Dathëdr défit alors les enchantements qu'il avait mis sur les portes, puis rendit le trio de nouveau invisible. Ils sortirent du château en silence, se mirent dans un coin de la forêt et commencèrent à parler, mentalement et toujours cachés à d'éventuels regards malveillants.
Partie VII : Encore dans la forêt
Evandar prit la parole :
— Kabrura, on t'a laissé faire jusqu'à maintenant, mais il faut que tu nous dises qui tu es vraiment.
— Comment ça ?
— Tu connais parfaitement tous les détails de l'histoire du Roi, même de celle de son enfant illégitime, que très peu de Rhox connaissent, encore moins dans tous ses détails, et tu l'as en plus déjà vu, étant donné que tu as été capable de nous dire que ce n'était pas lui. Et tu sais aussi protéger ton esprit, ce qui n'est appris qu'aux nobles personnes.
— En effet, vu ainsi... J'imagine qu'il est temps de tout vous raconter.
Il prit une longue inspiration, leva son regard vers la cime des arbres, comme tourné vers un lointain passé, et se mit à parler.
— Je suis en réalité le frère de Rhicérock Ier. Il était l'aîné, moi le cadet. Quand il a accédé au trône, j'ai préféré partir pour visiter d'autres contrées, apprendre les techniques de combat et stratégies de guerre des autres peuples, voir du pays... Mais j'ai toujours gardé des amis à moi dans le royaume, et ce sont eux qui m'ont tenu au courant, fait parvenir des portrait de Rhibrax réalisés par les espions de l'ancien Roi...
— Parfait. Maintenant que tu as confirmé nos soupçons, nous pouvons continuer tranquillement. Ne pense pas que nous te croyons sur paroles ; seulement les bribes que Dathëdr a glané quand tu n'étais pas sur tes gardes, ou étonné, confirment ton histoire. Sinon.... Nous aurions été obligés d'aller la chercher dans ton esprit – de gré ou de force. Je suis heureux de ne pas avoir à en passer par là.
— Bon, maintenant, dis-nous où se trouve, à ton avis, Rhibrax.
— Hum... Il n'est pas dans son château principal. Connaissant ses traits de caractères tels que l'on me les a rapportés, il ne supporterait pas de vivre dans un château secondaire. Je ne vois qu'un seul endroit ou il pourrait se cacher : le coin de forêt où il s'est exilé, là où il a créé et amplifié son armée, son repaire secret.
— Mais comment le trouver ? Et ensuite, y accéder ?
— Trouver l'endroit va être facile : c'est le coin le plus sombre de la forêt, le plus maléfique. Pour ensuite accéder à son repaire, je ne sais pas trop... Surtout qu'il sera prévenu dès que l'on sera entré dans sa zone, invisible ou non – certains de ses espions ne se servent pas que de leurs yeux, il a toutes sortes de bêtes à son service – et je ne sais exactement où elle commence...
— Intéressant... Il ne va pas aimer ce que l'on va lui faire.
Les deux Elfes se mirent en position assise, les jambes repliées devant eux, face à face.
Soudain, sans un seul signe avant-coureur, s'éleva un chant, un chant magnifique, plus beau que tout autre existant, un chant d'une incomparable beauté, mais aussi d'une telle puissance, d'une telle force qu'il semblait vibrer de pouvoir, de puissance retenue et maîtrisée, et même modifier la trame du présent...
Les deux Elfes s'étaient mis à chanter, et leur chant n'était pas seulement l'addition de deux voix et de deux pouvoirs, mais aussi une harmonie au-delà de l'entendement, une harmonie quasi-céleste, et tissait un enchantement si envoûtant et si subtil que la forêt en frémissait...
C'était de l'Elfique, mais les sons coulaient dans l'oreille sans même que l'on ne s'en rende compte, et le sens apparaissait, même sans connaître l'Elfique. C'était une ode à l'Amour, à la joie, à la beauté, à l'amitié, à l'honneur, à la pureté... Jamais dans la forêt n'avait retenti un son aussi beau, aussi émouvant, aussi étincelant...
Les sons glissaient dans l'oreille, et l‘on comprenait alors, c'était une demande de purification...
On sentait naître, de l'harmonie des deux Elfes, une gigantesque puissance, une force salvatrice d'une ampleur inouïe... Cette force prit la forme d'une entité, faite de pureté, de bonté, de soleil, tout ce que la forêt avait laissé derrière elle depuis la domination de Rhibrax...
Et, plus cette force grandissait, plus on sentait la forêt et ses habitants se battre... Puis se débattre... Le chant continuait, les deux Elfes ne cessaient de se gorger d'énergie, l'entité de grandir...
Puis, soudain, on sentit que le chant en arrivait à son point d'orgue, à son maximum, à son paroxysme, et l'on sentit que la forêt n'en pouvait plus de résister, qu'elle était à bout de force...
Et brutalement, l'entité née du chant éclata en des milliards de minuscules fragments, qui filèrent dans toutes les directions, telle une immense vague, une onde d'une dimension infinie...
Et partout où les fragments étaient passés, les bêtes sauvages retrouvaient leur état normal, les immondes créatures mises au monde ou modifiées par Rhibrax furent repoussées dans son repaire, et la forêt fut purifiée, perdit cette noirceur, cette méfiance, qui les oppressait depuis qu'ils y étaient entrés...
C'est alors qu'on entendit un bruit, comme une épée qui rebondit sur un bouclier, un son discordant, aigüe...
Le repaire de Rhibrax était protégé par une barrière magique que le chant des Elfes, de si loin, ne pouvait percer. Mais ils savaient maintenant où chercher.
Ils se levèrent donc, emmenant Kabrura, en direction du repaire du fils bâtard du Roi.
Ils arrivèrent devant, une partie de la forêt encore recouverte d'une ombre noire, une ombre malsaine, fétide.... Les Elfes se remirent alors assis, en tailleur, à chanter...
Le chant se modula, et les deux Elfes repartirent sur un rythme plus sauvage, plus vigoureux...
Le chant s'éleva crescendo, enflant lentement, de plus en plus hardi, puis atteint son apothéose, dans une note si vibrante que toute la forêt en trembla..... Kabrura se rendit compte que le sol de la forêt continuait de trembler, et l'on vit alors des dizaines de bêtes sauvages, ours, loups, sangliers, .... charger de toute leur vitesse vers le repaire de Rhibrax, encornant, déchirant à coups de crocs et de griffes, projetant à terre, piétinant les bêtes qui étaient massées autour, de sorte que bientôt, il ne resta plus que Rhibrax de noir ; la forêt entière avait retrouvé sa verdure, sa vraie nature.
Le chant fut encore une fois modulé, et à ce moment-là, Rhibrax apparût, chassé de son repaire par la foule des animaux de la forêt emplis de fureur par ses noires expériences...
Le chant était maintenant plus guerrier, plus violent...
Et ce fut un dôme d'une incroyable taille qui apparut, un dôme qu'on aurait cru tissé de fils d'or pur, qui isola du reste de la forêt Rhibrax et Kabrura ; et alors le combat s'engagea...
Cependant, cette fois, il était clair que Kabrura n'avait pas le niveau. Rhibrax attaquait, parait, feintait, virevoltait avec une grâce incroyable, une aisance que l'on n'aurait jamais crue possible pour un corps si massif... Et Rhibrax ne pouvait que parer, même pas esquiver, sans même parler d'attaquer...
Malgré tout ce qu'il avait pu apprendre, Rhibrax lui était nettement supérieur. Le sombre souverain jouait avec lui comme un chat avec une souris, et Kabrura ne pouvait rien faire, réussissant tout juste à parer les coups de son ennemi, sans être jamais en position d'attaquer, ni de riposter...
La situation semblait perdue...
Les deux Elfes, apparemment plongés dans leur chant, n'en était pas moins conscients, et ils tentèrent une ultime chose :
Le chant se changea encore, et l'on crut entendre l'histoire même des Elfes condensée en quelques minutes, depuis leur arrivée en Alagaësia jusqu'à la Chute des Dragonniers, et même plus encore, en passant par la Guerre des Dragons, et en finissant par les aventures d'Evan et de Dathëdr depuis qu'ils avaient quittés leur plan...
Rhibrax, tout en continuant à bretter, perçut cette modification et invoqua une autre des barrières magique protégeant son repaire, la modifiant pour isoler Kabrura du chant des Elfes...
Sans cesser leur chant, les deux Elfes se mirent alors à sonder mentalement la barrière, plaçant des attaques ci et là, testant les limites de ce dôme qui isolait Kabrura du son...
Rhibrax avait une volonté d'acier, dans un esprit de fer, et percer cette barrière mentale, mais non physique, aurait pris plus de temps qu'il ne lui en fallait pour achever Kabrura...
Dès lors qu'ils s'en rendirent compte, les Elfes décidèrent de s'attaquer à l'esprit de Rhibrax lui-même. Se sentant assailli, celui-ci blinda immédiatement son esprit ; mais cette fraction de seconde de flottement suffit à le déconcentrer très légèrement. Et son mur fut soudainement parcourut d'une minuscule fissure, mais d'une fissure quand même. Les Elfes, qui n'attendaient que ça, se jetèrent de toutes leurs forces dans la fissure, faisant éclater le mur en lambeaux de leurs deux puissances réunies.
Alors, chose incroyable, toute la science du combat elfique fut transmise à Kabrura, ainsi que des capacités dépassant de loin celle d'un Rhox normal.
Cela suffirait-il cependant ? Rhibrax, gorgé de mana noir, et qui avait eu des années pour s'entrainer, restait un très redoutable combattant... Toutefois Kabrura lui faisait des feintes, des parades et des esquives qui le déstabilisaient de plus en plus...
A cet instant, Rhibrax, sentant la défaite venir, se fendit, de telle sorte que la hache de Kabrura puisse l'atteindre au cou ; mais faisant ainsi, il pouvait lui aussi tuer Kabrura d'un coup de son arme dans la poitrine.
Les deux haches scintillèrent dans le clair de lune, avant de prendre chacune une vie. La tête de Rhibrax roula au sol ; la hache de Kabrura tomba à terre, juste à côté de Kabrura lui-même, la poitrine traversée de part en part par l'arme de Rhibrax...
Et le chant changea alors de registre, pour la dernière fois.
Il était à présent triste, d'une tristesse infinie, racontant la peine du monde entier, les pleurs d'un peuple envers leur sauveur qui s'était sacrifié pour les protéger, mélancolique, grave. Le chant était à en pleurer....
Sous l'effet de cette mélodie, un rayon de lumière surgit de la terre, enveloppant complètement Kabrura ; les deux parties se rapprochèrent petit à petit, se recollèrent, puis bientôt il n'y eut plus un seul signe visible permettant de dire que, moins de quelques minutes auparavant, ce corps était séparé en deux...
Le corps fut secoué d'un tremblement, et la lumière disparut.
La poitrine de Kabrura recommença alors à se soulever et à s'abaisser, et bientôt il s'assit, regardant les deux Elfes.
« — Incroyable.... Vous avez donc le pouvoir de ressusciter les gens ?
— Non, pas du tout.
— Mais alors... Comment... Que... Pourquoi ne suis-je pas mort ? Qui ?
— Nous, non, on ne le possède pas. Mais Gaïa, oui.
— Com.... Comment ça ?
— Tous ces chants... Ce n'était que des appels à la puissance de Gaïa. Nous n'avons fait que canaliser une infime partie de cette énergie vers des buts bien précis. Gaïa n'appréciait pas ce qui se passait dans cette forêt, et c'est donc pourquoi elle a été si rapide à nous répondre.
— Incroyable.... »
Kabrura, de par sa naissance, ses faits de gloire et son amitié avec les deux Elfes, devint alors Roi de tous les Rhox qui avait survécu à cette sombre période. Il garda contact avec les Elfes et fréquemment, ceux-ci passent dans la forêt, qui les accueille maintenant avec joie – quand ils n'ont pas à faire ailleurs, notamment pour la SMF... Kabrura, quant à lui, était marqué à jamais par la magie des Elfes et de Gaïa, et même à un âge très avancé, aucun Rhox ne put arriver à le terrasser en combat singulier ; il fut par ailleurs un très bon Roi, alliant la poigne de son frère à sa gentillesse propre.
( Je remercie tout particulièrement AkaiKen, qui m'a aidé depuis le début, et Exterminateur, à qui la dernière partie ( la 3 ) doit de nombreuses modifications )
L'histoire d'un Elfe - Partie 3
L'histoire d'un Elfe - Partie 3
Dathëdr défit alors les enchantements qu’il avait mis sur les portes, puis rendit le trio de nouveau invisible. Ils sortirent du château en silence, se mirent dans un coin de la forêt et commencèrent à parler...
Dathëdr défit alors les enchantements qu’il avait mis sur les portes, puis rendit le trio de nouveau invisible. Ils sortirent du château en silence, se mirent dans un coin de la forêt et commencèrent à parler...
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