La Guerre Fratricide - Histoire secondaire : Episode 3 - Némésis - Magic the Gathering

La Guerre Fratricide - Histoire secondaire : Episode 3 - Némésis

La Guerre Fratricide - Histoire secondaire : Episode 3 - Némésis

Tezzeret plonge dans les profondeurs de la Nouvelle Phyrexia, où il va faire face à un test supplémentaire afin d’obtenir une récompense longtemps attendue.

  La storyline de Magic / La guerre fratricide

Tezzeret plonge dans les profondeurs de la Nouvelle Phyrexia, où il va faire face à un test supplémentaire afin d’obtenir une récompense longtemps attendue.

  La storyline de Magic / La guerre fratricide



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le , par Drark Onogard
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Tezzeret plonge dans les profondeurs de la Nouvelle Phyrexia, où il va faire face à un test supplémentaire afin d'obtenir une récompense longtemps attendue. Vous trouverez l'article original ici.

Chapitre 3 : Némésis



Le sang est infect, la chair est souillée. Mon ascendance a soif de la vie elle-même.
—Crovax, incarmal de Rajh

Karn ne parlait pas, ne se plaignait pas tandis que les crochets et les rasoirs – les appendices exploratoires préférés des Évêques de suture – poussaient son corps mutilé à la recherche de coutures qui faciliteraient sa dissection. Le golem d'argent était toujours en vie, de la même manière qu'un individu aussi unique pouvait être considéré comme vivant, mais plus important encore, il était toujours conscient – conscient de l'endroit où il se trouvait, de ce qui lui arrivait et de qui était en train de mener à bien l'acte sinistre de démanteler son corps. Détecter la conscience de Karn n'était pas une simple question de vérifier la respiration ou de surveiller les mouvements oculaires subtils.

Il fallait sentir une étincelle pour savoir qu'elle était là.

Tezzeret attendait tout type de mouvement de Karn. Il s'attendait à moitié, à moitié espérait que le golem se lèverait de la dalle d'un blanc osseux, déchirerait le Phyrexian le plus proche et transplanerait au loin. Mais Karn n'opposait aucune résistance à l'équipe d'aspirants alors qu'ils le liaient en place avec des serre-poignets et autres chevilles, faisant attention de ne pas toucher la hache à double lame encore enfoncée dans la poitrine du golem. Une fois leur tâche accomplie, les aspirants s'écartèrent, la tête baissée en supplication, pour permettre aux Évêques de Suture de reprendre leurs analyses. Sur Dominaria, Sheoldred avait découvert un moyen d'interférer avec le transplanage de Karn. Tezzeret supposa que c'était aussi ce qui gardait le golem piégé maintenant : la dalle de blanc osseux était veinée de minéraux qui causait à la chair que Tezzeret avait encore des démangeaisons, même s'il se tenait à une bonne distance. Pourquoi Karn était si docile, cependant...

Une vision parfaite.

Tezzeret détestait tout cela. Il détestait tout dans la Belle Basilique. Il détestait tout ce qui avait à voir avec l'Orthodoxie Mécanique. Sur Esper, les Chercheurs de Carmot s'étaient également enveloppés dans un boniment moralisateur, régnant sur les secrets de la forge de l'étherium dans Vectis tout entier. Bien qu'il eût été l'un d'entre eux, il avait également été trompé par leur ruse. Le carmot, le réactif sacré et la clef de la création de l'étherium, n'était qu'une foutaise élaborée pour garder la populace non éclairée sous le talon des Quêteurs. Il en était de même de la promesse d'« illumination » d'Elesh Norn.

À grands pas dans la chambre froide se trouvait un autre visage familier, Ajani Crinièredor. Il était accompagné d'un chef parmi les prêtres, un grand exarque, qui guidait un assemblage flottant de bras arachnéens jusqu'à l'autel où Karn était prostré. Les prêtres, comme leurs aspirants avant eux, semblaient intrinsèquement reconnaître leur rang – acquiescer à leurs supérieurs - et s'éloignèrent de l'autel avec une grâce étrange.

« Renaissance, commença Ajani. Les douleurs de la destruction cèdent la place à une perfection glorieuse. »

Tezzeret ne répondit pas. La présence même d'Ajani le troublait grandement, et pas seulement pour sa propension à citer des passages et des versets des Gravures d'argent, l'hymne d'Elesh Norn à sa propre vanité. Non, c'était plus que cela. Pendant le temps où il avait servi Nicol Bolas, il y avait des périodes calmes pendant lesquelles l'ancêtre dragon envisageait ses prochains mouvements. Ajani n'avait jamais été exclu des plans de Bolas. Il concevait des stratagèmes spéciaux pour occuper le léonin pendant que les autres plans de Bolas progressaient. Pour Tezzeret, la vérité était évidente : Nicol Bolas – Planeswalker, ancêtre dragon, dieu-pharaon – était obsédé par Ajani Crinièredor. Tout ce qui s'était passé dans leur bataille pendant la fusion d'Alara avait inspiré à Bolas une hésitation qu'il avait pour peu d'autres.

Et pourtant, les Phyrexians l'avaient brisé facilement. Si facilement. Tamiyo avait été la première à subir le processus de parachèvement spécial de Jin-Gitaxias, l'enrichissant de pétrole luisant tout en conservant les pouvoirs de son étincelle. Encouragé par cette percée, le maître du Moteur de Progrès avait soumis avec empressement les Planeswalkers captifs à des procédures toujours plus efficaces et douloureuses. Maintenant, Tezzeret et certains de ses adversaires les plus détestés étaient ostensiblement « du même côté ».

Lâche tes souvenirs et renais.

Comme le chef d'orchestre d'une grande symphonie, l'exarque commença à tisser des motifs dans l'air avec ses six bras, les appendices sur sa plate-forme de dissection se déplaçant conformément aux ordres tacites de l'exarque. Leurs pointes chitineuses blanches s'ouvrirent, révélant des outils adaptés à la tâche à accomplir : scies, lames, pinces, forceps.

Alors que les bras commençaient à se disjoindre, Karn ne disait toujours rien. Alors même que des dents de métal s'enfonçaient dans son corps et lui coupaient les membres, il gardait le silence.

« Ce n'est que dans sa grâce que nous sommes sauvés, répétait Ajani, sa voix tremblant d'exultation. Nos anciennes formes sont des cages que la Mère fond et reforge en destin.
– Nous fabriquons nos propres cages, » marmonna Tezzeret en se retournant pour partir. Il trouva son chemin bloqué par l'un des gardes angéliques d'élite d'Elesh Norn, ses ailes dentelées enroulées autour de son corps. Il tenta de contourner l'ange, mais celui-ci utilisa son bâton pour lui barrer la route.

« Le rituel n'est pas terminé, proclama l'ange. Il est interdit de sortir.
– Je ne suis pas sous tes ordres, rétorqua Tezzeret. Bouge de là.
– Vous devez être témoin. Alors vous recevrez ce qui vous a été promis. »

Sans réfléchir, Tezzeret plaça sa main sur sa poitrine, là où se tenait le Pont Planaire. Sous sa cuirasse, il pouvait sentir le flux de l'artefact le dévorer vivant. Un tout petit peu à la fois, mais inexorablement. Sans les cautérisations périodiques dans les forges de Kuldotha, il aurait peut-être déjà succombé aux énergies débilitantes du Pont. Mais ce n'était qu'un palliatif. Sa vie dépendait de l'obtention de ce qu'on lui avait promis, ce qu'il méritait : un nouveau corps en sombracier, bien plus résistant que l'étherium et exempt du maudit Pont planaire. Ensuite, il pourrait quitter ce maudit plan et tout ce que cela impliquait. Pour toujours.

« Comment puis-je obtenir ma récompense ? Dites-le-moi dès maintenant.
– Quand nos profonds fidèles auront fini, tu apporteras les morceaux de Père à notre Mère. »

Une autre putain de course ?! Il prit une inspiration et se calma. Bien qu'il fulminât d'être relégué à une autre tâche subalterne, une dernière indignité valait son nouveau corps. De plus, s'il y avait quelque chose que l'Orthodoxie Mécanique appréciait avant tout, c'était la bienséance. Il devait jouer ce coup-là avec délicatesse.

« Vous seriez un messager plus approprié, hésita-t-il.
– On ne refuse pas l'invitation de notre » Mère, répondit l'ange. En soit, c'était correct. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Tezzeret n'avait pas vu le praetor, depuis qu'elle avait quitté son trône pour résider à plein temps au milieu de la Mycosynthèse. Bien qu'il eût eu le loisir de visiter les couches les plus profondes du plan lors de ses précédents séjours sur la Nouvelle Phyrexia, ce n'était plus le cas. Elle avait interdit à tout le monde de visiter les niveaux inférieurs, même aux autres praetors. « Il doit y avoir d'autres tâches qui exigent mon attention, dit-il en serrant les dents. Des tâches avec une certaine importance ?
– Non. » L'ange déploya ses ailes, exposant une cotte de mailles faite de ce qui ressemblait à des dents humaines. « Vous avez reçu vos ordres. »

Tezzeret prit soudain conscience que, malgré ses efforts pour rentrer dans les grâces de l'ange, il était devenu un objet d'examen. Il regarda autour de lui, d'abord l'ange qui le regardait avec un visage composé de tendons rouges sans traits, puis les aspirants et les prêtres momentanément détournés par ses protestations, et enfin Ajani, qui le fixait avec des yeux qui brillaient d'un profond rouge vif.

Tezzeret força un sourire derrière sa mâchoire serrée. « Ma tenue est terriblement inadéquate pour un tel honneur. Je viens d'aider Sheoldred à retourner dans son repaire, et mon armure porte toujours... des restes de l'avoir ramenée aux Fosses du Dross.
– Ici, » dit Ajani, enlevant sa cape blanche, encore taché de sang et de suie des événements sur Dominaria. « Essuie-toi avec ça. »

Tezzeret ramassa la cape, blanche avec des bordures dorées à l'exception des taches délavées dessus, décolorées, roses comme du tissu cicatriciel. Il n'avait pas enregistré jusqu'à présent qu'il s'agissait de la cape que portait autrefois Elspeth Tirel. Intéressant. Il était conscient qu'ils avaient été des alliés sur Alara, mais pas à quel point ils avaient été proches. Tezzeret étudia le léonin, sachant qu'au plus profond de ce corps parachevé, l'esprit du véritable Ajani existait toujours. Était-il conscient de ce qui se passait ? La cape était-elle une sorte d'appel à l'aide énigmatique depuis les recoins de l'esprit du léonin ? Si tel est le cas, Ajani était un plus grand imbécile que Tezzeret ne l'avait pensé. Ce n'était ni le moment ni le lieu de s'exposer de manière aussi ouverte.

Ne fais pas d'erreurs.

Tezzeret recula et baissa la tête pour imiter le geste que les aspirants faisaient à leurs Évêques de suture. Exécuter de tels signes d'obéissance le rongeait profondément, mais l'occasion d'exprimer son indignation viendrait bien assez tôt. Patience, patience.

« Comme le veut notre Mère, dit-il. Ainsi soit-il. »



Lorsque la Nouvelle Phyrexia était encore Mirrodin, un réseau informel de failles reliait toutes les parties du plan au cœur même où la Mycosynthèse poussait. Certains de ces passages existaient depuis que Karn les avait créés, tandis que d'autres – plus des artères malades que des artères intentionnelles – s'étaient formés beaucoup plus tard à la suite du fléau phyrexian. À un moment donné, Tezzeret pouvait se frayer un chemin vers une destination uniquement par la sensation et l'odorat.

Il n'en avait plus besoin. Guidé par l'ange, il traversait péniblement les cours ouvertes de la Belle Basilique jusqu'au grand pont couvert d'épines qui menait aux couches les plus profondes de la Nouvelle Phyrexia. Ces constructions opulentes étaient l'une des nombreuses façons dont Elesh Norn affirmait sa domination. Bien qu'elle permît à ses collègues praetors de personnaliser leurs couches résidentes, cette gentillesse avait une limite. L'ordre régnerait – la dévotion, le devoir et l'unité passeraient avant l'analyse scientifique impitoyable ou les lois sauvages du prédateur et de la proie. L'harmonie remplacerait la folie qui s'était emparée du plan sous ses maîtres précédents – son harmonie.

Des régiments jumeaux d'aspirants attendaient Tezzeret au pied du pont, marmonnant tous la même prière. Leurs yeux – quelques-uns incrustés dans la tête, mais plus comme des organes sanguins et sensibles à la lumière implantés sur les pointes de fémurs aiguisés en cornes ou dans des colonnes bordant des vertèbres faisant éruption à travers une peau aussi fine que du papier – étaient dirigés vers le ciel perpétuellement gris. Aucune lumière du soleil de mana blanc de la Nouvelle Phyrexia ne pénétrait les couches composées au-dessus. Au lieu de cela, les structures de la couche elle-même fournissaient un éclairage. Les murs de la basilique, composés de cadavres phyrexians ossifiés honorés dans la mort, répandaient une pâle lumière blanche ; des capillaires cramoisis gravés dans le sol en marbre exhalaient une lueur rouge sang.

Avance toujours.

Tezzeret se dirigea vers la foule qui attendait en poussant son précieux tribut : une plate-forme flottante contenant les pièces démontées de Karn. Même s'il avait drapé la cape d'Ajani pour cacher le golem d'argent, les aspirants bavardaient toujours en présence de leur Père déchu, s'écartant pour faire place ou tombant à genoux en signe de révérence.

Bouffons idiots, pensa-t-il en s'approchant d'un Phyrexian solitaire qui l'attendait sur le pont, étendant ses six bras comme s'il invitait Tezzeret dans son étreinte. « Qui es-tu ?
– Votre guide, dit-il bien qu'il n'eût pas de bouche. Le monde d'en-bas peut être traître.
– J'ai l'habitude. Je n'ai pas besoin de guide.
– C'est le décret de notre Mère. »
Tezzeret grimaça, mais encore une fois il retint sa colère. « Allez-y, alors. »

Le guide se tourna et ouvrit la voie à travers le pont, le miasme qui les entourait de plus en plus sombre alors qu'ils s'aventuraient plus loin dans les entrailles du plan. Tezzeret suivait, la plate-forme de Karn planant entre eux. Bientôt, la Belle Basilique fut hors de vue, les monuments de tendon et d'os définissant l'Orthodoxie Mécanique remplacés par les colonnes imposantes de la Mycosynthèse, la croissance unique qui sévissait au cœur du plan. Tezzeret considérait la Mycosynthèse avec autant d'admiration que de méfiance. D'une certaine manière, c'était l'organisme ultime – vivant et abondant, son réseau métallique aussi parfait qu'une structure cristalline que n'importe quel artificier pouvait rendre. Mais la Mycosynthèse cachait un danger : une exposition prolongée à celui-ci transformait le métal en chair et vice versa, ce qui expliquait les natures partiellement mécaniques des quelques Mirrans restants autant que l'impossibilité pour les Phyrexians d'atteindre une forme pleinement métallique.

Une fois qu'ils furent descendus du pont dans le Jardin de Mycosynthèse lui-même, Tezzeret prit une conscience aiguë du bruit – ou plutôt de son absence. C'était étrangement calme à ce niveau inférieur, sans doute en raison de la façon dont Elesh Norn avait verrouillé les couches centrales qui se trouvaient sous la basilique.

« Parlez-vous avec la Mère ? » demanda Tezzeret au guide. Sa voix s'échappait des hauts plafonds et des murs les plus éloignés du noyau, résonnant dans toutes les directions. Il baissa le volume et reprit la parole : « Savez-vous à quelle fréquence elle monte du noyau sur le plan ?
– La Mère des Machines agit sans rendre de comptes. Ce n'est pas ma position de savoir cela.
– À quand remonte la dernière fois qu'elle a reçu un visiteur ?
– Obéir et apprendre, dit le guide. C'est toute mon existence. »

Tezzeret n'aimait pas ça du tout. Tant de pompe pour ce qui équivalait à une tâche de livraison subalterne. Une pensée soudaine envoya un frisson dans son corps. Pourquoi obtenait-il, lui, une audience, et pourquoi maintenant ? Depuis qu'il s'était aligné sur Urabrask – un partenariat lâche, certes, mais où les deux parties savaient où se situait l'autre – Tezzeret avait subrepticement transmis des informations à la petite équipe de Jace sur Ravnica. Il avait même réussi à engager anonymement la mage fantôme pour suivre Vorinclex, pour tout le bien que cela faisait. Elesh Norn avait-il appris leur trahison ? Tezzeret marchait-il dans un piège ? Il y avait un moyen de le savoir. Ce n'était pas sans risque, mais il était éclipsé par le risque de l'inaction, d'accepter les conditions d'engagement d'Elesh Norn.

« Arrête-toi », cria-t-il, mais le guide n'y prêta aucune attention. Tezzeret lâcha la plate-forme et tendit son bras d'étherium, le déroulant loin de lui comme une masse de tentacules qu'il enroula ensuite autour du cou du guide. « Je t'ai donné un ordre.
– Je ne suis pas votre esclave, couina le guide.
– Non. » Tezzeret a transformé sa main en une lame et l'a tenue contre le cou du guide. « Mais tu as peur, n'est-ce pas ?
– Il n'y a pas de peur dans l'étreinte de notre Mère »  Les épaules du guide pivotèrent, envoyant deux de ses bras en arrière pour repousser la lame de Tezzeret. Heureusement pour lui, il avait à ce stade vu de nombreux Phyrexians au combat. Leur pouvoir résidait dans le choc et la surprise – les membres se tordaient de manière impossible, les mandibules jaillissaient d'endroits étranges sur le corps. Tout ça, ce n'était que de la distraction. Tezzeret donna un coup de pied à la plate-forme flottante pour faire tomber le guide au sol. Puis il tourna autour de lui pour se tenir au-dessus du Phyrexian couché et, d'une seule poussée bien placée, le traversa.

Après avoir roulé le corps dans une zone de faible croissance, Tezzeret s'empara de la plate-forme, quitta le chemin qu'il suivait et se dirigea vers la Mycosynthèse.

La colère vainc la colère.



Cela faisait plusieurs années que Tezzeret ne s'était pas aventuré dans le Jardin de Mycosynthèse de la Nouvelle Phyrexia. Il supposait qu'il avait été protégé des changements environnementaux plus récents évidents dans d'autres parties du plan ; la Treille de Mycosynthèse avait toujours été laissé à se répandre de lui-même, avec des opérations occasionnelles pour extraire les excroissances de matériaux pour construire de nouvelles structures. Malheureusement pour lui, les choses avaient changé. Le paysage était différent. Réorganisé.

« Où diable est-ce que c'est ? » grommelait Tezzeret. Dans toutes les directions, tout ce qu'il pouvait voir, c'était les flèches qui s'étendaient sur toute la hauteur de la couche comme des arbres massifs avec des auvents tentaculaires. Il se frayait un chemin à travers les espaces à peine navigables du jardin, s'efforçant de rester vigilant. Avoir un contact physique réel avec les excroissances pourrait transmettre la souillure phyrexiane en raison de la fusion du réseau avec le pétrole luisant.

La création engendre la destruction permet la création.

Traversant la plate-forme serrée dans une ouverture entre deux colonnes en poussant l'une dans l'autre, Tezzeret émergea à une extrémité d'une étendue plate. Là, il a aperçu une tour isolée qui aurait pu être confondue avec une autre partie du treillis, à l'exception de son éclat doré.

« Enfin, » souffla Tezzeret.

Il se dirigea vers la tour, une ancienne forteresse utilisée par un ancien seigneur du plan, une divinité que les Vedalkens appelaient « Memnarch ». Il n'avait jamais obtenu d'explication satisfaisante sur qui ou ce qu'était ce Memnarch de la part de ses contacts à Lumengrid ou de l'un des dirigeants actuels des Phyrexians. Étonnamment, Jin-Gitaxias avait été le plus direct lorsqu'il avait décrit Memnarch comme « une erreur, mais une erreur précieuse pour nos besoins ». Quelle que soit la nature de ce Memnarch, son ancien refuge était encore intact. En fait, il avait l'air en bien meilleur état que l'épave renversée dont Tezzeret se souvenait.

Tant mieux, pensa Tezzeret. Si la tour a été réparée, peut-être que ce que je cherche à l'intérieur a aussi été entièrement restauré. Lorsqu'il atteignit la base de la tour, il ne vit d'abord aucun moyen d'entrer. Il écarta la plate-forme qu'il était en train de pousser et commença à tâter de tous les côtés de la base de la tour, ne trouvant que du métal solide – du sombracier, en fait. Il jeta un sort pour pulvériser une fine brume de poussière luminescente sur la base de la tour, soulignant le contour d'une porte, sans poignée, sans moyen d'accès. Formant une griffe avec son bras d'étherium, il tenta d'ouvrir la porte. Mais le sombracier résista à toutes les tentatives de le mordre, de le plier, de l'arracher à sa position.

« C'est de la folie !
– C'est, cria une voix qui fit écho sur les surfaces métalliques de la Mycosynthèse, un vestige de la folie la plus perfide. »

Tezzeret se retourna, sa griffe sortie et prêt à frapper au moindre signe de mouvement. Mais il n'y avait que lui... et la plate-forme enveloppée qu'il avait apportée avec lui. Il allongea son bras en pince et retira le manteau de la plate-forme, révélant les membres et le torse démontés de Karn maintenus en place par des fermoirs en acier noir teinté d'or. Tezzeret monta sur la plate-forme, où il vit les yeux argentés de Karn s'ouvrir et briller doucement.

« Père des Machines, dit Tezzeret. Je suis étrangement heureux que ta disparition ait été exagérée.
– Bonjour, Tezzeret, répondit Karn. Je ne suis satisfait d'aucune de ces circonstances.
– Échappe-toi, alors. Tu as toujours ton esprit. Reconstruis ton corps sur un autre plan.
– J'ai essayé, mais les Phyrexians m'ont lié à une sorte de matériau, qui empêche les voyages interplanaires. Je suis attaché ici. »

Donc, sa conjecture était correcte : la dalle empêchait le transplanage de Karn. Tezzeret grimaça à la possibilité qu'Elesh Norn puisse freiner sa propre capacité à s'échapper du plan, bien qu'il doutât qu'elle puisse entraver à la fois ses propres capacités et la fonction du Pont Planaire en même temps. Malgré tout, il appréciait d'être mis au courant des possibilités.

« Donc, nous sommes piégés ensemble, pour ainsi dire.
– Pourquoi souhaites-tu entrer dans le Panoptique ? demanda Karn.
– C'est mon affaire à moi seul. » Tezzeret regarda vers le haut vers le haut de la tour, où elle s'évasait en grande chambre pentagonale, chaque côté avec un ensemble de hublots d'observation. « A moins que tu ne veuilles me dire comment je peux y accéder. »
Karn ferma les yeux et resta silencieux pendant un moment. Puis, les ouvrant, il dit : « Je peux t'emmener à l'intérieur. C'était autrefois mon royaume, après tout.
– Tu n'es n'es guère en mesure d'aller n'importe où, se moqua Tezzeret.
– Seul un morceau est nécessaire, rétorqua Karn. Ma tête, elle peut être séparée de mon corps. »

Tezzeret se pencha et saisit les côtés du cou de Karn. Il tâtonna autour de lui, et bien sûr, ses doigts trouvèrent un mécanisme de verrouillage assez simple qui ressemblait à une boucle qui maintenait la tête du golem en place. Il défit le loquet, donna une demi-torsion à la tête de Karn, la libérant du reste de son torse. Tezzeret leva la tête pour qu'il puisse la regarder.

« Ce n'est pas un choix de conception que j'aurais fait, avoua-t-il. Un lien magique est plus sûr.
– Mon créateur faisait plus confiance à ses talents d'artificier qu'à n'importe quel sort. »

Il n'avait jamais pensé à l'individu qui avait créé Karn. Pour avoir construit un tel être, son créateur devait être quelqu'un de talentueux et d'important – pas comme son propre père, un rebut sans valeur qui avait manipulé Tezzeret pour qu'il se débarrasse de l'étherium sans partager les bénéfices.

« Allons-y. » Tezzeret ramassa le manteau et le drapa sur le reste du corps de Karn. Puis, selon les instructions de Karn, il toucha la tête du golem contre la porte en acier sombre. Tezzeret commença à ressentir un étrange picotement dans ses doigts, une étrange pression qui s'étendit sur son bras.
« Ne t'inquiète pas, expliqua Karn. Je redirige les énergies naturelles du métal dans ton corps pour qu'elles s'harmonisent avec la porte. Plus que quelques instants. » Fidèle à sa parole, les efforts de Karn firent glisser la porte. Tezzeret passa la tête de Karn sous un bras et, de l'autre, il se glissa dans l'embrasure de la porte. Une fois à l'intérieur, Tezzeret lança un sort pour faire briller son bras métallique d'un bleu électrique froid, illuminant son chemin vers les marches incurvées qui menaient à la chambre supérieure.

Tezzeret nota les différences par rapport à la dernière fois qu'il était venu ici. Finies les marques de brûlure sur les murs, tout comme le trône d'horlogerie et les orbes flottants et fissurés. Tout était propre. Sur deux des murs étaient suspendus ce qui ressemblait à des étagères métalliques parfaitement dimensionnées pour retenir les humains, et au centre de la pièce se tenait l'objet du voyage de Tezzeret – un monolithe allongé en forme de losange qui lui permettrait de voir n'importe quelle partie de la Nouvelle Phyrexia.

« L'Œil de sombracier, dit-il à Karn. Je n'ai pu l'utiliser qu'une poignée de fois lorsque j'espionnais pour Nicol Bolas. Mais quand je le faisais, même à moitié brisé, il s'est avéré assez perspicace.
– Si Elesh Norn a restauré l'œil, avertit Karn, il ne montrera que ce qu'elle veut que tu voies.
– J'en jugerai par moi-même. » Tezzeret posa la tête de Karn sur le sol et toucha la surface de l'Œil de sombracier. L'une des facettes s'ouvrit et il entra. Comme le Panoptique, l'œil avait été restauré à pleine fonctionnalité. Chacun de ses écrans de visualisation en forme de miroir était immaculé, et lorsqu'il toucha le panneau de commande, ils s'allumèrent, l'inondant de visions des différentes couches de la Nouvelle Phyrexia.

Ne cherche que la certitude.

Tezzeret regarda des images de chaque couche du plan. Des légions étaient rassemblées et équipées pour la guerre. Il connaissait l'ampleur des opérations. Les praetors n'hésitaient pas à se vanter. Mais alors qu'il était témoin de la taille des forces rassemblées, il commença à se demander comment une telle armée serait déployée sur d'autres plans. Il avait supposé que le Pont planaire serait la clé des efforts d'invasion d'Elesh Norn, mais il ne pourrait jamais transporter une force aussi énorme, une force qui dépassait de loin l'armée d'éternels de Bolas.

Alors comment va-t-elle faire ? se demanda-t-il. Alors qu'il tournait les boutons du panneau de commande pour changer les vues et les angles visibles à l'écran, il découvrit que deux endroits réussissaient à défier l'intrusion de l'œil. L'un, en déduisit-il, était le domaine d'Urabrask. Il n'était pas surprenant que le praetor irascible du Calme Fourneau ait pris soin de contrecarrer la surveillance extérieure. L'autre endroit insaisissable était le sanctuaire d'Elesh Norn.

Tezzeret claqua son poing sur le panneau de commande, provoquant l'extinction des écrans et la réouverture de la porte. Karn avait raison. Il aurait été insensé de la part d'Elesh Norn de permettre à n'importe quel appareil, en particulier le sien, de trahir ses secrets. Une précaution sensée, mais non moins rageante. Il recula dans la chambre principale du Panoptique.

« As-tu vu ce que tu désirais ? » demanda Karn.
Tezzeret fronça les sourcils face à l'insolence de Karn, réprimant l'envie de frapper le Planeswalker autrefois puissant. « J'ai vu l'annihilation, dit-il en appuyant son dos contre l'Œil de sombracier et en s'effondrant au sol. Le destin qui nous attend tous.
– Le destin que tu as contribué à bâtir.
– Ne me sermonne pas, le coupa Tezzeret. J'étais là, tu te souviens ? Quand le pétrole t'a eu sous son emprise ? Babillant de manière incohérente une seconde et ordonnant l'exécution des prisonniers mirrans la suivante. C'est ta folie !
– Ce que tu dis n'est pas faux, se repentit Karn. Une fois, j'ai cru que ma responsabilité – la responsabilité de tous les Planeswalkers – était de créer, d'accueillir de nouvelles voix et de les guider. Je voulais qu'Argentum soit un refuge à l'abri de la guerre et de la douleur.
– Ils finiraient par te trouver, lui asséna Tezzeret. La guerre et la douleur... Elles sont insatiables. Inarrêtables. Avec mille visages et mille noms.
– Comme Nicol Bolas.
– Je le détestais, tu sais, » avoua Tezzeret en touchant les tatouages ????en forme de corne sur son front – des marques censées lui rappeler où sa loyauté était censée se situer. « Il ne m'a jamais laissé oublier la dette que je lui devais – la vie qu'il m'avait rendue après que Beleren m'a laissé comme une coquille vide et stupide. Permets-moi de te remercier officiellement de m'avoir débarrassé de lui.
– Nous n'avions pas le choix, dit Karn. Il menaçait tout le Multivers. »
À cela, Tezzeret éclata de rire : « Oh, Père des Machines, c'est bien ! Tu sais, après avoir quitté ce plan, je suis retourné voir Bolas. Il voulait savoir si les Phyrexians avaient atteint le voyage interplanaire, et je lui ai dit la vérité : ils n'avaient pas réussi. Mais, s'ils le faisaient, ils seraient une force du chaos, un danger pour quiconque chercherait à régner. J'ai suggéré que ton précieux plan soit éliminé avant que cela n'arrive, et à ma grande surprise, il a accepté. Son premier acte en tant que dieu-empereur aurait été d'effacer la Nouvelle Phyrexia de l'existence.
– Et en échange, tout ce que nous avions à faire était de mourir, laissant tous les autres être ses loyaux sujets.
– C'est toujours si simple pour toi, pout vous tous, imbéciles minaudeurs qui prétendez que vos mains sont si propres ! Les héros brillants viennent éradiquer le vil, le profane, le mal ! Tezzeret sentit son masque de convivialité se consumer. « Tu parles de nos responsabilités ? Tu aurais pu assumer la responsabilité de vos choix – embrasser votre position de seigneur de la Nouvelle Phyrexia. Cela aurait sûrement été mieux que le « paradis » promis par Elesh Norn ! » Il trébucha et ramassa la tête de Karn. « Chaque jour que je vis est un jour de plus pour lequel je me suis battu ! Chaque respiration que je prends est une plus proche de...
– De quoi ? »

La liberté. C'est ce qu'il voulait dire. Mais dans le même souffle, un autre mot glissa sur ses lèvres. Du parachèvementSon esprit filait d'une idée fugace à l'autre. Depuis sa première arrivée sur la Nouvelle Phyrexia, il avait été protégé de l'influence du pétrole luisant grâce à une inoculation fournie par Nicol Bolas. Mais si... Et si la protection avait diminué sans le dragon vivant pour la renforcer ? Ou pire, et si les traitements dans les forges de Kuldotha avaient introduit quelque chose de pire que le Pont Planaire dans son corps ? Quelque chose de plus insidieux ?

La peau est la prison des bienheureux.

« Tu les entends, n'est-ce pas ? dit Karn. Fais attention. Ne pose pas de questions. Suis. Deviens et appartiens. Les mêmes voix que j'ai entendues quand le pétrole avait le contrôle de mon cœur.
– Ferme-la ! » Tezzeret retira sa main, la transforma en pointe de lance, et avec son bras tremblant de rage, posa sa pointe sur le front de Karn. Il fixa le visage de Karn, l'expression du golem aussi placide que lorsque les prêtres d'Elesh Norn l'avaient déchiqueté. « Crains-tu ta propre fin, Karn ?
– Oui, reconnut-il. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'empêcher. Mais ce n'était pas assez. Pas assez. »
Tezzeret baissa la main. « Elle soupçonnera quelque chose si tu es blessé. » Il redescendit à travers la tour, rattacha la tête de Karn à son corps et partit à la recherche d'Elesh Norn.



Tezzeret serpentait dans le Jardin de Mycosynthèse en suivant la pente du terrain au fur et à mesure qu'il s'enfonçait, pensant chercher le point le plus bas possible sur le plan. Son pari s'avérait juste, car il tomba sur un escalier nouvellement construit en plein centre du jardin. Il ne se souvenait ni de l'escalier ni des pousses étranges et épineuses qui avaient remplacé la Mycosynthèse lors de ses précédentes visites aussi loin dans le plan.

Tezzeret se souvint de ce qu'il y avait sous ses pieds. Le cœur même de la Nouvelle Phyrexia. L'ancienne salle du trône de Karn. Pendant qu'il descendait les marches et pénétrait dans un tunnel obscur, il prépara un sort en cas d'attaque. S'il s'en souvenait bien, il avait fini par arriver devant une porte métallique de la largeur et de la hauteur d'un géant, ornée d'engrenages et de rouages. Mais il n'y avait pas une telle porte. Au lieu de cela, l'embouchure du tunnel débouchait dans ce qui avait été la chambre en forme de gouffre où siégeait le trône de Karn. Seulement, le trône n'était plus visible sous un enchevêtrement de câbles épais et blindés qui s'enroulaient autour de lui, en spirale jusqu'au plafond de la chambre. La scène était baignée d'une lueur, rouge, qui pulsait.

Un battement de cœur.

Tezzeret suivit les racines de la structure en forme d'arbre jusqu'à sa base, à côté de laquelle se trouvait un péristyle, au centre duquel se trouvait un bassin réfléchissant. Elesh Norn était assise au bord du bassin, son corps de porcelaine recouvert d'un capuchon couleur de sang.

La Mère des Machines leva les yeux à son approche.

« Tezzeret, dit-elle d'une voix douce qui transperça l'air épais. Nous espérons que ton voyage jusqu'ici a été agréable.
– Sans incident, » répondit Tezzeret. Elle semblait être de bonne humeur. Un mauvais signe en soi, présuma-t-il. Mais à court terme, cela augurait du bien pour lui. Il était prêt – prêt à recevoir son corps de sombracier et à laisser les Phyrexians s'entretuer. Le Multivers était un endroit presque infini. Il y avait des endroits où se cacher, où disparaître. Pour survivre. « J'ai fait ce que vous m'avez demandé. » Il retira le manteau des morceaux du corps de Karn, ce qui se lever et s'incliner Elesh Norn.
« Père, » dit-elle. Les bretelles en acier sombre se libérèrent à son contact, lui permettant de prendre le torse de Karn dans ses mains. « Nous te souhaitons la bienvenue dans notre œuvre d'excellence. »

Karn ne dit rien.

« Les choses ont été difficiles entre nous, reconnut-elle. Mais quand tu apprendras comment nous avons réalisé ton rêve, tu comprendras pourquoi nous avons fait ce que nous t'avons fait, ce que nous allons te faire. Pas comme punition, non. Mais comme pénitence, pour montrer que personne, pas même notre patriarche bien-aimé, n'est irréprochable.
– Votre œuvre est en effet formidable, Mère, déclara Tezzeret. Mais je crois que nous avons aussi des affaires inachevées. Ma récompense.
– Pour un service fidèle, oui, se rappela-t-elle. Vous nous avez montré une telle grâce, Tezzeret. Nous ne pourrions pas avoir notre Brise-royaume sans vous. »

Tezzeret se souvenait d'être resté dans la salle du trône d'Elesh Norn dans la Belle Basilique lorsqu'elle lui avait fait signe d'ouvrir un portail vers Kaldheim. La matrice énergétique du Pont Planaire avait jailli de sa poitrine, baignant son corps dans un vortex de feu électrique. L'endosquelette brûlant de Vorinclex s'était échappé du portail rouge, une griffe raclant le sol et l'autre serrant une bouteille, qu'un des aspirants d'Elesh Norn emporta. Cette bouteille... elle devait contenir l'essence de l'Arbre-Monde de Kaldheim. Et maintenant, les Phyrexians avaient le leur.

Brise-royaume. C'était sa faute. Il était directement responsable.

Elesh Norn sourit. « Nous avons décidé que vous serez notre héraut sur Dominaria. Il reste des intrus sur le plan qui complotent contre nous – des Planeswalkers de votre connaissance. Vous dirigerez l'effort pour les éclairer sur l'erreur de leurs voies.
– Retour à Dominaria ?
– Patience, patience. »

Patience ? Combien de fois avait-il entendu ce mot passer devant lui à la place de ce qu'il méritait ? C'est alors qu'il comprit : Elesh Norn n'avait aucune intention de tenir sa promesse. Son plan pour lui était de l'utiliser jusqu'à ce qu'il ne puisse plus être utilisé, puis de le mettre de côté ou pire, de l'écorcher et de le reconstruire pour qu'il soit un autre chien de garde comme Ajani. Qu'il s'agisse des Quêteurs, de Nicol Bolas ou des praetors de Phyrexia, aucun de ceux qui l'avaient trahi de cette manière ne serait jamais épargné par sa colère. Pas maintenant. Jamais.

Il fixa Elesh Norn des yeux, versant tout son mépris, toute sa rage, toute sa haine dans son image afin qu'il n'oublie jamais ce moment – ce moment où tout devenait clair. Si c'était une guerre qu'Urabrask voulait, il obtiendrait une telle guerre. Tezzeret s'en assurerait.

À l'extrémité du bassin réfléchissant, Elesh Norn plaça le torse de Karn sur un piédestal couronné de vignes blanches en porcelaine. Elle inclina la tête.

« Tu n'as vraiment rien à dire ? Après tout ce temps ? Nous sommes une famille, après tout. »
C'est alors que Karn parla enfin : « Djoïra... Djoïra est mon amie... ma meilleure amie. Nous nous sommes rencontrés dans l'Académie d'origine, avant que l'accident ne nous chasse de Tolaria. Elle m'a donné mon nom. Karn... un ancien nom Thran, disait-elle... Elle a dit que cela signifiait...
– Assez, cracha-t-elle. Il est évident que le stress de cette journée t'a épuisé. »

Bien joué, Karn, pensa Tezzeret. En position de faiblesse, oui, mais toujours dans la partie.

« Repose ton esprit, Père. » Elesh Norn caressa le visage de Karn comme une mère le ferait avec un enfant malade. « Lorsque notre grand-œuvre sera accompli, vous vous prélasserez dans la joie de la perfection avec le reste du Multivers. » Puis elle leva les yeux vers Tezzeret. Finie la façade d'amabilité, remplacée par le ténor glacial de sa voix. « Vous êtes encore là. Pourquoi ? »

Avec un grognement, Tezzeret se retourna et s'éloigna.








Tezzeret entra dans le complexe de grottes caché au plus profond du cratère Cometia, à Shiv. Avant l'attaque de la Plate-forme de Mana, ces tunnels regorgeaient de troupes phyrexianes. Désormais, il ne restait plus qu'une petite compagnie de centurions et de négateurs en état de combattre. Un bon nombre d'entre eux avaient subi des blessures flagrantes – des appendices coupés, des pans entiers de leur corps brûlés ou réduits en gelée – les obligeant à récupérer les corps du site de bataille pour les utiliser comme matière organique. Aussi dommageables que ces pertes aient été, le coût réel pour les Phyrexians était le manque de direction laissé par la détonation de la Plate-forme de Mana. Tezzeret comprenait que de tels revers étaient la véritable mort d'une quête, qu'elle soit noble ou autre.

Pas de gâchis, pas de pensée.

« Rona, dit Tezzeret au nouveau chef des opérations sur Shiv. Rapport de situation.
– Je ne te réponds pas, rétorqua Rona. Sheoldred m'a laissée en charge.
– Vois-tu Sheoldred par ici ? » Sa patience pour les discours épuisée depuis longtemps, Tezzeret étendit d'un coup son bras de métal et lui transperça l'épaule d'une longue et fine pointe. Rona la saisit, forçant Tezzeret à s'éloigner. Il recula, impressionné. Rona avait mis en place ses propres augmentations depuis leur dernière rencontre. Bon à savoir. Au lieu de poursuivre l'attaque, Rona appela ses lieutenants – l'un était un centurion équipé d'une paire d'ailes écailleuses, et l'autre une conception plus charnue avec des bobines de câbles noués en guise de bras – pour intervenir dans la bataille. Ce fut son erreur. Sous les Thanes d'Acier, les démonstrations de force et de puissance étaient l'ensemble de la loi. Ses lieutenants n'allaient pas intervenir.

Elle les appela à nouveau, et Tezzeret utilisa cette distraction momentanée pour lancer un sort qui multiplia la masse de métal dans son corps, l'écrasant au sol. Il plaça sa main – sa main organique – paume vers le haut sur son épaule. « On m'a dit que la chair non protégée met quelques secondes à se vaporiser dans les Éternités Aveugles. Dans ce court laps de temps, j'imagine que l'on se sentirait... une douleur indescriptible. Mais, comme je l'ai dit, ce sera vite fini. Soi-disant. Tu veux voir ?
– Non. »
Tezzeret se pencha près de son visage. « Rapport de situation, » gronda-t-il, avant de dissiper sa magie.

Rona regarda Tezzeret tandis qu'elle reprenait pied. « Nous avons subi des pertes.
– C'est très évident. Avez-vous appelé des renforts ?
– Oui, mais nos cadres sont déjà déployés sur leurs positions. Les armées ennemies se sont rassemblées à Bénalia, Corondor et dans la Krosa. Il reste peu de forces à épargner.
– Hmph. Combien de temps faudra-t-il pour que nos troupes soient entièrement restaurées ?
– Quelques semaines. Un mois au maximum. »

Eh bien, pensa Tezzeret. Il fronça les sourcils, feignant d'être inquiet. Nous verrons lequel de nous est le plus patient, Mère bien-aimée.

« Vos espions. Ont-ils surveillé les Planeswalkers ?
– Oui. Ils ont quitté Shiv, dit Rona. Mais nous avons pu les retrouver jusqu'à la Nouvelle Argive. »

La Nouvelle Argive ? Qu'est-ce qui les amenait là ? Pour autant qu'il le sache, la Nouvelle Argive avait été entièrement infesté par les forces phyrexianes. Il aurait été suicidaire de chercher refuge dans les murs d'Argivia ou de l'une des autres grandes colonies. À moins de ne pas essayer d'obtenir de l'aide de leurs anciens alliés. Étrange.

« Qu'en est-il des troupes spéciales laissées à tes soins ? L'élite de la mère ? »
Un sourire apparut sur le visage de Rona. « Nouvellement entier et attendant leurs commandes.
– Excellent, souffla Tezzeret. Une grande famille heureuse. »

Alors c'était comment ?

     
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Le Dark Mogwaï

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Une fois ils avaient monté une scène de théâtre ici... Il y avait un couple de jeunes amoureux qui devaient s'enfuir et se marier malgré leurs parents. Le garçon n'avait pas d'argent mais un noble bienfaiteur proposait de l'aider. Sauf qu'en fait, cet affidé sournois était à la solde du père et voulait supprimer le garçon et en plus, le véritable dessein malveillant de ce bâtard du feu de l'enfer était, au bout de cette manœuvre du diable, d'épouser lui-même la fille ! Je sais tout ça parce que ce misérable scoriacé enfumé croyait tellement son intelligence irrésistible qu'il ne se gênait pas pour exposer ses plans à long terme à toute l'assistance en concluant avec un rire atroce, comme s'il ne craignait rien. Je peux te dire qu'avec les potes, à l'entracte on est allé se chopper cette hyène rieuse dans les coulisses, il a pas vu le dernier acte.

— Les mémoires de Bud, pilier de taverne

Proposé par Rincevent le 08/12/2016

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