissances nouvelles à l'horizon. Toutefois ce fameux bibliothécaire, un certain Lignillane, semblait être un curieux personnage. Malgré son jeune âge pour un tel poste, il aurait pu occuper une place parmi les maitres-érudits et siéger au conseil de l'impératrice. Au lieu de ça, il avait choisi de garder sa robe de bibliothécaire. John voyait deux raisons à cela. La première, trop banale, était de garder du temps de disponible pour sa femme et sa fille à Nerton. La deuxième plus intéressante, était qu'il préférait rester là où était regroupé toute la connaissance du monde. L'ambition de la connaissance au-delà de la carrière, intéressant... pensa John alors qu'ils entraient dans l'allée principale de la bibliothèque. Les meubles blindés de livres, grimpaient jusqu'au plafond, surchargeant la pièce, pourtant gigantesque. Un trésor de connaissances envié dans le monde entier. Foulques demanda des renseignements au premier assistant qu'il trouva. Ce dernier présenta une porte dérobée dans laquelle se trouvait notre homme. Il voulut les accompagner mais Foulques le congédia poliment enfin, aussi poliment qu'il le pouvait. La porte donnait sur un long et étroit couloir en pierre jusqu'à un petit bureau. Là l'intriguant travaillait dos à l'entrée, très concentré sur ses documents.
A peine eurent t'ils posé un pied dans la pièce, qu'il se retourna et en un mouvement prompt mais discret, mis des documents de côté avant de s'avancer vers eux. Foulques n'avait pas capté le mouvement, mais John n'en avait pas perdu une miette. Visiblement leur présence dérangeait mais le bougre n'en laissa rien paraitre. Il s'était avancé vers eux pour les saluer mais surtout pour les empêcher d'approcher du bureau. Le contrôle et la discrétion dont il avait fait preuve impressionnèrent John. Rien ne l'avait trahi comme si tout ça avait été répété. John sourit il décida de le tester un peu plus.
- Foulques dit-il souriant en le prenant dans ses bras. Depuis combien d'années ne nous sommes pas vu ?
- Trop.
- Je te savais dans la capitale, je suis désolé j'aurais dû venir te saluer bien plus tôt.
- Ce n'est pas grave, tu as l'air très occupé. Je repars au pays ce soir, si tu as quelque chose que tu voudrais transmettre à Mallory ou Aelys, n'hésite pas.
- Ta présence d'esprit me touche, j'ai effectivement quelque chose que tu pourrais convoyer dit-il souriant avant de porter son regard perçant sur le détective. Mais avant tu ne veux pas me présenter ton ami ? Demanda-t-il.
- Ah oui pardon, voici John, le célèbre détective, je pense que tu as déjà dû entendre parler de lui. John, voici Gurvan Lignillane.
- Effectivement, votre dernière affaire a fait grand bruit lui dit-il en tendant sa main.
John la serra.
Je suis désolé je sais que c'est encore frais, mais j'aimerai savoir comment vous avez su pour l'enfant ?
- Vous pensiez que c'était la famille ?
- Le grand frère surtout.
- Intéressant, en vérité...
Après une longue conversation, ils finirent par prendre congés. John ne se rendit compte qu'à la fin de leur entrevue qu'il s'était fait avoir par la plus vieille combine du monde. Gurvan avait volontairement orienté la conversation sur ce sujet, flattant ainsi son égo. Il avait ensuite intelligemment animé le reste de la discussion faisant totalement diversion. John avait plongé tête la première, oubliant complètement ce que cachait le bibliothécaire. Quel imbécile ! Une fois devant le palais alors qu'il se retrouvait seul avec Foulques il ne pouvait s'empêcher de sourire.
- Je te l'avais dit se moqua gentiment Foulques.
- Effectivement tu avais raison, il est intéressant.
Voyant qu'il regardait le palais il lui dit :
- Évite les ennuis quand même John.
- Tu me connais.
- Oui justement...
Foulques... Tu aurais vraiment fait un père formidable. Quel dommage que ton grand amour ne puisse enfanter. Comment fais-tu pour vivre avec ce regret ? Se demanda John intérieurement alors que son ami le saluait avant de disparaître parmi la foule. John chassa ces pensées pour revenir au palais bien décidé à trouver ce que Gurvan avait caché. Quitte à enfreindre deux-trois règles au passage... Le palais n'avait aucun secret pour lui, y entrer, disparaître et atteindre en toute discrétion sa destination était un jeu d'enfant. Une fois arrivé, il fut heureux de constater que le bureau était vide. Un peu trop prévisible comme piège Mr Le Bibliothécaire se dit-il. Il décida malgré tout de fouiller les lieux impatient de voir ce que Gurvan lui réservait. Évidemment aucunes informations d'importances nécessitant une telle protections ne se trouvaient là. Ça aurait été trop simple se réjouit-il. Il chercha aux endroits alentours un petit peu plus secrets mais sans succès. Gardait-il tout sur lui ? Qu'est ce qui pouvait justifier un tel niveau de protections ? Enfin il n'était plus seul dans la pièce. Il a mis le temps pensa t'il tout en retenant un sourire.
- Vous cherchez quelque chose ? Demanda Gurvan accompagné par deux gardes impériaux.
- J'ai perdu la clé de ma chambre, j'ai pensé qu'elle serait peut-être tombée ici lors de notre entrevue mentit John sans se démonter.
- Je ne pense pas non, arrêtez cet homme Ordonna t-il d'un ton glacial.
- Vous n'allez quand même pas m'arrêter alors que toute la ville fête la résolution de mon affaire ?
- C'est effectivement un point sensible dont je compte discuter avec le chef de la garde.
Oh non pas Rolland... Le chef de la garde était une vieille connaissance qui détestait profondément John. C'était un très bon militaire qui manquait cruellement d'idée ou d'intelligence. John ne manquait pas une occasion de l'humilier sur chaque affaire se déroulant à la capitale. Et le militaire lui tombait dessus à chaque incartade. Je vous laisse imaginer le sourire de ce tas de muscles lorsqu'on lui confia le détective. Un aller simple au cachot. Tsss un peu simpliste mais bien joué Gurvan. Son intérêt pour le bibliothécaire et ce qu'il cherchait à cacher n'en fut que renforcé. Toutefois la fatigue lui tomba dessus comme une masse, en même temps depuis combien de temps n'avait-il pas dormi ? Il profita de ce temps pour se reposer et récupérer. Il fut tiré de son sommeil, quelqu'un applaudissait. Il releva la tête encore endormi. Alexandre... Il n'a pas l'air content. John reposa sa tête, souffla et ne fit pas l'effort de se lever.
- Dis-moi John, comment je suis censé faire récompenser les héros qui ont résolu cette sordide affaire, quand l'un a quitté la capitale et l'autre est au cachot ?!
- Tu fais ça ici, c'est plutôt confortable.
- Ce n'est pas une plaisanterie John ! L'impératrice te fait l'honneur de sa présence ! Est-ce que tu te rends comptes de l'image que ça donne ?
- Elle n'a pas mieux à faire ? De toute façon tu as étouffé ça et tu vas me faire sortir au nez et à la barbe de Rolland. J'ai hâte de voir sa tête.
- John je ne serai pas toujours là pour te sortir des bourbiers dans lesquels tu te fourres joyeusement. Et qu'est ce qui t'as pris d'aller fouiner chez Mr Lignillane ?
- Je ne sais pas encore.
- Lâche l'affaire ! S'exclama t-il en faisant ouvrir l'enclos.
John se redressa et regarda le conseiller. Il ne savait pas de quoi il s'agissait, il est juste à cheval sur l'étiquette, comme toujours.
Il est 11h, tu as quelques heures avant le début de la cérémonie, va te préparer et s'il te plaît, peux-tu au moins faire semblant de prendre ça au sérieux ?
- Rien de tout ça n'a d'importance.
- Pour toi peut-être...
Il était inutile de discuter plus là-dessus. John se contenta d'obéir, il lui était redevable après tout. Encore une fois la tête de Rolland valait son pesant d'or, mais devant le mécontentement de son ami, il ne se permit aucun commentaires cinglants. Arrivé dans sa chambre, il se prépara afin d'être parfaitement présentable comme le souhaitait Alexandre. Il le connaissait suffisamment pour éviter le moindre défaut. Il fit une pause pensif en vérifiant le dispositif de mort automatique qu'il avait sur le corps. La vision de Victoria enfant debout parmi les morts sur le champs de bataille lui revint brièvement. Elle lui manquait... Il irait la revoir une fois toute cette comédie terminée. Le dispositif était bien en place et ne se voyait pas à travers ses beaux habits.
Une fois prêt il se rendit au palais où il fut conduit devant la salle du trône. Alexandre vint à lui, l'inspecta de la tête au pied et esquissa un sourire ravi, en regardant John reconnaissant. Il le fit entrer dans la salle et le conduit à l'allée centrale avant de se retirer. L'impératrice assise sur son trône, entourée de tous ses conseillers et sa garde impériale lui faisaient face. Il avança, une bonne partie de la cour impériale était présente. La foule formant deux blocs le long de l'allée. Ce n'était pas digne d'un prince, mais ça restait plus prestigieux que ce qu'il avait en tête. Il remarqua Gurvan dans l'assistance alors qu'Alexandre avait repris sa place auprès de l'impératrice. Quelle perte de temps pensa John. Arrivé devant le trône, il s'inclina comme le voulait le protocole impérial et attendit. Interdiction formelle de regarder l'impératrice dans les yeux avant d'y être autorisé. Il attendit ainsi, qu'elle fasse son discours et vienne lui décerner le bibelot inutile qu'ils avaient choisi pour le remercier. Il jeta un léger coup d'oeil à son ami. Il semblait satisfait, une autre dette de payer pensa John pressé que ça se termine, n'écoutant pas un traître mot de l'impératrice, malgré sa jolie voix.
Elle finit enfin par s'approcher et lui demanda de se relever. Il s'exécuta sans la regarder, elle accrocha sa médaille à son veston puis leurs yeux se rencontrèrent. Ils se perdirent dans le regard de l'autre, une petite inspiration de surprise trahissant l'explosion de leurs coeurs respectifs. En deux mille ans d'existence c'était une première pour John. Sans même y réfléchir, il l'embrassa. Elle lui rendit son baiser, oubliant le protocole et le monde qui les entourait. Ces quelques secondes volées, étaient irréelles mais tellement jouissives. L'assistance était sans voix. Alexandre se décomposait littéralement sur place. Les gardes saisirent l'impudent, le soumettant à genoux, ils disposèrent leurs lames sur son cou, prêts à le décapiter pour l'outrage commis. Leur mouvement fut stoppé net par le cassant et absolu « Arrêtez ! » de l'impératrice Léonora XXXI, soulevant un nouveau vent de stupéfaction dans toute la cour. A la surprise de tout le monde pour qui le sort du détective était déjà scellé, elle ordonna qu'on l'enferme. Elle statuerait sur son sort plus tard. Alexandre s'avança pour contester cette décision, en désaccord avec tellement de règles. Elle le réduit au silence d'un seul regard. Elle fit de même avec la foule. L'incident était clos.
John fut emmené, sous la supervision de Rolland, sans la moindre délicatesse dans les geôles du palais. Mais il était loin de cette douleur, loin des railleries du militaire qu'il n'entendait même pas. Là allongé paisiblement sur ce nuage extrêmement doux sur lequel il avait été projeté depuis ce baiser. Il ne redescendait pas. Il le savait, il allait la revoir, rien d'autre n'avait d'importance. Il attendit dessinant et redessinant encore et encore toutes les lignes de son magnifique visage dans son esprit. Quel baiser ! Après plusieurs heures quelqu'un approcha, John se releva plein d'espoir et fut déçu de voir arriver Gurvan.
- Laissez-nous ordonna-t-il au geôlier et aux gardes.
Une fois qu'ils furent seuls il enchaina :
On peut dire que vous aimez vous faire remarquer...
- Je vous arrête tout de suite, je sais que vous m'avez testé dans l'intention de me recruter pour vos recherches. Je ne suis plus intéressé dit-il sèchement.
- Qu'est-ce qui m'a trahi ?
- Vous étiez bien trop préparé, rien n'était naturel répondit John en s'allongeant au sol, dos à son interlocuteur.
- Vous ne savez même pas de quoi il s'agit ! Et de toute façon vous avez raté mon test.
- Si j'avais raté vous ne seriez pas venu ici. Et sur ce que vous cachez, je vais choisir les plus décevants parmi tous ce qui m'est passé par la tête. Mmmmh la seconde salle des ombres ?
- Il y a une seconde salle ?! s'exclama Gurvan surprit.
- Oubliez ce que je viens de dire bon... La chapelle enfouie des pèlerins d'Aknor ? Pas de réaction. Certes... elle commence à être un peu connue celle-là. L'armée perdue des Golems d'argent du 3e empire ?
- Je vais y aller vous me faites perdre mon temps répondit Gurvan déçu.
- Les fidèles de Gorm ?
Il stoppa ses pas d'un coup.
Ah ! Tsss, vous m'aviez fait une si forte impression, quelle déception.
- Je ne comprends pas.
- Bien évidemment... Pfff, les fidèles de Gorm ont été annihilé il y a de ça presque deux siècles. Vous enquêtez sur une secte qui n'existe plus.
- Et si je vous disais, qu'elle existe toujours ?
- Absurde !
John savait pertinemment que les fidèles de Gorm n'existaient plus, il y avait personnellement veillé. Suite à l'enlèvement et la tentative de corruption de Victoria à leurs cultes, il avait dissous jusqu'au moindre novice de cette confrérie de dégénérés. De plus la crypte de Gorm à défaut de pouvoir la détruire, avait été scellé et laissé sous surveillance. Si même un seul cultiste avait survécu à cette purge, ce qui était déjà impossible, il n'aurait pu atteindre la crypte sans être repéré.
Je vous félicite de connaître cette « confrérie », il s'agit d'un pan de l'histoire hautement confidentiel, là-dessus je reconnais votre talent. Pour le reste, c'est vous qui perdez votre temps et vous ne me ferez pas perdre le mien. J'ai mieux à faire merci. Vous pouvez y aller maintenant.
Devant aussi peu de considération, Gurvan partit sans demander son reste. Des pas arrivèrent très peu de temps après son départ. Encore s'agaça John qui pensait avoir été clair.
- Je vous l'ai dit, je ne suis pas intéressé !
- Ce n'est pas l'impression que j'ai eu tout à l'heure.
La belle voix de l'impératrice eut l'effet d'un ressort sur John qui se releva d'un bond. Elle était là, seule. Impensable !
Vous m'avez mise dans une situation délicate, détective.
- Une gifle et une mise à mort aurait tout réglé.
Elle rigola. Un rire simple, presque enfantin.
- Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de vous ? Demanda t'elle tendrement.
- Vous me suivez, on quitte tous les deux cet endroit et on va boire un verre en ville pour faire plus ample connaissance. Je connais une adresse qui vous plairez.
Elle sembla hésiter un instant, John ne sut si c'était parce que la proposition lui plaisait ou si elle doutait de sa possibilité.
- Je n'ai pas l'impression que vous soyez en mesure de faire ce que vous dites.
- Vous voulez bien vous tourner et m'accorder une minute ? S'il vous plaît.
Elle le regarda longuement, intriguée mais finit par accepter et se retourna. Elle entendit des bruits métalliques, des pierres qui coulissent et des cliquetis puis plus rien. Lorsqu'il lui dit que c'était bon, elle fit un pas de recul, surprise en découvrant le détective a quelques centimètres d'elle. Rien n'avait bougé dans sa cellule, il n'était juste plus dedans. Elle le regarda suspicieusement.
- Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?
- Je ne serai jamais reparti d'ici sans vous revoir. On va le boire ce verre ?
Elle sourit, mais ce sourire s'évanouit très vite, comme si malgré ce qu'il venait de faire, la suite lui semblait impossible.
- Je...
- Écoutez ! Mon manteau est pendu là-bas dit-il en le désignant au bout du couloir. Vous enlevez vos affaires un peu trop cossu qui pourrait dépasser et nous trahir, vous l'enfilez, et couvrez bien votre visage avec la capuche. Le reste je m'en occupe. Je peux nous faire quitter le palais sans que personne ne s'en aperçoive. Le gérant du bouge où je veux vous emmener est un ami, il ne dira rien à personne. En plus il a un espace où nous pourrions être juste vous et moi, donc personne ne nous apercevra. Allez quoi, vous n'allez pas rendre mon évasion futile ?
- C'est complétement fou dit-elle le sourire aux lèvres devant un tel culot.
C'est ce qu'elle recherchait, cette sensation, ce sentiment de liberté sans bornes qu'elle avait éprouvé le temps d'un baiser. Malgré tous les risques et incertitudes de ce plan elle accepta. Plusieurs minutes plus tard, ils étaient incognitos devant une taverne miteuse en plein centre-ville. John leur avait fait quitter le palais via des passages secrets, certains connus de Léonora, se demandant bien comment le détective pouvait les connaître et d'autres qu'elle n'avait même pas imaginé. Mais qui était-il ?
Ça ne correspond pas à ce que vous m'avez promis lui dit-elle déçue face à la devanture crasseuse du bouge.
- Ne jamais se fier aux apparences lui dit-il malicieusement.
Il prit son poignet déclenchant un frisson mutuel. Ils se regardèrent un moment. Ensuite John l'entraina à l'intérieur. C'était certes très propre et étonnamment calme, mais rien ne différenciait cet endroit d'une autre taverne. John salua le gérant et posa une pièce sur le bar. En réponse ce dernier fit un mouvement de tête vers l'étage, leur accordant ainsi un genre de droit de passage, sans que le moindres mots ne soient prononcés. John avança entrainant l'impératrice vers un escalier. Sur le chemin, trop concentrée à analyser son nouvel environnement, elle percuta un client. Sa capuche faillit retomber et découvrir son visage, mais elle la rattrapa in extrémis, s'excusa tout en continuant d'avancer. Ils prirent les escaliers derrière le comptoir, quelques couloirs et d'autres escaliers, pour finalement arriver sur une cour, ressemblant à une petite prairie, au sommet des toits. Un arbre poussait là, s'élevant parmi les tuiles. Deux chaises et une table sommaires les attendaient au pied du Bauhinia en fleurs. C'était magnifique et improbable. John tira une chaise et lui fit un signe élégant l'invitant à s'assoir. Elle découvrit son magnifique visage et s'assit face à l'intriguant personnage, qu'elle avait malgré tout suivit sans la moindre prudence, dans cette folle aventure. Ils discutèrent durant des heures alternant entre sérieux, découvertes, rires, larmes et amour. Car ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre, instantanément sans prononcer le moindres mots.
Le temps défila à une vitesse folle sans qu'ils ne s'en rendent vraiment compte. La nuit avança. A l'heure qu'il était tout le palais, voire toute la ville devait être à leur recherche, mais ça n'avait aucune importance. Des bruits de pas finirent malheureusement par mettre un terme à leur entrevue. Persuadés qu'il s'agissait des troupes impériales, ils se relevèrent doucement, Léonora le ramena rapidement vers elle, pour lui voler un dernier baiser. Elle lui sourit et vit son visage grave alors qu'il regardait ceux qui venaient de pénétrer leur coin de paradis. Ce n'étaient pas les hommes de Rolland.
- Qui sont ces gens ? Lui murmura-t-elle.
- Je n'en ai aucune idée répondit doucement John alors qu'ils étaient encerclés.
Léonora le repoussa doucement en arrière avec son bras et fit face à leurs agresseurs. Elle lui redonna son manteau et dévoila ses habits de combat Vakra. Elle se mit en position mais les inconnus avaient visiblement prévu le coup. Ces saligauds savaient pertinemment qu'ils n'avaient aucune chance en combat direct, même en étant plus d'une vingtaine. Ils restaient à distance, pointant leurs armes à feux sur eux. L'un d'eux s'avança et lança des liens à John, il rata leur réception et les ramassa au sol. Il lui ordonna d'attacher l'impératrice, ce qu'il fit. Il la voulait vivante, se pourrait-il que...
Tu pourras te délier de ça assez facilement, ferme les yeux quand j'aurais tué l'un d'eux lui glissa-t-il subtilement à l'oreille.
Lorsqu'il eut fini, celui qui avait lançait la corde vint vérifier le noeud. Il paraissait solide et bien fait. Satisfait, il tira à bout portant sur la tête de John, sous les yeux horrifiés de Léonora. Lorsqu'il reprit conscience, elle était emmenée de force vers la sortie. Encore au sol le détective dégaina son pistolet et fit feu sur un des pourceaux qui la tenaient, le tuant sur le coup. Dans un moment suspendu dans le temps, il regarda rapidement Leonora pour s'assurer qu'elle se rappelait quoi faire. Profitant de la surprise général, il déclencha le dispositif qu'il avait mis au sol en faisant exprès de laisser tomber la corde. Elle ferma les yeux, une explosion retentit suivit d'un éclair vif aveuglant toutes les personnes dans la zone. John reprit conscience, l'explosion l'ayant tué sur le coup, pour voir Léonora libre, neutraliser sans pitié avec une précision et une violence extrême leurs agresseurs encore aveuglés. Vu l'importance de la lignée impériale, ces dernières sont entrainées dès leurs plus jeunes âges à l'art secret du Vakra. John ne l'avait pas vu en action depuis très longtemps.
Ces dégénérés gisaient tous à ses pieds maintenant, certains inconscients, d'autres morts. Encore essoufflée, elle regarda John, heureuse de le voir sain et sauf. Elle se rua dans ses bras.
- Je t'ai vu mourir dit-elle avec une pointe de désespoir en posant ses mains sur son visage.
- C'est facile de me tuer, moins de me faire disparaître.
- Je ne comprends pas.
- On devrait reparler de tout ça plus tard. Il faut que tu retournes au palais.
Elle acquiesça. Lorsqu'ils redescendirent, ils trouvèrent la dépouille du tavernier assassiné derrière son comptoir. John s'agenouilla près de lui, retira la dague plantée dans son abdomen et lui referma les yeux avec ses doigts. Il resta là un temps.
- Je suis désolée pour ton ami.
Le détective ne répondit pas, un ami... encore un qui rejoignait la déjà trop longue liste de ceux partit par sa faute. Comment avait-il pu être aussi imprudent ! Il finit par se relever fit un geste à Léonora pour qu'elle reste à l'intérieur. Il sortit, la rue était agitée, les gardes cherchaient l'origine du flash. La nuit était plus noire que jamais. Plus de tromblon pour se signaler... Il appela des gardes non loin et leurs ordonna d'aller chercher Rolland et Alexandre. Ces derniers connaissant le bougre et voyant son air sérieux, s'exécutèrent immédiatement. John rentra à nouveau dans la taverne.
- La garde impériale, Rolland et Alexandre, seront là dans moins d'une minute. Ils te raccompagneront au palais. Ça va aller ?
Elle acquiesça silencieusement.
- Quand je te reverrais ? Finit-elle par lui demander alors que des troupes approchaient.
- Je ne te ferai pas attendre longtemps lui dit-il en la serrant contre lui avant de l'embrasser. J'ai besoin de la coopération de Rolland ajouta-t-il.
- Je m'en charge.
Ils se séparèrent rapidement avant qu'ils ne soient surpris ensemble. Rolland enfonça la porte suivit de plusieurs gardes et Alexandre en retrait. John n'attendit pas et remonta examiner leurs agresseurs avant que toute la scène ne soit polluée. Léonora règlerait les questions en suspens, il n'avait aucun doute là-dessus. Arrivé là il eut la désagréable surprise de voir que tous ceux censés être encore en vie s'étaient suicidés. La mort plutôt que de parler... Il prit le temps d'examiner et fouiller chaque corps à la recherche du moindre indice. Aucun signes ou indices pouvant les affilier à un groupuscule connus. Si elle avait été préparée, cette attaque c'était décidée au dernier moment. Vu le gros risque d'échec, c'étaient tous des anonymes. La ou les personnes qui avait organisé ça, avait parfaitement couvert leurs traces. Il fut rejoint lorsqu'il eut presque fini par Alexandre, Rolland et quelques gardes. Son ami attendit qu'il lui fasse face pour lui assener un violent crochet au visage. Rolland ricana. Alexandre tint sa main douloureuse, essayant de cacher en vain qu'il s'était fait mal dans la frappe, alors que John tombait au sol.
- Tu n'es qu'un crétin ! Pesta t-il en massant sa main.
- Je sais dit John en massant sa joue. Elle est en sécurité ?
- Qu'est-ce que tu crois ?! Tu as trouvé quelque chose ?
- Pas vraiment...
- Suis-moi !
Ils redescendirent laissant Rolland et ses hommes nettoyer toute cette pagaille. Une fois dehors, Alexandre l'emmena non loin, dans une ruelle reculée, où ils ne seraient entourés par personne.
- Je ne suis pas stupide John. Rolland a peut-être gobé son histoire, mais pas moi. Je sais ! Comme je sais que tu vas régler cette affaire, pour elle... Mais tu ne peux pas ! C'est une impératrice bordel ! Promets-moi que tu ne la reverras pas !
- Je ne peux pas.
Il souffla exaspéré.
- En dehors de cette affaire ne comptes plus sur moi dit-il avant de retourner à la taverne.
John comprenait son point de vue. Après que Gorm fut scellé, chaque impératrice ne put enfanter qu'une fille unique, la lignée régnant sur Arthalia depuis. Accepter le risque qu'un roturier comme lui, puisse être le père de la future impératrice, était inconcevable. Mais John ne renoncerait pas à elle. En attendant il devait voir Gurvan. Sans surprise il le trouva à la bibliothèque impériale.
- Vous me croyez maintenant ? Lui demanda-t-il triomphalement.
- Je vous dois des excuses.
Ils ne perdirent pas plus de temps et mirent en commun leurs connaissances sur les fidèles de Gorm. Il s'agissait d'une secte vouant un culte a une très ancienne entité maléfique dénommée Gorm. Ce dernier fut emprisonné il y a plusieurs millénaires de ça, par la première impératrice Léonora. Par la suite, la lignée fut maudite. Ces fanatiques voulaient la kidnapper pour la sacrifier, afin d'ouvrir la porte de Gorm. Impardonnable ! John évita de révéler qu'il avait joué un rôle dans leur dissolution il y a 200 ans, chose qui n'était pas aisé avec Gurvan. Il fut impressionné par les recherches du bibliothécaire, plusieurs personnes au sein du gouvernement étaient déjà suspectes, il fallait enquêter sur eux en priorité. C'est exactement ce que pouvait faire John et ce qu'il manquait à Gurvan. Ils se mirent d'accord sur la stratégie à suivre. Il n'y aurait qu'eux deux au courant et personne d'autre. Pas même Léonora. En plus des filatures, il vérifierait l'identité de leurs agresseurs et l'origine des armes utilisées. Il faudrait vérifier la crypte aussi mais le plus discrètement possible.
C'était comme s'ils avaient travaillé ensemble depuis toujours. Leur réunion perdura jusqu'en fin de matinée, une fois tout fixé, John finit par prendre congés pour aller voir Léonora, évidemment en empruntant des voies détournées. Alexandre avait eu le temps de mettre tout en place pour l'empêcher de la voir. Il n'en voulait pas à son ami, même lorsqu'il fut suspendu à la fenêtre de l'impératrice, à plus d'une quarantaines de mètre du sol. Peu de chance qu'elle soit là mais qui ne tente rien... Il tapota la vitre, elle lui ouvrit quelques secondes après. Il n'arrivait pas à se hisser, elle le tira comme si son poids n'avait aucune importance pour elle. Elle l'enserra heureuse de le revoir. Ils s'embrassèrent doucement, puis avec de plus en plus de fougues et d'envies. La situation dérapa très vite sans qu'aucun d'eux ne puissent et ne veuillent la freiner.
CRACK !
AAAAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRGHHHHH ! Hurla John en se réveillant en sursaut sous l'effet de la douleur insupportable.
- Désolé John dit Victoria penchée au-dessus de lui alors qu'elle avait remis en place un de ses os cassé.
Elle continua ses explications mais John ne les entendit pas, à nouveau évanouit.
Edité 1 fois, dernière édition par maitredragon Le 21/10/2023
maitredragon - Chevalier - Le 09/11/2023
Ennemis comme alliés jonchaient le sol jusqu'aux collines limitrophes. Les soleils avaient entamé leurs descentes, empourprant le ciel, rendant ce tableau encore plus morbide. Pas de vainqueurs ni de vaincus, seulement des morts... Des morts par milliers. Ce n'était pas la première hécatombe à laquelle il faisait face, l'idée que ce n'était certainement pas la dernière l'attrista un peu. Toutefois son détachement face à la mort de ses anciens camarades, lui fit réaliser à quel point il s'éloignait un peu plus de sa condition d'humain. Ses poils se hérissèrent soudain. Il se sentit observé, un danger mortelle était proche. Il se tourna doucement, pensant que le moindre mouvement brusque déclencherait l'attaque. Ce qu'il vit le laissa sans voix.
Là devant lui, une enfant d'à peine 12 ans, se tenait à quelque corps face à lui. Debout, droite sur un monticule de cadavres, une épée beaucoup trop grande pour elle à la main. Son corps immaculé à l'inverse de sa lame. Son regard était ce qui le choqua le plus. Ses yeux n'exprimaient rien. Pas d'animosité, de désir de meurtre ou d'agressivité. Pas plus de culpabilité, remords ou regrets. Le vide complet. Elle ne semblait même pas le regarder, on aurait dit un esprit. Fuir n'était pas une option, il ne s'y trompait pas, la soulâme dans sa main, sa peau blanchâtre et cette aura d'infinie puissance. Il restait encore une annexée en vie... Cette bataille était donc un échec. Il se rappela le petit groupe d'annexés survivants, encerclés par cette armée, mais il n'avait absolument pas remarqué cette gamine. Tous gisaient au sol avec les autres maintenant. Etait-ce la seule à avoir survécu ? Pffff quelle importance... Il ne lui reste qu'une ou deux années à vivre. Elle est pourtant si jeune ! Il connaissait le processus d'expérimentation mais faire ça sur une enfant ! Les pontes de la coalition étaient impardonnables ! Il éprouva une grande compassion pour cette gamine, dont la vie éphémère n'avait été qu'un enfer.
Elle fondit sur lui à la vitesse de l'éclair, impassible, le tranchant en deux. Il sourit, la mort blanche pensa t'il. Il reprit conscience. Elle pencha sa tête légèrement sur le côté, comme intriguée même si son visage n'exprimait toujours rien. Elle trancha sa tête alors qu'il commençait à se présenter. Il reprit conscience. Elle le découpa à nouveau, cette fois verticalement alors qu'il continuait à parler. Il reprit conscience et cela dura ainsi, sur plus d'une centaine de tentatives, avec une exploration toujours plus innovante de la découpe. Une émotion apparue finalement sur le visage de la jeune fille, puis une autre. La surprise et l'incompréhension. Elle en avait marre de ses paroles futiles, elle ne lui en laissait même plus le temps, le tuant immédiatement dès son retour. Elle aspira même tous son sang, exaspérée de voir que rien ne fonctionnait. Mais rien n'y changea, il revenait à chaque fois.
D'autres émotions pouvaient se lire sur son visage maintenant, un peu de peur, toujours beaucoup d'incompréhension, de la fatigue et aussi de l'exaspération. La voyant ainsi, il proposa de s'arrêter là. Elle plongea rageusement sa lame dans son ventre, puis voulut la retirer mais, il garda la lame en lui avec ses mains. Visiblement c'était la première personne qu'elle rencontrait capable de toucher sa soulâme. Il la regarda avec miséricorde et l'amena à lui en enfonçant un peu plus sa lame en lui. Ce fut long et douloureux, la lame était longue. Elle aurait pu résister mais fatiguée et ne sachant comment réagir devant cette situation inédite, elle se laissa approcher. Il put poser ses mains sur ses épaules et lui demander son nom. Toujours incertaine de ce qu'il était en train de se passer elle bégaya :
- Vic... Victoria.
John se réveilla en sursaut. Il transpirait abondamment, le coeur encore battant. Léonora posa ses mains délicates sur son dos. Il la regarda reprenant conscience d'où il se trouvait.
- Désolé, je ne voulais pas te réveiller.
- Ça va ?
- Oui, je... Je devrais partir maintenant avant que quelqu'un ne nous surprenne dit-il en reprenant son souffle alors que l'aube n'avait même pas pointé le bout de son nez.
Elle le ramena dans le lit et se mit sur lui.
- J'ai une autre idée en tête.
Elle l'embrassa puis le regarda à nouveau comme si elle savait à quoi il pensait.
Ce n'était ni un rêve ni un cauchemar n'est-ce pas ?
- Juste un souvenir lointain.
- Ça concerne Victoria ?
Ce n'était pas une vraie question. Elle savait, ça dépassait l'entendement de John. Il acquiesça silencieusement.
Il lui avait parlé de Victoria, la nuit de la veille de son départ, pour retracer l'origine des armes de l'attaque dont ils avaient été victime. Il avait besoin de l'aide de sa partenaire pour ça et il ne pouvait revoir la vampire sans en parler à Léonora. Non pas que ça puisse poser un problème dans leur relation, Léonora étant assez ouverte sur ce sujet. Toutefois une relation de plus d'un millénaire la rendit envieuse.
Il dut lui expliquer déjà, bien plus tôt, sa pseudo-immortalité, pour qu'elle comprenne comment il avait pu survivre le soir de l'attaque. Il aurait pu lui mentir mais, il n'en avait aucune envie.
Un problème supplémentaire était surtout que l'impératrice d'Arthalia sache qu'une annexée ait survécu à la grande purge. Au passage qu'il ait réussi au détriment de l'éthique et des lois sur l'expérimentation, toujours en vigueur aujourd'hui, à la rendre immortelle, en faisant l'une des créatures les plus puissantes de ce monde, ainsi qu'un bon nombres d'autres lois violées... Cela méritait amplement plusieurs peines de morts. Ce fut une conversation longue et difficile.
De même avec Victoria, qui, bien qu'ayant vécu d'autres relations au fil des deux derniers millénaires, eut du mal à accepter le coup de foudre de son détective. Car il s'agissait bien de ça, ce qui rendait à ses yeux cette relation totalement différentes de toutes les autres. Et elle avait raison. Tout ça était fou.
Il caressa son visage, elle mordit un de ses doigts, le reste de la nuit ne sombra pas dans le sommeil. A l'aube il se rhabilla, prêt à partir, devant la moue boudeuse de l'impératrice.
Tu accepteras un jour d'être à mes côtés ?
- Léonora... Je ne peux pas tu le sais bien.
- Je veux dire quand toute ton affaire sera terminée ?
- Le duc d'Orchminster ne convient pas pour ce rôle ?
- Dans les rêves d'Alexandre. Ce serait plus simple si c'était toi.
- Pourquoi ? Je n'ai aucune légitimité.
- Parce que je t'aime.
Le coeur de John faillit exploser dans son torse. C'était la première fois qu'elle le disait.
Et je crois depuis le début.
Il se rapprocha tout doucement avant de s'agenouiller face à elle.
- Je t'aime aussi et ce, dès que j'ai croisé ton regard dit-il sans même y réfléchir.
Elle sourit, rougissant comme une tomate. Il l'embrassa tendrement.
- On en reparlera quand tout sera fini ? En attendant je te promets d'y réfléchir sérieusement.
Elle acquiesça et l'embrassa à nouveau avant qu'il ne quitte la chambre par la fenêtre. Il rejoint la bibliothèque pour sa réunion matinale avec Gurvan. Ça faisait presque un mois qu'il ne s'était vu. Après l'attaque ils avaient identifié tous les participants, mettant en lumière certains commanditaires. Les filatures et surveillances étaient principalement faites par John, même si Gurvan apprécié parfois de venir sur le terrain avec lui. Ils identifièrent ainsi plusieurs personnes. Certaines hauts placées. Ils explorèrent également la crypte une nuit, le plus discrètement possible. Gurvan trouva un passage dérobé permettant d'accéder à une succursale. Celle-ci n'existait pas auparavant d'après John. Cette salle accessible par plusieurs entrées, leur fit découvrir un véritable réseau de galeries. Creuser ça avait forcément laissé des traces. Ils durent battre en retraire devant l'arrivée de sentinelles. John réussit à retrouver les hommes qui avaient pu participer à un tel chantier. La plupart étaient morts, il n'interrogea pas les vivants mais les prit en filature, probablement des convertis. Il était trop tôt pour se trahir. Mais déjà l'arborescence de la secte grandissait et les preuves s'accumulaient. Ils continuèrent leurs investigations dans les galeries de la crypte, se déguisant même parfois en cultistes, les masques aidant à passer inaperçu, moins quand il fallait les enlever... La méthode payait mais était extrêmement risquée. Ils arrêtèrent lorsqu'un groupe faillit découvrir la supercherie.
Retracer la provenance des armes et qui en avait passé commande, demandait de plus grosses ressources. John avait besoin de l'aide de Victoria pour ça. Après plusieurs mois d'investigations intenses, au cours desquels, il avait noué une solide amitié avec le bibliothécaire, il partit. Un mois s'écoula durant lequel Gurvan continua l'enquête. A son retour, ils mirent en commun leurs découvertes, impressionnés mutuellement par leurs efficacités et ravi de se retrouver. Il ne restait que quelques subalternes à identifier. Ayant quasiment finit, Gurvan était retourné voir sa famille à Nerton plusieurs semaines. Son ami lui avait manqué, même si avoir plus de temps pour être avec Léonora fut très appréciable.
- Fatigué ? le piqua le bibliothécaire, un sourire aux lèvres à son arrivée.
- Salut, comme d'habitude, ne commence pas rétorqua-t-il.
- Tu as l'air soucieux ce matin ? Pourquoi ?
- J'ai identifié les derniers grouillots. On va pouvoir lancer tout le démantèlement.
- Ça concerne notre impératrice ?
- Comment s'est passé tes vacances ? Foulques va bien ?
- Tu t'en contrefous, n'essaie pas de changer de sujet.
- Tu ne veux pas connaître les dernières personnes impliquées que j'ai trouvé ?
- Non je te fais confiance. Suis-moi.
- Où ça ?
- Là où tu as besoin.
Assis à leur table habituelle, le petit déjeuner servit, il inspira profondément.
Toujours pas envie de parler ? Ni de manger ? Qu'est ce qui te tracasse ?
Il soupira.
- Je vais vers l'inconnu.
- C'est-à-dire ?
Il hésita.
- Léonora m'a dit qu'elle m'aimait ce matin. Et je lui ai dit que je partageais ces sentiments.
Gurvan ne put s'empêcher de rire.
C'est ça. Vas-y marre toi tsss.
- Non mais tu t'entends ? Tu dis ça comme si c'était la pire nouvelle du monde. Tu devrais sauter de joies. En tous cas je ne l'ai jamais vu aussi radieuse que ces derniers mois.
- Elle veut que je sois à ses côtés... Officiellement, quand notre affaire sera finie.
- Oh ! Ah oui ! Effectivement c'est un grand pas.
- C'est absurde.
- Pourquoi ?
- On se fréquente depuis quelque mois seulement. Et tu me vois dans le rôle d'empereur ?
- C'est vraiment important ? De quoi as-tu peur ?
- Je ne sais pas...
- Tu sais je ne suis pas stupide John. Je sais que tu as vécu bien des vies. Il faut au moins ça pour forger un tel niveau de connaissances.
Gurvan... Décidément ton intelligence est vraiment dangereuse pensa John.
Sur ce point je t'envie. Je ne sais pas comment tu t'y prends et ça ne m'intéresse pas de le savoir. Ce que je sais en revanche, c'est que l'immortalité est une malédiction te condamnant à la solitude. Pour ça, même si j'en avais la possibilité, je ne ferai jamais ce choix. Tu ne crois pas qu'il est temps pour toi de vivre ta vie auprès de celle que tu aimes ?
- Dixit l'homme qui vit à des kilomètres de sa famille.
- Aoutch ! C'est bas ça monsieur... il prit une bouchée de pain et se perdit dans la contemplation de l'horizon. En toute honnêteté, je pense partir réhabiter à Nerton quand notre affaire sera finie.
- Qu'est ce qui t'as décidé ?
- La santé fragile de Mallory. Je veux voir ma fille grandir, elles me manquent toutes les deux. Tu as aussi joué un rôle dans cette décision.
- Moi ?
- Oui, toi. Honnêtement je pense qu'atteindre ton niveau de connaissances était mon objectif égoïste en venant ici. Grace à toi j'ai compris ce qu'il fallait que je sacrifie pour y parvenir et, sans vouloir t'offenser, je refuse. Je sais que tu vas trouver ça banal, mais ma famille c'est ce que j'ai construit de plus beau dans ma vie. Toi qui en as l'opportunité aujourd'hui, ne laisse pas passer cette chance.
- Et si je ne suis pas prêt ?
- Ah ah ah ah personne n'est prêt pour ça et pourtant on y arrive tous chacun à notre manière lui répondit-il en souriant. L'important c'est de ne pas...
Gurvan ne put finir sa phrase, une explosion dévasta le bar et sa terrasse. Lorsqu'il reprit conscience John était étendu contre une maison en face du bar qui n'était maintenant qu'un amas de ruines et de cadavres déchiquetés. Les blessés hurlaient dans toute la rue alors que la poussière soulevée par le souffle de l'explosion, retombée doucement dans la rue. Il voulut chercher désespérément son ami, hurler son nom mais c'était la dernière chose à faire présentement. Parmi les décombres, il vit la tête arrachée d'un homme qu'il reconnut. Un fidèle de Gorm ! Ça ne pouvait être un hasard. Il refréna ses envies et réactions humaines. Sacrifier son humanité... Il rabattit sa capuche sur sa tête et se précipita maladroitement dans la première ruelle alors que la population commençait à s'amasser. Il ne put toutefois détacher son attention du bar, espérant encore voir son ami blessé parmi les autres, mais en vain. Il était mort, John le savait, il refusait juste l'évidence. Il en tremblait, les larmes coulant le long de ses joues. Il n'avait rien vu venir ! Ces chiabrenas allaient le payer cher ! Il ne sut à quel moment de leurs investigations ils furent repérés, mais il les foudroierait tous sans la moindre pitié. C'était une promesse !
Pour ça il devait rester mort pour un temps. Pardonne moi Léonora. Dans les heures qui suivirent, il entra discrètement en contact avec Alexandre, lui expliquant les grandes lignes mais surtout, pour qu'il confirme sa mort à l'impératrice et aux restes de la cour. Les causes de l'explosion étaient officiellement accidentelles.
L'enterrement de Gurvan eut lieu à Nerton. L'impératrice elle-même fit le déplacement ainsi qu'une partie de la cour. Une partie ayant commandité ce meurtre. Quelle insulte ! John assista de loin aux funérailles de son ami. Ce fut un déchirement pour lui de devoir rester ainsi un simple spectateur. Le comble fut atteint lorsqu'il vit l'état de sa bien-aimée. La tristesse était imprimée sur son visage malgré le paraître imposé à son rang. Il aurait aimé aller la voir, lui dire qu'il était toujours en vie, pour abréger sa peine, mais aucun risque ne devait-être pris. Il attendit donc que la cérémonie soit finie refrénant ses émotions. Le corps impérial finit par quitter la ville et la nuit arriva. Il alla alors sur la tombe de son ami, pour lui rendre un bref hommage. Je reviendrais te voir quand tout sera finit. Je te ferai alors part de ma décision. Une odeur âcre dans l'air lui fit réaliser qu'il n'était pas seul. Foulques...
- Je ne te poserai pas de questions, je sais que tu as tes raisons. Mais promets-moi une chose... dit-il la voix tremblante. Tu vas cravacher les fils de putains qui ont fait ça ?!
- Jusqu'au dernier.
Il vit son regard déterminé et n'eut aucun doute que c'était la vérité. Il y avait tant à dire... Mais ce n'était pas le moment. Ils se saluèrent et John entama son retour à la capitale. Là il organisa une réunion en toute discrétion avec Alexandre et Rolland. C'étaient des personnes de confiance. Toute animosité qu'il ait pu avoir entre eux, fut balayée par l'attitude du détective. Il était sérieux, déterminé et en colère. Ils eurent du mal à le reconnaître. La coopération se fit automatiquement et efficacement. Il leur révéla le complot qu'ils avaient découvert avec Gurvan et toutes les personnes impliquées, preuves à l'appui.
Ils passèrent le reste du mois à élaborer une opération coup de poing, avec pour objectif, l'élimination pur et simple et surtout quasiment instantanément de tous les fidèles de Gorm. Lorsque ce jour ou plutôt cette nuit arriva, Rolland entama les hostilités en purgeant l'armée de ses brebis galeuses. Ensuite chaque militaire avait sa cible et son emplacement à l'heure prévue. Pas de prisonniers ni d'arrestations. Comme prévu cette secte fut éradiquée en moins d'une heure. Pas un seul raté ne vint perturber le plan. Les fidèles de Gorm disparurent d'Arthalia, sans comprendre ce qui leur était tombé dessus.
A la fin de cette opération, John ne pensait qu'à une chose, retrouver sa Leonora. Il partit en direction du palais et fut rejoint par Alexandre. Il semblait inquiet. John savait déjà ce qu'il allait dire.
- Je te remercie pour tout ça. Toi et Gurvan avaient sauvé l'empire d'une grande catastrophe.
- Tu comptes m'empêcher de la revoir ?
- Non. Je voudrais que tu y réfléchisses deux minutes. Officiellement tu es mort et c'est dur pour elle, mais elle...
- J'ai pris ma décision le coupa t'il. J'ai choisi de vivre ma vie à ses côtés. On s'aime. Pourquoi tu n'arrives pas à te réjouir pour nous ?
Son ton sérieux coupa l'herbe sous les pieds du conseiller. Ce n'était plus l'homme qu'il avait connu.
- Ce n'est pas ça John. Ce n'est pas aussi simple...
- Ça l'est pour moi. Je ne veux pas passer un autre jour sans elle. Il m'a fallu perdre un être cher pour que je le comprenne. Je te repose donc la question, vas-tu m'en empêcher ? lui demanda t'il, en s'arrêtant devant l'entrée gardée du palais.
Ils se regardèrent un temps. Alexandre regarda les gardes alors que John ne le quittait pas des yeux. Son ami finit par aller voir un des gardes, qui l'accompagna ensuite jusqu'au détective.
- Il semble que je t'ai mal jugé, excuse-moi dit-il en s'inclinant. Il va t'accompagner jusqu'à sa chambre dit-il en désignant le garde.
- Tu crains que je me perde ? Demanda John soulagé.
Son ami esquissa un bref sourire avant de rebrousser chemin.
- Alexandre appela John alors que son ami partait. Il se retourna. Merci.
Le conseiller lui sourit puis continua sa route.
Une fois seul devant la chambre de l'impératrice, John frappa à la porte, son coeur se serra alors qu'il entendait ses pas approcher. Il aurait pu sortir de sa poitrine lorsque la poignée pivota. Il explosa quand il la vit, elle bloqua un souffle de stupéfaction, les deux mains sur sa bouche alors que les larmes coulèrent instantanément. Elle l'enserra d'un coup extrêmement fort, puis le repoussa, lui mit une gifle mémorable, saisit son visage, le serra fort dans ses bras et sanglota longtemps. Il voulut parler mais elle lui ordonna de se taire immédiatement. Ils restèrent ainsi très longtemps. Elle finit par l'entrainer dans sa chambre en l'embrassant frénétiquement, les choses dérapèrent à l'image de leur première nuit. Par la suite elle dormit collée contre lui, l'enfermant dans ses bras jusqu'au début de l'après-midi.
Elle aurait pu dormir ainsi encore longtemps mais, les demandes se pressaient à sa porte, il était impossible pour eux de passer la fin de la journée là. John lui expliqua toute l'enquête que lui et Gurvan avait faite, l'attentat et l'opération de cette nuit. Il fallait également faire murer entièrement la crypte et toutes ses galeries. Elle convoqua Alexandre qui, pendant qu'elle se préparait, lui fit un point sur le bazar que l'opération avait créé à la cour et qui nécessitait sa présence immédiate, il y a plusieurs heures déjà. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, elle vit John habillé et prêt à partir lui aussi. Elle s'arrêta net.
- Où crois-tu aller comme ça ?!
- Je vais me rendre à Nerton pour me recueillir sur la tombe de Gurvan. Il faut que je lui dise que j'ai l'intention de finir ma vie avec toi.
Elle faillit vaciller. Les larmes coulant à nouveau le long de ses joues. Elle l'enserra plus heureuse que jamais. Ça faisait beaucoup trop pour si peu de temps.
- Tu ne veux pas rester quelque jours de plus le supplia t'elle, réticente à l'idée de le perdre à nouveau même si, cette fois c'était temporaire.
- Je tiens vraiment à faire ça dit-il plus déterminé que jamais.
- Tu es donc bien décidé dit-elle en le regardant incapable de contenir sa joie.
- Nous devons y aller votre éminence lui rappela Alexandre au bout de la pièce.
- A ton retour j'aurais une surprise pour toi, alors reviens moi ! Lui dit-elle mystérieuse.
- Je ne compte pas m'enfuir lui dit-il avant de l'embrasser.
Elle quitta la chambre sans pouvoir détacher ses yeux de lui. Elle était plus radieuse que jamais.
Arrivée à Nerton, il attendit la nuit avant d'aller sur la tombe de Gurvan. Il creusa jusqu'au cercueil, une fois atteint, il y déposa son dispositif de morts automatiques et garda le vieil artefact qui l'avait fait survivre si longtemps en main. Il s'assit aux bords et raconta comment toutes leur affaire c'était achevée. Il finit par conclure en déposant l'artefact dans la tombe : Voilà ma réponse. Je vais suivre tes conseils. Repose en paix mon ami. Il reboucha tout comme si elle n'avait jamais été profanée. Une fois terminé, il rebroussa chemin. Il vit alors Victoria adossée à un arbre non loin.
- Tu comptais me le dire quand ? Lui demanda-t-elle en larmes.
- Tu étais ma prochaine destination.
- Alors tu t'es finalement décidé à mourir.
- Je me suis décidé à vivre.
- Tu vas me manquer.
- Ce n'est pas un adieu.
- Elle a de la chance dit-elle en essuyant ses larmes. J'espère qu'elle le sait.
- J'espère que tu trouveras également quelqu'un comme ça.
- Je l'ai déjà trouvé dit-elle tristement.
Il lui fit un câlin qui dura longtemps. Ils s'embrassèrent.
Fais attention à toi lui dit-elle tendrement en caressant sa joue.
Elle se recula et disparue dans un nuage de fumées noires. Il reprit sa route vers la capitale. A l'orée du bois, il vit les soleils se lever, déversant leurs éclats lumineux sur la plaine. L'aube d'une vie nouvelle commençait pour lui, cristallisée par ce paysage magnifique. Une détonation lointaine à peine audible, laissa place à un sifflement extrêmement aigu. Le néant devint sa réalité. Il fut alors attiré, l'impression d'être saisit et tiré violemment. C'était comme un appel... Un appel à lui.
John se réveilla en sursaut. Une douleur vive dans tout son corps lui fit regretter instantanément.
- Evite de trop bouger lui dit Victoria au-dessus de lui. Tu as une jambe et plusieurs côtes cassées. Je n'ai pas voulu te tuer, ton traqueur nous aurait repéré, alors il va falloir faire avec les anciennes méthodes.
- Aelys ?
- Elle n'est pas dans un meilleur état que toi dit-elle inquiète en la désignant allongée non loin.
Il regarda autour de lui.
- La plaine aux dolines ?
- C'est le seul endroit à proximité que j'ai trouvé pour nous mettre à l'abri.
- Bien, très bien, on n'est pas loin marmonna-t-il.
- Pas loin de quoi ?
- Je sais qui m'a tué.
maitredragon - Chevalier - Le 15/02/2024
- Dernière chance Aelys.
- On en a déjà parlé répondit-elle avec assurance je viens !
Elle prit sa main.
- Ne me lâche jamais ! Lui ordonna la vampire sérieuse.
Elle acquiesça silencieusement. Elles s'embrassèrent langoureusement puis, Victoria prit également John par la main, le trio traversa alors la frontière des arbres.
Après plusieurs minutes de marche, il était impossible pour Aelys de retrouver son chemin. Ces bois étaient sombres et profonds, une légère brume violacée voletait par endroit. Le ciel ne perçait qu'à de rares endroits ici-bas, donnant une impression oppressante de crépuscule constant. Pourtant cette foret n'était pas aussi terrifiante qu'elle l'avait imaginé. Il y régnait un silence inquiétant mais c'était plutôt... Paisible. La vampire restait sur ses gardes comme s'ils pouvaient tomber dans un guet-apens à tout moment. Pourtant rien ne vint. Ils marchèrent ainsi longtemps, Victoria les guidant lentement, en prenant bien soin de garder un rythme qu'il pouvait suivre dans leurs états. Ayant vécu en ces lieux jadis, elle était la seule à savoir où ils allaient. Pourtant il était clair qu'elle voulait arriver à destination le plus vite possible. Pourquoi diable était-elle venue s'installer ici ? Elle avait éludé cette question. La voie des airs était impraticable d'après eux et la téléportation impossible au grand réconfort d'Aelys. Malgré tout, ça aurait pourtant était tellement plus simple se dit-elle. John était étonnamment silencieux, concentré comme jamais, il était impossible de savoir ce qu'il avait en tête. Voir Victoria ainsi, sous tension permanente était un crève-coeur pour Aelys.
- Je commence à croire que tout ce qu'ont dit de ce lieu n'est que fadaises et fantaisies dit-elle pour détendre un peu l'atmosphère.
Aucune réaction de la part de John.
- N'en croit rien. Tout ce que tu pourras voir ici n'est pas réel. Reste sur tes gardes.
- Tant que je tiens ta main il ne peut rien m'arriver lui dit-elle en souriant
- Alors ne la lâch...
Victoria ne put finir sa phrase. Aelys et John avaient disparu. Elle se retrouvait petite dans la cuisine de sa maison d'enfance. Des larmes coulèrent le long de ses joues instantanément. C'était une matinée d'été, les champs dorés s'étendaient à perte de vue au dehors. Ils resplendissaient de plus en plus à mesure que les soleils se levaient. L'air était déjà chaud. Les cris de ses frères et soeurs jouant à l'extérieur, l'invitaient à les rejoindre. Son père se tourna vers elle et vit ses larmes, inquiet il posa ses mains sur ses épaules.
- Est-ce que ça va ma chérie ?
Depuis combien de temps n'avait-elle pas entendu sa voix. Elle posa sa petite main frêle sur sa barbe naissante. Elle l'enserra très fort dans ses bras.
- Tu m'as tellement manqué ! Dit-elle en sanglotant.
Il resserra ses bras autour d'elle.
- Ça va Victoria ? Lui demanda t'il inquiet.
- Je suis désolée, je suis si désolée répondit-elle en blottissant sa tête le plus possible dans la poitrine de son père, incapable d'arrêter ses larmes. C'était son odeur. Je ne peux pas rester.
- Qu'est-ce que tu racontes ma chérie ?
- Je ne peux pas rester avec vous.
- Je sais ma chérie lui dit-il en caressant ses cheveux.
- Quoi ?
- Tu sais même si tu pars avec la coalition, tu resteras toujours notre enfant. Tu pourras revenir ici quand tu le souhaiteras. On pourra aussi venir te voir.
Elle réalisa que c'était le dernier jour qu'elle passait dans son foyer. Elle savait ce qui allait arriver après-ça... Elle resserra son étreinte. Elle entendit sa mère sortir de la cuisine. Elle était si belle pensa Victoria en la voyant. Elle avait fait son dessert préféré.
- Je les ai faits spécialement pour toi lui dit-elle souriante en tendant l'assiette.
Victoria hésita un moment avant de prendre la pâtisserie. Elle mordit dedans craignant le dégout que toute nourriture lui provoquait depuis si longtemps. C'était délicieux pensa t'elle surprise. Elle engouffra le reste en un rien de temps. Ses larmes coulèrent de plus belle. Avait-elle vraiment le droit de rester là. C'était juste une journée... Non ! Il ne fallait pas c'était un piège ! Son plus jeune frère apparut à la porte.
- MAMAN ! Vient ! Elias n'arrête pas de tricher !
C'est vrai qu'il trichait souvent...
- J'arrive mon coeur. Tu m'accompagnes ? demanda sa mère en posant le plat et tendant sa main à Victoria.
C'était une illusion, elle le savait... Mais Victoria voulait juste revoir sa famille. Elle prit la main de sa mère.
John se retrouva à porter une pile de livres, bien trop lourde pour l'être chétif qu'il était. Il laissa tomber les livres au sol et vit qu'il portait ses habits d'apprenti. Son maître se tenait face à lui en colère.
- Petit maladroit ! Une punition s'impose dit-il avec un rictus pervers.
- De tous ceux que je pensais revoir ici, tu étais le dernier auquel je m'attendais dit le jeune Jonas, 11 ans à son ancien tuteur.
- Tu es bien impoli jeune homm...
- Silence vieillard ! Retourne à ta place parmi mes souvenirs !
Le vieil homme resta surpris un moment avant de ricaner. Il reprit ensuite de plus belle :
- Tu as bien grandi Jonas ou devrais-je dire John. Toi qui n'avais aucun don, peut-être n'étais-ce pas une erreur de te prendre sous mon aile après tout.
- Peuh ! M'as-tu appris quoi que ce soit hormis la perversion et les sévices ?!
- Et pourtant tu es resté...
- Je n'aurais raté ça pour rien au monde.
- EH ! EH ! EH ! EH ! Dis-moi John, le prix a payer en valait-il la chandelle ?
- Plus que tout. Je le referai sans hésiter ! Maintenant disparais !
- Je serai toujours plus qu'un souvenir John dit-il supérieur en s'évaporant dans un ricanement.
Bien essayé mais vous ne m'aurez jamais comme ça ! Pensa John sûr de lui. C'est alors qu'il entendit sa voix :
- John ?
Son coeur s'arrêta net. Il se retourna doucement pour se retrouver dans cette chambre qu'il connaissait si bien. Mais il ne prit pas le temps de la détailler.
- Léonora murmura-t-il le souffle coupé.
En la voyant, il sut qu'il était perdu.
Aelys se retrouva allongée sur son lit, dans les bras de son père alors qu'il lui lisait une histoire. C'était un récit comme elle les aimait petite. Elle se laissa aller quelques minutes ainsi, écoutant sereinement ces mythes d'anciennes civilisations, les larmes aux yeux. Son père était vraiment un très bon lecteur, c'était sa voix, son odeur, sa chambre d'enfant. Tout était là, magnifiquement à sa place mais elle dû se rendre tristement à l'évidence... ça ne pouvait être réel. Elle se redressa d'un bond sous l'incompréhension de son père.
- Je ne peux pas rester !
- Qu... Quoi ?
- Je suis désolé pap... Je dois repartir.
- Je ne comprends pas, ce n'est pas ce que tu voulais ?
Elle hésita une seconde avant de prendre la tête de son père entre ses mains, elle posa délicatement son front contre le sien et souffla un grand coup.
- J'aurais tant voulu que ce soit vrai. Je t'ai perdu et j'ai grandi sans toi. Je le regrette et le pleure chaque jour dit-elle en réfrénant un sanglot. Mais je ne vais pas vivre dans une chimère et perdre ceux qui me sont chers aujourd'hui. Pardonne-moi.
- Tu as bien grandi. Tu es devenu une jeune femme magnifique, ils ont de la chance lui répondit son père avec un sourire chaleureux.
Ce sourire acheva de la faire fondre en larmes. Elle prit sa main alors que tout s'évaporait et finit par lui sourire tristement en retour avant qu'il ne disparaisse entièrement.
De retour dans les bois elle essuya rapidement ses larmes et vit Victoria et John non loin, ils étaient là sans être là. Elle vit soudain une maison à l'horizon là ou visiblement la forêt s'arrêtait. Elle reconnut l'armement lointain de fusils. Elle se rua douloureusement, aussi vite qu'elle le put, sans même y réfléchir sur Victoria et la plaqua violemment derrière un arbre alors que plusieurs détonations retentissaient. John prit une balle en pleine tête et tomba au sol, raide mort. Victoria mit un certain temps avant de comprendre ce qu'il était en train de se passer. Une balle avait traversé son épaule. Une deuxième salve vint arracher une partie de l'arbre derrière lequel elles s'étaient abritées. John choisit ce moment pour se relever et s'abriter laborieusement derrière un arbre à côté du leurs.
- Parfait ! Maintenant on va avoir votre traqueur sur le dos en plus.
- Aucune chance, cette foret l'empêchera de me repérer précisément. D'ailleurs ce serait un cas d'étude intéressant. J'aurais été curieux de voir comment il va gérer ça et s'il bénéficit d'une protection de notre...
Une troisième salve arracha une partie de son tronc, le coupant dans ses réflexions à voix haute.
- On a un petit peu autre chose à penser là ! Lui hurla Aelys exaspérée pas son attitude à cet instant. Est-ce que ça va ? Demanda-t-elle à la vampire qui avait encore du mal à émerger. Sa blessure ne guérissait pas.
- Je... Je suis désolé dit-elle penaude les yeux larmoyants, une main sur sa plaie.
Une nouvelle salve vint faire pleuvoir le bois sur eux.
- Victoria tu es la seule capable de nous tirer de là. Tu penses pouvoir aller neutraliser notre homme ?
- Ce n'est pas notre homme intervint John. Si c'était le cas vous seriez mortes.
Aelys aurait aimé le contredire mais la blessure de Victoria ne guérissait pas. Plus ils restaient là et plus ils risquaient de retomber dans une illusion, les rendant terriblement vulnérables. C'était vraiment du suicide se dit-elle en regardant le détective, énervée.
- Je peux le faire dit soudain la vampire, la stoppant dans ses réflexions.
- Tu es sûre ? Lui demanda Aelys inquiète.
- On a vraiment le choix ? lui répondit-elle un léger sourire en coin.
Elle l'embrassa comme pour lui porter chance. Avant qu'elle ne parte à l'assaut, Aelys la retint par le bras.
- Tu ne tues personne hein ?
La vampire lui sourit avant de l'embrasser à nouveau, puis elle s'élança à une vitesse folle à travers les bois. Les coups de feu plurent dans tous les sens, un tintement métallique retentit dans toute la foret suivit de plusieurs hurlements. Le silence retomba. Aelys et John restèrent là, incertains, avant d'entendre la voix de leurs compagnes. C'était bon. Ils se relevèrent péniblement et s'avancèrent lentement.
- J'espère vraiment qu'on n'a pas risqué notre vie pour rien ! lui reprocha-t-elle.
- Personne ne vous a obligé à venir lui répondit-il sèchement.
- Vous seriez mort si je n'étais pas venue.
- Je suis mort ! Après un temps il ajouta : Mais je vous remercie de l'avoir sauvé.
Aelys ne s'y attendait pas. Ils firent le reste du chemin en silence sous la surveillance de Victoria, guettant le moindre risque de perdition. La forêt s'ouvrit autour d'une grande clairière circulaire au centre duquel, trônait fièrement une grande et ancienne maison. Malgré les récents et nombreux travaux dont elle avait bénéficié, un seul coup d'oeil suffit à Aelys pour voir que la bicoque datait d'un âge très ancien. Le lieu semblait paradisiaque en tous cas, herbe verte, ciel bleu, petit ruisseau à proximité, un potager et quelques cultures derrière la maison. Une énorme hutte à proximité de la maison attira son attention. Ça semblait être fait pour accueillir un volatile, mais vu la taille, l'oiseau aurait été géant. Heureusement elle était vide. Lorsqu'ils sortirent du bois, ils virent une femme et un jeune garçon ligotés, étendus inconscients derrière la vampire. Ils portaient des masques particuliers, probablement pour se protéger des effets de la foret. Deux fusils longue distance à répétition gisait au sol, l'un d'eux tranché net. Des armes particulièrement rares et couteuses pour une mère et son fils excentrés en pleine foret... Elle resta focalisée sur le garçon. Comment un gamin de cette âge pouvait déjà manier une telle arme ?
Je vous l'ai dit, ce n'est pas notre homme.
- Sa femme et son fils ? C'est ça votre plan ? Les prendre en otage pour le faire venir jusqu'à nous ? demanda Aelys désapprobatrice.
- Il est déjà en chemin. Il faut les mettre à l'intérieur dit-il en se tournant vers la vampire.
Victoria était devant la porte d'entrée perdue dans ses souvenirs. Aelys réalisa que comme la femme allongée à ses pieds, Victoria avait très probablement vécu elle aussi dans cette maison. Elle alla la voir malgré la complainte du détective, comme quoi ils devaient se dépêcher avant que leur cible n'arrive.
- Est-ce que ça va ?
Victoria se tourna vers elle, sourit et caressa sa joue délicatement.
- Oui ne t'inquiètes pas. Ça va se résorber avec le temps. Une cicatrice de plus dit-elle avec un sourire amer en regardant la plaie.
- Je ne parlais pas de ta blessure.
- Oh... euh, c'est juste, ça fait beaucoup de souvenirs en très peu de temps. Tu as revu ton père n'est-ce pas ?
Aelys acquiesça silencieusement.
Moi aussi dit-elle en souriant. J'ai aussi revu ma mère et j'ai joué avec tous mes frères et soeurs. J'ai même mangé ma pâtisserie préférée.
- Ça n'était pas réel.
- Je sais... C'est juste très dur de ne pas vouloir rester avec eux quand ça fait si longtemps et que leurs souvenirs s'effacent, toujours un peu plus avec le temps. Je suis désolée, je n'ai pas assuré sur ce coup.
- Eh ! Tu nous as sauvé la vie.
- Et ça n'aura servi à rien si on ne se dépêche pas de les mettre à l'intérieur s'exclama John impatient.
Victoria regarda sa bien-aimée, acquiesça d'un sourire timide avant de se détourner vers le détective. Elle fit lévitée les corps vers eux et s'attela sur le dispositif magique de la porte. Un système particulièrement complexe qu'Aelys n'avait encore jamais vu. Après quelque minutes Victoria débloqua la maison. Voyant le visage d'incompréhension de sa compagne elle lui dit :
- Je t'expliquerai à l'intérieur.
Ils pénétrèrent dans la maison qui, étonnamment, ressemblait à une maison tout à fait lambda. Un autre dispositif se trouvait près d'une porte, que Victoria ne mit pas longtemps non plus à déverrouiller. Un escalier descendait vers un sous-sol. Arriver là, plus rien n'était lambda. Une salle d'entrainement qui ferait pâlir les impériaux eux même. Une armurerie pouvant armer facilement tout un régiment. Une salle de soin prête à venir à bout de n'importe quel maux. Un cellier pouvant tenir un siège de plusieurs années. Et surtout un ensemble complexe de dispositifs magiques surveillant toute la zone, foret incluse. Aelys savait qu'ils partaient à la rencontre d'un tueur professionnel mais elle ne s'attendait pas à ça. Et encore moins que Victoria connaisse ces lieux par coeur. Elle semblait s'émerveiller de voir les changements qui n'étaient pas là auparavant. Les otages étaient réveillés. Ils restaient silencieux, guettant la moindre occasion, comme des prédateurs acculés. Ils étaient dangereux, aucun doute là-dessus. Toutefois malgré leurs sang-froid remarquable, il était clair qu'ils ne s'attendaient pas à ce que quelqu'un d'autre qu'eux ne foule ces lieux.
- Qui sont ces gens ? Murmura Aelys.
- Tu as déjà dû entendre parler de Richard dit « La plume » ? répondit Victoria sur le même ton.
Dans le milieu ce type était une légende, un tueur capable d'atteindre n'importe quelle cible a des distances phénoménales. Une plume comme signature, aucun visage connu. Probablement l'un des meilleurs tueurs professionnels sur le marché. Toutefois ça n'expliquait pas pourquoi Victoria avait vécu ici.
- J'en ai déjà entendu parler oui... Mais quel rapport avec toi ?
Elle hésita un instant.
- Il y a deux siècles environ, j'ai été enlevé par une secte. John m'a sauvé avec l'aide d'un homme. C'était l'arrière-grand-père de Richard.
- Tu es tombé amoureuse de lui pensa à voix haute Aelys pour qui tous les fils se recollaient Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?
- Honnêtement... J'avais peur que tu me juges.
- Jamais de la vie je...
- C'était un tueur professionnel lui-aussi la coupa Victoria. C'est une lignée très ancienne spécialisée dans ce domaine.
- Victoria j'ai aussi des ex qui me font honte et je...
- Non tu n'y es pas la coupa une fois encore la vampire. J'ai aimé cette homme pour tout ce qu'il était. Aujourd'hui encore je ne considère pas ça comme une erreur. Et je ne savais pas comment tu allais réagir vis-à-vis de ça.
- J'ai tué un soldat impérial... Je ne pense pas être bien placée aujourd'hui pour émettre le moindre jugement sur quiconque. Vous êtes restés longtemps ensemble ?
- Non pas vraiment... Enfin à mon échelle de longévité en tous cas. Je... Je ne pouvais enfanter et il avait besoin d'un fils pour perpétrer sa lignée.
- Là je vais le juger. C'est une des pires raisons de ruptures que j'ai entendues.
- Je ne vois pas les choses ainsi et je comprends sa décision. Tu sais c'est compliqué...
- Nous avons de la compagnie ! Interrompit John en ressortant de la salle de surveillance.
Il releva le garçon le bloquant contre lui avec son bras et posa le canon de son pistolet sur son crâne, le menaçant de le tuer au moindre mouvement. Comme s'il pouvait bouger, ligoté comme il l'était... Des signes de faiblesses commencèrent à apparaître chez la mère. Aelys était opposée à tout ça mais, garda le silence en suivant Victoria qui se mettait en position, près de la porte d'entrée, soulâme en main. Le silence complet s'installa et la tension monta crescendo dans les minutes qui suivirent. Soudain une explosion défonça la porte d'entrée. La seconde qui suivit, la Plume pénétra tel un éclair dans la pièce. Aelys ne sut qu'après, ce qu'il s'était passé les secondes qui avait suivi cette entrée fracassante. Pour elle il y avait eu l'explosion, la balle qui s'était arrêtée à un millimètre de son front, avant de retomber à ses pieds. Il y avait eu un ramdam incompréhensible avant que Victoria ne se stoppe, tenant à sa merci la gorge de l'assassin, immobilisé, à genoux devant elle. John habitué, mis moins de temps à comprendre ce qu'il venait de se passer alors que, les balles et couteaux venaient juste de tomber à leurs pieds. La poussière quitta peu à peu la pièce.
La Plume avait profité de la surprise et la poussière de l'explosion, pour tirer sur Victoria et Aelys avec son arme à feux, tout en lançant simultanément 4 couteaux. Un au visage de John, un autre sur le pistolet que tenait le détective et les deux derniers pour libérer sa femme et son fils de leurs liens. Mais aucun de ses projectiles n'atteignit sa cible, arrêtez in extremis par les pouvoirs de Victoria. Celle-ci était passée à l'offensive la seconde qui avait suivi, enchainant les attaques fulgurantes. Le bougre avait réussi à suivre son rythme un moment, avant de finalement se faire trancher les tendons des membres, finissant à genoux, les bras ballants alors que, Victoria mettait sa soulâme sur sa gorge. Sa légende n'était clairement pas usurpée, pensa Aelys qui comprit assez vite qu'ils avaient failli tous y passer. Toutefois dans l'état dans lequel la vampire l'avait laissé, il ne pourrait plus jamais manier une arme efficacement. Le désespoir apparut sur les visages de son fils et sa femme alors que, Victoria balançait au loin son casque, révélant le visage de la légende déchue.
- Vous êtes qui ?! Demanda t'il péniblement.
- Une simple cible répondit agressivement John. Un tir dégagé dans une plaine à l'orée de la foret de Nerton.
La Plume regarda John et comprit. Victoria fit un signe à Aelys pour qu'elles quittent la pièce, afin de les laisser régler leurs comptes. Mais voir le gamin sous le joug d'une arme à feux, était trop pour elle
- Vous vous êtes bien vengés. Il ne pourra plus exercer dans son état. Vous pouvez l'interroger sans menacer le petit maintenant.
John eut juste un petit rictus comme réponse.
- Aelys... murmura Victoria
Soudain elle comprit.
- Vous ne comptez pas l'interroger... pensa-t-elle à voix haute.
- Cette homme est un professionnel, il n'a aucune idée de qui l'a engagé répondit froidement le détective.
- Vous avez risqué nos vies !
- Victoria dit-il soudain à la vampire.
Cette dernière toucha l'épaule de sa bien aimée et avant qu'elle n'ait le temps d'objecter, elle se retrouva dans la clairière devant la maison, à quatre pattes en essayant de se retenir de vomir.
- Tu savais ! Dit-elle péniblement.
La vampire ne répondit pas. Elle regarda l'aigle géant sur lequel était sans doute arrivé La Plume, qui avait sorti la tête de sa hutte. Il avait lui aussi un masque sur mesure. Elle lui jeta un regard l'enjoignant à rester là, ce qu'il fit.
Tu ne peux pas être d'accord avec ça !
- Aelys... Que je sois d'accord ou non, ça ne me regarde pas.
- Comment peux-tu dire ça ?! Il n'a même pas 12 ans.
- Ce garçon n'aurait pas hésité à te tuer, arme en main.
- Je devrais m'en réjouir alors ?! Dit-elle outrée.
- Je t'avais dit de ne pas venir avec nous.
- Je croyais qu'on était venu enquêter !
- Non. John ne connait pas encore le commanditaire mais, il pense le trouver à la capitale.
Aelys allait encore protester quand deux coups de feu retentirent de la maison. Quelque minutes de silence pesant plus tard, John sortit lentement de la bicoque. Il s'approcha d'elles et leur jeta les masques qui leurs permettraient de retraverser la foret en sécurité. Il se tourna vers l'aigle qui avait ressorti la tête de son nid. Il tira dessus, arrachant son masque. L'animal décolla vers une mort certaine sans cette accessoire. Aelys malgré son état, arma un crochet. Son mouvement fut stoppé par Victoria. Elle se sentit trahie.
- Vous les avez tués ?! demanda-t-elle furieuse au détective.
Il ne prit pas la peine de lui répondre se dirigeant vers les bois. Victoria voulut prendre sa main pour la guider vers la foret mais, elle refusa en la retirant abruptement. Elle se regardèrent longuement sans qu'aucune d'elles ne prononcent le moindre mot. Finalement la vampire acquiesça compréhensive et triste face aux larmes et à la colère d'Aelys. Elle les guida à distance, les faisant sortir de la foret comme elle les y avait fait entrer. Ils se mirent alors en route vers la capitale dans un silence de mort. Victoria avait eu raison, rien de bon n'était arrivé dans ces bois.
maitredragon - Chevalier - Le 16/02/2024
Agent 258
Objet : Détection infructueuse
Votre éminence,
Après plusieurs jours d'attente sans succès au sein de la capitale, j'ai pu détecter la présence de Jonas. J'ai été surpris en me rendant sur les lieux de ne pas tomber sur lui directement. Je me suis retrouvé dans une position délicate, le lieu étant une sorte de forêt magique hallucinogène. Ma propre vie aurait pu être menacée sans sa protection, gloire à lui.
Mes recherches étant infructueuses et non sécurisées, j'ai renoncé à ma grande honte, à retrouver Jonas dans cette foret. De retour à la capitale, je connais un endroit où je suis sûr qu'il se rendra. Je l'alpaguerais alors sans faute à ce moment.
Gloire à lui.
maitredragon - Chevalier - Le 12/03/2024
- J'ai mis le temps mon amour... Pardonnes-moi dit John aux bords des larmes sur la tombe de sa bien-aimée, l'impératrice Léonora XXXI.
Quelque chose attira son attention dans l'édifice. Il soupira, dérangé dans son recueillement.
Je sais que tu es là, Phuqiohr.
L'homme en noir qui le traquait depuis des mois, sortit de derrière une colonne.
- John lui dit-il en le saluant.
- Je sais que je ne suis pas en position de demander quoi que ce soit, mais j'aimerai être seul avec elle quelque minutes, s'il te plaît. Je ne vais pas m'enfuir, j'ai à te parler. Tiens, en guise de ma bonne foi.
John lui tendit le prototype volé. Phuqiohr ne s'attendait pas à ça, comme souvent avec John... Il avait lu toutes les pages du grimoire le concernant. Il savait qu'il viendrait ici et quelle importance ça avait pour lui. Il prit le prototype.
- C'est un peu maigre tu ne crois pas ?
John ouvrit sa chemise et alluma son dispositif de mort automatique. Les deux hommes se regardèrent un moment.
- Tu es un emmerdeur John finit par concéder Phuqiohr.
- On me le dit souvent.
Phuqiohr le connaissait bien, il savait qu'il ne lui ferait pas faux bond. Et puis dans son état, seul, il ne pourrait pas aller bien loin.
- N'abuse pas de ma patience le menaça t'il.
- Merci.
Il disparut laissant John enfin seul avec Léonora.
J'avais pris la décision de vivre ma vie à tes côtés. J'ai laissé l'artefact auprès de Gurvan, je voulais qu'il sache. Sur le chemin du retour, un assassin de renom a eu ma peau. Ce qu'il s'est passée par la suite est un peu flou pour moi. Disons que j'ai été appelé par une puissance sans limite sur un autre plan. Nous qui ne connaissions qu'Arthalia... Sache que bien d'autres mondes existent. J'étais à nouveau en vie, sur un plan étranger aux connaissances nouvelles et innombrables. Imagine ma joie. C'est une secte, ironique non ? Tu n'aurais pas été d'accord je pense, mais quelle importance maintenant... J'aurais tant aimé que nous découvrions ça ensemble. Ton visage n'a jamais disparu de mon esprit. Je savais que tu m'attendais. Finalement une occasion s'est présentée avec les phyrexians et je suis revenu sur Arthalia. J'ai failli sombrer dans le désespoir quand j'ai appris que tu... Tu étais morte... depuis 14 ans... Désolé... Je suis tellement désolé de ne pas avoir été là ! Il essuya ses larmes. Je vais retrouver les responsables ! Je t'en fais la promesse ! Repose en paix mon amour. Je t'aime.
Beaucoup de larmes avaient coulé sur sa pierre tombale. John ne voulait pas partir. Il resta encore un temps auprès d'elle avant de se résoudre à la quitter une nouvelle fois.
Une fois dehors, il rejoint Phuqiohr dans le cimetière attenant.
- Où sont tes acolytes ? Demanda t'il suspicieux.
- Le voyage a été éprouvant pour elles aussi. Je les ai laissé à l'auberge.
- Bien. Tu voulais me parler je crois, on va faire ça sur les terres originelles.
- Je ne peux pas y retourner. Pas maintenant, je suis à ça de trouver le commanditaire de mon meurtre.
- Je ne vois pas bien en quoi ça me concerne...
- J'ai besoin de ton aide.
- Eh beh... Tu ne manques pas de souffle mon salaud. Vas-y, continue, ça m'intéresse.
- J'ai besoin de quelqu'un comme toi pour mon enquête...
- John je t'arrête tout de suite, j'en suis déjà à mon cinquième rapport décevant où j'ai fait part de mon incompétence à te retrouver. Je suis moi-même le premier étonné que notre éminence ne m'ait pas remplacé. Ne force pas ta chance !
- Tu t'es porté volontaire avoue ? Tu peux lui envoyer un rapport en lui disant que tu m'as attrapé et que tu règles deux-trois détails sur place avant de rentrer.
Phuqiohr en resta bouche bée, il rit nerveusement.
- John il n'y a vraiment que toi qui ait la prétention de penser pouvoir rouler notre dieu.
- C'est une demi-vérité et en plus tu as récupéré le prototype réparé et fonctionnel.
- Tu as réussi évidemment... Les ingénieurs vont te détester.
- Ils feront la queue, comme tout le monde. Une semaine, c'est tout ce dont j'ai besoin.
Phuqiohr regarda l'horizon tout en faisant des signes de tête désapprobateur. Il se rappela que Jonas l'avait tiré d'affaire lors d'une de ces enquêtes. Raison précise pour laquelle il s'était porté volontaire pour cette mission. Tsss quel emmerdeur !
- 3 jours.
- 4 ?
- Je peux te ramener tout de suite si tu préfères !
- Ok 3 jours, ce sera suffisant. Merci.
- Ne me fais pas regretter cette décision !
John acquiesça. Phuqiohr régla alors les questions administratives.
Rapport de mission N°1598
Agent 258
Objet : Arrestation de Jonas et restitution du prototype X-698
Votre éminence,
J'ai arrêté Jonas et récupéré le prototype X-698. Je vous renvoie par la présente le prototype, il semble parfaitement fonctionnel maintenant. Je règle quelque détails et vous amène le prisonnier d'ici trois jours.
Gloire à lui.
Il relu son rapport toujours convaincu que c'était une immense erreur avant de l'envoyer.
Ce n'est pas bien... pensa-t-il à voix haute.
- Tu as toujours été trop procédurier.
- C'est un comble venant de toi !
Ils sortirent du cimetière pour regagner les rues de la cité. Les soleils avaient commencé à pointer le bout de leur nez à l'horizon. La capitale était encore endormie.
Aelys sursauta lorsque John tambourina à la porte de leur chambre, les enjoignant à se préparer et descendre. Elles restèrent un temps silencieuses, se regardant sans savoir quoi dire l'une à l'autre. Le détective avait interrompu leur discussion qui durait déjà depuis plusieurs heures. Le début de la nuit avait pourtant été si bon, pensa Aelys comme s'il s'agissait d'un jour déjà très lointain.
- Tu es sûr de toi ? Demanda soudain Victoria, sa voix se brisant sur la fin.
- Je suis désolé.
- Et cette nuit ? Ça ne compte pas ?
Aelys essuya ses larmes, elle étouffa quelque sanglots.
- Je ne peux pas vous suivre. Ce qu'il s'est passé dans la foret... Je... Je ne peux pas.
- Comment vas-tu rentrer à Nerton ? Demanda la vampire essuyant ses larmes à son tour.
- Je ne sais pas...
- Et moi ? Tu n'as plus l'intention de me livrer aux Svalariens ? Demanda-t-elle une main sur le poignée que la jeune fille avait menottée au sien.
- Je n'ai jamais eu l'intention de te livrer. J'étais déjà en train de tomber amoureuse à ce moment-là dit-elle avant de s'effondrer.
Victoria vint la prendre dans ses bras. Elle se calma un peu.
J'aurai tant aimé pouvoir moi aussi suivre ce chemin avec toi.
Elles restèrent un temps ainsi, Victoria posa son front contre le sien.
- Je comprends. Je suis désolé. Sache que mon château te sera toujours ouvert. Je veillerai toujours sur toi.
Elles resserrèrent leurs étreintes et restèrent ainsi longtemps. Elles finirent par se résoudre à descendre, dans un silence mortuaire, pour rejoindre le détective qui ne cessait de se plaindre. La présence de Phuqiohr auprès de John les prit de court. Il devança leurs réactions.
- Vous connaissez déjà Phuqiohr. J'ai passé un accord avec lui pour qu'il nous aide. Dans notre état ce sera la bienvenue. En plus vu qu'il s'agit d'une secte concurrente, l'intérêt est double.
- En écha...
- Attendez quoi ?! Demanda soudain Aelys coupant Victoria. Le mot secte ayant attiré toute son attention.
John la regarda surpris, devinant qu'elle savait pour son père.
- Qui vous a parlé de ça ?
Elle comprit immédiatement de quoi il parlait.
- Un messager de l'empire.
- Vous avez son nom ?
- Non.
- Décrivait le moi.
- Je ne m'en souviens pas. Quelle importance de toute façon ? C'était il y a des années. Ces dégénérés n'existent plus, grâce à mon père.
- Je l'ai cru aussi... Finit-il par dire après avoir pleinement prit conscience de l'ironie de la situation. Je ne referai pas deux fois la même erreur.
- Si vous allez à la crypte de Gorm, je viens avec vous dit-elle déterminée n'ayant plus du tout en tête, pour l'instant, de retourner à Nerton.
Victoria était partagée entre le soulagement de ne pas la perdre tout de suite et la désapprobation. Elle resta silencieuse. John regarda la vampire, elle était triste et évitait son regard. Il n'émit alors aucune objection, pressé de mettre un terme à toute cette histoire. Et pour ça il comptait bien supprimer toutes les pistes, même les plus improbables. Une fois arrivés devant la crypte, ils virent l'entrée parfaitement scellée. John éprouva un petit soulagement. Il vit soudain un détail qui était susceptible de l'inquiéter. C'était comme si les pierres avaient été bougées pour libérer le passage avant de se refermer comme avant.
- Victoria ?
La vampire qui n'était jusqu'alors concentrée que sur Aelys, vit le regard de John et comprit. Elle étendit ses sens au maximum pendant une longue minute.
- Il y a 5 personnes en bas.
- Des cultistes ? Demanda Aelys incrédule.
- Je ne sais pas.
- On fait quoi maintenant John ? Demanda Phuqiohr qui avait gardé le silence jusqu'à maintenant.
Soudain les pierres à l'entrée s'ouvrirent. Ils se regardèrent chacun constatant qu'aucun d'entre eux n'étaient à l'origine de ça. Maintenant la crypte les invitait à entrer.
C'est un peu gros comme piège.
- Ce serai impoli de refuser une telle invitation répondit John avec un sourire.
- Peut-être pouvons-nous les surprendre lui suggéra la vampire.
Il acquiesça. La vampire tendit sa main, John la prit. Phuqiohr suivit le mouvement lorsque les regards se tournèrent vers lui. Ils regardèrent alors Aelys qui hésita un instant sachant ce qui l'attendait. Elle se résigna silencieusement et posa sa main également. Victoria se téléporta devant la porte de Gorm où étaient regroupés les inconnus. Aelys vomit. Victoria dégaina sa soulâme rapide comme l'éclair et la mis sous la gorge de la première personne à portée. John les mit en joue avec son pistolet et Phuqiohr dague en main, sur le qui-vive, se tenait près à recevoir le premier qui approcherait. Le groupe en face sembla surpris par une telle entrée. Pour autant aucun d'eux ne se montra agressif. Un homme tout de métal s'avança doucement, probablement le leader. Victoria tenait sous sa lame une femme d'âge mûr à qui il manquait le bras droit. Aelys avait failli vomir sur une vielle loutre humanoïde qui regardait ce spectacle avec dégout, tout en faisant des commentaires désobligeants. Un homme blond, torse nue se tenait au fond de la pièce avec une immense guerrière au style barbare. Ils se tenaient sur leurs gardes. L'homme de métal prit la parole :
- Je vais vous demander de baisser vos armes, s'il vous plaît.
Il portait une sombre épée à la ceinture.
- Attendez une minute, vous êtes Jyro ? Demanda John en baissant son pistolet.
Ils semblèrent tous surpris.
- Excusez-moi, mais vous êtes ?
- Vous ne me connaissez pas. J'ai enquêté sur la disparition de votre père. C'était une de mes premières affaires, tu te souviens Phuqiohr ?
Phuqiohr acquiesça, se relâchant un peu.
- Vous faites partie de la secte de mon père ?
- Nous deux, oui mais pas elles dit-il en désignant Aelys qui se relevait péniblement et Victoria qui tenait toujours Lyanne sous sa soulâme. A l'époque j'avais pu découvrir comment et où l'homme qui nous avait infiltré avait tout planifié. Je n'ai malheureusement pas pu enquêter entre les plans. J'ai appris plus tard la mort de votre père et l'affaire a été classée.
- Est-ce que votre amie peut baisser son arme ? A moins que vous ne soyez là pour les esclaves ? Demanda Jyro.
- Les esclaves... répéta John dans l'incompréhension.
- Il parle du démantèlement d'un de nos fournisseurs l'éclaira Phuqiorh.
- Ah oui ça... Euh non nous ne sommes pas là pour ça. Enfin je ne crois pas se demanda t'il en se retournant vers le traqueur pour confirmation. Ce dernier confirma. D'ailleurs vous êtes là pourquoi vous ?
- Je vais vous répondre mais seulement quand mon amie ne sera plus menacée déclara l'automate.
John regarda Victoria et lui fit un signe affirmatif de la tête. Elle fit disparaître sa soulâme.
Bien. Nous sommes ici pour tuer l'entité maléfique qui est enfermé en ces lieux. Et vous ?
John en resta bouche bée.
- Vous allez tuer Gorm ? Demanda t'il incrédule.
- C'est le dernier de la liste répondit nonchalamment Hubert.
John se retourna à nouveau vers Phuqiorh, voir s'il comprenait quelque chose a tout ça, mais il semblait autant nager dans l'inconnu que lui. Voyant leur incompréhension, Jyro prit le temps de leur expliquer, alors que ses acolytes s'affairaient à mettre en place un ensemble de technologies, clairement venues d'autres plans. Après avoir démantelé l'organisation d'esclave, Jyro et son équipe, s'étaient mis à traquer le reste des fanatiques qui avait enlevé son père jadis. Ils avaient trouvé une organisation aux multiples ramifications sur différents plans, vénérant 7 entités maléfiques. Tuer les sectateurs ne suffisait pas, ils mirent donc au point une méthode pour atteindre les entités dans leurs propres dimensions. Seul Jyro pouvait s'y rendre sans mourir et son épée était suffisamment puissante pour tuer ces êtres maléfiques. Jusqu'à présent ils en avaient tué 5. K-Joe étant mort, Gorm était effectivement le dernier de la liste comme l'avait dit la loutre.
- Vous n'étiez pas accompagné par une araignée géante ? Demanda soudain Phuqiorh curieux de recouper les informations qu'il détenait.
L'évocation de Jiji sembla les renvoyer à un souvenir douloureux, particulièrement pour Lyanne et Hubert, qui détournèrent le regard sans répondre.
- Jiji a péri lors des invasions phyrexiannes dit Jyro tristement.
Ça ne semblait pas tout à fait exact constata John. Pour lui l'animal avait probablement été parachevé comme c'était courant durant ce conflit. Ils avaient dû se résoudre à la tuer, d'où ces réactions particulières. Toutefois il ne posa pas la question, les atrocités de cette guerre était encore fraîche. John expliqua à son tour la raison de leurs présences en ces lieux. Il dû toutefois se rendre à l'évidence, les fidèle de Gorm n'étaient pas réapparus.
L'automate leur expliqua la suite des évènements. Une fois la porte de Gorm ouverte, Jyro allait foncer dedans et combattre l'entité. Pendant ce temps, un flot de créatures allait se déverser sur eux jusqu'à ce qu'il en ait fini avec Gorm. Ces créatures ne pouvaient être défaites que par des armes spécifiques, aussi Jyro leur conseilla, pour leur sécurité, de repartir. Hubert rajouta qu'il ne voulait pas d'eux dans ses pattes. John voulait absolument voir la chute de cette maudite entité. S'ils réussissaient la lignée impériale ne serait plus maudite. Et pour palier au fait qu'ils les dérangeraient, il proposa l'aide de Victoria et Phuqiorh sans même les consulter. Sigrid avait devancé Jyro en les entendant, elle s'avança pour tester leurs armes voir s'ils seraient réellement utiles. Phuqiorh refusa disant qu'il se débrouillerait. Il était visiblement irrité, Sigrid le sonda un moment avant de passer à Victoria. Elle opposa sa hache à la soulâme de la vampire, elle parut étonnée avant de la valider. Elle regarda ensuite Aelys et John.
- Dans votre état vous allez juste nous déranger. Mangez-ça leur ordonna-t-elle en sortant deux petites boules étranges d'une de ses besaces.
- Tu ne vas pas gâcher des baies ! S'insurgea Hubert.
- On a fait le plein, il y en a assez pour tout le monde le réprimanda la barbare.
John et Aelys se regardèrent incertains. Toutefois sous le regard intimidant de la guerrière, ils avalèrent les « baies ». Le goût était ignoble. Ils se plièrent soudain de douleurs. Victoria regarda méchamment Sigrid, prête à la pourfendre. Cette dernière lui fit signe de regarder, ce qu'elle fit à nouveaux. Au bout d'un moment, John et Aelys cessèrent de convulser et se relevèrent. Ils ne souffraient plus et leurs blessures avaient complètement disparu. Sigrid inspecta alors leurs armes. Elle reconnut la qualité de l'épée d'Aelys, toutefois en l'état, elle serait inefficace. Elle apposa une rune sur la lame qui se mit à bleuir. Elle l'informa que la rune était temporaire mais, lui permettrait de pourfendre n'importe quelle créature. Elle fit de même avec le pistolet de John, malgré l'évidente désapprobation de la loutre. Joshua leur annonça que tout était en place.
Tout ce petit groupe vint alors leurs expliquer leurs rôles dans ce qui allait suivre. Une fois que Jyro aurait traversé, Lyanne mettrait en place un ensemble de pièges de roches directement devant la porte. Ça limiterait drastiquement l'arrivée des monstres. Pour ceux qui arriveraient à passer, Joshua les cueillerait au corps à corps au centre. Hubert et Sigrid gèrerait les flancs. Leur formation semblait déjà parfaite. John serait en soutien à distance protégé par Phuqiorh. Sigrid décida de placer Aelys entre elle et Lyanne. Quant à victoria, au vu de ses capacités et de sa mobilité. Elle serait l'électron libre de la formation. John, Aelys, Phuqiorh et Victoria se mirent donc à leurs postes alors que tous s'affairaient autour de Jyro. Les artefacts se mirent à siffler et vibrer dans tous les sens, projetant de nombreuses étincelles. Sigrid demanda à Jyro d'être prudent tout en caressant sa joue, ce dernier la rassura. La vampire serra la main d'Aelys.
- Que se passera-t-il si vous mourrez là-dedans ? Demanda soudain Phuqiorh à l'automate.
Aelys, Victoria et John le dévisagèrent pour ce cruel manque de tact.
Quoi ?!
- Vous refermerez le portail répondit calmement Jyro avant de se préparer. Il rassura à nouveau Sigrid.
Un grondement sourd résonna dans la crypte avant que finalement, un portail d'une autre dimension se matérialise face à l'automate. La porte de Gorm s'était ouverte. Jyro bondit dans la seconde à l'intérieur. Les monstres ne se firent pas attendre longtemps. Comme avait dit l'automate, des flots d'êtres maléfiques, aux formes diverses et jamais vu, fondirent sur eux. Comme promis Lyanne réduit leurs chances d'entrée de jeu. Pulvérisant la moindre insertion a coup de roches runiques. Sa puissance semblait sans limite. Sigrid abattait les monstres qui avaient réussi le passage, tout en se coordonnant parfaitement avec les autres. Aucun d'eux ne se gênaient. Hubert profitait de sa taille, souplesse et rapidité pour se faufiler entre les coups, tout en abattant sa lame avec une efficacité redoutable. Joshua lui se battait aux corps à corps avec des gantelets spéciaux, chaque coup faisant des dégâts monumentaux dans les lignes ennemies. Leur coordination était absolument parfaite. Victoria s'intégra rapidement et parfaitement à cette formation. C'était comme une danse coordonnée à un haut niveau de perfection. John et Phuqiorh restèrent plus en retrait, le détective faisant pleuvoir une pluie de tirs magiques, sur les monstres qui réussissaient à échapper au groupe de tête. Le traqueur regretta l'absence du prototype qui aurait était bien utile. Il prit toutefois un plaisir non dissimulé à tuer ces créatures impies. Visiblement ces armes étaient efficaces contre ces abominations. Aelys prit conscience très vite qu'elle ne pouvait rivaliser avec le niveau du groupe de tête. Toutefois elle fit en sorte de ne pas les déranger et de pourfendre le maximum de monstres qui arrivaient à sa portée. Le combat s'éternisa et la fatigue commença à s'installer alors que les flots de créatures, eux, ne faiblissaient pas. Les coups devinrent moins rapides et commencèrent parfois à manquer d'efficacité. Certains monstres arrivèrent même à toucher leurs cibles. Heureusement les dégâts étaient pour l'instant mineurs. Joshua et Sigrid avait de multiples coupures sur le corps. Les blessures de la vampire ne guérissaient pas. Hubert virevoltait de part en part et ne semblait pas pouvoir être touché, mais les griffes et crocs étaient de plus en plus proches de lui. Lyanne restait hors de portée continuant de punir sans pitié la moindre intrusion. John avait de plus en plus de mal à atteindre ses cibles. La protection que Phuqiorh lui offrait semblait infaillible, pourtant ils avaient été forcés de reculer. Aelys quand a elle était fermement décidée à anéantir ces viles créatures, malgré les blessures qui commençaient à s'accumuler. Victoria prêtait main forte à tout le monde, mais veillait particulièrement sur la jeune fille. Malgré ce dispositif d'une grande efficacité, de plus en plus de monstres forçaient le passage et s'accumulaient dans la crypte. Lyanne dû recourir à plusieurs déferlement rocheux d'envergure, pour sortir tout le monde de situations critiques. L'idée de refermer le portail grossissait autant que les armées ennemies. Mais Sigrid tenait, refusant encore cette éventualité. Etais-ce du déni ? La suite leur prouva que non. Après des échanges de coups de plus en plus âpres qui semblaient n'en plus finir, les créatures de Gorm s'immobilisèrent toutes d'un coup. Elles se mirent à fondre. Hubert, Joshua, Lyanne et Aelys s'effondrèrent à genoux, épuisés par l'effort. Sigrid encore debout, regardait essoufflée avec beaucoup d'appréhension le portail.
- Il l'a fait disait-elle doucement en boucle comme pour se rassurer alors que Jyro n'était toujours pas revenu.
Victoria vint soutenir Aelys alors qu'elle même reprenait encore son souffle. John et Phuqiorh ne souffrait que de blessures légères. C'était plus grave pour les autres mais pour l'instant ils étaient rivés sur le portail, rien d'autre ne comptait. La tension monta à chaque seconde, tout le monde craignant le pire en silence.
Jyro retraversa enfin, il tenait à peine debout. Son combat avait dû être titanesque vu l'état dans lequel il était. Sigrid le rattrapa avant qu'il ne s'écroule et le serra contre elle. Les autres vinrent le féliciter pour son exploit. Ils semblaient tous heureux.
Distribution de « baies » pour tout le monde, histoire de se remettre de ce combat acharné. Le pauvre Jyro était le seul à ne pas pouvoir bénéficier de leurs bienfaits. Quelque chose néanmoins tracassait John, même s'il ne voulait pas jouer les rabat-joie, il demanda :
- Excusez-moi mais... Si Gorm est mort... Pourquoi la porte ne se referme pas ?
Ils regardèrent tous la porte qu'ils avaient complétement oubliée. Elle ondulait bizarrement.
- C'est normal ça ? S'inquiéta Aelys.
- Pas vraiment répondirent-ils inquiets en se relevant.
La porte finit par se stabiliser dans une autre matière, différente de la précédente. Ils étaient tous debout, rivés sur elle, lorsqu'un cookie moustachu en slip en sortit.
maitredragon - Chevalier - Le 07/05/2024
- Mon maître souhaite vous parler.
Tous les regards se tournèrent vers Jyro. Sigrid posa une main sur son torse alors qu'il voulait se relever. Elle savait que rien dans tout le multivers ne pouvait l'empêcher de passer cette porte à cet instant, mais elle devait essayer.
- N'y vas pas s'il te plaît le supplia-t-elle.
Il la regarda longuement. Il finit par caresser sa joue tendrement.
- Tu sais bien que je dois le faire. Je ne serai pas long.
Il se releva péniblement, Sigrid évita de céder à son envie de le retenir par tous les moyens et accepta tristement sa décision. Il regarda une dernière fois en arrière et sourit à ses compagnons, avant de traverser. La barbare essaya de calmer son appréhension, en repassant ses derniers mots dans sa tête, alors qu'elle le regardait disparaître à nouveau.
Une fois de l'autre côté, Jyro découvrit le monde que lui avait dépeint son père jadis. La ville des cookies. Une cité aussi vaste que Ravnica, aux technologies futuristes telles qu'on pouvait en voir à Kamigawa et aux tours dont le gigantisme n'avait rien à envier à celles de la Nouvelle-Capenna. De multiples architectures, probablement vu dans divers plans, s'accordaient autour de lointaines et gigantesques tours de verre. Ces dernières s'élevaient très haut dans l'obscurité du vide. L'ensemble était vraiment un mélange totalement anarchique, d'habitations et de lieux qui n'avaient rien à voir les uns avec les autres. S'en était vertigineux. Et dans tous ce bazar, des millions de cookies humanoïdes évoluaient comme un seul peuple. Tous vacants à leurs occupations journalières. Le cookie moustachu voyant son état, le dirigea lentement vers un drôle d'appareil en bord de rue. Il fit coulisser un genre de porte, Jyro se montra réticent à y entrer. Le cookie lui désigna le sommet de la plus haute tour et dit :
- Notre maître se trouve la-bas. Le téléporteur nous y emmènera en une seconde. Mais si vous préférez, nous pouvons marcher.
Jyro eut un rictus, lui qui avait déjà du mal à se tenir debout. Il entra dans le drôle d'engin avec ce drôle de guide. La porte se referma, l'instant d'après, ils se trouvaient au sommet de la tour avec l'immensité de la ville qui s'étendait à l'infini en dessous de lui. Le sol était transparent sous ses pieds. Malgré tout ce qu'il avait pu voir à travers le multivers, ça lui coupa le souffle. Tout semblait si irréel. Le cookie lui désigna la seule porte de l'étage avant de disparaître. Jyro hésita un moment à l'ouvrir, craignant ce qu'il y trouverait derrière. Toutefois il n'avait pas fait tout ce chemin pour rien ! Il entra. C'était une gigantesque salle dénuée du moindre mobilier. Un tapis rouge centrale mené au bout de la pièce. Face à lui un gigantesque mur de verre et une ombre contemplant la ville en contre-bas. Jyro avança, divers tableaux étaient accrochés aux murs de chaque côté. Ce qu'ils représentaient été flou, comme effacé par le temps. Pourtant Jyro cru en reconnaître certains. Mais il ne s'y attarda pas, il avança résolut, en attendant que l'ombre qui se tenait dos à lui, veuille bien lui faire face, pour lui révéler la vérité qu'il pourtant, savait déjà. A quelque mètre de lui, la silhouette se retourna. Jyro s'arrêta net. Devant lui se tenait un être vaporeux, de la fumée noire empêchant de délimiter le moindre de ses contours, les yeux crépitant d'étincelles. Malgré cette aspect méconnaissable, Jyro ne pouvait se tromper. K-Joe, son père, se trouvait en face de lui.
- Alors c'est vous qui êtes venu m'éliminer dit-il de la fumée sortant de sa bouche.
- Père ? Demanda Jyro comme si K-Joe ne semblait pas le reconnaître.
- Père ? On s'est déjà rencontré auparavant ?
L'automate resta sans voix. Il se reprit.
- C'est moi, Jyro, tu ne te souviens pas ?
- Belle tentative jeune homme, mais ça ne marchera pas avec moi, je connais tous les habitants de cette ville, j'ai aidé à la construire ! Mais je sais qui vous êtes.
L'automate fut soulagé quelques secondes.
Même ici, je sais que vous avez éliminé tous mes voisins. Il ne reste plus que moi. Je vous ai fait venir ici pour négocier. Voyez-vous, j'ai beaucoup fait pour cette ville, ces gens comptent sur moi et je refuse de les abandonner.
- Je ne suis pas ici pour ça ! répondit Jyro énervé par la situation.
- Bien... Puisque les négociations semblent impossibles... dit-il en pointant l'épée noire à la ceinture de l'automate.
Celle-ci fut littéralement appelée par son père. Jyro tenta de la retenir mais son bras déjà en piteux état, se détacha lamentablement, laissant l'arme lui échapper. Son père l'empoigna avec curiosité, sans la moindre difficulté. Il l'examina.
- Ainsi c'est avec cette arme que vous avez pu venir à bout de mes semblables. Vous ne paraissez pourt...
Un flot de puissance déferla soudain de l'épée. Les essences de toutes les entités que Jyro avait pourfendu se mirent à se déchainer dans toute la pièce. Jyro tomba à genoux essayant de ne pas être repoussé par cette déferlante. K-Joe lui, regarda un temps ceux qu'il avait appelé ses semblables tournoyer autour de lui.
Ils sont là pour se venger.
Chaque entité plongea soudain sur lui, K-Joe reculant à chaque fois, comme s'il encaissait un gros impact. Il tomba à genoux et se maintint la tête, l'expérience semblait douloureuse. Une fois la dernière entité assimilée, le silence revint dans la pièce. Malgré ça Jyro ne pouvait plus bouger, immobilisé par une pression phénoménale. C'était la présence de son père qui était devenue aussi oppressante. Non ce n'était pas le mot, plutôt omnipotente. K-Joe se releva et regarda son fils les larmes aux yeux.
- Jyro... je ne pensais pas avoir la chance de te revoir un jour lui dit-il en souriant.
Il semblait avoir retrouvé la mémoire.
- Qu... Qu'est-ce qu'il s'est passé demanda Jyro toujours immobilisé.
- Je ne suis pas sûr... dit-il en regardant l'épée. Tu sais, je me suis toujours demandé ce que cette arme avait de si spéciale. Je veux dire, Jean Robert était un forgeron de génie, je ne remettrai jamais ça en cause. Mais malgré tout ça, il n'en était pas moins qu'un simple humain. Maintenant je comprends. Vois-tu il y a des dieux connus, souvent faisant l'objet d'un culte. Mais il y a aussi d'autres formes de croyances. Toi, mon fils à qui j'ai appris les arcanes de la forge, tu dois la ressentir aussi. Celle en qui nous croyons tous inconsciemment, Harmony, l'enclume céleste !
Une lumière brisa le plafond laissant entrer une deuxième aura omnipotente en ces lieux. Une gigantesque enclume arborant des apparats déifiques se trouvait au-dessus d'eux.
C'était donc ça... Murmura K-Joe. Vous avez jugé Jean Robert digne des meilleurs forgerons et avait pris la place de son enclume. Voilà pourquoi cette arme est si puissante, c'est une arme divine.
- Je suis venu te féliciter K-Joe, pour ta perspicacité et ton ascension dit-elle sa voix résonnant comme des coups métalliques dans toute la pièce.
C'était étrangement compréhensible. Jyro était néanmoins écrasé par leurs présences.
En mon nom et celui des autres dieux, voici ta récompense.
K-Joe fut comme foudroyé. Il releva la tête d'un coup, dérangeant Esmée qui se reposait dans ses bras.
- Est-ce que ça va ? Lui demanda-t-elle inquiète.
Le cœur encore battant, il eut du mal à réaliser ce qu'il se passait. Ils étaient assis l'un contre l'autre sur le porche de leur maison, face au lac. Elle le regardait inquiète. Il la regarda alors que sa main était posée sur son ventre rond. Elle en était à 7, peut-être 8 mois. Il resta un temps perplexe, analysant le moindre détail de ce qu'il était en train de vivre. Il finit par se rendre compte que tout ça était bien réel. Aucune illusion ou magie n'était à l'œuvre. Elle était là avec lui. Il l'embrassa comme il ne l'avait jamais embrassé. Surprise au début elle lui rendit son baiser.
- C'était pour quoi ça ? Demanda-t-elle souriante.
- Tu m'as tellement manqué dit-il en larmes.
- Tu es sûr que ça va ? Dit-elle encore plus inquiète alors qu'ils avaient été ensemble toute la journée.
- Oui. Plus que jamais finit-il par lâcher en souriant.
- Oh ! s'exclama-t-elle de douleur. Tu l'as senti ? Là dit-elle en plaçant sa main à un endroit précis sur son ventre.
K-Joe sentit un à-coup contre sa main venant de leur enfant.
- Arwen murmura-t-il plus heureux que jamais.
Sa main resta ainsi dans le vide alors qu'il se retrouvait dans le bureau, surplombé par Harmony.
- Prends ce cadeau également comme un avertissement. Certes tu as atteint un niveau de puissance presque équivalent aux nôtres, mais tu ne seras jamais l'un de nous.
K-Joe resta prostré, sentant encore la présence d'Arwen dans sa main. Les larmes coulèrent en abondance le long de ses joues. Il semblait en état de choc, Jyro n'avait aucune idée de ce qu'il s'était passé mais voir son père dans cet état lui brisé le cœur. La tour où ils se trouvaient ainsi que toute la ville commença à se désagréger. C'était comme voir de la neige tomber en sens inverse, remontant vers un ciel qui n'existait pas. Les habitants flottaient, raides morts parmi les débris de cette pseudo réalité. C'était un spectacle triste et macabre. Jyro toujours écrasé par leurs présences ne pouvait aller secourir son père.
- Je pense que tu as compris le message, ma mission ici est terminée dit l'enclume.
Elle vibra un moment mais resta sur place ce qui sembla la surprendre.
- Qu'as-tu fait ?!
K-Joe brandit l'épée qui semblait maintenant être une partie à part entière de lui, crépitant d'une énergie folle.
Pffff, tu es bien naïf si tu crois m'atteindre avec une de mes...
K-Joe abattit rageusement sa lame devant lui, tranchant net le vide lui-même. La dimension où ils se trouvaient disparut sous l'impact, pour laisser place aux bords du lac, le paradis perdu de K-Joe et Esmée. Harmony s'écrasa lourdement au sol à coté de K-Joe, grièvement blessée. Son père contempla le lac un instant perdu dans ses pensées. « Tu ne te reposeras jamais et tu connaitras une souffrance éternelle. » Les dieux... Les créatures néantiques se rassemblèrent tout le long de la berge et saluèrent leur maître en signe d'allégeance. K-Joe ne sembla pas en tenir compte. Il fit apparaître un bouquet de fleur qu'il posa sur la surface de l'eau. Celui-ci dériva lentement jusqu'au centre du lac et coula. Il resta dans ses pensées un temps, expira avant de se retourner vers Harmony.
- J'avais choisi de rester en dehors du monde. Même ce pouvoir entre mes mains, je serai resté dans ma dimension. Je n'ai que faire que vous ne m'acceptiez pas parmi vous, je ne vous ai rien demandé ! Il marqua une pause essayant inutilement de contenir sa rage. Mais que vous utilisiez MA FEMME ! MA DEFUNTE FEMME !! ET MA FILLE !!!
Il planta rageusement sa lame dans l'enclume qui cria sous la forme d'un fracas de métal assourdissant. Il retira son épée abruptement. Harmony gémit, elle ne semblait plus avoir la force de crier.
- Attends... Argh !
- Sais-tu combien de fois dans ma vie j'ai prié mon dieu de me venir en aide ?! A-t-il répondu une seule fois à mes prières ?! Bien sûr que non ! Et ça pour une seule raison, vous n'avez que faire de nous ! Nous ne sommes qu'une distraction pour vous. Mon dieu m'a maudit pour avoir été le véhicule d'un autre. J'ai cru pouvoir vivre avec... Aujourd'hui je sais que c'est impossible... J'ai pensé la mort comme une délivrance. Il faut croire que je me suis aussi planté sur ce point ! Mais grâce à toi je sais ce que j'ai à faire maintenant. Tu as ma reconnaissance pour ça, merci. Je ne vais donc pas te tuer. Mais tu vas me rendre un service, je veux que tu me serves de messager. Dis à tes congénères que leur ère est terminée. Il est temps pour eux de se cacher et de craindre l'homme qui s'est hissé à leur niveau. Car j'abattrait sans pitié tous ceux qui auront le malheur de croiser ma route. Maintenant disparais ! Ordonna t'il menaçant.
L'enclume vibra laborieusement et finit par disparaître. K-Joe resta ainsi, épée au poing. Jyro était toujours dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. Il vit le visage de son fils.
Je ne t'ai jamais dit ce qu'il s'était passé ici.
Jyro fut surpris.
Ta mère a sauvé de la noyade le fils du pécheur avec ses pouvoirs. Tu sais par Lyanne quel culte avait cours en ces terres. J'ai supplié ta mère de ne pas le faire. Mais tu sais comment elle était dit-il avec un sourire mélancolique. Le pécheur reconnaissant nous a vendu aux fanatiques. Ils ont pris leurs temps pour organiser un raid sur cette maison. Et une nuit... Ils ont frappé ! Ta mère et moi avons été torturé jusqu'au matin. Et ensuite ils nous ont fait cramer sur un bucher ! J'ai prié, j'ai espéré, j'ai hurlé mais personne n'est venu. Personne !
Il s'arrêta regardant sa main dans laquelle il sentait encore l'à-coup de sa fille.
Je sais ce que tu as fait pendant mon absence et je t'en remercie. Tu m'as demandé jadis si je pouvais faire de toi un humain, tu te souviens ? Voilà mon dernier conseil, fils. Prends congés du multivers et vit heureux avec elle.
Après le départ de Jyro, John et Phuqiorh avaient expliqué tout ce que Victoria et Aelys ne savaient pas à propos du père de l'automate. Le groupe de Sigrid complétant les faits manquants. Le portail disparut soudainement ce qui mis fin à toutes leurs conversations. Ils attendirent silencieux, inquiets pour leur compagnon. Personne n'osant émettre la moindre supposition, craignant les poings de Sigrid. Après plusieurs minutes qui leurs semblèrent être des heures, un être apparut. Une pression phénoménale s'abattit sur eux, les clouant tous au sol, incapable de bouger. Seul Lyanne était encore libre de ses mouvements, mais elle choisit de faire semblant comme les autres. Face à eux se tenait un automate de métal noir et vaporeux, les yeux crépitant d'énergie maléfique. Il portait sur l'épaule un homme massif et inconscient, entièrement nu qu'il vint déposer à côté de Sigrid. La Barbare fut redressée d'un coup sans que rien ne la touche.
- Maintenant vous pourrez fonder cette famille que vous désiriez tant.
Sigrid encore désorientée regarda l'homme inconscient qui se trouvait à côté d'elle et compris qu'il s'agissait de Jyro. Elle regarda l'automate.
- K-Joe ?
Il sourit.
- Je les fais selon tes gouts, il devrait te plaire, toutefois hâtez-vous car à ma mort, il retrouvera son corps d'origine. Quittez cette endroit, retournez dans votre paradis et vivez-y heureux. Le reste ne vous concerne plus.
Il se tourna vers John et Phuqiorh. Visiblement satisfait de trouver des membres de la secte en ce lieu. Il releva John.
Un nouveau membre... dis-moi, toi qui te considères si intelligent que ça... N'aurais-tu pas commis une erreur de débutant dès le début de ton enquête ? Tu ne vois pas ? Comme quoi tu surestimes énormément tes capacités. Tu as exclu ton ami conseiller juste au nom de votre soi-disant amitié... Dommage détective, parce que c'est bien lui qui a commandité ton meurtre. Je te laisse voir ça directement avec lui. Amuse-toi bien.
L'instant d'après John fut projeté dans les appartement privé d'Alexandre. Il y trouva son « ami » en train de s'habiller. Lorsqu'il le vit, il se figea de surprise. Ils restèrent ainsi un temps, John essayant de se remettre de tout ça. On venait de piétiner son intelligence en plus de lui spoiler son enquête. Ce qu'il détestait au plus haut point. Mais le pire c'est qu'on venait de lui révéler qu'un ami de confiance était à l'origine de tous ses malheurs. Et à voir son visage, ce démon avait dit vrai. Son pistolet à la main il regarda Alexandre. Un seul mot lui vint :
- Pourquoi ?
- John... je suis dés...
BANG !
Ce n'était pas ce que John voulait entendre. Peut-être ne voulait-il rien entendre de lui après tout. Le corps sans vie d'Alexandre reposait sur le sol alors que les gardes impériaux surgissaient dans la pièce, alertés par le coup de feu. John lâcha son arme au sol et se mit en position pour être arrêté. Il aurait aimé ne pas pleurer ce qu'il venait de faire. Il aurait aimé ne pas le regretter...
K-Joe après avoir fait disparaître John, passa à Phuqiorh. Les mots du Dark Mogwaï résonnait encore en lui.
- Vous avez construit une bien belle académie dit K-Joe comme s'il lisait dans l'esprit du traqueur. Ce dernier impuissant en appela à sa protection. Tu espères vraiment que ton dieu puisse t'aider ? C'est vain, crois-moi... Je veux que tu retournes sur les terres originelles. Dis à ta maitresse que j'ai payé mes dettes. Si elle n'est pas d'accord, elle pourra me trouver sur Fraustma d'ici un mois. Tu penses pouvoir faire ça pour moi ? Oh j'oubliais... Si elle n'a pas compris à quel point je suis sérieux...
D'un vif mouvement, K-Joe trancha son bras droit. Le sang gicla partout sur le sol, alors que Phuqiorh hurlait de douleurs.
...maintenant elle le saura.
K-Joe le projeta ailleurs sur Arthalia. Il se tourna ensuite vers Lyanne.
Lyanne Lyanne lyanne... Ma belle Lyanne. Je sais que tu es libre de tes mouvements.
Elle se releva intimidée, ne sachant pas trop quoi faire.
- Je suis retourné sur ton plan natale. Ça m'a rappelé nos conversations. C'est toi qui avais raison Lyanne. Je me rappelle la dévotion dont tu as fait preuve à mon égard. Même si aujourd'hui tu as perdu ton étincelle, tu me serais d'une grande aide. Est-ce que tu aimerais m'accompagner ?
La manchote hésita.
- Lyanne ! Ne fait pas ça ! Rappelle-toi ces...
- SILENCE ! Ordonna K-Joe à Sigrid.
A cet instant, Victoria réussit un peu à se mouvoir pour attaquer K-Joe. Ses mouvements restaient toutefois difficiles. Son attaque désespérée ne risquait pas de représenter la moindre menace pour l'artificier. Il bloqua sa soulâme avec son épée avant de l'immobiliser complétement avec ses maléfices.
C'est très impoli d'interrompre une conversation. Mais Je dois reconnaître que tu m'as surpris ! Belle instinct combatif ! Lyanne sache que ma proposition sera toujours valable dit-il en la regardant. Elle détourna le regard. Revenant à Victoria. Avant de partir, je me dois de te féliciter pour cette exploit dit-il à la vampire.
K-Joe fit apparaître une bulle d'un liquide noire dans sa main. Il l'a fit ingérer à l'annexée malgré son refus farouche. Puis il disparut de la crypte libérant tout le monde de son emprise. Victoria tomba à genoux au sol luttant violemment. Lorsqu'Aelys la vit ainsi, elle comprit que sa bien-aimée luttait pour ne pas sombrer dans une crise de sang. Sigrid se releva soutenant le corps de Jyro. Victoria fondit sur eux rageusement sans laisser la moindre chance à la barbare de répliquer. Hubert s'interposa mais son épée se brisa sous l'impact. Il prit le coup de plein fouet et s'effondra sans vie aux pieds de la barbare. Victoria tendit la main pour aspirer son sang, mais s'en servit finalement pour bloquer, dans un réflexe spectaculaire, sans même le regarder, le coup de poing de Joshua. Elle pivota son bras, brisant ses os. Elle disposa rapidement son épée pour l'empaler mais Lyanne l'enferma dans une prison rocheuse. Le calme revint quelques secondes. Soudainement les pierres éclatèrent toutes en mille morceaux sous les assauts furieux de la vampire déchainée. Elle se rua sur Lyanne, brisant chacun de ses projectiles. Aelys s'interposa et prit Victoria dans ces bras, la serrant fort contre elle en murmurant longtemps à son oreille. La vampire finit par s'arrêter et Aelys continua à lui parler jusqu'à arriver à la ramener avec eux. C'était comme se réveiller d'un mauvais rêve. Lorsqu'elle finit enfin par reprendre ses esprits, elle vit Aelys lui sourire chaleureusement, les larmes aux yeux. Elle semblait soulagée et lui dit à l'oreille :
- Je suis contente que tu sois revenue.
Elle ferma les yeux et tomba inanimée alors que Victoria réalisait que sa soulâme la transperçait de part en part. Elle fit disparaître son arme et retint le corps sans vie d'Aelys. Elle était morte. Victoria eut beau hurler, pleurer et supplier, rien ne pouvait la ramener maintenant.
Epilogue
John était enchainé dans une cellule du château impérial. On avait pris son dispositif de mort automatique. Il lui restait toutefois l'artefact, ce qui poserait un problème certain lors de son exécution publique. A voir si ça se passerait mieux que les fois précédentes où c'était déjà arrivé. A dires vrai toutes ses considérations étaient bien loin de son esprit. Il ferait en sorte de mourir pour de bon cette fois. Tout ça lui restait en travers de la gorge, comme aucunes autres de ses affaires. Des cris retentirent au loin sans attirer vraiment son attention. On est dans une prison après tout. Les cris s'accentuèrent puis un silence pesant s'installa à nouveau. Quelqu'un entra et vint ouvrir la cellule. John releva la tête et vit Victoria, clairement en crise de sang. Pourtant elle semblait parfaitement consciente. Impensable !
- J'ai besoin de toi lui dit-elle en arrachant ses chaines.
- Comment peux-tu... ? Lui demanda-t-il ne comprenant pas comment elle faisait.
- Beaucoup de choses se sont passées en ton absence mais on n'a pas vraiment le temps d'en parler.
- Tu n'as jamais réussi à... Comment ?
- Viens avec moi lui ordonna-t-elle en tendant son bras.
Jamais il ne l'avait vu aussi froide. Il se colla à elle, curieux de savoir ce qu'il avait bien pu se passer. Elle se téléporta en haut des tours du château et se téléporta à nouveau dans la chambre de l'impératrice. Cette dernière fut surprise par cette entrée et voulut alerter la garde. Mais Victoria se montra suffisamment menaçante avec la jeune fille pour lui enlever cette envie.
Dis-lui ! Ordonna-t-elle à John en le poussant vers la jeune impératrice.
Il ne s'attendait pas à ça.
- A quoi tu joues ?! lui demanda-t-il énervé.
- C'est probablement la dernière fois que tu la verras. Tu ne veux pas qu'elle sache qui est son vrai père ?
- Victoria !
- Je vous laisse quelque minutes pour en discuter.
Elle disparue de la pièce laissant John piégé avec sa fille. Il avait toujours voulu la voir mais il aurait préféré qu'elle ne sache jamais pour lui. Maintenant il ne pouvait détacher ses yeux d'elle. Il finit par lui dire en larmes :
- Tu ressembles tellement à ta mère. Tu as ses yeux.
Victoria leur laissa plus d'une heure. Elle aurait voulu se réjouir pour John mais elle n'était plus capable de ça après les derniers évènements. Elle finit par revenir le récupérer. Visiblement ça ne s'était pas si mal passé, tant mieux pour lui pensa la vampire. Ils se firent leurs adieux. Victoria emmena alors John dans un endroit désert, non loin de la cité. Elle lui expliqua tous ce qu'il s'était passé dans la crypte. Après ça, ce qu'il restait du groupe de Jyro était reparti. Elle n'avait pas réussi à retrouver le traqueur. Et l'enterrement de... Elle ne put prononcer son nom. Quel gâchis pensa-t-il triste et amer. Il voulut réconforter son amie mais elle n'avait clairement pas envie d'entendre ça présentement. Elle était triste, en colère et déterminée.
Et maintenant ? Lui demanda-t-il.
- Je vais me servir de toi pour rentrer en contact avec ta secte.
- Tu comptes me tuer à répétition jusqu'à ce que l'un d'eux viennent voir ce qu'il en est ?
- Un peu basique je sais.
- Je pense comprendre le pourquoi mais je ne suis pas sûr que ce soit la bonne alternative Victoria...
- Ça me regarde. Es-tu prêt ?
Il acquiesça n'ayant pas vraiment le choix. Victoria le tua de manière chirurgicale, répétitivement, espérant qu'un ponte de la secte finirait par répondre à son appel.
Edité 4 fois, dernière édition par maitredragon Le 13/05/2024
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C'est l'histoire d'un Œuf de sombreau et d'un Œuf de Dingus qui sont dans un chaudron des âmes. L'Œuf de sombreau dit : "Pfff, qu'est-ce qu'il fait chaud ici..." Alors l'Œuf de dingus pousse un soupir excédé et fait : "Rha naaan, encore une animation d'artefact"...
—Les pires histoires trolles
Proposé par Dark Mogwaï le 19/06/2012