Citation :
Jedrin : Je t'écris ceci depuis un arbre creux, quelque part dans la Filandre. Affamée et fatiguée, il me faut néanmoins t'écrire, et implorer les dieux (mais lesquels ?) que cette missive te parvienne.

J'irai droit au but : le Rey-Goor se meurt. Les Phyrexians... ils ont... Je m'égare, commençons par le commencement. Depuis la disparition du Sombrecouvent, le Rey-Goor est sec comme un câble prêt à céder. Tu as dû t'en rendre compte ; c'est peut-être pour ça que tu t'es porté volontaire pour une mission qui t'a éloigné de moi. Peu après ton départ, médisances et querelles intestines ont atteint des sommets. Il fallait que ça craque.

C'est ce qui s'est produit quand les Phyrexians ont attaqué. Bien que fortuite, l'occasion fut parfaite pour mettre à l'épreuve nos nouvelles armes et tactiques. Nous avons tenu bon... jusqu'à l'arrivée de leur général. Un vampire, je le sus d'emblée... Qui dominait les Phyrexians comme il nous dominait, étincelant et affuté. Il se fraya un chemin dans nos rangs comme la faux dans un champ de blé. J'esquivai de justesse l'un de ses coups... Et c'est alors que je le vis.

Sur l'un de ses rares lambeaux de peau restante, il portait un tatouage en forme de rouage cerclé de serpents... comme celui qu'arborait fièrement Ixthal du Sombrecouvent. Tout à côté, je vis une cicatrice incurvée, réplique exacte de la blessure infligée à Unis, camarade de clan d'Ixthal. Je crois que c'est à ce moment que j'ai rompu les rangs et détalé, à ma grande honte.

J'ignore s'il faut te demander de revenir pour aider à sauver le Rey-Goor, ou t'implorer de fuir... même si cela signifie que nous ne nous reverrons jamais. Agis selon ton cœur. Quelque soit ta décision, je m'y résoudrai de bonne grâce.

Je suis lasse, Jedrin. Après avoir confié cette lettre à un éclaireur, j'irai me reposer. Quoi que je fasse par la suite, quoi qu'il arrive... Il faudra que ça attende. —Sindra

Citation :
La requête de Sheoldred et ses menaces à peine voilées ont résonné comme le tonnerre à mes oreilles, bien qu'elle s'exprime en susurrant et qu'il m'ait fallu me pencher trop près à mon goût pour entendre ces paroles tant redoutées. Je savais qu'un tel jour viendrait. La Susurrante sait beaucoup de choses sur ce qui se trame, à l'intérieur de son domaine comme à l'extérieur. C'était folie de croire que j'échapperais longtemps à sa perspicacité.

Les Érudits nocturnes m'ont pratiquement traîné de force jusqu'à la salle du trône, me faisant doubler tous les imbéciles alignés en attente d'une audience. Sheoldred eut un rictus cruel en me voyant approcher, et congédia tous ceux venus pour la voir. Quand il ne resta plus qu'elle et moi, elle susurra : « Hello, petit espion mirran. »

Je me figeai, la bouche soudain sèche comme un parchemin tandis que j'entendais le sang cogner contre mes tympans. Je ne m'attendais pas à une approche aussi directe. Je ne pus que hocher la tête en guise de réponse.

« Oui, je sais ce que tu es. Ne suis-je celle qui sait tout ? J'ai une mission pour toi. Je veux que tu tues Karn. »

« Qui ? rétorquai-je d'une voix caquetante. (Je déglutis puis réessayai.) Qui est ce Karn ? »

« Karn est l'usurpateur qui prétend être le Père des Machines. Il est fou, délirant et faible, et je veux qu'il meure afin de prendre sa place. (À nouveau, sa franchise me condamna au silence.) Bien sûr, si tu choisis de ne pas accéder à ma requête, cela pourrait me faire un secret de moins à porter. (Elle me gratifia d'un nouveau sourire mauvais.) Mes serviteurs vont te montrer le chemin. »

Deux Érudits nocturnes me firent sortir de la salle d'audience. Dès le palier franchi, la foule massée au dehors afflua pour se remettre en file dans un silence de mort. Nous nous arrêtâmes, et un Érudit nocturne me désigna une citadelle dans le lointain, puis me poussa dans sa direction. Je ne rentrerai jamais chez moi, pensai-je alors.